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18/03/1980 | CANADA | N°[1980]_1_R.C.S._1182

Canada | Dauphin Plains Credit Union Ltd. c. Xyloid Industries Ltd., [1980] 1 R.C.S. 1182 (18 mars 1980)


Cour suprême du Canada

Dauphin Plains Credit Union Ltd. c. Xyloid Industries Ltd., [1980] 1 R.C.S. 1182

Date: 1980-03-18

Dauphin Plains Credit Union Limited (Demanderesse) Appelante;

et

Xyloid Industries Ltd. (Défenderesse);

et

Sa Majesté La Reine (Requérante) Intimée.

1979: 7 novembre; 1980: 18 mars.

Présents: Les juges Martland, Ritchie, Pigeon, Beetz, Estey, McIntyre et Chouinard.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU MANITOBA

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel du Manitoba[1] qui a infirmé

le jugement du juge Wright et accueilli certaines réclamations de Sa Majesté à l’égard de retenues à la source faites en vertu de...

Cour suprême du Canada

Dauphin Plains Credit Union Ltd. c. Xyloid Industries Ltd., [1980] 1 R.C.S. 1182

Date: 1980-03-18

Dauphin Plains Credit Union Limited (Demanderesse) Appelante;

et

Xyloid Industries Ltd. (Défenderesse);

et

Sa Majesté La Reine (Requérante) Intimée.

1979: 7 novembre; 1980: 18 mars.

Présents: Les juges Martland, Ritchie, Pigeon, Beetz, Estey, McIntyre et Chouinard.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU MANITOBA

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel du Manitoba[1] qui a infirmé le jugement du juge Wright et accueilli certaines réclamations de Sa Majesté à l’égard de retenues à la source faites en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l’assurance-chômage. Pourvoi accueilli en partie, les juges Estey et Chouinard étant dissidents en partie.

John Lamont et R.T. Willis, pour la demanderesse, appelante.

T.B. Smith, c.r., et Craig Henderson, pour la requérante, intimée.

Version française du jugement des juges Martland, Ritchie, Pigeon, Beetz et McIntyre rendu par

LE JUGE PIGEON — Ce pourvoi est interjeté avec l’autorisation de cette Cour à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel du Manitoba1 qui infirme le jugement du juge Wright[2] et ordonne à Dauphin

[Page 1188]

Plains Credit Union Limited (la «Caisse»), appelante en cette Cour, de verser à Sa Majesté La Reine, intimée en cette Cour, la somme de $6,278.81.

En garantie de dettes de plus d’un million de dollars, la Caisse avait obtenu de Xyloid Industries Ltd. (la «Société») des obligations qui créaient un premier privilège fixe et spécifique sur tous ses biens immeubles et un privilège général sur tout le reste de son actif. La débitrice étant en défaut, la Caisse a intenté une action le 30 mars 1977 et le lendemain, 31 mars 1977, a obtenu une ordonnance de mise sous séquestre par laquelle Clarkson Company Limited a été nommée séquestre. Ayant réalisé l’actif de la Société le séquestre a été autorisé à en verser le produit net à la créancière garantie, la Caisse, sous réserve d’une réclamation du ministère du Revenu national au montant de $7,416.57. Sa Majesté a demandé une ordonnance portant que cette somme lui soit versée; sa demande est fondée sur des cotisations établies comme suit:

[TRADUCTION] 1. Avant le 31 mars 1977

Déductions à la source au titre de l’impôt sur le revenu

$2,550.78

Régime de pensions du Canada, part de l’employé

275.43

Régime de pensions du Canada, part de l’employeur

275.43

Déduction au titre de l’assurance-chômage, part de l’employé

244.77

Déduction au titre de l’assurance-chômage, part de l’employeur

342.68

Intérêts et peines

647.25

COTISATION TOTALE

$4,336.34

2. Après le 31 mars 1977

Déductions à la source au titre de l’impôt sur le revenu

$2,068.05

Régime de pensions du Canada, part de l’employé

220.05

Régime de pensions du Canada, part de l’employeur

220.05

Déduction au titre de l’assurance-chômage, part de l’employé

196.16

Déduction au titre de l’assurance-chômage, part de l’employeur

274.63

Intérêts et peines

495.89

$3,474.83

[Page 1189]

Les sommes qui figurent sous la rubrique «Avant le 31 mars 1977» ont été réclamées à l’égard des salaires versés par la Société avant que ne soit rendue l’ordonnance de séquestre et, à ce sujet, le juge de première instance est venu à la conclusion suivante (à la p. 660):

[TRADUCTION] …Vu l’allégation spécifique de M. Johnson (par. 4 de son affidavit) qu’une vérification démontre que les déductions réclamées ont effectivement été faites et vu que, dans sa plaidoirie, l’avocat de la défenderesse n’a pas soutenu le contraire, j’accepte comme établi que la défenderesse a déduit les sommes exigées par la loi avant de verser les salaires ou au moment où elle les a versés et cela, avant la date de la mise sous séquestre.

L’allégation que mentionne le juge de première instance est le paragraphe 2 de l’affidavit qui se lit comme suit (à la p. 659):

[TRADUCTION] 2. Que l’on m’informe et que je crois que le ministre du Revenu national a établi une cotisation contre Xyloid Industries Ltd. Cette cotisation a été établie à la suite d’une vérification des livres de Xyloid Industries Ltd. sous séquestre, et représente les déductions à la source impayées qui figurent aux livres de Xyloid pour les mois de février, mars et avril 1977.

La cotisation qui figure sous la rubrique «Après le 31 mars 1977» a été établie contre le séquestre mais, comme l’a dit le juge Monnin en Cour d’appel (à la p. 517), ne se rapporte pas à [TRADUCTION] «du salaire gagné en avril 1977, après la mise sous séquestre». On a reconnu à l’audition devant cette Cour que les déductions faites sur le salaire gagné au service du séquestre ont bien été remises. La cotisation se rapporte à du salaire gagné avant le 31 mars 1977, mais payé par le séquestre conformément à The Payment of Wages Act du Manitoba. L’avocat de la Caisse a reconnu que, lorsqu’il a versé ce salaire aux employés, le séquestre a retenu les montants réclamés comme déduction à la source au titre de l’impôt sur le revenu, comme part de l’employé au titre du Régime de pensions du Canada et comme part de l’employé de la déduction au titre de l’assurance-chômage. En d’autres termes, le séquestre a versé aux employés le montant du salaire dû, moins ces

[Page 1190]

déductions, et il a été cotisé en date du 25 janvier 1978, [TRADUCTION] «pour omission de remettre tel qu’exigé» à cet égard. Il est plus commode de traiter en premier lieu de cette partie de la réclamation.

The Payment of Wages Act, 1975 (Man.), chap. 21, dispose:

[TRADUCTION] 1. Dans la présente loi,

h) «salaire» ou «salaires» comprend un traitement, une commission ou autre indemnité pour un travail ou des services mesurés au temps, à la pièce ou autrement, et toute rémunération due et payable à un employé y compris les sommes payables en vertu de The Vacations With Pay Act ou les sommes payables en cas de cessation d’emploi en vertu de The Employment Standards Act; mais ne comprend pas les déductions du salaire qu’un employeur peut légalement faire.

7(1) Nonobstant toute autre loi, le montant du salaire n’excédant pas $2,000, dû et payable par un employeur à un employé, constitue une créance privilégiée sur les biens et l’actif de l’employeur, payable à l’employé par préférence à toute autre dette ou créance, y compris celles de Sa Majesté du chef du Manitoba et, sans limiter la portée de ce qui précède, ce privilège prévaut contre toute cession, y compris une cession de créance, absolue ou non, toute hypothèque sur biens réels ou personnels, et toute obligation.

Les dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu (1970-71-72, chap. 63) sont les suivantes:

153. (1) Toute personne qui verse

a) un traitement, un salaire ou autre rémunération à un cadre ou employé,

à une date quelconque dans une année d’imposition, doit en déduire la somme qui peut être prescrite ou retenir cette somme, et elle doit, à la date qui peut être fixée, remettre cette somme au receveur général du Canada à valoir sur l’impôt du bénéficiaire pour l’année en vertu de la présente Partie.

(3) Lorsqu’une somme a été déduite ou retenue en vertu du paragraphe (1), elle est, pour l’application générale de la présente loi, réputée avoir été reçue à

[Page 1191]

cette date par la personne à qui la rémunération, la prestation, le paiement, les honoraires, les commissions ou d’autres sommes ont été payées.

Il importe d’examiner la nature de la déduction au titre de l’impôt sur le revenu. Ce n’est pas une déduction au profit de l’employeur, c’est une retenue au profit de l’employé, parce qu’elle doit être remise au receveur général du Canada à valoir sur l’impôt dû par l’employé. En vertu d’autres dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, si, ce qui est fréquent, les retenues excèdent l’obligation fiscale de l’employé, le ministère du Revenu national remboursera l’employé. En conséquence, une somme retenue fait toujours partie du salaire, et le par. 153(3) prévoit qu’elle est «réputée avoir été reçue» par l’employé à la date où le versement a été fait moins la déduction. De plus, le par. 227(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu établit ce qui suit:

(4) Toute personne qui déduit ou retient un montant quelconque en vertu de la présente loi est réputée retenir le montant ainsi déduit ou retenu en fiducie pour Sa Majesté.

En l’espèce, la Caisse soutient, en réalité, que The Payment of Wages Act autorisait le séquestre à faire la déduction d’impôt sur le revenu au profit du créancier de l’obligation. A mon avis, c’est là fausser complètement l’objet de cette déduction. A l’audition, j’ai dit à l’avocat de l’appelante: [TRADUCTION] «Vous prétendez que les déductions prélevées sur les salaires profitent au créancier?» Il a répondu: [TRADUCTION] «C’est là l’effet pratique, mais non l’effet en droit.» Je suis incapable de voir comment ce qui est vrai en fait peut être faux en droit. A mon avis, l’assertion de l’avocat fait ressortir la contradiction inhérente à la position de la Caisse. L’article 153 de la Loi de l’impôt sur le revenu est le seul texte de loi qui permet à quelqu’un de faire une déduction au titre de l’impôt sur le revenu, mais cet article dispose ensuite, au par. (4), que le montant ainsi déduit est retenu «en fiducie pour Sa Majesté». Aucune loi du Manitoba ne peut changer cela. Comment la Caisse peut-elle prétendre que le montant déduit a été retenu à son profit?

