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22/04/1980 | CANADA | N°[1980]_1_R.C.S._905

Canada | Métallurgistes unis d’Amérique, Local 4589 et autre c. Bombardier-M.L.W. Limitée, [1980] 1 R.C.S. 905 (22 avril 1980)


Cour suprême du Canada

Métallurgistes unis d’Amérique, Local 4589 et autre c. Bombardier-M.L.W. Limitée, [1980] 1 R.C.S. 905

Date: 1980-04-22

Métallurgistes unis d’Amérique, local 4589

et

Yvon Robert Appelants;

et

Bombardier — M.L.W. Limitée Intimée;

et

Bernard Brody Mis en cause.

1980: 31 janvier; 1980: 22 avril.

Présents: Les juges Dickson, Beetz, Estey, McIntyre et Chouinard.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec confirmant un

jugement de la Cour supérieure[1] autorisant la délivrance d’un bref d’évocation. Pourvoi accueilli.

Giuseppe Sciortino et Pierre Grenier, pour le...

Cour suprême du Canada

Métallurgistes unis d’Amérique, Local 4589 et autre c. Bombardier-M.L.W. Limitée, [1980] 1 R.C.S. 905

Date: 1980-04-22

Métallurgistes unis d’Amérique, local 4589

et

Yvon Robert Appelants;

et

Bombardier — M.L.W. Limitée Intimée;

et

Bernard Brody Mis en cause.

1980: 31 janvier; 1980: 22 avril.

Présents: Les juges Dickson, Beetz, Estey, McIntyre et Chouinard.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec confirmant un jugement de la Cour supérieure[1] autorisant la délivrance d’un bref d’évocation. Pourvoi accueilli.

Giuseppe Sciortino et Pierre Grenier, pour les appelants.

Pierre J. Perrault et Jacques L. Archambault, pour l’intimée.

[Page 907]

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE BEETZ — La Cour supérieure, — le juge Deslandes — , a autorisé la délivrance d’un bref évoquant devant elle une affaire d’arbitrage de grief. La Cour d’appel a confirmé par un arrêt majoritaire des juges Bélanger et Bernier. Le juge Owen est dissident.

C’est cet arrêt que le pourvoi attaque.

Il faut décider en premier lieu si la Cour d’appel et la Cour supérieure ont eu raison de juger qu’en interprétant comme il l’a fait la convention collective, l’arbitre Brody a modifié cette convention et excédé sa juridiction.

Il faut décider en second lieu si l’arbitre Brody a violé les principes de la justice naturelle, ainsi que l’a jugé la Cour supérieure. En Cour d’appel, seul le juge Bélanger exprime son opinion sur ce point, et il est d’accord avec la Cour supérieure.

Les circonstances suivantes ont donné lieu au litige.

L’appelant, Yvon Robert, est embauché par l’intimée Bombardier le 5 décembre 1971. — Il avait été à son emploi auparavant, de 1967 au 19 mai 1971, mais cette période antérieure de service est étrangère au litige. — Sa tâche consiste à plier des feuilles de métal dans une position accroupie. Il se plaint de maux aux genoux et, à compter du 11 janvier 1973, s’absente du travail durant une période prolongée pour cause de maladie. Le 5 février 1975, l’entreprise met fin à son emploi. Yvon Robert a accumulé un peu plus de trois ans d’ancienneté. L’entreprise allègue que sont expirés les 24 mois d’absence alloués par l’article 13.06(d)(1) de la convention collective.

13.06 — Perte d’ancienneté: Toute l’ancienneté d’usine et d’occupation accumulée sera annulée pour l’une ou l’autre des raisons suivantes:

(d) …

(1) Si, pour quelque raison y compris une mise-à-pied due au manque de travail, un employé ayant moins que quinze (15) ans d’ancienneté est absent pour vingt-quatre (24) mois consécutifs.

[Page 908]

Le 5 mars 1975, Yvon Robert dépose un grief qui est entendu par l’arbitre Brody le 19 mai 1976. Yvon Robert soutient que son cas est régi non pas par l’article 13.06(d)(1) de la convention collective, mais par l’article 13.06(d)(3):

(3) Si un employé est absent à cause d’un accident industriel ou d’une maladie se déclarant ou contractée lorsque dans l’usine de la Compagnie, la période d’absence permissible sans perte d’ancienneté sera de quarante-huit (48) mois, qui peut être prolongée avec le consentement de la Compagnie.

