La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/1980 | CANADA | N°[1980]_2_R.C.S._181

Canada | Shell Canada Ltd. c. Travailleurs Unis du Pétrole du Canada, [1980] 2 R.C.S. 181 (27 juin 1980)


Cour suprême du Canada

Shell Canada Ltd. c. Travailleurs Unis du Pétrole du Canada, [1980] 2 R.C.S. 181

Date: 1980-06-27

Shell Canada Limited Appelante;

et

Travailleurs Unis du Pétrole du Canada, Local 1 et Travailleurs Unis du Pétrole du Canada, Local 2 Intimés;

et

Claude Lauzon Mis en cause.

1980: 8 mai; 1980: 27 juin.

Présents: Les juges Martland, Dickson, Beetz, Estey, McIntyre, Chouinard et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec[1], infirmant

un jugement de la Cour supérieure[2]. Pourvoi accueilli.

Graham Nesbitt et Stephen Halperin, pour l’appelante.

Gino Castigl...

Cour suprême du Canada

Shell Canada Ltd. c. Travailleurs Unis du Pétrole du Canada, [1980] 2 R.C.S. 181

Date: 1980-06-27

Shell Canada Limited Appelante;

et

Travailleurs Unis du Pétrole du Canada, Local 1 et Travailleurs Unis du Pétrole du Canada, Local 2 Intimés;

et

Claude Lauzon Mis en cause.

1980: 8 mai; 1980: 27 juin.

Présents: Les juges Martland, Dickson, Beetz, Estey, McIntyre, Chouinard et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec[1], infirmant un jugement de la Cour supérieure[2]. Pourvoi accueilli.

Graham Nesbitt et Stephen Halperin, pour l’appelante.

Gino Castiglio, pour les intimés.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE CHOUINARD — Ce pourvoi porte sur la compétence d’un arbitre à entendre et disposer d’une réclamation en dommages-intérêts par un employeur en raison d’une grève illégale.

Cette grève a eu lieu à Montréal entre le 3 et le 18 janvier 1975. Dans le cas du local 1, l’appelante réclame $302,600 et dans le cas du local 2, $290,134 formant un total de $592,734.

Il y avait entre l’appelante et les deux syndicats des conventions collectives, toutes deux intervenues en 1973 et expirant le 31 janvier 1976.

[Page 183]

Chacune des conventions collectives contient une clause à l’effet qu’il n’y aura ni lock-out ni grève pendant la durée de la convention.

Dans la première convention c’est l’art. 14.01 qui se lit comme suit:

[TRADUCTION] GRÈVE ET LOCK-OUT

14.01 Il est convenu entre les parties aux présentes qu’il n’y aura pas de grève, de fermeture d’atelier, ni de ralentissement partiel ou complet pendant la durée de la convention. Le travail ne sera pas suspendu en raison d’un grief et devra se poursuivre pendant le règlement.

Dans la seconde c’est l’art. 21.01:

[TRADUCTION] GRÈVE ET LOCK-OUT

21.01 Il n’y aura pas de grève, ni de fermeture d’atelier (lock-out) pendant la durée de la présente convention.

C’est, suivant ses propres termes, sur la violation de ces clauses que l’appelante fonde ses réclamations.

Le 3 mars 1975 l’appelante adressait à chacun des syndicats une lettre énonçant ses prétentions et proposant une rencontre pour arrêter le choix d’un arbitre.

Les syndicats refusèrent pour le motif principal qu’il ne s’agissait pas de griefs «au sens du Code du Travail et/ou de la Convention collective». Ils soulevaient aussi d’autres moyens lesquels cependant ne sont pas en cause devant cette Cour.

Devant le refus des intimés l’appelante s’adressa au ministre du travail qui désigna l’arbitre mis en cause.

Les intimés contestèrent au départ la compétence de l’arbitre qui rejeta l’objection et affirma sa compétence. La Cour supérieure refusa la délivrance d’un bref d’évocation. La Cour d’appel a infirmé le jugement de première instance et ordonné la délivrance du bref.