[Page 1192]

Il faut aussi tenir compte de ce qu’en vertu du par. 153(3), les employés sont réputés avoir reçu leur salaire en entier, et sont en conséquence assujettis à l’impôt sur cette base. La position adoptée par la Caisse aurait cependant pour résultat qu’elle bénéficierait des déductions de sorte que les employés devraient payer au ministère du Revenu national un impôt sur un revenu qu’ils n’ont pas reçu et au titre duquel ils n’obtiendraient aucun délit.

Avec égards le juge de première instance me paraît avoir omis de tenir compte des conséquences que cela comporte si l’on permet à un séquestre de faire des déductions au titre de l’impôt sur le revenu en payant du salaire et de ne pas considérer ces déductions comme des retenues à ce titre. Non seulement c’est contradictoire, mais, si on l’admettait, cela constituerait un détournement injuste que la législature du Manitoba n’a pas pu avoir l’intention d’autoriser par la définition de salaire dans The Payment of Wages Act.

Compte tenu de l’objet de The Payment of Wages Act, les déductions visées par la définition de «salaire» me paraissent être seulement celles qui peuvent être faites au profit de l’employeur. Cela ressort non seulement des considérations déjà énoncées, mais également des termes mêmes de la disposition: «déductions du salaire qu’un employeur peut légalement faire». Les retenues prescrites par la Loi de l’impôt sur le revenu etc. ne sont pas des déductions qu’un employeur peut faire, ce sont des déductions qu’il doit faire. A mon avis, la législature du Manitoba, en parlant de déductions qu’un employeur peut faire, avait à l’esprit des déductions de la même nature que celles visées à l’art. 25 de The Employment Standards Act, R.S.M. chap. E110:

[TRADUCTION] 25. Un comité peut, sur autorisation écrite du ministre, faire des recommandations écrites, concernant la région pour laquelle il a été constitué, à l’égard

a) des normes de salaire minimum à verser à des employés

(i) d’âges différents; ou

(ii) qui n’ont pas d’expérience, sont handicapés ou sont des employés spéciaux;

[Page 1193]

b) la proportion maximale des employés de la catégorie (ii) de l’alinéa a) par rapport aux autres employés exerçant le même emploi; et

c) le montant maximum, s’il en est, qui peut être déduit du salaire minimum prescrit dans les cas où l’employeur fournit à un salarié la pension, le logement, les uniformes, les services de buanderie ou d’autres services.

J’ai souligné l’expression «qui peut être déduit» que l’on trouve dans cette loi connexe de la même province; ils donnent une idée de ce que l’on vise. Dans The Payment of Wages Act tout comme dans The Employment Standards Act, la législature ne vise que le domaine de sa compétence. A l’égard des déductions, les ordonnances de salaire minimum ne visent que celles qui relèvent du pouvoir de la législature provinciale, elles ne font pas référence aux déductions exigées par des lois fédérales, bien que les employeurs soient évidemment obligés de les faire. A mon avis, il faut interpréter de la même façon la disposition touchant les déductions dans The Payment of Wages Act. Elle ne vise que ce qui relève de la législature. La présomption que les lois provinciales entendent éviter d’entrer en conflit avec les lois fédérales est une règle bien établie.

L’arrêt récent de cette Cour dans Commission des relations de travail c. Avco[3] illustre le sens restreint donné à une disposition de la Payment of Wages Act de la Colombie-Britannique pour éviter des résultats indésirables. La disposition en cause créait [TRADUCTION] «une créance privilégiée payable… par préférence à toute autre dette ou créance…». Rendant l’opinion unanime, le juge Martland a dit (à la p. 706):

…Les biens auxquels s’applique le privilège de l’art. 5A ne sont pas définis ou désignés. En l’absence d’une disposition statutaire en ce sens, l’art. 5A ne doit pas être interprété de façon à dépouiller les tiers de leurs droits antérieurs sur ces biens.

A mon avis, la loi du Manitoba ne doit pas être interprétée de façon à dépouiller un tiers, le fisc, de ses droits légitimes. On ne doit pas présumer que la législature a voulu créer une contradiction et je considère qu’il serait contradictoire de per-

[Page 1194]

mettre que des déductions soient faites au titre de l’impôt sur le revenu pour être affectées au profit du créancier de l’employeur.

Dans l’arrêt R. c. Biron[4], la majorité de cette Cour a approuvé et appliqué l’arrêt Wiltshire v. Barrett[5] où l’on a décidé qu’une disposition se lisant: [TRADUCTION] «Un constable peut arrêter sans mandat une personne en train de commettre une infraction sous le présent article» signifiait «apparemment en train de commettre une infraction». Dans cet arrêt, lord Denning, en réponse à l’argument que si la personne arrêtée n’était pas poursuivie, l’arrestation était illégale, a dit (à la page 325):

[TRADUCTION] …Cet article ne fait pas mention de cas d’une troisième espèce, savoir, lorsque, après enquête au poste de police, il s’avère qu’il n’y a pas de preuves suffisantes pour justifier une poursuite. Il est clair que dans ces cas-là, l’individu doit être relâché sur-le-champ. Il n’était pas nécessaire de mentionner cette éventualité dans la loi. Elle est trop évidente pour qu’on en parle. (C’est moi qui souligne.)

Le juge de première instance a décidé qu’en l’espèce le séquestre n’est pas une personne au sens du par. 153(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Pour venir à cette conclusion, il s’est fondé sur l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario dans Royal Trust Co. v. Montex Apparel Industries Ltd.[6] Dans cet arrêt, cependant, la question était de savoir si le séquestre était visé par les dispositions du par. 50(9) de la Loi sur la taxe d’accise qui se lit:

Lorsque le Ministre sait qu’une personne a reçu d’un titulaire de licence la cession d’une dette active…

En l’espèce la question est de savoir si les termes «toute personne qui verse un traitement ou salaire…» visent le séquestre et je ne vois aucune raison de décider qu’ils ne le visent pas. Il n’est pas nécessaire d’examiner la définition de «personne» dans la Loi, car elle n’est pas restrictive mais extensive vu le terme «comprend». Si l’on tenait pour acquis que le séquestre n’était pas autorisé à faire les déductions, la Caisse n’aurait pas droit à

[Page 1195]

cette partie du salaire des employés, c’est à eux qu’elle devrait échoir. En ordonnant qu’elle soit remise au fisc, les employés se la verront créditer.

Je note enfin que l’on n’a pas soutenu devant la Cour qu’en vertu des par. 152(8) et 227(10), la cotisation établie contre le séquestre ne pouvait être contestée autrement que par un appel interjeté conformément aux dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu. Dans les circonstances, je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire d’examiner ce point pour venir à la conclusion que le pourvoi doit échouer à l’égard des déductions que le séquestre a faites sur le salaire payé conformément à The Payment of Wages Act.

En ce qui concerne les déductions que le séquestre a faites au titre du Régime de pensions du Canada, part de l’employé, et de l’assurance-chômage, part de l’employé, le premier juge a dit (aux pp. 664 et 665):

[TRADUCTION] Les deux lois prescrivent que l’employeur de personnes qui reçoivent les paiements a l’obligation de faire les déductions, le séquestre-gérant, qui n’est pas un tel employeur, n’avait donc aucune obligation de faire les déductions réclamées.

A mon avis, la question n’est pas de savoir si la demande réussirait si le séquestre n’avait pas effectué les déductions. Le fait est, comme il ressort de l’affidavit de Johnson déjà cité, que les déductions ont bien été effectuées et inscrites aux livres. En faisant des paiements aux employés conformément à The Payment of Wages Act, le séquestre a bien retenu le montant exact des contributions au Régime de pensions et des cotisations d’assurance‑chômage. Ces sommes représentaient une dette due par les personnes qui ont reçu le salaire, en vertu des dispositions de l’art. 8 du Régime de pensions du Canada et de l’art. 62 de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage. Le séquestre avait des fonds suffisants pour payer le montant complet des salaires dus et, en conséquence, les déductions effectuées étaient de véritables déductions, et non de simples inscriptions comptables, elles constituaient des sommes retenues afin de satisfaire à la dette des employés au titre des contributions et cotisations relatives à ces gains. Les sommes retenues à cette fin, se sont trouvées retenues en

[Page 1196]

fiducie au bénéfice du fisc qui a donc le droit de les réclamer au séquestre. La Caisse ne peut justifier la décision de première instance qui ordonne au séquestre de les lui remettre et la Cour d’appel a donc eu raison d’ordonner qu’elles soient remises au ministère du Revenu national à valoir sur la dette des employés.

J’estime évident que la Cour d’appel a eu raison de décider que les réclamations relatives à la part de l’employeur au titre du Régime de pensions du Canada, et à la part de l’employeur de la déduction au titre de l’assurance-chômage, n’étaient pas fondées en droit. On n’a pas contesté cette conclusion dans le pourvoi à cette Cour ni attaqué l’exactitude des rajustements faits pour ces sommes avec intérêts et peines et qui ont donné le montant fixé par l’arrêt.

La cotisation sous la rubrique «Avant le 31 mars 1977» soulève des questions entièrement différentes. Elle vise les déductions que l’employeur a faites lorsqu’il a payé des salaires avant l’ordonnance de séquestre. Les sommes retenues ont simplement été déduites des salaires versés, et n’ont pas été mises à part. En fait, la Société était à court d’argent et n’avait pas en main le montant qu’elle était tenue de mettre à part conformément à la loi. On n’a pas contesté que le montant correspondant aux déductions ne pouvait être retracé. Ces retenues représentaient simplement des déductions faites sur les salaires payés et non de l’argent mis à part à l’époque. Les dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu sont les par. 227(4) et (5):

(4) Toute personne qui déduit ou retient un montant quelconque en vertu de la présente loi est réputée retenir le montant ainsi déduit ou retenu en fiducie pour Sa Majesté.

(5) Tous les montants déduits ou retenus par une personne en conformité de la présente loi doivent être tenus séparés de ses propres fonds et, dans le cas d’une liquidation, cession ou faillite, ces montants doivent demeurer à part et ne former aucune partie des biens en liquidation, cession ou faillite.