Le 6 novembre 1977, l’arbitre accueille le grief et annule la décision de l’entreprise.

La première question en litige porte entièrement sur l’interprétation des mots «maladie se déclarant ou contractée lorsque dans l’usine de la Compagnie».

Devant l’arbitre, comme plus tard devant la Cour supérieure, la Cour d’appel et cette Cour, l’entreprise prétend que ces mots ne peuvent viser que «la maladie industrielle» et que tout autre interprétation a pour effet de modifier illégalement la convention collective.

Ce n’est pas l’interprétation que retient l’arbitre:

«une maladie se déclarant ou contractée lorsque dans l’usine de la Compagnie». Cette deuxième circonstance recouvre deux possibilités distinctes puisque l’utilisation de deux mots différents renvoie à deux concepts différents.

La première possibilité a trait à «une maladie contractée lorsque dans l’usine de la Compagnie», Une telle maladie peut être ramenée, en définitive, à une maladie industrielle puisque sa cause est reliée au travail.

La deuxième possibilité ne réfère pas à une maladie industrielle. «Une maladie se déclarant lorsque dans l’usine de la Compagnie» n’est pas une maladie dont la cause soit nécessairement reliée au travail. Le dictionnaire Robert donne la signification suivante du mot déclarer: faire connaître, dévoiler, révéler, manifester; tandis que le dictionnaire Larousse donne la signification suivante du même mot: faire connaître, manifester. Une maladie qui se déclare lorsque dans l’usine n’est donc pas une maladie dont la cause soit nécessairement reliée au travail, mais c’est plutôt une maladie qui se fait connaître, qui se dévoile, qui se révèle ou qui se manifeste lorsque dans l’usine.

[Page 909]

Il faut maintenant voir quel sens attribuer aux mots «lorsque dans l’usine de la Compagnie».

Si on leur attribue le sens restreint de lorsque physiquement dans l’usine de la Compagnie, on se retrouve avec le cas extrême suivant:

— une maladie non reliée au travail se déclare chez un employé juste avant qu’il ne franchisse le seuil de l’usine pour sortir; cet employé est couvert par la clause 13.06(d)(3).

— une maladie non reliée au travail se déclare chez un employé alors que celui-ci vient de mettre les pieds sur le trottoir à l’extérieur de l’usine; cet employé n’est pas couvert pas la clause 13.06(d)(3).

Cet exemple nous démontre qu’il ne faut pas accorder un sens littéral aux mots «lorsque dans l’usine de la Compagnie» car alors l’application de la clause devient illogique.

Il faut donner aux mots «lorsque dans l’usine de la Compagnie» le sens de pendant la période d’emploi. Avec cette interprétation, le but de la clause 13.06(d)(3) est de protéger l’employé absent pour une cause de maladie même si cette absence n’est pas due à une maladie industrielle. On accorde ainsi à cet employé une plus grande considération qu’à l’employé qui s’absente sans raison valable.

La clause 13.06(d)(3) s’applique à un employé absent pour cause de maladie, même si cette maladie n’est pas reliée au travail, si cette maladie s’est manifestée pendant la période d’emploi de l’employé pour la Compagnie.

La partie syndicale n’avait pas dans ces circonstances à démontrer que la maladie d’Yvon Robert était une maladie industrielle. Elle n’avait qu’à démontrer que le plaignant était effectivement malade durant son absence. Cette maladie d’Yvon Robert n’a pas été contestée par la partie patronale. Celle-ci n’a contesté que la cause de la maladie en affirmant qu’il n’avait pas été prouvé que c’était une maladie reliée au travail.

La Cour supérieure accepte l’interprétation proposée par l’entreprise. Elle tient que «la maladie dont parle l’article 13.06(d)(3) ne peut être qu’une maladie industrielle» et que, par son interprétation, «l’arbitre se trouve à ajouter à la convention collective une clause qui n’existe pas».

En Cour d’appel, le juge Bélanger exprime l’avis que les mots «maladie se déclarant ou contractée lorsque dans l’usine de la Compagnie»… «sem-

[Page 910]

blent clairs et ne requièrent pas d’interprétation». Et il adopte l’opinion du premier juge.

Avec plus de nuances, le juge Bernier écrit que «la compétence qu’a un arbitre d’interpréter un texte qui peut comporter quelque ambiguïté, ne peut autoriser l’arbitraire». Il confirme le jugement de la Cour supérieure au motif que l’arbitre a modifié la convention collective.

