La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/1978 | CANADA | N°[1979]_1_R.C.S._297

Canada | Saskatchewan Power Corporation et autre c. TransCanada Pipelines Ltd., [1979] 1 R.C.S. 297 (3 octobre 1978)


Cour suprême du Canada

Saskatchewan Power Corporation et autre c. TransCanada Pipelines Ltd., [1979] 1 R.C.S. 297

Date: 1978-10-03

Saskatchewan Power Corporation et Many Islands Pipe Lines Limited Appelantes;

et

TransCanada Pipelines Limited Intimée;

et

Le procureur général du Canada Intervenant.

1978: 26 et 27 juin; 1978: 3 octobre.

Présents: les juges Martland, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Estey et Pratte.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel f

édérale[1] rejetant un appel d’une décision de l’Office national de l’énergie. Pourvoi rejeté.

Gordon H. Henderson, c.r., Maurice...

Cour suprême du Canada

Saskatchewan Power Corporation et autre c. TransCanada Pipelines Ltd., [1979] 1 R.C.S. 297

Date: 1978-10-03

Saskatchewan Power Corporation et Many Islands Pipe Lines Limited Appelantes;

et

TransCanada Pipelines Limited Intimée;

et

Le procureur général du Canada Intervenant.

1978: 26 et 27 juin; 1978: 3 octobre.

Présents: les juges Martland, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Estey et Pratte.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel fédérale[1] rejetant un appel d’une décision de l’Office national de l’énergie. Pourvoi rejeté.

Gordon H. Henderson, c.r., Maurice J. Sychuk et Y.A.G. Hynna, pour les appelantes.

George G. Finlayson, c.r., et John H. Francis, c.r., pour l’intimée.

T.B. Smith, c.r., et P.G. Griffin, pour le procureur général du Canada.

K.C. MacKenzie, pour le procureur général de la Colombie-Britannique.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE MARTLAND — L’intimée TransCanada Pipelines Limited (ci-après appelée «TransCanada»), est une compagnie au sens de la Loi sur l’Office national de l’énergie, S.R.C. 1970, chap. N-6. Elle possède et exploite un pipe-line interprovincial servant à la transmission de gaz naturel. Le 1er novembre 1969, elle a passé un contrat (ci-après appelé «le contrat») avec les appelantes, Saskatchewan Power Corporation et sa filiale en propriété exclusive, Many Islands Pipe Lines Limited, (ci-après appelées collectivement «Saskatchewan Power»). D’une durée de douze ans, le contrat se termine le 31 octobre 1981. TransCanada s’y engage à acheter à Saskatchewan Power un volume spécifié de gaz naturel pendant les cinq premières années du contrat. Les parties contractantes avaient déjà conclu un accord le 1er mai 1959 dans lequel Saskatchewan Power s’engageait à vendre du gaz naturel à TransCanada. Aux termes du contrat, certaines dispositions de l’accord de 1959 s’appliquent mutatis mutandis; ces dispositions stipulent notamment que le point de livraison sera au principal pipe-line de transmis-

[Page 300]

sion de TransCanada en Saskatchewan, à un point dont les parties devront convenir par écrit. L’endroit convenu se trouve près de Success, en Saskatchewan. Le prix d’achat du gaz naturel est fixé à 23 cents le Mp3 et augmente d’un quart de cent le Mp3 chacune des quatre années suivantes. Dans le contrat, Saskatchewan Power est appelée «venderesse» et TransCanada «acheteuse».

L’article XVII du contrat stipule:

[TRADUCTION] ARTICLE XVII — LIVRAISON DE GAZ EN RETOUR PAR L’ACHETEUSE

1. Pendant la période allant du 1er novembre 1974 au 31 octobre 1981, la venderesse aura le droit d’acheter et l’acheteuse devra vendre et délivrer à la venderesse, le volume de gaz que celle-ci requerra jusqu’à concurrence du volume total de gaz que l’acheteuse a acheté pendant la période allant du 1er novembre 1969 au 1er novembre 1974; étant entendu que

i) la venderesse doit donner à l’acheteuse un préavis écrit de dix-huit (18) mois au moins pour l’informer du volume de gaz dont elle demande la livraison pour chaque année du contrat, et

ii) pour une année de contrat, la venderesse peut demander la livraison d’au plus 16 millions de Mp3, et

iii) après avoir fixé le volume de gaz à délivrer, la venderesse est alors obligée de prendre et de payer le volume de gaz qu’elle a demandé à l’acheteuse de délivrer, y compris le volume de gaz prêt à être délivré et qu’elle ne prend pas, et

iv) le volume journalier maximum que l’acheteuse s’engage à délivrer est calculé en divisant par 365 le volume annuel de gaz fixé par la venderesse pour l’année du contrat, en multipliant le quotient obtenu par 1.33, et

v) le gaz délivré par l’acheteuse à la venderesse doit être livré au point de livraison existant, près de Success (Saskatchewan), prévu dans le contrat initial et à la pression existant dans le pipe-line de l’acheteuse au moment de cette livraison, et

vi) le prix à payer par la venderesse à l’acheteuse pour le gaz délivré est de 23.50¢ le Mp3 et si la moyenne pondérée du contenu BTU du gaz délivré en un mois est inférieure à 1,000 BTU par pied cube, le prix du gaz sera diminué en proportion directe de la diminution du contenu BTU de ce gaz, de 1,000 BTU par pied cube.

[Page 301]

Par télex en date du 30 avril 1974 confirmé par lettre le même jour, Saskatchewan Power a avisé TransCanada qu’elle fixait à 5 millions de Mp3 le volume de gaz à délivrer pour l’année du contrat commençant le 1er novembre 1975. Par lettre du 27 mars 1975, adressée à TransCanada, Saskatchewan Power a fixé à 16 millions de Mp3 le volume de gaz à délivrer pour l’année du contrat commençant le 1er novembre 1976. Puis, le 6 août 1975, le contrat a été modifié afin de permettre à Saskatchewan Power de fixer à 17 millions de Mp3 le volume à recevoir chaque année du contrat. Le chiffre fixé le 30 avril 1974 a été annulé et celui du 27 mars 1975 a été porté à 17 millions de Mp3 par année du contrat.

Le 15 avril 1971, le contrat a été déposé auprès de l’Office national de l’énergie (ci-après appelé «l’Office») par TransCanada dans le cadre d’une demande de hausse de tarifs jusqu’à concurrence de l’augmentation du prix d’achat du gaz. A cette époque, TransCanada achetait du gaz à Saskatchewan Power et le contrat faisait foi du prix du gaz acheté. Le droit de Saskatchewan Power d’acheter du gaz à TransCanada portait sur la période commençant le 1er novembre 1974.

En 1975, TransCanada saisit l’Office d’une requête concernant tous ses tarifs. La requête datée du 15 juillet 1975 demande notamment l’autorisation de remplacer les prix de vente du gaz stipulés au contrat et payables par Saskatchewan Power pour le gaz acheté à TransCanada par le tarif de la zone de la Saskatchewan proposé dans la requête.

Avant de présenter cette requête, le 11 juillet 1975, TransCanada a produit auprès de l’Office des copies du contrat, dans sa version modifiée, ainsi que des copies des avis de demande de livraison de Saskatchewan Power, datés des 30 avril 1974 et 27 mars 1975. TransCanada soutient qu’elle était tenue de produire ces documents en vertu du par. 51(2) de la Loi sur l’Office national de l’énergie. Les articles 50 et 51 de la Partie IV de la Loi, intitulée «Mouvement, droits et tarifs», disposent:

50. L’Office peut rendre des ordonnances sur tous les sujets relatifs au mouvement, aux droits ou tarifs.

[Page 302]

51. (1) Une compagnie ne doit pas imposer de droits, sauf les droits que spécifie un tarif produit auprès de l’Office et en vigueur.

(2) Si le gaz que transmet une compagnie par son pipe-line lui appartient, elle doit, lors de l’établissement de tous les contrats de vente de gaz qu’elle peut conclure et des modifications y apportées à l’occasion, en fournir copie conforme à l’Office, et les copies conformes ainsi fournies sont censées, aux fins de la présente Partie, constituer un tarif produit en conformité du paragraphe (1).