Sur ce point le juge de première instance a dit (à la p. 662):

[TRADUCTION] En ce qui concerne la réclamation des déductions d’impôt relatives aux salaires versés avant la

[Page 1197]

mise sous séquestre, l’employeur, conformément aux dispositions citées, doit d’abord déduire ou retenir les sommes requises qui doivent alors être tenues séparées. Si elles ne sont pas tenues séparées, elles doivent pouvoir être identifiées comme sommes en fiducie pour que Sa Majesté puisse les recouvrer: Re Hallets Estate; Knatchbull v. Hallett (1880), 13 Ch. D. 696 (C.A.); Re Craftsmen Painting Contractors Ltd., [1968] 1 O.R. à la p. 522, 11 C.B.R. (N.S.) 91, 67 D.L.R. (2d) 37, autorisation d’appel refusée 11 C.B.R. (N.S.) 91n, et les décisions qui y sont citées. En l’espèce, Sa Majesté n’a pas établi que les sommes que l’on a prétendu déduire existaient réellement, ou, si c’était le cas, qu’elles avaient été conservées de telle façon qu’elles puissent être identifiées. La réclamation de Sa Majesté en l’espèce ne peut donc être accueillie.

L’opinion de la majorité en Cour d’appel est fondée sur l’arrêt Re Deslauriers Construction Products Ltd.[7] par lequel la Cour d’appel de l’Ontario a statué à l’encontre du jugement rendu dans l’affaire Craftsmen. Cet arrêt, comme l’affaire Craftsmen, portait sur le Régime de pensions du Canada, 1964-65 (Can.), chap. 51 (maintenant S.R.C. 1970, chap. C-5). Les dispositions pertinentes étaient les par. 24(3) et (4) que voici:

(3) L’employeur qui a déduit de la rémunération d’un employé un montant au titre de la cotisation que ce dernier est tenu de verser, ou à valoir sur celle-ci, mais ne Ta pas remis au receveur général, doit garder ce montant à part, en un compte distinct du sien et il est réputé détenir le montant ainsi déduit en fiducie pour Sa Majesté.

(4) En cas de liquidation, de cession ou de faillite d’un employeur un montant égal à celui qui, selon le paragraphe (3), est réputé détenu en fiducie pour Sa Majesté doit être considéré comme étant séparé et ne formant pas partie des biens en liquidation, cession ou faillite, que ce montant ait été ou non, en fait, conservé distinct et séparé des propres fonds de l’employeur ou de la masse des biens.

On notera qu’après avoir établi au par. 24(3), comme au par. 227(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu, que l’employeur qui a déduit un montant «est réputé détenir le montant ainsi déduit en fiducie pour Sa Majesté», le par. 24(4) établit qu’«en cas de liquidation» un montant égal «doit être considéré comme étant séparé… des biens en liquidation… que ce montant ait été ou non, en

[Page 1198]

fait, conservé distinct et séparé». Il ressort clairement du passage suivant de l’opinion du juge en chef Gale (aux pp. 601 et 602) que la réclamation pour les déductions au titre du Régime de pensions a été accueillie dans l’arrêt Deslauriers uniquement à cause de ces termes que l’on ne retrouve pas dans la Loi de l’impôt sur le revenu:

[TRADUCTION] Encore une fois, suivant les faits de l’espèce, la Société n’avait fait que des déductions fictives inscrites aux livres de paie, ne pouvant rencontrer que sa liste de paie nette et ses dépenses d’exploitation.

Au nom du procureur général, on a soutenu que, bien que la réclamation du ministre ne serait pas fondée en vertu du par. (3) si l’art. 24 se terminait là, le ministre n’en avait pas moins, par l’effet du par. (4), le droit de recevoir, à même l’actif réalisé, une somme représentant le montant prélevé sur les salaires des employés, totalisant $1,068.82. Nous partageons cette interprétation du par. (4). Il nous semble que le par. (4), en particulier les six derniers mots, a été inséré dans la Loi dans le but spécifique de soustraire de la masse des biens du failli, par la création d’une fiducie, un montant équivalent aux déductions et d’en faire la propriété du ministre.

Nous sommes d’accord avec Me Olsson qui soutient au nom du procureur général que le terme «réputé» à la quatrième ligne du par. (4) doit être pris dans le sens d’une présomption irréfragable plutôt que d’une présomption simple, vu que le cas contraire, celui où le montant n’a pas en fait été conservé distinct et séparé, forme spécifiquement l’objet de la dernière partie de ce même paragraphe.

Je trouve le raisonnement suivi dans l’arrêt Deslauriers tout à fait convaincant et ferai remarquer qu’en 1956, (chap. 39, art. 27) le Parlement a abrogé le par. 123(6) de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, qui constituait «une première charge» sur les biens d’un employeur pour les déductions d’impôt sur le revenu. Je dois en conséquence conclure que la réclamation au titre des déductions d’impôt sur le revenu prélevées sur les salaires versés par l’employeur lui-même avant l’ordonnance de séquestre n’est pas fondée.

Il reste à examiner la question de savoir si les dispositions précitées du Régime de pensions du Canada et les dispositions analogues de la Loi sur

[Page 1199]

l’assurance-chômage s’appliquent à un séquestre nommé par la Cour en exécution de privilèges fixes et généraux portant sur tout I’actif d’une société employeur. Les paragraphes 71(2) et (3) de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage (1970-71-72, chap. 48) se lisent comme suit:

(2) Lorsqu’un employeur a retenu une somme sur la rémunération d’un assuré au titre des cotisations ouvrières que l’assuré doit payer, mais n’a pas versé cette somme au receveur général, il doit séparer cette somme de ses propres fonds et il est censé la détenir en fiducie pour Sa Majesté.

(3) En cas de liquidation, de cession ou de faillite d’un employeur, la somme qui est censée, aux termes du paragraphe (2), être détenue en fiducie pour Sa Majesté est censée ne pas être comprise dans la masse de la liquidation, cession ou faillite, que cette somme ait été séparée ou non des propres fonds de l’employeur ou de l’actif de la masse.

Il faut d’abord faire remarquer que, pour des raisons analogues à celles qui motivent l’arrêt Avco précité, la réclamation des déductions au titre du Régime de pensions et de l’assurance-chômage ne peut affecter le produit de la réalisation de biens grevés d’un privilège fixe et spécifique. A partir de la création de cette charge, l’actif qui en est grevé n’est plus la propriété du débiteur qu’à charge de ce privilège. La réclamation des déductions est née plus tard et ne peut donc primer ce privilège en l’absence d’une loi le prescrivant spécifiquement. Cependant, le privilège général ne s’est pas cristallisé avant la délivrance du bref d’assignation et la nomination du séquestre. En l’espèce, que l’on choisisse l’une ou l’autre date n’a pas d’importance, les deux étant postérieures aux déductions.

La dernière question est celle de savoir si la réalisation par le séquestre constitue une «liquidation, cession ou faillite» au sens des dispositions en cause. Le juge Osler a examiné cette question dans Royal Trust Company v. Montex Apparel Industries Ltd.[8] Sa conclusion, rejetant la réclamation des déductions au titre de l’assurance-chômage, a

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été confirmée en appel[9]. Il importe cependant de noter que la disposition en vigueur à l’époque (S.R.C. 1970, chap. U-2, par. 40(2) n’incluait pas les termes «que cette somme ait été séparée ou non des propres fonds de l’employeur ou de l’actif de la masse». A l’époque, on ne retrouvait ces termes, qui figurent maintenant au par. 71(3) de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage, qu’au par. 24(4) du Régime de pensions du Canada et, comme nous l’avons vu, ce n’est qu’à cause de ces termes additionnels que la réclamation a été accueillie dans l’arrêt Deslauriers. Par conséquent, en leur absence, la réclamation doit échouer sur la base du raisonnement du juge en chef Gale que j’ai déjà cité et sur lequel le juge Osler s’est fondé. Il est clair que cela suffisait à régler la question, mais celui-ci a poursuivi, en obiter (à la p. 681):

[TRADUCTION) Quoique l’on ne m’ait cité aucune jurisprudence sur cet aspect de l’affaire, il est de droit élémentaire que les lois fiscales doivent recevoir une interprétation stricte et, à mon avis, une mise sous séquestre par ordre de la Cour ne constitue pas une liquidation, cession ou faillite et en conséquence ni l’art. 40 de la Loi sur l’assurance-chômage ni l’art. 24 du Régime de pensions du Canada ne s’appliquent, nonobstant les motifs qui précèdent. Suivant les faits en l’espèce, le séquestre a réellement procédé à la liquidation de l’entreprise de la défenderesse. Cependant, comme l’a fait remarquer l’avocat du fiduciaire, une mise sous séquestre n’a pas pour résultat inévitable la liquidation et, d’ailleurs, de nombreuses mises sous séquestre ont eu pour résultat heureux la remise de l’entreprise en état de fonctionnement à ses propriétaires. Il est impossible de savoir avec certitude au moment de la nomination du séquestre si la liquidation est en fait inévitable et c’est à ce moment-là qu’il faut évaluer la portée des diverses lois. Retarder l’application de ces lois jusqu’à la fin de la tâche du séquestre plutôt que de la déterminer au moment de sa nomination pourrait bien rendre cette tâche impossible.

Avec égards, je ne peux être d’accord. Il ne s’agit pas d’une situation où la mise sous séquestre ne résulte pas en une liquidation. Lors d’une répartition en faillite, on ne se préoccupe pas de la situation qui aurait existé si la déclaration de faillite avait été annulée. Il s’agit en l’espèce d’une mise sous séquestre terminée par la vente et la distribution de tout l’actif de la société employeur.

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Dans les lois du Canada en vigueur lorsque les deux dispositions que nous devons interpréter ont été adoptées, le terme «liquidation» n’était pas employé dans la version anglaise pour décrire la distribution volontaire ou forcée de l’actif d’une société, le terme employé était «winding-up», voir la Loi sur les liquidations, S.R.C. 1970, chap. W-10. Cependant le terme «liquidation» était parfois employé pour décrire le processus de dissolution d’une société, par exemple à l’al. 6b) qui prescrit l’application de la Loi aux sociétés canadiennes:

b) qui sont en liquidation ou en voie de passer par la liquidation et, par pétition de la part de quelqu’un de leurs actionnaires ou créanciers, cessionnaires ou liquidateurs, demandent à être assujetties à la présente loi.