A mon avis, et je le dis avec égard pour l’opinion contraire, le texte en litige ne paraît pas clair au point de ne pas requérir d’interprétation. Il en irait sans doute autrement si, à la place de ce texte ambigu, on s’était servi de l’expression «maladie industrielle», une expression bien connue des entreprises et des syndicats, et que l’on trouve aux art. 2(1)/) et 105 de la Loi des accidents du travail, S.R.Q. 1964, chap. 159. Mais c’est précisément l’expression que l’on paraît avoir voulu éviter, d’autant plus que l’on n’a pas hésité à employer le mot «industriel» dans le même article 13.06(d)(3) où l’on trouve l’expression «accident industriel». Dès lors, peut-on blâmer l’arbitre d’avoir cherché une autre interprétation?

Au surplus, une interprétation selon laquelle les mots «maladie se déclarant ou contractée lorsque dans l’usine de la Compagnie» signifient «maladie industrielle» serait discutable: on pourrait en effet arguer qu’une telle interprétation exclut la maladie qui se déclare dans l’usine, et modifie pour autant la convention collective. Et pourtant, les appelants concèdent que si l’arbitre avait fait sienne cette interprétation discutable suggérée par l’intimée, il n’y aurait pas lieu à évocation, car on ne pourrait soutenir qu’une telle interprétation est extravagante. Mais on ne peut pas soutenir non plus qu’il s’agit d’une interprétation nécessaire.

Il est maintenant bien établi que le pouvoir judiciaire doit se confiner à un rôle limité lorsqu’il contrôle la légalité des sentences arbitrales. Les tribunaux doivent s’abstenir de substituer leur propre interprétation d’une convention collective à celle de l’arbitre, et se garder d’intervenir lorsque l’interprétation que l’arbitre a donnée à la convention en est une que les termes de la convention peuvent raisonnablement permettre:

[Page 911]

Il est vrai qu’un tribunal d’arbitrage est tenu de respecter les dispositions de la convention collective qui délimite sa juridiction. Nous avons récemment appliqué cette règle dans Air-Care Ltd. c. The United Steel Workers of America, [1976] 1 R.C.S. 2. Il n’en reste pas moins qu’il appartient au tribunal d’arbitrage d’interpréter et d’appliquer les dispositions de la convention. Les tribunaux ne peuvent intervenir à l’encontre de cette interprétation et de cette application que si elle constitue un abus de pouvoir au sens de l’art. 846 C.p.c.

Il appartenait sûrement au tribunal d’arbitrage saisi du grief de décider comment la nouvelle convention s’appliquait à un avis de non-rengagement donné sous le régime de la convention antérieure. L’existence de cette autre convention était indubitablement l’un des faits à considérer et les arbitres n’ont sûrement pas donné au nouveau texte un sens dont il n’était pas susceptible…

Le juge Pigeon, parlant pour la Cour dans Syndicat des professeurs du CEGEP du Vieux‑Montréal c. CEGEP du Vieux-Montréal[2], aux pp. 572 et 573. Voir également Association of Machinists and Aerospace Workers, Flin Flon Lodge No. 1848 et al. v. Hudson Bay Mining and Smelting Co. Ltd.[3]; Teller s (Western) Ltd. c. Retail Wholesale and Department Store Union, local 955 et Dolores Bonsai[4]; Dickson et la Fédération des enseignants du Nouveau Brunswick c. Sa Majesté du chef de la province du Nouveau Brunswick[5].

En l’instance, l’arbitre était aux prises avec un texte équivoque et sa tâche n’était pas facile. Les deux parties lui proposaient des interprétations dont chacune était peut-être contestable mais dont aucune n’était déraisonnable. A mon avis, il a exercé sa juridiction d’interprète et n’a pas modifié la convention collective en décidant comme il l’a fait.

L’autre question en litige, celle qui concerne les principes de la justice naturelle, découle des circonstances qui suivent.

Si l’on s’en tient aux allégations de la requête en évocation qu’il faut tenir pour avérées à ce stade de la procédure, l’arbitre Brody a plusieurs fois prévenu les parties, au cours de l’audition du 15

[Page 912]

avril 1975, qu’à son avis les mots «maladie se déclarant ou contractée lorsque dans l’usine de la Compagnie» signifiaient une «maladie industrielle» et que, dès lors, les appelants avaient le fardeau de prouver que l’absence prolongée d’Yvon Robert était attribuable à une telle maladie. — Ces allégations sont d’ailleurs confirmées par un passage que l’on trouve dans une décision interlocutoire écrite, rendue sur une objection à la preuve — .