Le paragraphe (2) de l’art. 51 a été promulgué le 26 juin 1970. Les autres dispositions pertinentes de la Loi sont libellées comme suit:

53. L’Office peut rejeter tout tarif ou une partie d’un tarif qu’il estime contraire à une disposition quelconque de la présente loi ou à une ordonnance de l’Office, et il peut exiger qu’une compagnie y substitue, dans un délai prescrit, un tarif qu’il juge satisfaisant, ou il peut prescrire d’autres tarifs au lieu du tarif ainsi rejeté en totalité ou en partie.

54. L’Office peut suspendre l’application de tout tarif ou de toute partie de tarif avant ou après l’entrée en vigueur de ce dernier.

61. Si le gaz que transmet une compagnie, par son pipe-line, appartient à la compagnie, la différence entre ce qu’il en coûte à la compagnie pour le gaz au point où celui-ci pénètre dans son pipe-line et le montant pour lequel la compagnie vend le gaz, est réputée, aux fins de la présente Partie, un droit imposé par la compagnie, à l’acheteur, pour la transmission de ce gaz.

Le 22 août 1975, Saskatchewan Power a déposé la requête suivante à l’Office:

[TRADUCTION] Saskatchewan Power Corporation par les présentes demandes à l’Office national de l’énergie de rendre une ordonnance rejetant le prétendu dépôt et ordonnant que ledit organisme statue sur la validité du dépôt du contrat d’achat de gaz conclu le 1er novembre 1969 par Saskatchewan Power Corporation en qualité de venderesse et TransCanada Pipelines Limited en qualité d’acheteuse (dépôt proposé par TransCanada Pipelines Limited), et ce, à une audience spéciale de l’Office;

Et veuillez prendre note que cette requête sera présentée sur les motifs que le contrat est conclu par un producteur et une compagnie de pipe-line pour un paiement inséparable, n’est pas divisible et vise à créer une charge équitable sur les réserves lors de l’exécution et de la demande de remise. Saskatchewan Power Corpora-

[Page 303]

tion est devenue la propriétaire en equity et le contrat prévoyant un échange dans ces conditions, n’est donc pas assujetti à la réglementation de la Partie IV de la Loi sur l’Office national de l’énergie.

L’Office a tenu une audience spéciale pour laquelle Saskatchewan Power et TransCanada ont chacune déposé des plaidoiries écrites. Saskatchewan Power y énonçait les points qu’elle voulait plaider:

[TRADUCTION] 1. Le contrat est un contrat d’échange de gaz naturel.

2. Le contrat est un contrat d’achat de gaz en échange d’une contrepartie entière et indivisible dont le droit à la livraison du gaz en remplacement fait partie intégrante.

Saskatchewan Power demandait à l’Office de conclure que:

[TRADUCTION] le dépôt du contrat daté du 1er novembre 1969 soit refusé parce que, pour les motifs exposés ci-dessus, la partie IV de la Loi sur l’Office national de l’énergie ne confère aucune compétence à l’Office sur ce contrat.

A la suite de l’audience spéciale, l’Office a conclu:

L’Office est d’avis que l’expression «… tous les contrats de vente de gaz qu’elle peut conclure …» contenue dans l’article 51(2) devrait être considérée comme s’appliquant à tous les contrats en vertu desquels TransCanada vend du gaz qui lui appartient et qui est transporté dans son pipe-line. Le fait que ces contrats peuvent également prévoir d’autres matières, comme l’achat de gaz par TransCanada, ne modifie en rien l’applicabilité des dispositions de l’article 51(2). L’Office conclut donc que le contrat du 1er novembre 1969 est un contrat que TransCanada est obligée de déposer auprès de l’Office aux termes de l’article 51(2).