Ce terme se retrouve également à l’art. 166, à propos d’une compagnie britannique ou étrangère qui est «en liquidation dans le pays où est situé son siège social». Dans la Loi sur les associations coopératives du Canada, 1970-71-72 (Can.), chap. 6, le terme «liquidation» se trouve à la version anglaise de l’art. 74 qui exclut la responsabilité des administrateurs pour les salaires des employés à moins que, entre autres conditions, l’association

(ii) ne se soit mise en liquidation ou n’ait été mise en liquidation par ordonnance en vertu de la Loi sur les liquidations, ou n’ait fait une cession en vertu de la Loi sur la faillite, ou qu’une ordonnance de séquestre n’ait été rendue contre elle en vertu de la Loi sur la faillite…

Il me paraîtrait absurde de décider que, parce que l’actif d’une société a été réalisé par un séquestre nommé à la demande d’un créancier plutôt que par un liquidateur ou un syndic nommé par un tribunal, la réclamation de salaires devrait échouer. Il ne me paraît pas y avoir de raison de ne pas donner au terme anglais «liquidation» son sens large dans la langue courante. J’adopterais le raisonnement fait par le juge Middleton de la Cour d’appel dans l’arrêt Davey v. Gibson[10], à la p. 381:

[TRADUCTION] La plaidoirie devant nous a surtout porté sur la question de savoir si la Loi devait recevoir une interprétation stricte ou large. A mon avis, il n’est pas nécessaire de traiter de cette question…

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L’expression «gone into liquidation» n’est définie nulle part; il s’agit plus ou moins d’une expression courante, car il n’y a pas, aujourd’hui, de procédure juridique connue en anglais sous le nom de «liquidation». Cela a déjà été le cas, mais elle est depuis longtemps périmée. Le terme technique employé dans la Loi sur les compagnies est «wind up», bien que l’officier nommé pour procéder au «winding-up» soit appelé un liquidateur.

Si l’on fouille les dictionnaires, il n’est pas difficile de trouver une définition de «liquidation» suffisamment large pour inclure la faillite. Dans le Century dictionary, on trouve ceci: «Liquidation: l’acte ou l’opération de «winding-up» liquider les affaires d’une entreprise ou société, en réalisant l’actif, réglant les débiteurs et créanciers, et répartissant le montant du profit ou de la perte de chaque associé ou actionnaire, etc.» Dans l’Oxford Dictionary, on trouve ceci: «Liquidate: droit et commerce: déterminer et calculer clairement les dettes (d’une société ou entreprise) et répartir l’actif; (to) «wind up». Dans le Corpus Juris, cette mine de renseignements, se trouve la définition suivante: «Liquidation», un mot d’origine française, n’est pas un terme technique, et, en conséquence, il ne peut avoir de sens fixe en droit; mais il est assez bien défini en droit, et l’on dit qu’il s’agit d’un terme de doctrine, de finance et de commerce. Il est défini comme l’acte de régler, calculer des dettes, ou d’en déterminer le montant ou solde dû; règlement ou calcul d’un compte indéterminé… Dans le cas d’une association ou société, l’acte ou l’opération de «winding-up» liquider les affaires d’une entreprise ou société en réalisant l’actif, réglant les débiteurs et créanciers et répartissant le montant du profit ou de la perte.»…

A mon avis, c’est à bon droit que la majorité de la Cour d’appel du Manitoba a statué que le montant que l’employeur a prélevé sur les salaires des employés au titre des contributions au Régime de pensions et à l’assurance-chômage devait être réputé avoir été détenu en fiducie pour Sa Majesté à la date de l’ordonnance de séquestre et, en conséquence, devait être réputé avoir été réalisé par le séquestre à même l’actif grevé du privilège général. Le montant exact de cet actif n’a pas été établi, mais une des pièces démontre que la réalisation du stock a produit plus de $100,000. Il est donc clair que le séquestre avait des fonds suffisants pour régler ces deux petites réclamations.

Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi à seule fin de déduire du montant accordé par la Cour d’appel la somme réclamée pour les

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déductions d’impôt faites avant l’ordonnance de séquestre, soit la somme de $2,550.78, avec rajustement en conséquence de l’intérêt et des pénalités comme la Cour d’appel l’a ordonné (le juge Monnin à la p. 523). L’appelante réussit sur un point majeur et, dans les circonstances de l’espèce où aucuns dépens n’ont été adjugés dans les cours d’instance inférieure, je suis d’avis qu’elle a droit aux dépens en cette Cour.

Version française des motifs des juges Estey et Chouinard rendus par

LE JUGE ESTEY (dissident en partie) — Il s’agit en l’espèce de savoir si un séquestre nommé par la cour pour réaliser une garantie consentie par la défenderesse-débitrice à la demanderesse-appelante est tenu de payer à l’intimée, par préférence aux réclamations de l’appelante à titre de créancière garantie, des sommes relatives à des déductions faites en vertu de trois lois fédérales (ou qui, de l’avis de l’intimée, auraient dû l’être) sur le salaire payé ou payable par la défenderesse.

Pour plus de commodité, la demanderesse-appelante sera appelée Dauphin, la défenderesse-débitrice et employeur en cause, Xyloid, et Sa Majesté la Reine du chef du Canada, l’intimée. Le 31 mars 1977, Dauphin a obtenu de la Cour du banc de la Reine de la province du Manitoba la nomination d’un séquestre-gérant (Clarkson Company Ltd.) pour [TRADUCTION] «la totalité de l’entreprise, des biens et de l’actif de» Xyloid. En temps utile, le séquestre-gérant (ci-après appelé le «séquestre») a réalisé l’actif garanti par une obligation, un privilège général et une hypothèque mobilière et en a distribué le produit net, moins la somme de $7,416.57, dont, à la libération du séquestre par le juge Deniset, on a ordonné la retenue jusqu’à ce que la validité et le rang des réclamations de l’intimée en vertu de certaines lois fédérales soient établis par la Cour. Nous ne nous intéressons pas en l’espèce aux circonstances qui ont conduit à la libération du séquestre et, d’ailleurs, le dossier ne révèle pas si la somme susmentionnée de $7,416.57 est le produit de la réalisation du privilège fixe prévu par l’obligation, des éléments d’actif grevés par l’hypothèque mobilière ou du privilège général constaté par l’obligation. L’origine de ces sommes n’a apparemment pas d’incidence.

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Il importe, cependant, de se rendre compte qu’a vant la nomination du séquestre (période que j’appellerai pour plus de commodité la période de pré-nomination), Xyloid a versé du salaire à ses employés et effectué les déductions prescrites par la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada, le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l’assurance-chômage. A l’égard de ces versements, le savant juge de première instance a conclu que Xyloid avait effectué les déductions obligatoires. Il a dit:

[TRADUCTION] …j’accepte comme établi que la défenderesse a déduit les sommes exigées par la loi avant de verser les salaires ou au moment où elle les a versés et cela, avant la date de la mise sous séquestre.

Xyloid n’a cependant pas remis à l’intimée les fonds ainsi retenus et n’a pas tenu ces déductions ou retenues séparées de ses propres fonds ou de son actif. Après la nomination du séquestre (période que j’appellerai pour plus de commodité la période de post‑nomination), le séquestre a versé aux employés de Xyloid du salaire gagné durant la période de pré-nomination, apparemment en conformité de The Payment of Wages Act du Manitoba. Ce faisant, le séquestre n’a rien remis à l’intimée (par cela, je veux dire tous les organismes et ministères de l’intimée) au titre des trois lois fédérales.

Il suffit de faire remarquer en passant que pendant la période de post-nomination le séquestre a poursuivi certaines activités de Xyloid et, pour ce faire, a embauché d’anciens employés de Xyloid auxquels il a versé du salaire à l’égard duquel des sommes ont été versées à l’intimée conformément aux trois lois fédérales susmentionnées. Cette phase des activités du séquestre ne fait l’objet d’aucun litige.

La seule question est donc celle de savoir si, en vertu de ces lois fédérales, l’intimée doit être préférée aux créances de Dauphin à titre de créancière garantie de Xyloid, à l’égard de la somme de $7,416.57 détenue par le séquestre.

1. Paiements effectués par le séquestre pendant la période de post-nomination

Il est préférable d’aborder en premier lieu la position adoptée par l’appelante à l’égard de ce que

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le séquestre a versé pendant la période de post-nomination aux anciens employés de Xyloid à titre de salaire gagné pendant la période de pré-nomination. L’appelante affirme que le séquestre a effectué ces versements conformément à The Payment of Wages Act du Manitoba, dont voici les dispositions pertinentes:

[TRADUCTION] 7(1) Nonobstant toute autre loi, le montant du salaire n’excédant pas $2,000, dû et payable par un employeur à un employé, constitue une créance privilégiée sur les biens et l’actif de l’employeur, payable à l’employé par préférence à toute autre dette ou créance, y compris celles de Sa Majesté du chef du Manitoba et, sans limiter la portée de ce qui précède, ce privilège prévaut contre toute cession, y compris une cession de créance, absolue ou non, toute hypothèque sur biens réels ou personnels, obligation et garantie enregistrée ou non, faite, donnée, acceptée ou émise avant ou après l’entrée en vigueur de la présente loi.

3(4) Tout employeur est réputé détenir en fiducie pour l’employé le salaire qui lui est dû, qu’il ait gardé ou non ce montant à part, et l’employé détient une créance privilégiée sur l’actif de l’employeur pour le montant du salaire qui, dans le cours ordinaire des affaires, figurerait dans les livres de l’entreprise de l’employeur, qu’il y figure ou non.

1h) «salaire» ou «salaires» comprend un traitement, une commission ou autre indemnité pour un travail ou des services mesurés au temps, à la pièce ou autrement, et toute rémunération due et payable à un employé y compris les sommes payables en vertu de The Vacations With Pay Act ou les sommes payables en cas de cessation d’emploi en vertu de The Employment Standards Act; mais ne comprend pas les déductions du salaire qu’un employeur peut légalement faire.

24 En cas de conflit entre les dispositions de la présente loi et celles de toute autre loi de la Législature, les dispositions de la présente loi ont priorité.

