La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/1978 | CANADA | N°[1979]_1_R.C.S._37

Canada | Canadian Industrial Gas & Oil Ltd. c. Gouvernement de la Saskatchewan et autre, [1979] 1 R.C.S. 37 (3 octobre 1978)


Cour suprême du Canada

Canadian Industrial Gas & Oil Ltd. c. Gouvernement de la Saskatchewan et autre, [1979] 1 R.C.S. 37

Date: 1978-10-03

Canadian Industrial Gas & Oil Ltd. Intimée;

et

Le gouvernement de la Saskatchewan et le procureur général de la province de la Saskatchewan Requérants;

et

Le procureur général du Canada et le procureur général du Manitoba Intervenants.

1978: 6 juin; 1978: 3 octobre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson et Beetz.

EN APPE

L DE LA COUR D’APPEL DE LA SASKATCHEWAN

Cour suprême du Canada

Canadian Industrial Gas & Oil Ltd. c. Gouvernement de la Saskatchewan et autre, [1979] 1 R.C.S. 37

Date: 1978-10-03

Canadian Industrial Gas & Oil Ltd. Intimée;

et

Le gouvernement de la Saskatchewan et le procureur général de la province de la Saskatchewan Requérants;

et

Le procureur général du Canada et le procureur général du Manitoba Intervenants.

1978: 6 juin; 1978: 3 octobre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson et Beetz.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA SASKATCHEWAN



Analyses

Intérêts - Condamnation de la Couronne à payer des dommages-intérêts pour avoir à tort retenu des fonds sans autorité pour le faire - Existe-t-il une loi permettant d’accorder des intérêts dans ces circonstances? - The Interpretation Act, R.S.S. 1965, chap. 1, art. 7 - The Proceedings against the Crown Act, R.S.S. 1965, chap. 87, par. 17(1) - The Queen’s Bench Act, R.S.S. 1965, chap. 73, art. 46.

[Jurisprudence: Le Roi c. Carroll, [1948] R.C.S. 126; Ross c. Le Roi (1902), 32 R.C.S. 532; Prince Albert Pulp Co. Ltd. c. The Foundation Company of Canada, Ltd., [1977] 1 R.C.S. 200; Toronto Railway Co. v. Corporation of the City of Toronto, [1906] A.C. 117; Gettle Bros. Construction Co. Ltd. v. Alwinsal Potash of Canada Ltd. (1969), 5 D.L.R. (3d) 719.]

REQUÊTE présentée en vertu de la règle 61 des Règles de la Cour suprême du Canada visant la modification d’un jugement prononcé le 23 novembre 1977, en appel d’un arrêt de la Cour d’appel de la Saskatchewan[1], en en retranchant la disposition relative au paiement d’intérêts par le gouvernement de la Saskatchewan, requérant. Requête rejetée.

G.J.D. Taylor, c.r., R.S. Meldrum, c.r., et G.K. Randall, pour les requérants.

J.J. Robinette, c.r., et W.M. Elliott, c.r., pour l’intimée.

T.B. Smith, c.r., et J. Mabbutt, pour l’intervenant, le procureur général du Canada.

[Page 38]

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE RITCHIE — La présente requête, présentée en vertu des dispositions de la règle 61 des Règles de cette Cour, vise la modification du jugement prononcé le 23 novembre 1977 qui accorde à l’intimée, Canadian Industrial Gas & Oil Ltd., le droit de recouvrer de la Couronne du chef de la Saskatchewan ce qu’elle a payé à titre d’impôt sur le revenu minier et de surtaxe imposés en vertu de la législation, des règlements et des ordonnances de la province de la Saskatchewan déclarés ultra vires par ce jugement.

Le gouvernement de la Saskatchewan et le procureur général de cette province demandent que le jugement de la Cour soit modifié en en retranchant la disposition suivante relative au paiement d’intérêts:

L’appelante est en droit d’obtenir jugement contre le gouvernement pour le remboursement des montants qu’elle a payés à titre d’impôt sur le revenu minier et de suxtaxe, avec intérêt à partir des dates respectives de paiement jusqu’à la date du remboursement. (Mis en italiques par mes soins.)

Conformément à une directive de la Cour, les requérants ont plaidé leur cause oralement; le procureur général du Canada et le procureur général du Manitoba sont intervenus à l’appui de la requête mais n’ont pas présenté de plaidoiries orales.

A l’appui de ses prétentions, le requérant invoque la déclaration suivante du juge Taschereau (alors juge puîné) qui parlait au nom de la majorité de cette Cour dans Le Roi c. Carroll[2], à la p. 132:

[TRADUCTION] Il est bien réglé par la jurisprudence qu’on ne peut accorder de l’intérêt contre le trésor public, à moins qu’une loi ou un contrat ne le prévoie. (Le Roi c. Miller, [1930] R.C.S. 293; Hochelaga Shipping c. Le Roi, [1944] R.C.S. 138; Le Roi c. Racette, [1948] R.C.S. 28.) En l’espèce, la réclamation des requérantes n’est fondée sur aucune disposition législative ni aucune obligation contractuelle.