Dans ses motifs, l’Office a expliqué comme suit le but du par. 51(2):

L’article 51(2) est de nature essentiellement administrative et n’a pour ainsi dire rien à voir avec les pouvoirs de l’Office. Avant l’adoption de l’article 51(2), une compagnie ne pouvait imposer aucun droit à percevoir, sauf les droits à percevoir que spécifie un tarif déposé auprès de l’Office et en vigueur. Par conséquent, chaque fois qu’une compagnie comme TransCanada passait un nouveau contrat pour la vente de gaz, il était nécessaire de modifier le tarif qu’elle avait déposé en vertu de

[Page 304]

l’article 51(1). Afin de faciliter les formalités administratives, l’article 51(2) permet à une compagnie de déposer le contrat comme tel, éliminant ainsi la nécessité de modifier le tarif de temps à autre.

Saskatchewan Power a interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel fédérale. L’appel a été rejeté. Devant cette cour-là, Saskatchewan Power a prétendu, outre les arguments plaidés devant l’Office, que le par. 51(2) était ultra vires du Parlement du Canada.

Cette Cour a accordé l’autorisation d’interjeter appel et, suivant une ordonnance du juge en chef, la question constitutionnelle a été formulée comme suit:

Les articles 50 et 51 de la Loi sur l’Office national de l’énergie sont-ils intra vires du Parlement du Canada si, lorsqu’on les interprète correctement, ils donnent compétence à l’Office national de l’énergie sur les contrats d’achat de gaz en cause dans cette affaire?

Comme l’Office et la Cour d’appel fédérale, je conclus que le contrat assorti des avis de demandes de livraison de gaz de TransCanada à Saskatchewan Power est un contrat de vente de gaz au sens du par. 51(2).

Saskatchewan Power soutient qu’il ne s’agit pas du tout d’un contrat de vente de gaz mais plutôt d’un contrat d’échange de gaz ou d’un accord indivisible d’achat de gaz prévoyant l’achat de gaz par TransCanada.

Il ne peut s’agir à mon avis d’un contrat d’échange de gaz. Aux termes de l’accord, TransCanada n’avait pas le droit de payer le gaz reçu de Saskatchewan Power durant les cinq premières années du contrat en livrant du gaz au cours des années suivantes. L’accord prévoit un paiement du gaz au prix fixé. En fait, TransCanada a versé une avance de $3,000,000 à Saskatchewan Power, à valoir sur le prix du gaz à lui être livré. En outre, Saskatchewan Power n’était pas obligée d’accepter du gaz en échange du gaz qu’elle avait vendu. Elle n’était tenue d’accepter le gaz de TransCanada que si elle en demandait elle‑même la livraison.

[Page 305]

Mais il ne s’agit pas seulement d’un contrat d’achat de gaz par TransCanada. Même s’il contient des dispositions à cet effet pour les cinq premières années, le contrat prévoit également plusieurs options d’achat de gaz par Saskatchewan Power à TransCanada, cette dernière pouvant exercer cette faculté pendant les dernières années du contrat en donnant par écrit un avis de demande de livraison. Sur réception d’un tel avis, TransCanada devenait obligée par le contrat de délivrer la quantité de gaz fixée au prix stipulé au contrat. Il s’agit donc d’un contrat de vente de gaz au sens du par. 51(2).

Saskatchewan Power prétend en outre que le par. 51(2) ne s’applique pas au contrat parce qu’il est entré en vigueur en 1970, donc après la conclusion du contrat en 1969, et qu’il ne peut avoir d’effet rétroactif. Comme je l’ai déjà souligné, le contrat remonte à novembre 1969, mais il confère à Saskatchewan Power plusieurs options d’achat pouvant être exercées pendant les dernières années du contrat. Les contrats de vente par TransCanada n’étaient donc véritablement formés que lorsque ces options étaient exercées. Les demandes de livraison n’ont pas été faites avant 1974 et 1975.

Saskatchewan Power soutient également que le par. 51(2) ne s’applique qu’aux contrats de vente de gaz transmis par le pipe-line interprovincial de TransCanada et qu’il n’est pas nécessaire que TransCanada utilise ce pipe-line pour livrer du gaz à Saskatchewan Power en vertu de la partie XVII du contrat.