Les parties ont ensuite plaidé par écrit. La plaidoirie patronale date du 7 juin 1976, la plaidoirie syndicale, du 23 mars 1977 et la réponse patronale, du 1er août 1977. L’arbitre résume ces plaidoiries dans sa sentence du 6 novembre 1977. C’est dans la plaidoirie du 23 mars 1977 que la partie syndicale soutient, apparemment pour la première fois, l’interprétation de l’article 13.06 (d)(3) que l’arbitre finira par adopter.

La prétention de l’intimée, c’est que l’arbitre n’aurait pas dû ainsi se raviser pendant le délibéré sans ordonner de son propre chef une réouverture d’enquête et une nouvelle audition. Elle soutient entre autres qu’elle a été par là privée de l’occasion de prouver la pratique antérieure des parties relativement à l’interprétation de la convention collective et que la justice naturelle a été violée. Nous l’avons déjà dit, c’est un moyen que retiennent la Cour supérieure et l’un des juges de la Cour d’appel.

Ce moyen, à mon avis, n’est pas fondé. L’opinion exprimée par l’arbitre au cours de l’audition n’est même pas un jugement interlocutoire. C’est une opinion préliminaire, provisoire, et l’intimée savait ou aurait dû savoir que l’arbitre pouvait se raviser. Ce qui le démontre, c’est la plaidoirie écrite de la partie patronale en date du 7 juin 1976. On ne la trouve pas au dossier mais l’arbitre la résume et l’on constate que la partie patronale plaide que l’expression controversée de l’article 13.06(d)(3) signifie «maladie industrielle». On comprend mal la raison de cette argumentation si la partie patronale considérait la question comme réglée.

Quoi qu’il en soit, la partie patronale a été alertée par la plaidoirie écrite de la partie syndi-

[Page 913]

cale en date du 23 mars 1977 où l’interprétation finalement adoptée par l’arbitre est mise de l’avant. Effectivement, dans sa réponse du 1er août 1977, la partie patronale tente de réfuter cette interprétation. Mais l’arbitre ne mentionne pas que la partie patronale ait demandé une réouverture d’enquête ou une nouvelle audition et l’intimée n’allègue pas qu’elle a formulé une telle demande. Je ne vois pas ce qui l’empêchait de le faire, si elle le jugeait nécessaire, dans sa réponse du 1er août 1977.

Selon moi, en l’absence d’une telle demande de la part de l’intimée, l’arbitre était justifié de conclure que l’intimée n’avait pas d’autre preuve à offrir, qu’elle ne voulait que plaider en droit et qu’elle était satisfaite de le faire par écrit: Komo Construction Inc. c. Commission des relations de travail du Québec[6], à la p. 175.

Je suis donc d’avis que l’arbitre n’a pas violé les principes de la justice naturelle.

La Cour supérieure a de plus décidé d’une troisième question savoir que l’arbitre avait erré en permettant, sans contre-interrogatoire des médecins concernés et malgré les objections de l’intimée, la production de certificats médicaux relatifs à la maladie d’Yvon Robert. La Cour supérieure reconnaît cependant que, vu son interprétation de la convention collective, l’arbitre ne s’est pas servi de cette preuve pour parvenir à ses conclusions. La Cour d’appel ne traite pas de la question et il ne me paraît pas nécessaire de le faire non plus.

Le pourvoi doit être accueilli, l’arrêt de la Cour d’appel et le jugement de la Cour supérieure doivent être infirmés et la requête en évocation doit être rejetée, avec dépens dans toutes les cours.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs des appelants: Melançon, Hélie, Marceau, Grenier & Sciortino, Montréal.

Procureurs de l’intimée: Perrault & Archambault, Montréal.

[1] [1978] C.S. 554.

[2] [1977] 2 R.C.S. 568.

[3] [1968] R.C.S. 113.

[4] [1975] 1 R.C.S. 376.

[5] [1979] 2 R.C.S. 13.

[6] [1968] R.C.S. 172.


Synthèse
Référence neutre : [1980] 1 R.C.S. 905 ?
Date de la décision : 22/04/1980
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit du travail - Arbitrage d’un grief - Interprétation de la convention collective - Compétence de l’arbitre - Justice naturelle.