[Page 39]

Toutefois l’arrêt Carroll et la jurisprudence qui y est citée portent sur des actions intentées contre la Couronne fédérale en vertu de la Loi sur les pétitions de droit en vigueur à l’époque, alors que la question des redressements à accorder en l’espèce est régie par le droit en vigueur dans la province de la Saskatchewan (voir Ross c. Le Roi[3]).

La présente requête survient à la suite de la condamnation de la Couronne à payer des dommages-intérêts pour avoir à tort retenu des fonds sans autorité pour le faire et la seule question à trancher est de savoir si la législation de la Saskatchewan contient des dispositions permettant d’accorder des intérêts dans ces circonstances.

Le requérant se fonde essentiellement sur l’art. 7 de The Interpretation Act de la Saskatchewan, R.S.S. 1965, chap. 1, dont voici le texte:

[TRADUCTION] 7. Aucune disposition d’une loi n’a d’effet sur les droits de Sa Majesté à moins qu’il n’y soit expressément prévu qu’elle lie Sa Majesté.

Cet article doit cependant être lu à la lumière des dispositions expresses suivantes du par. 17(1) de The Proceedings against the Crown Act de la Saskatchewan, R.S.S. 1965, chap. 87:

[TRADUCTION] 17.(1) Sous réserve de la présente loi, dans des procédures contre la Couronne, les droits des parties sont autant que possible les mêmes que dans des procédures entre particuliers; et la cour peut:

a) rendre toute ordonnance, y compris une ordonnance sur les dépens, qu’elle peut rendre dans des procédures entre particuliers; et

b) ordonner tout autre redressement approprié.

En Saskatchewan, les poursuites entre particuliers sont régies, quant aux intérêts, par l’art. 46 de The Queens Bench Act, R.S.S. 1965, chap. 73, dont voici le texte:

[TRADUCTION] 46. Un intérêt sera payable dans tous les cas où l’autorise actuellement la loi ou dans tous les cas où un jury en accorde habituellement un.

Analysant l’effet de cet article dans l’arrêt Prince Albert Pulp Company Ltd. c. The Founda-

[Page 40]

tion Company of Canada, Limited[4], le juge Martland, qui a prononcé le jugement de la Cour, a suivi l’arrêt Toronto Railway Company v. Corporation of the City of Toronto[5]; le Conseil privé y a étudié une disposition identique de The Judicature Act de l’Ontario (R.S.O. 1897, chap. 51, art. 113) et conclu:

[TRADUCTION] Par conséquent, il semble que dans tous les cas où, selon la Cour, le paiement d’une juste dette a été indûment retenu, et qu’il semble juste et équitable qu’il y ait réparation sous forme d’intérêt, il incombe à la Cour d’en accorder pendant une période et à un taux qu’elle juge convenables.

Comme le souligne le juge Martland, plusieurs autres arrêts rendus en Saskatchewan reconnaissent le pouvoir de la Cour d’accorder un intérêt en pareilles circonstances, le plus récent étant Gettle Bros. Construction Co. Ltd. v. Alwinsal Potash of Canada Ltd.[6]; dans cette affaire, un pourvoi interjeté devant cette Cour a été rejeté sans motifs écrits.

Étant donné que le par. 17(1) de The Proceedings against the Crown Act prévoit que, lorsque la Couronne est partie à des procédures, ses droits «sont autant que possible les mêmes que dans des procédures entre particuliers», il est du devoir de la Cour d’exiger que la Couronne dédommage l’intimée en lui versant un intérêt sur les fonds indûment retenus, comme toute autre partie serait tenue de le faire.

Le requérant a plaidé avec insistance que cet article vise des questions de procédure et non des questions de fond et il a déclaré que ce point de vue est appuyé par la mention d’«une ordonnance sur les dépens» à l’al, 17(1)a). Mais, dans son raisonnement, il s’est à peine arrêté à l’al. 17(1)b) qui confère à la Cour le large pouvoir d’«ordonner tout autre redressement approprié» dans des procédures contre la Couronne. Le pouvoir d’«donner tout autre redressement approprié» n’est manifestement pas restreint à des questions de procédure et le poids que pourrait avoir l’argument du requé-

[Page 41]

rant fondé sur l’al. 17(1)a) est neutralisé par l’alinéa suivant.

Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter la requête avec dépens.

Requête rejetée avec dépens.

Procureurs de l’intimée: MacPherson, Leslie & Tyerman, Regina.

Procureurs des requérants: Goldenberg, Taylor, Randall, Buckwold & Halstead, Saskatoon.

Procureurs des intervenants: McKercher, McKercher, Stack, Korchin & Laing, Saskatoon.

[1] [1978] 2 R.C.S. 545.

[2] [1948] R.C.S. 126.

[3] (1902), 32 R.C.S. 532.

[4] [1977] 1 R.C.S. 200.

[5] [1906] A.C. 117.

[6] (1969), 5 D.L.R. (3d) 719.


Parties
Demandeurs : Canadian Industrial Gas & Oil Ltd.
Défendeurs : Gouvernement de la Saskatchewan et autre

Références :
Proposition de citation de la décision: Canadian Industrial Gas & Oil Ltd. c. Gouvernement de la Saskatchewan et autre, [1979] 1 R.C.S. 37 (3 octobre 1978)


Origine de la décision
Date de la décision : 03/10/1978
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1979] 1 R.C.S. 37 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1978-10-03;.1979..1.r.c.s..37 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award