La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/02/1979 | CANADA | N°[1979]_2_R.C.S._104

Canada | N.C.C. et al. c. Pugliese et al., [1979] 2 R.C.S. 104 (20 février 1979)


Cour suprême du Canada

N.C.C. et al. c. Pugliese et al., [1979] 2 R.C.S. 104

Date: 1979-02-20

La Commission de la Capitale nationale, la municipalité régionale d’Ottawa-Carleton, Beaver Underground Structures Limited, Cosentino Construction Company Limited, Dibco Underground Limited, H.Q. Golder & Associates Limited et De Leuw Gather, Canada Limited Appelantes;

et

Hubert Pugliese et Beverley Pugliese et tous les autres demandeurs Intimés;

et

La municipalité régionale d’Ottawa-Carleton, Beaver Underground Structures Limited, Cosenti

no Construction Company Limited, Dibco Underground Limited et la Commission de la Capitale national...

Cour suprême du Canada

N.C.C. et al. c. Pugliese et al., [1979] 2 R.C.S. 104

Date: 1979-02-20

La Commission de la Capitale nationale, la municipalité régionale d’Ottawa-Carleton, Beaver Underground Structures Limited, Cosentino Construction Company Limited, Dibco Underground Limited, H.Q. Golder & Associates Limited et De Leuw Gather, Canada Limited Appelantes;

et

Hubert Pugliese et Beverley Pugliese et tous les autres demandeurs Intimés;

et

La municipalité régionale d’Ottawa-Carleton, Beaver Underground Structures Limited, Cosentino Construction Company Limited, Dibco Underground Limited et la Commission de la Capitale nationale Appelantes;

et

Donald Joseph Dunn et Marjorie May Dunn et A. Lloyd Garvie et Florence H. Garvie Intimés.

1978: 10, 11, 12 octobre; 1979: 20 février.

Présents: Les juges Martland, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Estey, et Pratte.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario[1] sur une question de droit préliminaire déférée conformément à l’ordonnance rendue par le juge Galligan[2], dans une affaire d’action en dommages-intérêts. Pourvoi rejeté.

Mme Eileen M. Thomas, c.r., pour l’appelante, la Commission de la Capitale nationale.

W.S. Wigle, c.r., pour l’appelante, la municipalité régionale d’Ottawa-Carleton.

Wayne B. Spooner, pour l’appelante, Beaver Underground Structures Limited.

John J. Fitzpatrick, c.r., pour l’appelante, Cosentino Construction Company Limited.

William J. Simpson, pour l’appelante, Dibco Underground Ltd.

James L Minnes, pour l’appelante, H.Q. Golder & Associates Limited.

Ian Outerbridge, c.r., et G.E.H. Belts, pour l’appelante, De Leuw Cather, Canada Limited.

John P. Nelligan, c.r., et Allan R. O’Brien, pour les intimés, Hubert Pugliese et Beverley Pugliese et tous les autres demandeurs.

Allan L. Morrison, pour les intimés, Donald Joseph Dunn et Marjorie May Dunn et A. Lloyd Garvie et Florence H. Garvie.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE PIGEON — Les cent soixante et onze demandeurs dans l’action Pugliese, propriétaires de cent une maisons du canton de Nepean dans la municipalité régionale d’Ottawa-Carleton, et les quatre demandeurs dans l’action Dunn, propriétaires de deux maisons dans le même secteur de la municipalité, prétendent que la nappe d’eau du sol sous leurs propriétés, a été considérablement abaissée par la construction d’un égout collecteur sur des terrains avoisinants appartenant à la Commission de la Capitale nationale et que l’affaissement consécutif a causé des dommages importants à

[Page 108]

leurs maisons et à leurs terrains. On prétend également que les maisons visées par les actions Pugliese et Dunn ont été endommagées à la suite d’opérations de forage et de dynamitage.

En plus de la Commission de la Capitale nationale («CCN») et de la municipalité régionale d’Ottawa-Carleton («MROC»), les défendeurs à l’action comprennent les entrepreneurs de la MROC pour la construction de l’égout, Beaver Underground Structures Limited («Beaver») et Cosentino Construction Company Limited («Cosentino») et le sous-entrepreneur de dynamitage de Cosentino, Dibco Underground Limited («Dibco»). H.Q. Golder & Associates Limited et De Leuw Gather, Canada Limited, sont des mis en cause dans l’action Pugliese.

Une requête a été présentée au juge Galligan sous l’autorité de la règle 124 des règles de pratique de la Cour suprême de l’Ontario, pour décider si les faits allégués dans les déclarations des demandeurs (autres que ceux concernant les opérations de dynamitage) constituaient une cause valide d’action et le juge Galligan a rendu une ordonnance pour permettre aux défendeurs et aux mis en cause de consigner pour audition la question suivante:

[TRADUCTION] A supposer que les allégations de faits contenues dans les déclarations (sauf les allégations du par. 116 de la déclaration de l’action Pugliese et le par. 13 de Taction Dunn) soient vraies, les demandeurs ont-ils une cause d’action valide contre les défendeurs?