La Cour d’appel a suivi en cela sa jurisprudence constante à l’effet que la violation d’une disposition de la convention collective ne constitue pas un grief, soit selon la définition du par. g) de l’art. 1 du Code du travail une «mésentente relative à l’interprétation ou à l’application d’une convention

[Page 184]

collective», et que par conséquent ne s’y applique pas l’art. 88 du Code dont le premier alinéa décrète:

Tout grief doit être soumis à l’arbitrage en la manière prévue dans la convention collective si elle y pourvoit et si l’association accréditée et l’employeur y donnent suite; sinon il est déféré à un arbitre choisi par l’association accréditée et l’employeur ou, à défaut d’accord, nommé par le ministre.

Voir notamment les arrêts suivants de la Cour d’appel: Les Travailleurs Unis du Pétrole, Local 3 c. Pêtrofina Canada Ltée[3]; Le Syndicat National des Employés de Baie Comeau et al. c. La Société Canadienne de métaux Reynolds Ltée[4]; Le Syndicat international des travailleurs des industries pétrolière, chimique et atomique, local 9-745 et al. c. B.P. Pétroles Limitée, arrêt non publié, prononcé le 24 octobre 1975, C.A.M. 09-000923-755; Fraternité Internationale des ouvriers en électricité c. Bédard-Girard Limitée[5]; Maluorni c. La Ville de Mont-Royal[6]; MacEachern c. Margaritis[7]; L’Association des policiers de la Cité de Giffard c. La Cité de Giffard[8].

C’est, comme l’a exprimé le procureur des intimés, au début de sa plaidoirie, la seule question qui se pose dans cette affaire, à savoir si la réclamation de l’appelante fondée sur la violation des clauses précitées des conventions collectives constitue un grief. Dans l’affirmative la compétence de l’arbitre doit être reconnue.

L’appelante invoque l’arrêt de cette Cour dans General Motors of Canada Ltd. c. Brunet[9]. Cet arrêt me paraît déterminant.

Dans son opinion que partage le juge Dubé, le juge Casey ne traite pas de cet arrêt. S’appuyant sans doute sur la jurisprudence de la Cour d’appel il écrit:

[TRADUCTION] Je suis convaincu que la réclamation ne constitue pas un «grief» et que, puisque la décision

[Page 185]

relève de la compétence de l’arbitre, elle peut faire l’objet de contrôle judiciaire; en d’autres termes, elle est évocable.

Le juge Monet dont le juge Dubé partage également l’opinion, pour conclure à l’absence de compétence de l’arbitre, procède à mon sens d’une interprétation erronée de cet arrêt. Je note d’abord le passage suivant:

Sur le plan de la mise en œuvre des recours, dans l’affaire Brunet c’est un salarié qui prétendait avoir des droits à faire valoir contre son employeur, et ce essentiellement par application des stipulations de la convention collective. Dans le cas à l’étude, c’est un employeur qui prétend avoir subi des dommages-intérêts causés par des associations d’employés en conséquence d’une grève illégale.

Rien ne me paraît justifier cette distinction entre la réclamation d’un employeur et celle d’un employé. Il s’agit dans chaque cas d’une réclamation monétaire découlant d’une violation d’une disposition de la convention collective et si l’une est de la compétence de l’arbitre, l’autre l’est aussi.

Le juge Monet écrit ensuite:

Les faits allégués dans la requête en évocation étant tenus pour avérés, on ne saurait prétendre à ce stade-ci que les obligations des appelants, alléguées par la mise‑en‑cause, procèdent exclusivement des conventions collectives.

Ce passage semble signifier que, dans l’arrêt Brunet (supra), cette Cour aurait conclu à la compétence de l’arbitre parce que le recours était fondé exclusivement sur la convention collective et que s’il n’en avait pas été ainsi l’arbitre n’aurait pas eu compétence. Ce n’est pas cela du tout qui a été décidé mais bien plutôt que l’employé n’avait pas de recours devant les tribunaux civils parce que les droits qu’il invoquait découlaient exclusivement de la convention collective et n’avaient leur source nulle part ailleurs.