Il ne semble pas que cette question ait été débattue devant l’Office qui connaît à fond le fonctionnement de TransCanada et aurait pu y répondre rapidement. Cependant, les dispositions du contrat nous fournissent la réponse à cet argument.

Le paragraphe 2 de l’article VIII de l’accord initial du 1er mai 1959, applicable mutatis mutandis au contrat, prévoit:

[TRADUCTION] Le point de livraison de tout le gaz se situera au principal pipe-line de transmission de Tache-

[Page 306]

teuse, dans la province de la Saskatchewan, à un point dont les parties devront convenir par écrit.

Comme je l’ai déjà indiqué, l’endroit convenu se trouve près de Success en Saskatchewan. Ainsi, le gaz acheté par TransCanada devait être livré à son principal pipe-line de transmission. L’alinéa v) du paragraphe 1 de l’article XVII de l’accord, qui régit la livraison du gaz par TransCanada à Saskatchewan Power, fixe le même point de livraison, près de Success, en Saskatchewan, et prévoit que le gaz doit être livré [TRADUCTION] «à la pression existant dans le pipe-line de l’acheteuse au moment de cette livraison».

Il ressort donc de ces dispositions que le gaz vendu par TransCanada à Saskatchewan Power devait être livré par son principal pipe-line de transmission.

J’en viens maintenant à la question constitutionnelle. Elle ne porte que sur les art. 50 et 51 de la Loi. Cela s’explique du fait que la question litigieuse soumise à l’Office était de savoir si l’accord et les avis de demandes de livraison subséquents, relatifs à l’achat de gaz par Saskatchewan Power, avaient été régulièrement produits, en conformité du par. 51(2). Vu sa formulation, la question constitutionnelle vise à faire déterminer si les art. 50 et 51 sont ultra vires «si, lorsqu’on les interprète correctement, ils donnent compétence à l’Office national de l’énergie sur les contrats d’achat de gaz en cause dans cette affaire».

Le procureur général du Canada est intervenu à l’appui de la constitutionnalité des dispositions législatives contestées. Le procureur général de la Colombie-Britannique est également intervenu, mais pour appuyer la thèse de Saskatchewan Power selon laquelle ces dispositions sont inconstitutionnelles.

L’article 50 de la Loi confère à l’Office le pouvoir de «rendre des ordonnances sur tous les sujets relatifs au mouvement, aux droits ou tarifs». Il autorise notamment l’Office à contrôler les droits et tarifs d’une compagnie habilitée à construire ou à exploiter un pipe-line pour la transmission du gaz, qui relie une province à une ou plusieurs autres. Pareille compagnie constitue une entreprise du genre de celles définies à l’al.

[Page 307]

92(10a) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique et tombe donc dans la catégorie de sujets relevant de la compétence législative fédérale en vertu du par. 91(29). Je souscris aux propos suivants du juge Pratte de la Cour d’appel fédérale:

Tout d’abord, il est maintenant bien établi que la compétence fédérale sur une entreprise interprovinciale comprend le pouvoir de réglementer les droits et s’étend à tous les services fournis par l’entreprise, y compris ceux qui le sont entièrement dans les limites d’une province (La Reine du chef de l’Ontario c. La Commission des transports, [1968] R.C.S. 118).

Le paragraphe (1) de l’art. 51 interdit à une compagnie exploitant une telle entreprise d’imposer des droits autres que ceux que spécifie un tarif déposé auprès de l’Office.

Le paragraphe (2) vise toute compagnie qui transmet du gaz lui appartenant. Elle doit produire des copies de ses contrats de vente de gaz. Ces copies sont censées constituer un tarif produit en conformité du par. (1). Le contrat de vente de gaz à Saskatchewan Power par TransCanada devenait donc un tarif du fait de cette production.

L’article 61 de la Loi a déjà été cité. Sa constitutionnalité n’est pas contestée en l’espèce. Il dispose que lorsqu’une compagnie transmet par son pipe-line du gaz qui lui appartient, la différence entre ce que le gaz coûte à la compagnie au point où celui-ci pénètre dans le pipe‑line et le montant pour lequel la compagnie le vend, est réputée un droit imposé par la compagnie à l’acheteur, pour la transmission de ce gaz.