Après avoir jeté un coup d’æil sur la jurisprudence, le juge Galligan a conclu qu’il devait, en l’espèce, exercer son pouvoir discrétionnaire aux termes de l’art. 35 de The Judicature Act de l’Ont. (R.S.O. 1970, chap. 228) et déférer le point de droit à la Cour d’appel pour décision [(1977), 15 O.R. (2d) 335].

La Cour d’appel doutait sérieusement que cette affaire permette le recours à l’art. 35 de The Judicature Act. Après les plaidoires des parties et avec leur accord, elle a accepté de trancher la question de droit suivante comme s’il s’agissait d’un appel d’une décision aux termes de la règle 124:

[Page 109]

[TRADUCTION] Le propriétaire d’un terrain a-t-il un droit au support de l’eau sous‑jacente ne suivant pas un cours déterminé, et ce propriétaire a-t-il, pour les dommages résultant de l’abaissement du niveau de cette eau, un droit d’action fondé sur la négligence ou la «nuisance» ou sur The Ontario Water Resources Act (en raison d’un pompage qui excède en quantité celle qui est permise en vertu de cette loi)?

Dans ses motifs de jugement [(1978), 17 O.R. (2d) 129], le juge Howland a résumé, comme suit, les allégations de faits (aux pp. 132-134):

[TRADUCTION] Voici les allégations de faits admises aux fins de la présente audition: la Municipalité régionale d’Ottawa-Carleton (MROC), autorisée par la Commission de la Capitale nationale (CCN), a passé un contrat avec Beaver Underground Structures Limited (Beaver) et Cosentino Construction Company Limited (Cosentino) pour la construction de l’égout collecteur Lynwood (ECL), sur des terrains appartenant à la CCN et adjacents à certains des terrains des demandeurs, mais non à tous. Voici quelle est la stratification type des terrains appartenant aux demandeurs et à la CCN:

a) une couche de terre organique en surface;

b) une couche d’argile limoneuse à forte teneur en eau;

c) une couche de sable ou de sable et gravier;

d) une strate d’argile glaciaire, sableuse, boueuse, très serrée ou très dense;

e) la roche-mère calcaire.

La profondeur de la roche-mère est irrégulière et varie de l’affleurement jusqu’à une profondeur de plus de cinquante pieds. Avant le début de la construction du ECL, le niveau de la nappe aquifère était en général, de quatre à quatorze pieds en dessous de la surface du terrain. La construction du ECL devait se faire par le creusement d’un tunnel et le radier du ECL devait être installé à environ quarante pieds de profondeur. Beaver et Cosentino pouvaient contrôler la nappe aquifère souterraine soit en utilisant de l’air comprimé ou en asséchant le terrain avant de procéder au percement du tunnel. A partir de l’été 1974 et jusqu’à l’hiver 1975-76, ils ont adopté le système d’assèchement par pompage dans des puisards. La quantité totale d’eau pompée par Beaver et Cosentino a de beaucoup dépassé le maximum quotidien autorisé en vertu de «Permis de pompage» délivrés par le ministère de l’Environnement aux termes de The Ontario Water Resources Act, R.S.O. 1970, chap. 332 et modifications. L’article 37 de cette loi interdit à quiconque de puiser, sans permis, plus de dix

[Page 110]

mille gallons d’eau par jour, au moyen d’une construction ou de travaux faits après le 29 mars 1961 pour la dérivation de l’eau. La Loi prévoit également que quiconque viole les termes et conditions d’un permis commet une infraction et est passible d’une amende d’au plus $200 pour chaque jour que dure l’infraction.

Suite à cet assèchement, la nappe aquifère a baissé dans les terrains adjacents et avoisinants du ECL. A l’emplacement du ECL elle a été abaissée au moins jusqu’au niveau du radier du ECL. L’abaissement de la nappe d’eau souterraine a entraîné la consolidation de la couche d’argile sous-jacente et la compression de la couche de sable, d’où un affaissement notable à la base des fondations des maisons des demandeurs. Les dommages subis par les demandeurs comprennent, notamment, d’importantes fissures et failles dans les planchers, les fondations, les murs, les plafonds et les cheminées de leurs maisons, y compris l’affaissement des murs extérieurs des fondations, la dénivellation des planchers vers les murs affaissés, la fissure ou la chute de revêtements de brique et de pierre, et des torsions importantes aux châssis des portes et fenêtres. Il s’est également produit une dénivellation des terrains des demandeurs qui a provoqué des fissures dans les trottoirs, allées et bordures. On réclame des dommages-intérêts totalisant environ deux millions de dollars fondés sur la «nuisance», la négligence ou le manquement à un devoir prévu par la loi. Voici les principales allégations de négligence:

a) le fait d’avoir mal vérifié l’état du sous-sol des terrains voisins ou proches du ECL en fonction des méthodes de construction envisagées;

b) le fait de n’avoir pas choisi des méthodes de percement de tunnel et travaux connexes qui réduisent ou minimisent la perturbation du sous-sol des terrains voisins ou proches du ECL; et

c) le fait d’avoir mal contrôlé l’assèchement et le tassement des terrains voisins ou proches du ECL et de n’avoir pas mis fin aux opérations ou de ne pas les avoir différées alors qu’on avait signalé des dommages, ou encore de n’avoir pas pris d’autres mesures pour contrôler la nappe d’eau souterraine et stabiliser le sol.