L’appelante fait valoir que la loi du Manitoba crée un privilège sur l’actif de Xyloid en faveur des employés de celle-ci, et qu’on doit le régler par préférence [TRADUCTION] «à toute autre dette ou créance… enregistrée ou non, faite, donnée… ou émise avant ou après l’entrée en vigueur de la présente loi». De plus, la Loi dispose que l’employeur (Xyloid) [TRADUCTION] «est réputé déte-

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nir le salaire gagné…» en fiducie pour l’employé, qu’il «ait gardé ou non ce montant à part». Vu la définition de salaire à l’al. 1h), c’est à bon droit que le séquestre, selon l’appelante, a réglé cette créance privilégiée au montant fixé par la Loi, savoir le salaire gagné, sans y inclure les déductions «qu’un employeur peut légalement faire». En définitive, si l’on adopte ce raisonnement, le séquestre a utilisé le produit net de la réalisation de l’actif donné en garantie de l’obligation, de l’hypothèque mobilière et du privilège général susmentionnés dans la mesure nécessaire pour régler la créance privilégiée créée par la loi du Manitoba.

Pour déterminer les conséquences juridiques du paiement qu’a effectué le séquestre en application de la loi du Manitoba pendant la période de post-nomination, il faut déterminer s’il représentait, en fait et en droit, un salaire, ou s’il résulte de la Loi qu’il s’agissait du règlement d’une dette. J’ai conclu que la loi du Manitoba a créé une créance garantie par un privilège sur l’actif de Xyloid, d’un montant égal aux salaires dus suivant la définition de la Loi, savoir les salaires dus, moins une somme égale aux déductions qu’un employeur peut légalement faire. L’étendue de l’actif de l’employeur qui est ainsi grève (et qui est en l’espèce inclus dans la garantie à laquelle la cour a donné effet par la mise sous séquestre) se limite à une partie précise du salaire impayé au moment où le séquestre a été nommé et où il a reçu l’actif de l’employeur.

Dans l’interprétation et l’application de la loi du Manitoba en l’espèce, il importe de noter que le privilège sur l’actif de Xyloid au profit des employés est né lorsque le salaire est devenu «dû et payable» et, par conséquent, que le privilège y afférent est né une fois ce salaire gagné, c’est-à-dire avant la nomination du séquestre et avant que Xyloid ne fasse de déductions en vertu des lois fédérales.

Mais, même si c’est le cas, il faut malgré tout interpréter les lois fédérales afin d’établir leur portée envisagée et de décider de leur application.

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Les trois lois fédérales prévoient ce qui suit:

La Loi de l’impôt sur le revenu (ci-après la LIR) art. 227 Retenue des impôts

(4) Toute personne qui déduit ou retient un montant quelconque en vertu de la présente loi est réputée retenir le montant ainsi déduit ou retenu en fiducie pour Sa Majesté.

(5) Tous les montants déduits ou retenus par une personne en conformité de la présente loi doivent être tenus séparés de ses propres fonds et, dans le cas d’une liquidation, cession ou faillite [d’un employeur], ces montants doivent demeurer à part et ne former aucune partie des biens en liquidation, cession ou faillite.

Le Régime de pensions du Canada (ci-après le RPC)

24(3) L’employeur qui a déduit de la rémunération d’un employé un montant au titre de la cotisation que ce dernier est tenu de verser, ou à valoir sur celle-ci, mais ne l’a pas remis au receveur général, doit garder ce montant à part, en un compte distinct du sien et il est réputé détenir le montant ainsi déduit en fiducie pour Sa Majesté.

24(4) En cas de liquidation, de cession ou de faillite d’un employeur, un montant égal à celui qui, selon le paragraphe (3), est réputé détenu en fiducie pour Sa Majesté doit être considéré comme étant séparé et ne formant pas partie des biens en liquidation, cession ou faillite, que ce montant ait été ou non, en fait, conservé distinct et séparé des propres fonds de l’employeur ou de la masse des biens.

La Loi sur l’assurance-chômage (ci-après la LAC)

71(2) Lorsqu’un employeur a retenu une somme sur la rémunération d’un assuré au titre des cotisations ouvrières que l’assuré doit payer, mais n’a pas versé cette somme au receveur général, il doit séparer cette somme de ses propres fonds et il est censé la détenir en fiducie pour Sa Majesté.

71(3) En cas de liquidation, de cession ou de faillite d’un employeur, la somme qui est censée, aux termes du paragraphe (2), être détenue en fiducie pour Sa Majesté est censée ne pas être comprise dans la masse de la liquidation, cession ou faillite, que cette somme ait été séparée ou non des propres fonds de l’employeur ou de l’actif de la masse. (C’est moi qui souligne.)

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La LIR exige, par exemple, que «toute personne qui verse un traitement ou salaire ou autre rémunération à un employé doit en déduire…». Si l’on présume pour le moment que la définition de «personne» comprend un séquestre[11], cette personne est-elle tenue de faire des déductions sur des montants qui, en droit, au moment du paiement, ne constituaient pas du salaire mais des montants versés en règlement d’une créance privilégiée créée par la loi? Pour les motifs que j’ai exposés, je ne crois pas que l’on puisse interpréter la loi en ce sens.

Quant aux autres lois fédérales, abstraction faite des autres motifs que j’ai déjà énoncés, je viens à la même conclusion que dans le cas de la loi fiscale pour le motif supplémentaire que les termes tant de la LAC que du RPC envisagent expressément un versement par un employeur, et le séquestre en l’espèce n’est ni employeur ni mandataire de l’employeur.

A mon avis, il en découle donc que le privilège sur l’actif de Xyloid dont le séquestre a pris possession à sa nomination, existait au moment de cette nomination et qu’il a continué à grever cet actif pendant la période de post-nomination. Lorsque le séquestre a fait ces versements aux anciens employés de Xyloid, il ne leur distribuait pas un salaire, mais réglait simplement la créance privilégiée créée par la loi. Ce faisant, il est clair qu’il n’agissait pas comme mandataire de Xyloid mais simplement comme officier de la cour dans l’exé-

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cution des obligations imposées par l’ordonnance de nomination. Voir Falconbridge on Mortgages, 4e éd. (1977), aux pp. 759 et 760, que la Cour d’appel du Manitoba a cité avec approbation dans l’arrêt International Woodworkers of America, Local 1-324 v. Wescana Inn Ltd. and Clarkson Company Limited[12], à la p. 204. Voir aussi R.W.S. Johnston, «Receivers», L.S.U.C. Special Lectures (1961) 101, à la p. 105. Le commentaire dans l’arrêt Wescana précité, à la p. 204, paraît contredire sur ce point l’arrêt de la Cour d’appel en l’espèce: voir (1979), 29 CBR 276 à la p. 283.

En conséquence, je conclus que Dauphin a gain de cause et a droit de conserver la somme de $3,474.83 que l’intimée réclame à l’égard de la période de post-nomination.

2. La période de pré-nomination

Je passe maintenant à la période de pré-nomination à l’égard de laquelle des éléments supplémentaires entrent en ligne de compte. Il ressort clairement du dossier que, contrairement aux obligations imposées respectivement par le RPC, la LAC et la LIR, Xyloid a omis de conserver “distrinct et séparé de ses propres fonds…” tout montant déduit ou retenu du salaire de ses employés d’alors. Après avoir créé cette obligation, chacune des trois dispositions établit de différentes façons que les sommes déduites ou retenues le sont “en fiducie pour Sa Majesté”. Les termes employés par le RPC et la LAC sont presque identiques et établissent que ces montants sont réputés détenus en fiducie; et de plus qu’“en cas de liquidation, de cession ou de faillite d’un employeur,… (ce montant) doit être considéré comme étant séparé et ne formant pas partie des biens en liquidation, cession ou faillite, que ce montant ait été ou non, en fait, conservé distinct et séparé des propres fonds de l’employeur et de la masse des biens”. L’application de cette disposition, que l’on trouve au par. 24(4) du RPC et en des termes presque identiques au par. 71(3) de la LAC, dépend de l’interprétation de l’expression “liquidation, cession ou faillite d’un employeur”. Il

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est clair qu’il n’y a pas eu de cession ni de faillite de Xyloid et la question est donc de savoir s’il y a eu une liquidation. Le terme a été défini de différentes façons par les dictionnaires juridiques et les autres, ce qu’illustrent les définitions suivantes:

Stroud’s Judicial Dictionary, 4e éd., vol. 3, à la p. 1555:

[TRADUCTION] Liquidation. La liquidation volontaire d’une compagnie, bien que dans le seul but de réorganisation, n’en constitue pas moins une “liquidation” au sens d’une clause de résiliation dans un bail consenti à la compagnie (Horsey v. Steiger [1898] 2 Q.B. 259). Mais une liquidation volontaire équivaut à une “faillite”, au sens où ce terme a été employé dans la Conveyancing and Law of Property Act 1881 (chap. 41), art. 14(6,i), et la Conveyancing and Law of Property Act 1892 (chap. 13), par. 2(2);…

Shorter Oxford English Dictionary, 1959, p. 1150:

[TRADUCTION] Liquidation…

1. Droit. L’action ou le processus qui consiste à calculer et à répartir le montant d’une dette, etc.

2. La compensation ou le règlement (d’une dette) 1786.

3. L’action ou le processus qui consiste à dissoudre (winding-up) une compagnie; l’état ou le résultat de la dissolution; not. dans l’express, se mettre en liquidation 1869.

Black’s Law Dictionary

[TRADUCTION] Liquidation. L’acte ou le processus qui consiste à régler ou compenser, à fixer et à déterminer ce qui était auparavant incertain ou indéterminé. Paiement, règlement ou perception; réalisation de l’actif et acquittement des dettes. Supprimer (diminuer) une dette. Craddock-Terry Co. v. Powell, 180 Va. 242, 22 S.E. 2d 30, 34. Payer ou régler. In re Klink’s Estate, 310 Ill. App. 609, 35 N.E. 2d 684, 687. Prendre en charge pour perception. Belden v. Modern Finance Co., Ohio App., 61 N.E. 2d 801, 804, 44 O.L.A. 163. Dissolution ou règlement avec les créanciers et débiteurs. Wilson v. Superior Court in and for Santa Clara County, 2 Cal. 2d 632, 43 P. 2d 286, 288. Dissolution d’une société de sorte que l’actif est distribué à ceux qui y ont droit. Processus qui consiste à transformer l’actif en argent comptant, à acquitter les dettes et à diviser le surplus ou la perte.