Dans le passage suivant cité par cette Cour aux pp. 541 et 542, le juge Gagnon, dissident en Cour d’appel, s’exprimait ainsi:

L’intimé poursuit l’appelante parce que lui ayant demandé un emploi qui serait convenable à son état de santé et ses capacités physiques, l’appelante refuse de l’intégrer à une nouvelle fonction «telle qu’elle est obligée selon la convention collective régissant les relations entre les parties». L’appelante, tout en soutenant que

[Page 186]

l’intimé ne s’est pas prévalu de son droit de loger un grief et que la Cour supérieure n’a pas juridiction, nie les allégations de fait qui donneraient ouverture à l’application de la convention collective. Il y a donc, à mon avis, mésentente sur l’application au cas de l’intimé des dispositions de la convention collective.

Il est vrai que l’on n’a reproduit au dossier que des extraits de la convention collective et qu’on ne retrouve pas dans ces extraits les dispositions sur lesquelles l’intimé appuie son droit à l’assignation à une nouvelle tâche et à sa réintégration, mais c’est l’intimé lui‑même qui fonde son recours, sans la moindre ambiguïté, sur la convention collective qu’il faudrait donc interpréter et appliquer.

Je ne voudrais pas tourner inutilement le fer dans la plaie et je n’en tiendrais pas compte si je croyais que l’intimé avait fait erreur, mais je constate que celui-ci poursuit en même temps son syndicat. Il allègue qu’un grief a été logé et acheminé au moins jusqu’au surintendant de son département et qu’il a informé le président du syndicat de son «intention de se prévaloir des droits que lui conférait la convention collective» et il recherche l’association en dommages parce qu’elle a refusé ou négligé d’appuyer son grief. L’intimé avait raison de croire qu’il s’agissait bien d’un grief.

C’est donc, sans l’ombre d’un doute, sur la convention collective et uniquement sur elle que l’intimé appuie ses procédures et je ne vois pas comment il pourrait prétendre qu’il exerce un recours distinct qui lui résulterait de son contrat individuel de travail, ni qu’il a un recours direct à un tribunal de droit commun, parce que son syndicat, qui est son mandataire, n’a pas poussé son grief jusqu’aux étapes subséquentes de la procédure de griefs, y compris l’arbitrage, prévues par la convention collective.

Le juge Pigeon au nom de toute la Cour enchaîne:

Ce dernier raisonnement me paraît inattaquable. Reconnaître le droit de s’adresser à la Cour supérieure au lieu de recourir à l’arbitrage chaque fois que l’on réclame une somme d’argent en vertu d’une convention collective rendrait illusoire la disposition de l’art. 88 du Code du travail…

L’arrêt Brunet (supra) contient davantage et l’on y trouve exprimée nettement l’opinion unanime de la Cour que ne peut être retenue la distinction entre «l’interprétation» ou «l’application» et une «violation» de la convention sur

[Page 187]

laquelle repose la jurisprudence de la Cour d’appel mentionnée plus haut. Le juge Pigeon écrit à la p. 551:

A mon avis, on ne saurait établir une distinction entre un différend relatif à «l’application» d’une convention et un différend relatif à sa «violation» parce qu’il s’agit simplement de deux façons d’envisager les mêmes problèmes.

Ailleurs on a affirmé la compétence d’un tribunal d’arbitrage à connaître d’une réclamation en dommages découlant d’une grève illégale déclenchée en violation d’une convention collective. Voir Imbleau et al. c. Laskin et al.[10], où la convention collective contenait la clause suivante:

[TRADUCTION] 8.01 Le syndicat accepte de ne pas lancer d’ordre de grève pendant la durée de la convention et la compagnie s’engage à ne pas faire de lock-out pendant cette même période.

Il s’agissait de la Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends du travail (S.R.C. 1952, c. 152). L’article 19(1) était semblable à l’art. 125(1) du Code canadien du travail (S.R.C. 1970, c. L-1) dont il sera question plus loin, mais différent des dispositions du Code du travail du Québec et c’est pourquoi la Cour d’appel dans B P Pétroles Limitée (supra) n’a pas cru à propos de s’en inspirer.