Les demandeurs se sont appuyés sur la doctrine res ipsa loquitur. On a également prétendu que les défendeurs n’ont pas fait un usage convenable et naturel des terrains de la CCN.

[Page 111]

Voici la réponse donnée à la question étudiée par la Cour d’appel (aux pp. 157-158):

[TRADUCTION] 1. Le propriétaire d’un terrain n’a pas de droit absolu au support de l’eau sous-jacente ne suivant pas un cours déterminé, mais il a le droit de ne pas subir un retrait du support de cette eau qui constitue une négligence ou «nuisance».

2. Ce propriétaire a un droit d’action

a) fondé sur la négligence pour les dommages résultant du retrait de cette eau, ou

b) fondé sur la «nuisance» pour les dommages résultant de l’usage déraisonnable des terrains pour le retrait de cette eau.

3. Ce propriétaire n’a pas de droit d’action en vertu de The Ontario Water Resources Act pour les dommages causés par l’affaissement résultant du pompage d’eau en quantité plias grande que celle autorisée par permis délivrés en vertu de la Loi.

A la demande de tous les défendeurs et des mis en cause, la Cour d’appel a autorisé le pourvoi à cette Cour sur la question de droit suivante:

[TRADUCTION] Le propriétaire d’un terrain a-t-il un droit au support de l’eau sous‑jacente ne suivant pas un cours déterminé, et ce propriétaire a-t-il un droit d’action fondé sur la négligence ou la «nuisance» pour tous dommages résultant du retrait de cette eau?

Au début de l’audition du pourvoi formé en vertu de cette autorisation, un juge a fait remarquer, s’appuyant sur l’arrêt de cette Cour dans Valley Improvement c. Metropolitan Toronto[3], que l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario sur la question de droit considérée, ne semblait pas constituer un jugement définitif au sens de la Loi sur la Cour suprême.

Les parties ont été entendues sur cette question et les appelantes ont demandé une autorisation spéciale de cette Cour au cas où elle casserait le pourvoi tel qu’interjeté. Après avoir examiné la question, la Cour a décidé, à l’unanimité, de casser le pourvoi et d’accorder l’autorisation. Il s’agit donc d’un pourvoi contre un arrêt de la Cour d’appel, sur la question qu’elle a étudiée et non sur la question plus restreinte qui a fait l’objet de son

[Page 112]

autorisation d’appel. Comme on l’a fait remarquer aux avocats, cela signifie, aux termes de la règle 90, que cette Cour peut considérer la cause entière. Dans les circonstances, j’estime préférable d’étudier ainsi la question.

Les appelantes s’appuient principalement sur la jurisprudence examinée par le juge Howland sous l’intitulé: [TRADUCTION] La Règle anglaise (aux pp. 134-139). Cette jurisprudence a abouti à la décision du juge Plowman dans Langbrook Properties, Ltd. v. Surrey County Council[4] où il dit (aux pp. 1439-1440):

[TRADUCTION] La jurisprudence, citée en faveur des défendeurs, établit à mon sens qu’un propriétaire peut puiser à volonté de son terrain l’eau sous-jacente ne suivant pas un cours déterminé, même si, par là, il se trouve à puiser de l’eau qui va sous le terrain du voisin et à lui causer ainsi du dommage. Dans ces circonstances le principe sic utere tuo ut alienum non laedas ne s’applique pas et le dommage est damnum sine injuria.

La MROC a insisté sur l’arrêt de cette Cour confirmant St. John Y.M.C.A. v. Hutchison[5] qu’on dit fondé sur la Règle anglaise.

Il n’est pas nécessaire, à mon avis, d’examiner les objections sérieuses opposées à la Règle anglaise par la Cour d’appel du Manitoba dans l’arrêt Penno v. Government of Manitoba[6] et par la Cour d’appel de l’Ontario en l’espèce. A supposer que la Règle anglaise soit exacte, je crois qu’elle n’est plus valide en Ontario aux termes de l’art. 37 de The Ontario Water Resources Commission Act (R.S.O. 1970, chap. 332 (corrigé), édicté par (Ont.), 1960-61, chap. 71, art. 3, modifié par 1961-62, chap. 99, art. 6, 1964, chap. 86, art. 5 et 1966, chap. 108, art. 4) dont voici les extraits pertinents:

[TRADUCTION] 37. (3) Nonobstant toute loi générale ou spéciale ou tout règlement ou ordonnance passés sous son autorité, et sous réserve du paragraphe 5, nul ne doit puiser plus de 10,000 gallons d’eau par jour,

a) au moyen d’un ou de plusieurs puits creusés ou approfondis après le 29 mars 1961; ou

[Page 113]

b) au moyen d’un ou plusieurs orifices puisant à une source en surface, si ces orifices sont ou ont été installés à la source ou ont été agrandis après le 29 mars 1961; ou

c) au moyen d’une installation ou d’un ouvrage construits après le 29 mars 1961 pour la dérivation ou la retenue de l’eau; ou

d) par une combinaison quelconque des moyens mentionnés aux alinéas a, b, c,

sans permis délivré par la Commission.