Le terme est généralement employé dans notre droit, qu’il soit ou non accompagné des termes “cession” ou “faillite”, à l’égard soit de la réalisation de l’actif pour régler des dettes soit de la vente totale d’une entité incluant non seulement la réali-

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sation de l’actif pour régler les dettes, mais la distribution du surplus net aux propriétaires de l’entité avant qu’elle disparaisse. Lorsque le terme est utilisé dans les lois sur les pensions et l’assurance-chômage à l’égard de la liquidation “d’un employeur”, il est clair, à mon avis, qu’il l’est dans son sens large et général, c’est-à-dire le processus qui consiste à vendre une entreprise et à mettre fin à l’existence de l’entité. Comme cela ne s’est pas produit ici, les dispositions des par. (4) du RPC et (3) de la LAC ne sont pas applicables. Le juge Osler, siégeant en première instance dans Royal Trust Co. v. Montex Apparel Industries Ltd.[13], en vient à la même conclusion par une autre voie lorsqu’il dit:

[TRADUCTION] Suivant les faits en l’espèce, le séquestre a réellement procédé à la liquidation de l’entreprise de la défenderesse. Cependant, comme l’a fait remarquer l’avocat du fiduciaire, une mise sous séquestre n’a pas pour résultat inévitable la liquidation et, d’ailleurs, de nombreuses mises sous séquestre ont eu pour résultat heureux la remise de l’entreprise en état de fonctionnement à ses propriétaires. Il est impossible de savoir avec certitude au moment de la nomination du séquestre si la liquidation est en fait inévitable et c’est à ce moment-là qu’il faut évaluer la portée des diverses lois. Retarder l’application de ces lois jusqu’à la fin de la tâche du séquestre plutôt que de la déterminer au moment de sa nomination pourrait bien rendre cette tâche impossible.

On peut soutenir que le terme «liquidation» s’applique au projet moindre de la réalisation de l’actif pour régler une dette, lorsque la dette en question est garantie par un privilège général grevant, comme c’est apparemment le cas en l’espèce, cent pour cent de l’actif. Le fondement de l’argument serait que, puisque la réalisation réduit l’entreprise à zéro, l’entité, dans un sens au moins, a été mise en liquidation. En droit, cependant, ce n’est pas une proposition valable car, même dans ce cas, la charte demeure, et sur libération du séquestre, l’entité demeure sous le contrôle de ses propriétaires et, bien que son actif puisse être nul et qu’une partie de son passif puisse encore exister en droit, on ne peut dire que l’entité a été liquidée ou mise en liquidation.

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La définition correcte du terme employé dans les dispositions pertinentes est celle qui a trait à la liquidation d’une entité puisque dans le RPC et la LAC, le terme est employé à l’égard de «la liquidation… d’un employeur». Au paragraphe 227(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu le terme est employé avec les mots «cession» ou «faillite» mais ne fait pas expressément référence à une entité, comme un employeur. Le paragraphe fait cependant mention des «biens en liquidation», ce qui renvoie clairement à la «liquidation» de l’entité et non simplement à la liquidation d’une partie de son actif dans le cadre du règlement d’une dette donnée garantie. De plus, les trois termes «liquidation, cession ou faillite» pris ensemble renvoient tous à une entité qui a été mise en liquidation, a fait une cession ou a été mise en faillite. C’est notamment le cas lorsque, comme en l’espèce, le paragraphe exige que les montants ainsi retenus soient conservés séparés et distincts des fonds de la personne qui fait la retenue, et par conséquent la «liquidation, cession ou faillite» se rapporte à cette personne comme entité et pas seulement à l’actif de cette entité. Le sens qu’il faut donc donner au terme «liquidation» dans chacune de ces trois lois est celui de liquidation de l’entité de l’employeur. En matière juridique, ce terme signifie la dissolution de l’entité par la réalisation de son actif, le règlement de son passif et la distribution du surplus, s’il y en a un, aux actionnaires, proportionnellement et selon leur rang. Il est évident qu’aucune procédure de cette nature n’a été entreprise en l’espèce à l’égard de Xyloid et les dispositions des par. 24(4) du RPC, 71(3) de la LAC et 227(4) et (5) de la Loi de l’impôt sur le revenu ne s’appliquent donc pas.

Ces deux paragraphes ajoutent chacun une condition supplémentaire à la disposition établissant la fiducie, savoir, que les déductions doivent être considérées comme séparées et distinctes des biens en liquidation, qu’elles aient été ou non, en fait, tenues séparées des propres fonds de l’employeur. Cette condition pourrait bien viser les circonstances présentes puisque Xyloid n’a pas tenu ces fonds séparés, mais ces dispositions ne s’appliquent pas en l’espèce.

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Le paragraphe 227(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu ne contient pas la disposition élargie qui crée une présomption en cas de liquidation et, par conséquent, même s’il y avait eu liquidation, l’intimée ne trouverait aucun secours dans la Loi pour établir une séparation des comptes.

Ceci peut avoir une importance considérable en droit des fiducies, parce que les biens en fiducie doivent habituellement être identifiables et l’objet spécifique de la fiducie mis à part avant que l’on puisse dire que la fiducie est née. (Voir Waters, The Law of Trusts in Canada, 1974, p. 64 et suiv., Mussoorie Bank v. Raynor[14], Perry v. Perry[15].) En l’espèce, ce n’est pas le droit général des fiducies qui nous occupe, mais plutôt l’application des lois précitées.

Par conséquent, les paiements effectués par Xyloid pendant la période de pré-nomination sont postérieurs à la naissance du droit au salaire. Xyloid n’a pas conservé les déductions séparées et distinctes de ses propres fonds et de son actif, et elle n’était pas en liquidation ni en faillite ni n’avait fait de cession; par conséquent, l’intimée ne peut se prévaloir de la dispense expresse de l’obligation de séparer les fonds, établie dans deux des trois lois. Je conclus dont que, comme pour la période de post-nomination, l’appelante a droit aux montants qu’a retenus le séquestre à l’égard des déductions faites durant cette période. (Dans le même sens, voir Bank of Nova Scotia v. Middleton Motors Limited[16].)

Bien que ce soit la première fois que cette Cour est appelée à se prononcer directement sur ces questions, je considère que le raisonnement suivi par d’autres cours appuie la conclusion à laquelle je suis venu. Par exemple, la Cour suprême de l’Ontario dans Royal Trust Company v. Montex Apparel Industries Limited (première instance)[17] et (Cour d’appel)[18] a conclu, à propos de la LAC, qu’une société administrée par un séquestre-gérant

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nommé en vertu d’une obligation hypothécaire n’est pas en liquidation, cession ou faillite et que, par conséquent, l’actuel par. 71(3) ne s’applique pas. Des questions semblables ont été soulevées devant les tribunaux de la Nouvelle-Écosse dans Re KRA Restaurants Ltd. v. Toronto Dominion Bank et al.[19] La Cour faisait face à un problème identique au nôtre à l’égard du RPC et de la LAC. Le juge Hart a conclu que ces dispositions ne confèrent à Sa Majesté du chef du Canada aucune préférence sur des créanciers garantis quant aux montants retenus pendant une période analogue à la période de pré-nomination en l’espèce. En conclusion, la Cour a interprété ces dispositions comme établissant une fiducie qui ne touche que le solde de la réalisation de l’actif une fois que le syndic de faillite a désintéressé les créanciers garantis.

La situation de l’intimée aux termes de la LIR est plus difficile à établir par rapport aux réclamations de l’appelante parce que la LIR ne contient pas la présomption que l’on trouve dans les deux autres lois. La question doit être tranchée d’après deux paragraphes simples de l’art. 227: le premier établit une présomption que les montants déduits sont détenus en fiducie pour Sa Majesté, le second prescrit que les montants ainsi déduits doivent être tenus séparés des fonds de la personne qui fait la déduction et, de plus, qu’en cas de liquidation, les montants doivent demeurer à part et ne former aucune partie des biens en liquidation. Toutefois la disposition de la LIR, du moins à un égard, est plus favorable à l’intimée que les dispositions des deux autres lois parce que la mention de la liquidation ne spécifie pas qu’il doit s’agir de la liquidation «d’un employeur», ni ne prescrit que les montants retenus doivent demeurer séparés des biens en liquidation au moment de la liquidation d’un employeur, etc.; la disposition établit plutôt que «dans le cas d’une liquidation… ces montants doivent demeurer à part…”. L’on peut soutenir que l’expression «une liquidation» est plus large que l’expression «liquidation d’un employeur» en ce sens que la première, contrairement à la seconde, comprendrait la liquidation de l’actif d’un débiteur sans constituer une liquidation formelle de l’entre-

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prise du débiteur ou la fin de son existence juridique. Je n’interprète pas le par. (5) de cette façon. Le terme «liquidation» est de nouveau employé en conjonction avec cession ou faillite et renvoie à des biens en liquidation. Dans le contexte de ce paragraphe, la liquidation se rapporte à mon avis à la dissolution de l’entité juridique, au règlement des dettes qui s’ensuit et à la distribution du solde net aux propriétaires réels, par exemple, les actionnaires.

L’appelante a fait valoir que la LIR fait partie de la catégorie des lois auxquelles les tribunaux doivent donner une interprétation stricte ou pénale. Pareille règle d’interprétation des lois a perdu beaucoup de son importance ces dernières années, en partie peut-être à cause de la place des lois fiscales dans l’ensemble de la réglementation gouvernementale des affaires économiques de la collectivité ou, bien sûr, de la pratique qui consiste à inclure dans la LIR ce que l’on pourrait généralement qualifier de droits à des déductions, à des taux spéciaux d’imposition, au report de l’assujettissement, et d’autres droits positifs conférés aux contribuables. L’application des anciennes règles d’interprétation stricte et avantageuse ne convient plus totalement, et parfois plus du tout, à ces lois. Voir W.A. Sheaffer Pen Company of Canada Limited v. Minister of National Revenue[20]; Lumbers c. Ministre du Revenu national[21]. Quoi qu’il en soit, dans le présent contexte, il est difficile de classer les par. 227(4) et (5), qui sont effectivement des mécanismes relatifs au traitement des fonds retenus des contribuables conformément à la Loi, et des dispositions fiscales qui commandent une interprétation stricte au sens historique de ce terme dans le domaine de l’interprétation des lois.