Comparant les dispositions du Code du travail du Québec, du Code canadien du travail et de la loi de l’Ontario The Labour Relations Act (R.S.O. 1970, c. 232), voici ce qu’écrit le juge Pigeon aux pp. 550 et 551 de l’arrêt Brunet (supra), passage d’où est tiré l’extrait déjà cité relatif à la distinction entre «l’application» et la «violation» d’une convention:

Ceci m’amène à traiter de l’argument formulé par l’avocat du demandeur sur l’interprétation de l’art. 88 du Code du travail. Il a signalé que le premier paragraphe de l’article de la loi de l’Ontario concernant l’arbitrage obligatoire des griefs découlant d’une convention collective (The Labour Relations Act, R.S.O. 1970, c. 232, art. 37) se lit comme suit:

[TRADUCTION] 37. (1) Toute convention collective doit contenir une disposition pour le règlement définitif et obligatoire par arbitrage, sans suspension de travail, de tous différends entre les parties découlant

[Page 188]

de l’interprétation, l’application, l’administration ou la prétendue violation de la convention, y compris la question de savoir si un point est arbitrable.

On voit que dans ce texte, après la mention comme dans la définition de «grief» au Code du travail, de «l’interprétation et l’application» de la convention collective, on trouve «l’administration ou la prétendue violation». Ici, soutient-on, il s’agit de prétendue violation et par conséquent, ce n’est pas visé par le texte québécois. A mon avis, ce raisonnement pèche par la base. Le Code du travail n’est pas calqué sur la loi de l’Ontario ni sur celle des autres provinces au même effet, pas plus que sur le Code canadien du travail (S.R.C. 1970, c. L-1) où on lit:

125. (1) Toute convention collective doit contenir une disposition pour le règlement définitif, sans suspension de travail, par arbitrage ou autrement, de tous différends entre les parties à la convention ou entre les personnes liées par cette dernière ou au nom de qui la convention a été conclue, concernant le sens ou la violation de la convention.

Va-t-on prétendre que sous le Code fédéral, il faut exclure de la portée de cette disposition un différend sur l’application d’une convention collective, parce qu’on n’y parle que de violation? A mon avis, on ne saurait établir une distinction entre un différend relatif à «l’application» d’une convention et un différend relatif à sa «violation» parce qu’il s’agit simplement de deux façons d’envisager les mêmes problèmes. Il ne peut pas être question de violation de la convention collective si elle est sans application. Ici, il est indubitable que ce que le demandeur réclame c’est l’application des dispositions de la convention collective. Si l’affaire devait être tranchée sous le Code fédéral, le raisonnement de l’avocat du demandeur l’amènerait à soutenir que ce n’est pas un différend concernant la violation de la convention collective, mais son application.

C’est dire que les différences de rédaction de ces dispositions n’ont pas l’importance qu’on a pu leur prêter et que celles-ci ont en somme la même portée générale. Ainsi l’arrêt Imbleau (supra) est pertinent même en regard de l’art. 88 du Code du travail du Québec.

A la lumière de l’arrêt Brunet (supra) ainsi que de l’arrêt Imbleau (supra) et pour les raisons exposées j’en viens donc à la conclusion que dans un cas comme celui-ci où les intimés sont recherchés en dommages pour violation des clauses par lesquelles ils se sont engagés à ce qu’il n’y ait pas de grève, il s’agit d’un grief de la compétence de l’arbitre.

[Page 189]

L’appelante aurait-elle pu, comme l’a soutenu son procureur, à son choix poursuivre devant la Cour supérieure parce que son recours ne découlerait pas exclusivement de la convention collective mais aussi de l’art. 95 du Code du travail?. Cet article se lit comme suit:

95. La grève est prohibée pendant la durée d’une convention collective, à moins que celle-ci ne renferme une clause en permettant la révision par les parties et que les conditions prescrites à l’article précédent n’aient été observées.