(4) Nonobstant toute loi générale ou spéciale ou tout règlement ou ordonnance passés sous son autorité, lorsque, de l’avis de la Commission, le puisage d’eau autrement que par une municipalité ou une compagnie d’utilité publique pour fins domestiques ou l’abreuvement du bétail et de la volaille ou par quiconque pour combattre un incendie, porte préjudice à des intérêts publics ou privés, la Commission peut, par avis signifié ou par lettre recommandée adressée à la personne qui puise cette eau, lui interdire de le faire sans permis délivré par la Commission.

(5) Le paragraphe 3 ne s’applique pas au puisage d’eau pour fins domestiques ou agricoles ou pour combattre un incendie.

(6) La Commission peut, à sa discrétion, délivrer, refuser de délivrer ou annuler un permis, ou imposer, pour ce permis, les conditions qu’elle juge utiles et modifier les conditions d’un permis après sa délivrance.

(7) Lorsque, de l’avis de la Commission, l’écoulement ou la fuite de l’eau d’un puits ou la dérivation, l’écoulement ou la dispersion de l’eau par un trou ou une excavation creusée dans le soi dans un but autre que le puisage d’eau, porte préjudice à des intérêts publics ou privés, la Commission peut, par avis signifié ou envoyé à la personne qui a construit ou creusé ce puits, ce trou ou cette excavation, ou au propriétaire enregistré du terrain sur lequel ceux-ci se situent, exiger que la personne ou le propriétaire arrête ou régularise cet écoulement, cette fuite, cette dérivation ou cette dispersion de la façon et dans le délai prescrits par la Commission, ou exiger que cette personne ou ce propriétaire prenne des mesures prescrites dans l’avis.

(8) Quiconque enfreint,

a) le paragraphe 3 ou 4; ou

b) un avis qui lui a été signifié ou a été reçu par lui ou à son nom aux termes du paragraphe 4 ou 7; ou

[Page 114]

c) une des conditions d’un permis délivré par la Commission,

est coupable d’une infraction et, sur déclaration sommaire de culpabilité, est passible d’une amende ne dépassant pas $200 pour chaque jour que dure l’infraction.

Après avoir fait mention de quelques arrêts anglais et cité un extrait des motifs de la majorité dans l’arrêt Orpen c. Roberts[7], le juge Howland a dit (aux pp. 156-157):

[TRADUCTION] A mon avis, si l’on considère The Ontario Water Resources Act dans son ensemble, le par. 37(3) vise en général à réglementer le puisage d’eau et non à prévenir les dommages résultant d’une baisse de niveau. Il n’a pas non plus été édicté pour protéger une catégorie particulière de personnes contre de tels dommages ce qui signifierait qu’ils ont un droit corrélatif à faire valoir dans une action civile. L’obligation d’obtenir un permis et d’en respecter les conditions vise la protection de l’ensemble du public. De plus, les demandeurs peuvent obtenir un redressement par le moyen d’une action fondée sur la négligence ou la «nuisance», de sorte qu’ils ne sont pas sans recours.

…L’intention était que le seul recours, en cas de violation de l’art. 37, soit une poursuite criminelle ou l’intervention d’un directeur du ministère en vertu de l’art. 74.

Je ne peux me rallier à cette conception de la portée de l’art. 37. L’effet d’une disposition est toujours affaire d’interprétation correcte. L’arrêt Orpen c. Roberts porte sur une demande d’injonction d’un contribuable pour empêcher la construction d’un immeuble en violation d’un règlement municipal de la ville de Toronto et dans Jardins Taché c. Entreprises Dasken[8], une autre demande d’injonction d’un contribuable contre la violation d’un règlement municipal de la ville de Hull (Québec), la majorité de cette Cour, accordant l’injonction, a dit de l’arrêt Orpen c. Roberts (aux pp. 13-14):

…Il ressort des motifs de la majorité exprimés par M. le Juge Duff, qui n’était pas encore juge en chef, que l’on a considéré comme décisif à l’encontre du droit pour un contribuable d’intenter une pareille poursuite le fait que la législature, après avoir en 1904 édicté une loi prévoyant expressément que la municipalité ou un contribuable pourrait demander une injonction au cas de

[Page 115]

violation d’un règlement de construction, avait ensuite, en 1913, remplacé ce texte par un article qui ne prévoyait la demande d’injonction que par la municipalité.