Il est clair que l’interprétation que je donne de ces trois lois a pour résultat immédiat de créer une anomalie. Le contribuable et assuré, en l’espèce une seule et même personne, perd aux termes des trois mécanismes législatifs le bénéfice d’une partie du salaire qu’il a gagné au service du tiers employeur. Au titre du régime de pensions, il ne reçoit pas le montant qui, n’eût été le défaut de son employeur, aurait été crédité à son régime de pensions établi par le RPC. De même, aucune

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cotisation ne sera portée à son compte aux termes de la LAC pour les montants qui ont été prélevés de ses gains de la manière décrite précédemment avant qu’il ne les touche. Aux termes de la LIR, sa situation fiscale est embrouillée, c’est le moins que l’on puisse dire, par l’effrondrement de son employeur. Finalement une déduction à la source effectuée d’une façon ou d’autre n’est pas portée au crédit du compte d’impôt de l’employé. Il se peut que son revenu imposable se limite, aux termes de la loi fiscale, aux montants versés par le séquestre lors de la radiation du privilège pour les salaires et aux montants d’argent comptant que l’employeur a versé à l’employé pendant la période de pré-nomination. Dans les deux cas, les répercussions fiscales seront moindres que si le salaire brut devait franchir le filtre fiscal. Néanmoins l’employé aura un crédit proportionnellement moindre, du moins en théorie, à celui qu’il aurait eu si l’employeur n’avait pas été en défaut relativement à sa dette garantie. Je dis «en théorie» parce que les répercussions monétaires réelles varieront selon le montant que l’employé tirera éventuellement d’autres sources pendant l’année d’imposition en cause, montant qui est évidemment inconnu en l’espèce.

J’ai mentionné au départ la difficulté que pose la solution du présent pourvoi parce que le dossier n’indique pas si les sommes que le séquestre a distribuées aux employés pendant les deux périodes provenaient en totalité ou en partie du produit de la réalisation effectuée en vertu du privilège spécifique prévu par l’obligation, de l’hypothèque mobilière enregistrée sur les biens meubles de Xyloid ou du privilège général donné par l’obligation. Les avocats ont informé la Cour à l’audition que, dans toutes les cours, on avait tenu pour acquis que les fonds utilisés par le séquestre pour effectuer les deux versements aux employés provenaient de la réalisation de l’actif de Xyloid en vertu du privilège général. Ce privilège général, bien sûr, s’est cristallisé et a pris effet en droit contre l’actif de Xyloid le 31 mars 1977 à la nomination du séquestre-gérant par la cour. Avant cette date, Xyloid n’avait ni réparti ni tenu séparées les déductions qu’elle avait faites conformément à ces lois. Xyloid avait alors $137 en caisse. Avant cette date, il n’y avait eu ni procédure de la

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nature d’une liquidation, ni procédures de faillite, ni cession de biens de la part de Xyloid. En conséquence, il importe peu que les fonds proviennent de l’exécution d’une garantie ou d’une autre. Il n’y avait aucune présomption de séparation des déductions ou retenues prélevées de l’actif ou des biens de Xyloid; de toute façon, il ne pouvait y avoir pareille présomption de séparation en vertu de la LIR; enfin, le séquestre n’est pas, au sens du par. 227(4), une personne qui a déduit quelque chose «en vertu de la présente loi», vu que, comme je l’ai dit, il a simplement effectué un paiement pour acquitter une créance privilégiée créée par une loi provinciale. Xyloid est la personne visée au par. 4 et, pour les motifs qui précèdent, les déductions faites par Xyloid ne constituaient pas une fiducie séparée et distincte des biens de Xyloid lorsque son actif est passé aux mains du séquestre au moment de l’exécution de la garantie.

Les tribunaux ont déjà déploré ailleurs les résultats que leur impose l’interaction des lois fédérales et provinciales relatives au rang des débiteurs-créanciers. La correction des anomalies dans ce domaine complexe relève du pouvoir législatif. La Cour a le devoir d’interpréter les lois telles qu’elles existent. Si le résultat qui en découle obligatoirement ne coïncide pas avec les intérêts de la collectivité, c’est à la législature d’intervenir. Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer l’ordre de la Cour d’appel du Manitoba et de rétablir l’ordonnance prononcée en première instance, avec dépens en faveur de l’appelante, Dauphin Plains Credit Union Limited, dans toutes les cours.

Pourvoi accueilli en partie avec dépens en cette Cour, les juges ESTEY et CHOUINARD étant dissidents en partie.

Procureurs de la demanderesse, appelante: Aikins, MacAulay & Thorvaldson, Winnipeg.

Procureur de la requérante, intimée: Roger Tassé, Ottawa.

[1] [1979] 2 W.W.R. 514.

[2] [1978] 3 W.W.R. 658.

[3] [1979] 2 R.C.S. 699.

[4] [1976] 2 R.C.S. 56.

[5] [1966] 1 Q.B. 312.

[6] [1972] 3 O.R. 132.

[7] [1970] 3 O.R. 599.

[8] [1972] 2 O.R. 673.

[9] [1972] 3 O.R. 132.

[10] (1930), 65 O.L.R. 379.

[11] D’autres tribunaux ont décidé (voir le juge d’appel Aylesworth dans Royal Trust v. Montex, [1972] 3 O.R. 132) que «personne» définie à l’al. 2(1)c) de la Loi sur la taxe d’accise, ne comprend pas un séquestre. La définition dans l’actuelle Loi de l’impôt sur le revenu, qui est semblable à celle de la Loi sur la taxe d’accise, se lit comme suit:

«personne» ou tout mot ou expression désignant une personne, comprend tout corps constitué et politique, les héritiers, exécuteurs testamentaires, administrateurs ou autres représentants légaux de cette personne, selon la loi de la partie du Canada visée par le contexte;

On ne trouve aucune explication de cette conclusion dans l’arrêt, mais le juge de première instance en l’espèce a appliqué cet arrêt et en est venu à la même conclusion. Je n’estime pas qu’il soit nécessaire de décider si le mot «personne» comprend un séquestre, mais si pareille conclusion était nécessaire, je serais porté à croire qu’en appliquant la définition de l’art. 248 aux termes du par. 153(1), le mot «personne» comprendrait effectivement le séquestre dans les circonstances de l’espèce.

[12] (1977), 27 C.B.R. (N.S.) 201.

[13] [1972] 2 O.R. 673.

[14] (1882), 7 App. Cas. 321.

[15] [1918] 2 W.W.R. 485 (C.A. Man.).

[16] (1978), 78 D.T.C. 6307.

[17] [1972] 2 O.R. 673.

[18] [1972] 3 O.R. 132.

[19] (1977), 74 D.L.R. (3d) 272.

[20] (1953), 53 D.T.C. 1223.

[21] [1943] R.C. de l’E. 202, [1944] R.C.S. 167.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être accueilli à seule fin de déduire du montant accordé par la Cour d’appel la somme réclamée pour les déductions d’impôt faites avant l’ordonnance du séquestre, soit la somme de $2,550.78, avec rajustement en conséquence de l’intérêt et des pénalités

Analyses

Mise sous séquestre - Revenu - Déductions du salaire prévues par trois lois fédérales - Déductions faites par la compagnie débitrice sur le salaire payé - Fonds non remis ni gardés à part - Nomination d’un séquestre - Salaire gagné avant la nomination payé par le séquestre conformément à The Payment of Wages Act du Manitoba - Salaire payé moins déductions - Aucun versement par le séquestre des montants déduits - Priorité des réclamations entre Sa Majesté et le créancier garanti - The Payment of Wages Act, 1975 (Man.), chap. 21, art. 1h) et 7(1) - Loi de l’impôt sur le revenu, 1 (Can.), chap. 63, art. 153(1)a), (3), 227(4), (5) - Régime de pensions du Canada, S.R.C. 1970, chap. C-5, art. 24(3),(4) - Loi sur l’assurance-chômage, 1 (Can.), chap. 48, art. 71(2), (3).

En garantie de dettes de plus de $1,000,000 la Caisse (Dauphin) avait obtenu de la société défenderesse (Xyloid) des obligations qui créaient un premier privilège fixe et spécifique sur tous ses biens immeubles et un privilège général sur tout le reste de son actif. Le 31 mars 1977, l’appelante a obtenu la nomination d’un séquestre pour «la totalité de l’entreprise, des biens et de l’actif de» la défenderesse. En temps utile, le séquestre a réalisé l’actif de la société et en a distribué le produit net, moins la somme de $7,416.57, dont à la libération du séquestre, on a ordonné la retenue jusqu’à ce que la validité et le rang des réclamations de l’intimée, Sa Majesté, en vertu de certaines lois fédérales soient établis par la Cour.

Avant la nomination du séquestre Xyloid a versé du salaire à ses employés et effectué les déductions prescrites par la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada, le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l’assurance-chômage. Xyloid n’a cependant pas remis à l’inti-

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mée les fonds ainsi déduits et n’a pas tenu ces déductions ou retenues séparées de ses propres fonds ou de son actif. Après sa nomination, le séquestre a versé aux employés de Xyloid du salaire gagné durant la période antérieure à sa nomination, en conformité de The Payment of Wages Act du Manitoba. Il a déduit de ce paiement les montants prescrits, mais le séquestre n’a rien remis à l’intimée au titre des lois fédérales susmentionnées.

La seule question est donc celle de savoir si, en vertu de ces lois fédérales, l’intimée doit être préférée aux créances de Dauphin à titre de créancière garantie de Xyloid, à l’égard de la somme de $7,416.57 détenue par le séquestre.

Le juge de première instance a conclu que Sa Majesté n’avait pas réussi à établir qu’elle devait être préférée pour quelque partie du montant réclamé et a ordonné au séquestre de verser à Dauphin le montant total de $7,416.57. La Cour d’appel du Manitoba, qui a infirmé le jugement du juge de première instance, a ordonné à Dauphin de verser à Sa Majesté la somme de $6,278.81. Sur autorisation de cette Cour, Dauphin se pourvoit contre l’arrêt de la Cour d’appel.

Arrêt (Les juges Estey et Chouinard sont dissidents en partie): Le pourvoi doit être accueilli à seule fin de déduire du montant accordé par la Cour d’appel la somme réclamée pour les déductions d’impôt faites avant l’ordonnance du séquestre, soit la somme de $2,550.78, avec rajustement en conséquence de l’intérêt et des pénalités.