Il n’est pas nécessaire de répondre à cette question pour les fins de ce pourvoi et il me paraît préférable de ne pas le faire puisqu’elle ne se soulève aucunement.

Est-ce à dire par ailleurs que si la convention collective ne contenait pas de clause comme celles contenues dans les conventions en cause il ne s’agirait pas d’un grief, la grève illégale constituant alors une infraction à l’art. 95 du Code mais non une violation de la convention collective? Cette question non plus n’est pas soulevée par les faits de ce pourvoi et pour les mêmes motifs que pour la question précédente je ne crois pas devoir y répondre.

Le procureur des intimés a plaidé que l’insertion dans la convention d’une disposition au même effet que l’art. 95 du Code ne peut avoir comme conséquence de transférer à l’arbitre une compétence qui autrement, selon lui, appartiendrait aux tribunaux civils. Il écrit dans son factum:

Que les parties aient jugé bon dans leur convention collective de réitérer ce que la Loi édictait déjà de façon obligatoire, ne change rien à la situation.

Je doute de la justesse de cet énoncé car à la différence de l’art. 95 qui édicte une prohibition générale qui s’adresse tout autant sinon davantage aux salariés qu’au syndicat comme entité distincte, la clause insérée dans la convention constitue un engagement du syndicat à ce qu’il n’y ait pas de grève et l’on peut concevoir que la preuve requise pour réussir ne soit pas la même dans les deux cas.

Au soutien de cet énoncé le procureur des intimés cite un arrêt non publié de la Cour d’appel en

[Page 190]

date du 15 décembre 1978, Les ateliers d’ingénierie Dominion Ltée c. La Commission des droits de la personne du Québec et al., C.A.M. 500-09-000337-782, qui ne me paraît avoir aucune portée sur le présent litige. Il ne s’agissait pas de déterminer la compétence d’un tribunal d’arbitrage. Il s’agissait de déterminer si le fait d’insérer dans la convention collective une clause prohibant la discrimination en se rapprochant des dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne (1975 L.Q., c. 6), et ainsi de permettre le recours à l’arbitrage le cas échéant, avait pour effet d’exclure le recours spécifique prévu à la Charte. Concluant que les droits invoqués ne découlaient pas exclusivement de la convention collective et se fondant sur l’arrêt Brunet (supra), la Cour d’appel a décidé que le recours à la Commission des droits de la personne n’était pas exclu. Le juge Jacques (ad hoc) écrit:

Quant au recours à l’arbitrage, il faut rappeler que la Cour suprême a décidé dans l’affaire de General Motors v. Brunet, [1977] 2 R.C.S. 537, que le recours aux tribunaux de droit commun était exclu lorsque le droit que l’on cherche à faire valoir découle exclusivement de la convention collective.

Ce n’est pas parce qu’on a inséré dans une convention collective une disposition qui ne fait que répéter une disposition identique d’une loi que l’on peut ainsi priver une personne d’un recours statutaire spécifique et distinctif dont cette loi assortit cette disposition.

La Cour d’appel était même d’avis que dans ce cas les deux recours pouvaient coexister sans risque de contradiction dans les résultats et le juge Jacques écrit:

Quant à la possibilité de contrariété de décision, il me semble qu’il ne peut en exister.

Il convient peut-être de signaler que dans l’espèce le jugement n’indique pas que les salariés aient à la fois eu recours à la procédure de grief et soumis une plainte à la Commission. Il n’est question que de ce dernier recours et d’une plainte de renvoi pour activité syndicale qui est une toute autre chose.

Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer le jugement de la Cour d’appel et de rejeter la requête pour délivrance d’un bref d’évocation, avec dépens.

[Page 191]

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs de l’appelante: Courtois, Clarkson, Parsons & Tétrault, Montréal.

Procureurs des intimés: Jasmin, Rivèst, Castiglio, Castiglio & Lebel, Montréal.

[1] [1978] C.A. 404.

[2] [1976] C.S. 474.