Ces considérations ne s’appliquent pas à l’art. 37. Au contraire, il appert manifestement du par. 7, édicté en 1964, modifié en 1966, que cette disposition ne vise pas seulement l’intérêt public, mais aussi l’intérêt privé de tous les propriétaires de terrains qui peuvent subir des dommages par un pompage excessif. De plus, l’art. 37 ne crée pas vraiment une obligation légale, il impose plutôt une limite au droit dont jouissait préalablement le propriétaire d’un terrain de puiser l’eau sous-jacente ne suivant pas un cours déterminé. Lorsque cela cause des dommages à d’autres terrains, il s’agit à première vue d’une «nuisance» selon la définition de ce mot [TRADUCTION]: «La nuisance privée est essentiellement une atteinte aux droits de l’occupant à l’usage de son terrain» (Fleming, The Law of Torts, 5e éd., à la p. 399). Cependant, [TRADUCTION] «L’inconvénient ou la gêne doit être important et déraisonnable pour justifier l’intervention des tribunaux» (ibid. à la p. 401). Si l’on admet qu’en common law, on ne considérait pas déraisonnable le retrait d’eau sous-jacente ne suivant pas un cours déterminé, quel que soit le dommage qui en résulte, ce n’est plus le cas en Ontario depuis 1961. Il est illégal de puiser plus de 10,000 gallons par jour sans permis. A mon sens, on ne peut donc plus dire que le dommage est damnum sine injuria et l’exception à la règle sic utere tuo ut alienum non laedas a été abrogée. La loi a défini ce qui est raisonnable. En vertu de cette définition, le pompage de plus de 10,000 gallons par jour est déraisonnable, à moins d’être autorisé par un permis, et, en conséquence, tout pompage fait en violation de l’art. 37 doit être considéré comme une «nuisance» lorsqu’il cause des dommages à d’autres propriétés.

Je parviendrais à la même conclusion si j’examinais l’affaire du point de vue du droit de la responsabilité pour négligence. Personne ne peut prétendre exercer un droit et donc s’exonérer de toute négligence à l’égard du pompage d’eau souterraine excédant la limite légale. On ne peut maintenant décider de son propre chef de ce qu’on peut prendre sans risquer de causer des dommages à autrui.

[Page 116]

Il faut obtenir l’approbation de l’autorité publique qui a également le pouvoir de prendre toutes mesures nécessaires pour protéger les intérêts de ceux qui subissent un préjudice. A mon avis, il est évident que cette loi vise non seulement l’intérêt public mais aussi la protection des intérêts privés.

J’ai analysé la jurisprudence sur la question difficile des recours civils résultant de lois qui prescrivent des sanctions pénales. A mon avis, elle appuie dans l’ensemble l’opinion que je viens d’exprimer. L’arrêt le plus important, où la Chambre des lords a jugé que les procédures criminelles étaient le seul recours c’est Cutler v. Wandsworth Stadium Ld.[9] Au sommaire on lit:

[TRADUCTION] Un bookmaker n’a aucun droit d’action contre l’occupant d’une piste de course de chiens autorisée où un totalisateur fonctionne légalement, pour le refus de lui fournir «un espace sur la piste pour y prendre des paris individuels», conformément à l’art. II, al. 2b) de la Betting and Lotteries Act, 1934. L’obligation créée par cet article ne peut être sanctionnée que par des procédures criminelles pour recouvrer les peines prévues à l’art. 30, par. 1, de la Loi.

A l’occasion de cette affaire, lord Simonds a fait les précieuses remarques que voici (pp. 407‑408):

[TRADUCTION]…La seule règle qui soit toujours exacte, c’est qu’il faut chercher la réponse dans l’étude des circonstances et de la loi dans son ensemble, y compris la législation antérieure qui a donné naissance à la loi actuelle. Néanmoins des précédents qui, même lorsqu’ils ne sont pas décisifs ont un grand poids auprès de la Chambre, fournissent des indications plus ou moins certaines dans un sens ou dans l’autre. Si par exemple on est en présence d’une obligation dont l’inexécution n’est assortie d’aucune sanction sous forme de peine ou autrement, on peut présumer que la personne lésée par l’inexécution jouit d’un recours civil car, si tel n’était pas le cas, la loi se résumerait à un souhait pieux. Mais (je cite maintenant un extrait de la décision du juge en chef, lord Tenterden, dans l’affaire Doe c. Bridges (1 B. & Ad. 847, 859) «lorsqu’une loi crée une obligation, et prévoit une manière spéciale d’en poursuivre l’exécution, nous considérons en règle générale que cette exécution ne peut pas être poursuivie d’une autre manière». Le comte de Halsbury, lord chancelier, a cité ce passage en l’approuvant dans l’arrêt Pasmore c. Oswaldtwistle Urban District Council ((1898) A.C. 387, 394). Mais il y a des exceptions à cette règle générale. Il se peut qu’en

[Page 117]