Les juges Martland, Ritchie, Pigeon, Beetz et McIntyre: Le pourvoi échoue pour ce qui est des déductions faites par le séquestre sur le salaire payé en vertu de The Payment of Wages Act. Dauphin soutient, en réalité, que The Payment of Wages Act autorisait le séquestre à faire la déduction d’impôt sur le revenu au profit du créancier de l’obligation. C’est là fausser complètement l’objet de cette déduction. L’article 153 de la Loi de l’impôt sur le revenu est le seul texte de loi qui permet à quelqu’un de faire une déduction au titre de l’impôt sur le revenu, mais cet article dispose ensuite, au par. (4), que le montant ainsi déduit est retenu «en fiducie pour Sa Majesté». Aucune loi du Manitoba ne peut changer cela. Il faut aussi tenir compte de ce qu’en vertu du par. 153(3), les employés sont réputés avoir reçu leur salaire en entier, et sont en conséquence assujettis à l’impôt sur cette base. La position adoptée par Dauphin aurait cependant pour résultat qu’elle bénéficierait des déductions de sorte que les employés devraient payer au ministère du Revenu national un impôt sur un revenu qu’ils n’ont pas reçu et au titre duquel ils n’obtiendraient aucun crédit.

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Le juge de première instance a omis de tenir compte des conséquences que cela comporte si l’on permet à un séquestre de faire des déductions au titre de l’impôt sur le revenu en payant du salaire et de ne pas considérer ces déductions comme des retenues à ce titre. Non seulement c’est contradictoire, mais, si on l’admettait, cela constituerait un détournement injuste que la législature du Manitoba n’a pas pu avoir l’intention d’autoriser par la définition de salaire dans The Payment of Wages Act.

Compte tenu de l’objet de The Payment of Wages Act, les déductions visées par la définition de «salaire» sont seulement celles qui peuvent être faites au profit de l’employeur. La Loi ne doit pas être interprétée de façon à dépouiller un tiers, le fisc, de ses droits légitimes. On ne doit pas présumer que la législature a voulu créer une contradiction et il serait contradictoire de permettre que des déductions soient faites au titre de l’impôt sur le revenu pour être affectées au profit du créancier de l’employeur.

En ce qui concerne les déductions que le séquestre a faites au titre du Régime de pensions du Canada et de l’assurance-chômage, part de l’employé, ces sommes représentaient une dette due par les personnes qui ont reçu le salaire, en vertu des dispositions de l’art. 8 du Régime de pensions du Canada et de l’art. 62 de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage. Le séquestre avait des fonds suffisants pour payer le montant complet des salaires dus et, en conséquence, les déductions effectuées étaient de véritables déductions, et non de simples inscriptions comptables, elles constituaient des sommes retenues afin de satisfaire à la dette des employés au titre des contributions et cotisations relatives à ces gains. Les sommes retenues à cette fin, se sont trouvées retenues en fiducie au bénéfice du fisc qui a donc le droit de les réclamer au séquestre. Dauphin ne peut justifier la décision de première instance qui ordonne au séquestre de les lui remettre et la Cour d’appel a donc eu raison d’ordonner qu’elles soient remises au ministère du Revenu national à valoir sur la dette des employés.

La Cour d’appel a eu raison de décider que les réclamations relatives à la part de l’employeur au titre du Régime de pensions du Canada, et à la part de l’employeur de la déduction au titre de l’assurance-chômage, n’étaient pas fondées en droit. On n’a pas contesté cette conclusion dans le pourvoi à cette Cour ni attaqué l’exactitude des rajustements faits pour ces sommes avec intérêts et peines et qui ont donné le montant fixé par l’arrêt.

Suivant le raisonnement de l’arrêt Re Deslauriers Construction Products Ltd., [1970] 3 O.R. 599, la réclamation au titre des déductions d’impôt sur le

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revenu prélevées sur les salaires versés par l’employeur lui-même avant l’ordonnance de séquestre n’est pas fondée. Deslauriers portait sur le Régime de pensions du Canada, les dispositions pertinentes étaient les par. 24(3) et (4). Après avoir établi au par. 24(3), comme au par. 227(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu, que l’employeur qui a déduit un montant «est réputé détenir le montant ainsi déduit en fiducie pour Sa Majesté», le par. 24(4) établit qu’«en cas de liquidation» un montant égal «doit être considéré comme étant séparé… des biens en liquidation… que ce montant ait été ou non, en fait, conservé distinct et séparé». La réclamation pour les déductions au titre du Régime de pensions a été accueillie dans l’arrêt Deslauriers uniquement à cause de ces termes que l’on ne retrouve pas dans la Loi de l’impôt sur le revenu.

Il reste à examiner la question de savoir si les dispositions précitées du Régime de pensions du Canada et les dispositions analogues de la Loi sur l’assurance-chômage s’appliquent à un séquestre nommé par la Cour en exécution de privilèges fixes et généraux portant sur tout l’actif d’une société employeur. La réclamation des déductions au titre du Régime de pensions et de l’assurance-chômage ne peut affecter le produit de la réalisation de biens grevés d’un privilège fixe et spécifique. A partir de la création de cette charge, l’actif qui en est grevé n’est plus la propriété du débiteur qu’à charge de ce privilège. La réclamation des déductions est née plus tard et ne peut donc primer ce privilège en l’absence d’une loi le prescrivant spécifiquement. Cependant, le privilège général ne s’est pas cristallisé avant la délivrance du bref d’assignation et la nomination du séquestre. En l’espèce, que l’on choisisse l’une ou l’autre date n’a pas d’importance, les deux étant postérieures aux déductions.

La dernière question est celle de savoir si la réalisation par le séquestre constitue une «liquidation, cession ou faillite» au sens des dispositions en cause. Il n’y a aucune raison de ne pas donner au terme anglais «liquidation» son sens large dans la langue courante. A bon droit, la majorité de la Cour d’appel a statué que le montant que l’employeur a prélevé sur les salaires des employés au titre des contributions au Régime de pensions et à l’assurance‑chômage devait être réputé avoir été détenu en fiducie pour Sa Majesté à la date de l’ordonnance de séquestre et, en conséquence, devait être réputé avoir été réalisé par le séquestre à même l’actif grevé du privilège général.


Parties
Demandeurs : Dauphin Plains Credit Union Ltd.
Défendeurs : Xyloid Industries Ltd.

Références :

Jurisprudence: Commission des relations de travail c. Avco, [1979] 2 R.C.S. 699

Wiltshire v. Barrett, [1966] 1 Q.B. 312

Royal Trust Co. v. Montex Apparel Indus-
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tries Ltd., [1972] 2 O.R. 673, conf. par [1972] 3 O.R. 132
Davey v. Gibson (1930), 65 O.L.R. 379.
Les juges Estey et Chouinard, dissidents en partie: The Payment of Wages Act du Manitoba a créé une créance garantie par un privilège sur l’actif de Xyloid, d’un montant égal aux salaires dus suivant la définition de la Loi, savoir les salaires dus, moins une somme égale aux déductions qu’un employeur peut légalement faire.
Le privilège sur l’actif de Xyloid dont le séquestre a pris possession à sa nomination, existait au moment de cette nomination et il a continué à grever cet actif pendant la période de post-nomination. Lorsque le séquestre a fait ces versements aux anciens employés de Xyloid, il ne leur distribuait pas un salaire, mais réglait simplement la créance privilégiée créée par la loi. Ce faisant, il est clair qu’il n’agissait pas comme mandataire de Xyloid mais simplement comme officier de la Cour dans l’exécution des obligations imposées par l’ordonnance de nomination. En conséquence, Dauphin a gain de cause et a droit de retenir la somme de $3,474.83 que l’intimée réclame à l’égard de la période de post-nomination.
Contrairement aux obligations imposées respectivement par le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l’assurance-chômage et la Loi de l’impôt sur le revenu, Xyloid a omis de conserver «distinct et séparé de ses propres fonds…» tout montant déduit ou retenu du salaire de ses employés d’alors. Après avoir créé cette obligation, chacune des trois dispositions établit de différentes façons que les sommes déduites ou retenues le sont «en fiducie pour Sa Majesté». Les termes employés par le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l’assurance-chômage établissent de plus qu’«en cas de liquidation, de cession ou de faillite d’un employeur, [un montant égal à ces fonds] doit être considéré comme étant séparé et ne formant pas partie des biens en liquidation, cession ou faillite, que ce montant ait été ou non, en fait conservé distinct et séparé des propres fonds de l’employeur et de la masse des biens».
Il est clair qu’il n’y a pas eu de cession ni de faillite de Xyloid. Le sens qu’il faut donc donner au terme «liquidation» dans chacune de ces trois lois est celui de liquidation de l’entité de l’employeur. En matière juridique, ce terme signifie la dissolution (winding-up) de l’entité par la réalisation de son actif, le règlement de son passif et la distribution du surplus, s’il y en a un, aux actionnaires, proportionnellement et selon leur rang. Il est évident qu’aucune procédure de cette nature n’a été entreprise en l’espèce à l’égard de Xyloid et les disposi-
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tions des par. 24(4) du Régime de pensions du Canada, 71(3) de la Loi sur l’assurance‑chômage et 227(4) et (5) de la Loi de l’impôt sur le revenu ne s’appliquent donc pas.
Le paragraphe 227(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu ne contient pas la disposition élargie qui crée une présomption en cas de liquidation et, par conséquent, même s’il y avait eu liquidation, l’intimée ne trouverait aucun secours dans la Loi pour établir une séparation des comptes.
Par conséquent, les paiements effectués par Xyloid pendant la période de pré‑nomination sont postérieurs à la naissance du droit au salaire. Xyloid n’a pas conservé les déductions séparées et distinctes de ses propres fonds et de son actif, et elle n’était pas en liquidation ni en faillite ni n’avait fait de cession
par conséquent, l’intimée ne peut se prévaloir de la dispense expresse de l’obligation de séparer les fonds, établie dans deux des trois lois. Comme dans le cas de la période de post-nomination, l’appelante a droit aux montants qu’a retenus le séquestre à l’égard des déductions faites durant cette période.
Jurisprudence: Royal Trust Co. v. Montex Apparel Industries Ltd., précité
Bank of Nova Scotia v. Middleton Motors Ltd. (1978), 78 D.T.C. 6307
Re KRA Restaurants Ltd. v. Toronto Dominion Bank (1977), 74 D.L.R. (3d) 272.

Proposition de citation de la décision: Dauphin Plains Credit Union Ltd. c. Xyloid Industries Ltd., [1980] 1 R.C.S. 1182 (18 mars 1980)


Origine de la décision
Date de la décision : 18/03/1980
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1980] 1 R.C.S. 1182 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1980-03-18;.1980..1.r.c.s..1182 ?
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