[3] [1977] C.A. 348.

[4] [1976] C.A. 26.

[5] [1969] B.R. 991.

[6] [1969] B.R. 922.

[7] [1969] B.R. 481.

[8] [1968] B.R. 863.

[9] [1977] 2 R.C.S. 537.

[10] [1962] R.C.S. 338.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit du travail - Convention collective - Grève illégale - Réclamation en dommages-intérêts par employeur - Grief - Compétence de l’arbitre - Code du Travail, S.R.Q. 1964, chap. 141, art. 1g), 88, 95.

Le pourvoi porte sur la compétence d’un arbitre à entendre et disposer d’une réclamation en dommages-intérêts par un employeur, l’appelante, contre des syndicats, les intimés, à la suite d’une grève illégale. Les conventions collectives contenaient une clause à l’effet qu’il n’y aurait ni lock-out ni grève pendant la durée de la convention. L’appelante avisa les intimés de son intention de soumettre ses réclamations en dommages-intérêts à l’arbitrage, en conformité avec la procédure prévue aux conventions collectives et au Code du Travail. Les intimés refusèrent de désigner un arbitre, au motif que les réclamations en dommages ne constituaient pas des griefs au sens «du Code du Travail et/ou de la Convention collective». Devant le refus des intimés, l’appelante s’adressa au Ministre du travail, qui désigna l’arbitre mis en cause. Les intimés contestèrent au départ la compétence de l’arbitre, lequel rejeta l’objection. La Cour supérieure refusa la délivrance d’un bref d’évocation. La Cour d’appel a infirmé ce jugement et ordonné la délivrance du bref.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

La seule question qui se pose est de savoir si la réclamation de l’appelante fondée sur la violation des clauses précitées des conventions collectives constitue un grief. Pour répondre à cette question, il n’y a pas lieu de distinguer entre la réclamation d’un employeur et celle d’un employé: il s’agit, dans chaque cas, d’une réclamation monétaire découlant d’une violation d’une disposition de la convention collective, et si l’une est de la compétence de l’arbitre, l’autre l’est aussi. Il n’y a pas lieu, non plus, suite à l’arrêt General Motors of Canada

[Page 182]

Ltd. c. Brunet, [1977] 2 R.C.S. 537, de faire une distinction entre «l’interprétation» ou «l’application» d’une convention collective, et une «violation» de ladite convention: il s’agit simplement de deux façons d’envisager les mêmes problèmes, et l’une comme l’autre donnent lieu à un grief. En conséquence, dans un cas comme celui-ci où les intimés sont recherchés en dommages pour violation des clauses par lesquelles ils se sont engagés à ce qu’il n’y ait pas de grève, il s’agit d’un grief de la compétence de l’arbitre.


Parties
Demandeurs : Shell Canada Ltd.
Défendeurs : Travailleurs Unis du Pétrole du Canada

Références :

Jurisprudence: Les Travailleurs Unis du Pétrole, Local 3 c. Pêtrofina Canada Ltée, [1977] C.A. 348

Le Syndicat National des Employés de Baie Comeau et al. c. La Société Canadienne de métaux Reynolds Ltée, [1976] C.A. 26

Fraternité Internationale des ouvriers en électricité c. Bédard-Girard Limitée, [1969] B.R. 991

Maluorni c. La Ville de Mont-Royal, [1969] B.R. 922

MacEachern c. Margaritis, [1969] B.R. 481

L’Association des policiers de la Cité de Giffard c. La Cité de Giffard, [1968] B.R. 863

General Motors of Canada Ltd. c. Brunet, [1977] 2 R.C.S. 537 et Imbleau et al. c. Laskin et al., [1962] R.C.S. 338 (arrêts suivis).

Proposition de citation de la décision: Shell Canada Ltd. c. Travailleurs Unis du Pétrole du Canada, [1980] 2 R.C.S. 181 (27 juin 1980)


Origine de la décision
Date de la décision : 27/06/1980
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1980] 2 R.C.S. 181 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1980-06-27;.1980..2.r.c.s..181 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award