plus du recours spécial prévu par la loi, la personne lésée ait aussi un droit d’action personnel. Je ne peux énoncer ce principe d’une manière plus satisfaisante, ou en réalité plus favorable à l’appelant, qu’en citant un extrait des motifs de lord Kinnear dans l’affaire Black c. Fife Coal Co., Ld. ((1912) A.C. 149, 165): «S’il est établi que l’obligation existe, je ne pense pas qu’on puisse sérieusement mettre en doute la responsabilité civile. Il n’y a aucune raison valable de soutenir que la procédure pénale soit le seul recours autorisé par la loi. Le principe expliqué par lord Cairns dans l’arrêt Atkinson c. Newcastle Waterworks Co. ((1877) 2 Ex. D. 441, 448) et par lord Herschell dans l’arrêt Cowley c. Newmarket Local Board ((1892) A.C. 345, 352) règle la question. Nous devons tenir compte de la portée et du but de la loi et en particulier des personnes qui sont appelées à en bénéficier. Ici, l’objet de la loi actuelle est clair. Elle vise à contraindre les propriétaires de mines à assurer la sécurité des mineurs, et ces règles sont prescrites en faveur des personnes exposées aux dangers. Mais, lorsqu’une obligation de cette nature est imposée au profit de personnes déterminées, celles qui parmi elles peuvent souffrir préjudice de la violation de cette obligation ont, en common law, un droit corrélatif.» Groves v. Wimborne (Lord) (1898) 2 Q.B. 402 et Monk v. Warbey (1935) 1 K.B. 75, sont, deux exemples, l’un ancien et l’autre plus récent, de l’application de ce principe. Dans le premier de ces deux arrêts, le lord juge A.L. Smith (1898) 2 Q.B. 402, 406, a décrit la loi en question comme: «une loi publique édictée en faveur des ouvriers d’usines et d’ateliers pour forcer leurs employeurs à faire certaines choses en leur faveur et pour leur protection.»

Lord Normand a fait des observations semblables, notamment (p. 413):

[TRADUCTION]…On déduit facilement l’existence d’un recours civil correspondant lorsque le but primordial de la loi est manifestement la protection d’une catégorie d’ouvriers, par l’imposition à leurs employeurs de l’obligation de prendre des mesures spéciales pour assurer leur sécurité. Les peines prévues par la Loi s’appliquent lorsqu’il y a manquement à l’obligation mais chaque ouvrier peut poursuivre en dommages‑intérêts s’il subit des dommages en raison de la violation…

Comme je l’ai dit plus haut, je ne crois pas que les mesures de protection des propriétaires de terrains contre les dommages causés par un pompage excessif créent une obligation, mais plutôt qu’elles limitent tout droit préexistant de le faire impunément. Une amende de $200 par jour est une sanction bien inadéquate lorsque le dommage peut dépasser $2,000,000.

[Page 118]

Il est maintenant nécessaire d’examiner l’art. 47 de The Ontario Water Resources Act qui prévoit:

[TRADUCTION] 47. Lorsqu’un terrain est exproprié par une municipalité pour des ouvrages d’épuration des eaux usées ou souffre préjudice de leur construction, entretien ou fonctionnement, The Expropriation Act s’applique.

The Expropriations Act (R.S.O. 1970, chap. 154) définit, à l’art. 1, le mot «préjudice» de la même façon que l’art. 1 de The Expropriation Act 1968-1969:

[TRADUCTION] 1.(1) Dans la présente loi,

e) «préjudice» désigne

(ii) lorsque l’autorité publique ne s’approprie pas une partie du bien-fonds d’un propriétaire

a. la diminution de la valeur marchande du bien-fonds du propriétaire, et

b. le dommage personnel et commercial,

résultant de la construction mais non de l’utilisation des ouvrages par l’autorité publique, et dont celle-ci serait responsable si la construction n’intervenait pas en vertu d’une loi…

Cette définition indique ce que la Loi sur l’expropriation considère comme un «préjudice» donnant droit à une indemnité en vertu de cette loi, lorsque, comme en l’espèce, aucune partie du bien-fonds du réclamant n’est expropriée. C’est un dommage dont l’autorité publique serait responsable si la construction n’intervenait pas en vertu d’une loi. C’est pour ce genre de dommages que cette Cour a jugé dans C.N. c. Trudeau[10] que puisqu’ils ne peuvent être réclamés qu’en vertu de cette loi, ils ne peuvent l’être que de la façon y prévue. Le juge Locke a dit, au nom de la majorité (à la p. 405):

[TRADUCTION] Le droit d’un réclamant comme l’intimé, de recouvrer des dommages‑intérêts pour le préjudice subi, le cas échéant, doit être fondé sur l’art. 166 de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1952, chap. 234 qui dispose:

La compagnie doit faire, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par la présente loi ou par la loi spéciale, le moins de dommages possible, et elle

[Page 119]

doit, de la manière prescrite par la présente loi et par la loi spéciale, indemniser entièrement tous les intéressés pour les dommages qu’elle peut leur avoir causés dans l’exercice de ses pouvoirs.

Le même principe a été appliqué dans La Reine c. Loiselle.[11] Ce principe ne s’applique pas lorsque les dommages résultent, comme en l’espèce, d’un acte illégal. Dans ce cas, l’autorité publique qui n’a pas recouru aux procédures d’expropriation, ne peut faire valoir d’immunité devant le tribunal compétent, mais, dans certaines circonstances, la réclamation sera évaluée sur la même base qu’au cas d’expropriation. Telle a été la décision de cette Cour dans Jalbert c. Le Roi[12], confirmée par le Conseil privé. On réclamait du gouvernement fédéral une indemnité pour l’appropriation d’une partie du lit du Saguenay par la Commission du port de Chicoutimi, le juge Davis a dit, parlant au nom de la Cour (aux pp. 62-63):

[TRADUCTION]…Théoriquement, les actes accomplis par le gouvernement fédéral sont une violation du droit de propriété. On ne peut en droit justifier la prise de possession effective de ce bien. En droit strict, l’action en recouvrement de propriété intentée devant la Cour de l’Échiquier devrait être traitée comme une action en violation du droit de propriété et les dommages-intérêts évalués comme dans toute autre action en violation de ce droit. Mais virtuellement il y a eu expropriation et nous croyons convenable de déterminer le montant de l’indemnité à laquelle le réclamant a droit comme si des procédures d’expropriation avaient été intentées…

En l’espèce, aucun terrain n’a été exproprié et les dommages ne sont pas réclamés pour les conséquences juridiques de l’exécution des travaux de drainage par des moyens légitimes mais par des moyens illicites et illégaux. Sur le fondement des allégations présumées vraies, le pompage qui a causé le dommage n’était pas inévitable, le travail aurait pu être fait par d’autres moyens ou d’autres méthodes.