Le 5 février 1973, l’intimée (Bombardier) met fin à l’emploi de l’appelant Robert, qui, se plaignant de maux de genoux, s’est absenté de son travail depuis le 11 janvier 1973. Bombardier invoque l’article 13.06(d)(1) de la convention collective qui prévoit qu’un employé «absent pour vingt-quatre mois consécutifs» perd l’ancienneté accumulée. L’appelant dépose un grief alléguant que son cas est régi plutôt par l’article 13.06(d)(3) de la convention selon lequel la période d’absence permissible est de quarante-huit mois si un employé est absent à cause d’un accident industriel ou d’une «maladie se déclarant ou contractée lorsque dans l’usine de la Compagnie». L’arbitre a accueilli le grief et annulé la décision de l’entreprise, statuant que la clause 13.06(d)(3) s’applique à une maladie qui s’est manifestée pendant la période d’emploi. La Cour supérieure a autorisé la délivrance d’un bref évoquant cette affaire devant elle et la Cour d’appel, majoritairement, a confirmé le jugement. Les tribunaux d’instance inférieure ont accepté la prétention de l’entreprise selon laquelle la maladie dont parle l’article 13.06(d)(3) ne pouvait être qu’une maladie industrielle et décidé que toute autre interprétation modifiait la convention collective et constituait un excès de juridiction.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

Le texte en litige ne paraît pas clair au point de ne pas requérir d’interprétation. Il en irait autrement si, à la place de ce texte ambigu, on s’était servi de l’expression «maladie industrielle» mais c’est précisément l’expression que l’on paraît avoir voulu éviter, d’autant plus que l’on n’a pas hésité à employer le mot «industriel» dans le

[Page 906]

même article 13.06(d)(3) où l’on trouve l’expression «accident industriel». Le pouvoir judiciaire doit se confiner à un rôle limité lorsqu’il contrôle la légalité des sentences arbitrales. Les tribunaux doivent s’abstenir de substituer leur propre interprétation d’une convention collective à celle de l’arbitre, et se garder d’intervenir lorsque l’interprétation que l’arbitre a donnée à la convention en est une que les termes de la convention peuvent raisonnablement permettre. En l’instance, l’arbitre était aux prises avec un texte équivoque. Il a exercé sa juridiction d’interprète et n’a pas modifié la convention collective en décidant comme il l’a fait.

L’intimée soutient également que l’arbitre a violé les principes de justice naturelle puisque, après avoir prévenu les parties qu’il considérait que les mots «maladie se déclarant ou contractée lorsque dans l’usine de la Compagnie» signifiaient une «maladie industrielle», il s’est ravisé sans ordonner une réouverture d’enquête et une nouvelle audition. Ce moyen n’est pas fondé. L’opinion exprimée par l’arbitre au cours de l’audition n’est même pas un jugement interlocutoire. C’est une opinion préliminaire et l’intimée savait ou aurait dû savoir que l’arbitre pouvait se raviser. Quoi qu’il en soit, la partie patronale a été alertée par la plaidoirie écrite de la partie syndicale où l’interprétation finalement adoptée par l’arbitre est mise de l’avant. Rien n’empêchait la partie patronale, dans sa réponse à cette plaidoirie, de demander une réouverture d’enquête ou une nouvelle audition. En l’absence d’une telle demande, l’arbitre était justifié de conclure que l’intimée n’avait pas d’autre preuve à offrir.


Parties
Demandeurs : Métallurgistes unis d’Amérique, Local 4589 et autre
Défendeurs : Bombardier-M.L.W. Limitée

Références :

Jurisprudence: Syndicat des professeurs du CEGEP du Vieux-Montréal c. CEGEP du Vieux-Montréal, [1977] 2 R.C.S. 568

Association of Machinists and Aerospace Workers c. Hudson Bay Mining and Smelting Co. Ltd., [1968] R.C.S. 113

Zeller’s (Western) Ltd. c. Retail, Wholesale and Department Store Union, [1975]1 R.C.S. 376

Dickson c. Sa Majesté du chef de la province du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 13.

Proposition de citation de la décision: Métallurgistes unis d’Amérique, Local 4589 et autre c. Bombardier-M.L.W. Limitée, [1980] 1 R.C.S. 905 (22 avril 1980)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1980-04-22;.1980..1.r.c.s..905 ?
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