Pour les raisons susmentionnées, je suis d’avis de rejeter les pourvois avec dépens, mais de modifier toutefois la décision d’instance inférieure de façon à répondre à la question de la façon suivante: «Dans une action intentée par le propriétaire d’un

[Page 120]

terrain, fondée sur la négligence ou la «nuisance» résultant du pompage d’une nappe d’eau souterraine ne suivant pas un cours déterminé dont l’abaissement a causé des dommages, aucun droit d’un autre propriétaire de pomper cette eau ne peut être invoqué en défense à l’égard du pompage qui excède en quantité celle qui est permise en vertu de The Water Resources Act de l’Ontario.»

Pourvois rejetés avec dépens.

Procureur de l’appelante, la Commission de la Capitale nationale: Eileen Mitchell Thomas, Ottawa.

Procureurs de l’appelante, H.Q. G older & Associates Limited: Scott & Aylen, Ottawa.

Procureurs de rappelante, De Leuw Cather Canada, Limited: Outerbridge, Manning & Mueller, Toronto.

Procureurs de l’appelante, Beaver Underground Structures Limited: Gowling & Henderson, Ottawa.

Procureurs de l’appelante, la municipalité regionale d’Ottawa-Carleton: Hughes, Amys, Toronto.

Procureurs de l’appelante, Dibco Underground Limited: Binks, Chilcott & Simpson, Ottawa.

Procureurs de l’appelante, Cosentino Construction Company Limited: Fitzpatrick, O’Donnell & Poss, Toronto.

Procureurs des intimés, Pugliese et autres: Nelligan, Power, Ottawa.

Procureur des intimés, Dunn & Garvie: Allan L. Morrison, Ottawa.

[1] (1977), 17 O.R. (2d) 129.

[2] (1977), 15 O.R. (2d) 335.

[3] (1967), 60 D.L.R. (2d) 480, [1967] S.C.R. vi, viii.

[4] [1969] 3 All E.R. 1424.

[5] (1879), 18 3 N.B.R. 523, Stevens Digest, p. 19.

[6] (1975), 64 D.L.R. (3d) 256.

[7] [1925] R.C.S. 364.

[8] [1974] R.C.S. 2.

[9] [1949] A.C. 398.

[10] [1962] R.C.S. 398.

[11] [1962] R.C.S. 624.

[12] [1937] R.C.S. 51 conf. par 1938, 82 Sol. Jo. 252.


Synthèse
Référence neutre : [1979] 2 R.C.S. 104 ?
Date de la décision : 20/02/1979
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être rejeté

Analyses

Responsabilité - Nuisance - Pompe d’eau souterraine - Violation d’une limite légale - Abaissement de la nappe d’eau souterraine - Affaissement - The Ontario Water Resources Commission Act, R.S.O. 1970, chap. 332, art. 37, 47 - The Expropriations Act, R.S.O. 1970, chap. 154, art 1.

Appel - Cour suprême du Canada - Jugement sur une question de droit préliminaire porté en Cour d’appel - Ce n’est pas un jugement final - Autorisation d’appel accordée par la Cour d’appel - Appel cassé - Autorisation accordée - Considération de toute la question - Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1970, chap. 259, art. 2(1), 38, 41(1) - Règles de la Cour suprême du Canada, règle 90 - The Judicature Act, R.S.O. 1970, chap. 228, art. 35 - Ontario Rules of Practice, règle 124.

Les demandeurs-intimés sont propriétaires de maisons du canton de Nepean dans la municipalité régionale d’Ottawa-Carleton et ils prétendent que la nappe d’eau

[Page 105]

du sol sous leurs propriétés, a été considérablement abaissée par la construction d’un égout collecteur sur des terrains avoisinants appartenant à la Commission de la Capitale nationale et que l’affaissement consécutif a causé des dommages importants à leurs maisons et à leurs terrains. Une requête a été présentée sous l’autorité de la règle 124 des règles de pratique de l’Ontario pour décider si les faits allégués constituaient une cause valide d’action. Le juge Galligan a conclu qu’il devait, en l’espèce, exercer son pouvoir discrétionnaire aux termes de l’art. 35 de The Judicature Act, R.S.O. 1970, chap. 228, et déférer le point de droit à la Cour d’appel pour décision. Cette dernière doutait sérieusement que cette affaire permette d’invoquer l’art. 35. Cependant, après les plaidoiries des parties et avec leur accord, elle a accepté de trancher l’affaire sur une question de droit énoncée comme s’il s’agissait d’une décision aux termes de la règle 124.

La Cour d’appel a conclu comme suit:

«1. Le propriétaire d’un terrain n’a pas de droit absolu au support de l’eau sous-jacente ne suivant pas un cours déterminé, mais il a le droit de ne pas subir un retrait du support de cette eau qui constitue une négligence ou «nuisance».

2. Ce propriétaire a un droit d’action

a) fondé sur la négligence pour les dommages résultant du retrait de cette eau, ou

b) fondé sur la «nuisance» pour les dommages résultant de l’usage déraisonnable des terrains pour le retrait de cette eau.

3. Ce propriétaire n’a pas de droit d’action en vertu de The Ontario Water Resources Act pour les dommages causés par l’affaissement résultant du pompage d’eau en quantité plus grande que celle autorisée par permis délivrés en vertu de la Loi.»

Arrêt: Le pourvoi doit être rejeté.

L’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario sur la question de droit considérée ne semble pas constituer un jugement définitif au sens de la Loi sur la Cour suprême, Valley Improvement c. Metropolitan Toronto, [1967] R.C.S. vi, viii. Le pourvoi tel qu’interjeté est cassé, mais la demande d’autorisation spéciale est accordée. Le pourvoi a donc été entendu comme à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel sur la question qu’elle a étudiée et non sur la question plus restreinte qui a fait l’objet de son autorisation d’appel et, aux termes de la règle 90, la Cour a considéré la cause entière.

Les appelantes s’appuient principalement sur la jurisprudence examinée par le juge Howland sous l’intitulé La Règle anglaise, en ce qui concerne l’eau souterraine. Cette jurisprudence autorise un propriétaire à puiser de

[Page 106]

son terrain l’eau sous-jacente ne suivant pas un cours déterminé même si cela cause du dommage au terrain du voisin. A supposer que la Règle anglaise soit exacte, elle n’est plus valide en Ontario aux termes de l’art. 37 de The Ontario Water Resources Commission Act qui impose une limite au droit dont jouissait préalablement le propriétaire d’un terrain de puiser l’eau souterraine et ne suivant pas un cours déterminé sous son terrain. La législation a défini ce qui est raisonnable. Tout pompage en quantité plus grande que celle prévue est déraisonnable, à moins d’être autorisé par un permis et tout pompage fait en violation de l’article peut être considéré comme une «nuisance» lorsqu’il cause des dommages à d’autres propriétés.

On arrive à la même conclusion du point de vue du droit de la responsabilité pour négligence. Personne ne peut prétendre exercer un droit et donc s’exonérer de toute négligence à l’égard du pompage d’eau souterraine excédant la limite légale. La législation vise non seulement l’intérêt public mais aussi la protection des intérêts privés.

L’article 47 de The Ontario Water Resources Commission Act prévoit que lorsqu’un terrain est exproprié…pour des ouvrages d’épuration des eaux usées ou souffre préjudice de leur construction, entretien ou fonctionnement, The Expropriations Act s’applique. La définition dans cette loi indique ce que la Loi sur l’expropriation considère comme un «préjudice» donnant droit à une indemnité en vertu de cette loi, lorsque, comme en l’espèce, aucune partie du bien-fonds du réclamant n’est expropriée. C’est un dommage dont l’autorité serait responsable si la construction n’intervenait pas en vertu d’une loi, le genre de dommages qui, puisqu’ils ne peuvent être réclamés qu’en vertu de cette loi, ne peuvent l’être que de la façon y prévue. Ce principe ne s’applique pas lorsque les dommages résultent, comme en l’espèce, d’un acte illégal. L’autorité publique qui n’a pas recouru aux procédures d’expropriation, ne peut faire valoir d’immunité devant le tribunal compétent, mais, dans certaines circonstances, la réclamation sera évaluée sur la même base qu’au cas d’expropriation.


Parties
Demandeurs : N.C.C. et al.
Défendeurs : Pugliese et al.

Références :

Jurisprudence: arrêt suivi: Valley Improvement c. Metropolitan Toronto (1967), 60 D.L.R. (2d) 480, [1967] R.C.S. vi, viii

Langbrook Properties, Ltd. v. Surrey County Council, [1969] 3 All E.R. 1424

St. John Y.M.C.A. v. Hutchison (1879), 18 N.B.R. 523, Stevens Digest, p. 19

Penno v. Government of Manitoba (1975), 64 D.L.R. (3d) 256

Orpen c. Roberts, [1925] R.C.S. 364

Jardins Taché c. Entreprises Dasken, [1974] R.C.S. 2

Cutler v. Wandsworth Stadium Ld., [1949] A.C. 398

C.N. c. Trudeau, [1962] R.C.S. 398


[Page 107]
La Reine c. Loiselle, [1962] R.C.S. 624
Jalbert c. Le Roi, [1937] R.C.S. 51, conf. par 1938, 82 Sol. Jo. 252.

Proposition de citation de la décision: N.C.C. et al. c. Pugliese et al., [1979] 2 R.C.S. 104 (20 février 1979)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1979-02-20;.1979..2.r.c.s..104 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award