Saskatchewan Power prétend principalement que l’accord traite de commerce intra-provincial et n’est pas assujetti à la compétence législative du Parlement fédéral. D’après le dossier soumis à la Cour, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une question de commerce intra-provincial. Le contrat prévoit la livraison à TransCanada de gaz extrait du gisement de Medicine Hat en Alberta, au principal pipe-line de transmission de TransCanada à Success (Saskatchewan). Les livraisons en retour par TransCanada à Saskatchewan Power devaient se faire au même endroit. Comme je l’ai déjà dit, il me semble clair que ces livraisons devaient se faire par le principal pipe-line de transmission de Trans-

[Page 308]

Canada, qui transporte du gaz de l’Alberta à la Saskatchewan et à d’autres provinces. En l’absence de preuve contraire, il est raisonnable de présumer que du gaz provenant de l’Alberta serait livré à Saskatchewan Power, en Saskatchewan.

Quoi qu’il en soit, la compétence législative du Parlement à l’égard d’une entreprise interprovinciale dépend de la nature de l’entreprise. Le Parlement a le pouvoir d’exiger que l’entreprise fournisse à l’organisme de réglementation tous les contrats de vente de gaz livré par le pipe-line qu’elle exploite. Cette Cour a déjà déclaré dans l’arrêt La Reine c. La Commission des transports[2], précité, (à la p. 127):

[TRADUCTION] En l’espèce, la question de la compétence, du point de vue constitutionnel, dépend de la nature de la ligne de chemin de fer et non de celle d’un service particulier fourni sur cette ligne.

A mon avis, le Parlement a le pouvoir de légiférer à l’égard des droits et tarifs relatifs à la transmission de gaz par un pipe-line interprovincial et peut exiger d’une compagnie exploitant le pipe-line qu’elle produise des copies de ses contrats de vente de gaz, car ces documents sont réputés constituer un tarif. Telles sont les seules questions constitutionnelles soulevées en l’espèce.

Les motifs de la décision rendue par l’Office en avril 1976 se terminent par l’alinéa suivant:

Par conséquent, l’Office conclut que le contrat du 1er novembre 1969 a été validement déposé conformément à l’article 51(2) de la Loi. Comme aucune allégation n’a été faite à ce sujet, l’Office ne détermine pas immédiatement si le prix stipulé dans le contrat est juste et raisonnable et reporte l’étude de cette question à plus tard.

Les avocats nous ont signalé que l’Office avait entendu, en septembre 1976, une requête de TransCanada visant tous ses tarifs et qu’en décembre 1976, l’Office a décidé d’augmenter les taux payables aux termes du contrat pour les ajuster aux montants en vigueur pour les livraisons dans la zone de la Saskatchewan. On nous a également

[Page 309]

informés que la Cour d’appel fédérale a accordé l’autorisation d’interjeter appel de cette décision devant elle.

La question de savoir dans quelle mesure l’exercice par l’Office de son pouvoir de fixer les droits et tarifs modifie les droits de Saskatchewan Power résultant du contrat, ne fait pas partie de la question restreinte soumise à l’Office en l’espèce. Nous ne disposons pas du dossier soumis à l’Office quand il a rendu sa désicion de décembre 1976, ni d’ailleurs de ses motifs. Il est exact que la question constitutionnelle, telle que formulée, demande si les art. 50 et 51 donnent compétence à «l’Office national de l’énergie sur les contrats d’achat de gaz en cause dans cette affaire». Mais ces articles ne visent pas à donner compétence sur les contrats. L’article 50 habilite l’Office à rendre des ordonnances relatives au mouvement, aux droits ou tarifs. Le paragraphe 51(2) prévoit le dépôt des contrats de vente de gaz qui sont censé constituer un tarif. Les questions qui peuvent résulter de la décision de décembre 1976 portent sur l’étendue des pouvoirs de l’Office de réglementer le prix de vente du gaz par TransCanada et sur les conséquences de cette réglementation sur les droits des parties en vertu du contrat. Il serait prématuré à ce stade de trancher ces questions vu le dossier restreint soumis à la Cour. C’est d’ailleurs le sens de l’annexe aux motifs de la décision de l’Office en l’espèce:

Suite au dépôt de la présente demande auprès de l’Office, le Gouverneur en conseil a fixé le prix de vente maximal du gaz naturel produit dans la province d’Alberta qui sera livré dans d’autres régions ou zones du Canada, ailleurs qu’en Alberta, en vertu de l’article 51(1) de la Loi sur l’Administration du pétrole. Par le décret en conseil C.P. 1975-2533, modifié par le décret C.P. 1975-2731, le Gouverneur en Conseil a fixé le prix maximal applicable, notamment, aux ventes de gaz naturel de l’Alberta effectuées par la TransCanada en Saskatchewan. L’office juge que le prix stipulé dans le contrat du 1er novembre 1969, en dehors du fait qu’il est subordonné au règlement de la Partie VI de la Loi sur l’Office national de l’énergie, est subordonné aux prix prescrits en vertu de la Loi sur l’administration du pétrole.

[Page 310]

Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter ce pourvoi avec dépens.

Pourquoi rejeté avec dépens

Procureurs des appelantes: Gowling & Henderson, Ottawa.

Procureurs de l’intimée: McCarthy & McCarthy, Toronto.

Procureur du procureur général du Canada: R. Tassé, Ottawa.

Procureurs du procureur général de la Colombie-Britannique: Burke-Robertson, Chadwick & Ritchie, Ottawa.

[1] [1977] 2 C.F. 324.

[2] [1968] R.C.S. 118.


Synthèse
Référence neutre : [1979] 1 R.C.S. 297 ?
Date de la décision : 03/10/1978
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être rejeté

Analyses

Énergie - Contrat d’achat et de vente de gaz - Date d’entrée en vigueur - Exercice d’options et choix - Le contrat devait-il être déposé auprès de l’Office national de l’énergie? - Droits et tarifs - Loi sur l’Office national de l’énergie, S.R.C. 1970, chap. N-6, art. 2, 11b), 18, 50, 51 et 61 - Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867, art. 92(10)a) et 91.

Droit constitutionnel - Entreprise fédérale - Contestation de la validité des art. 50 et 51 de la Loi sur l’Office national de l’énergie, S.R.C. 1970, chap. N-6 - Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867, art. 92(10)a) et 91.

TransCanada est une compagnie au sens de la Loi sur l’Office national de l’énergie, S.R.C. 1970, chap. N-6. Elle possède et exploite un pipe-line interprovincial servant à la transmission de gaz naturel. En 1969, elle a passé un contrat d’une durée de douze ans dans lequel elle s’engageait à acheter à Saskatchewan Power un volume spécifié de gaz naturel pendant les cinq premières années du contrat. Les parties contractantes avaient déjà conclu un accord le 1er mai 1959 et, aux termes du contrat, certaines dispositions de l’accord de 1959 s’appliquent mutatis mutandis, notamment le point de livraison au principal pipe-line de transmission de TransCanada en Saskatchewan, à un point dont les parties doivent convenir par écrit. Le contrat prévoit également le droit de l’acheteuse de livrer en retour, jusqu’à concurrence de 16 millions de Mp3 de gaz pendant la seconde période de cinq ans de contrat au prix de 23.5 cents le Mp3 pour chacune des années du contrat. La venderesse devait donner à l’acheteuse un préavis écrit de dix-huit mois au moins pour l’informer du volume de gaz dont elle demandait la livraison. Le 30 avril 1974, Saskatchewan Power a avisé TransCanada qu’elle fixait à 5 millions de Mp3 le volume de gaz à livrer pour l’année du contrat commençant le 1er novembre 1975; le

[Page 298]

27 mars 1975, elle a fixé à 16 millions de Mp3 le volume de gaz à livrer pour l’année du contrat commençant le 1er novembre 1976. Le 6 août 1975, le contrat a été modifié afin de lui permettre de fixer à 17 millions de Mp3 le volume de gaz à recevoir. Le chiffre fixé le 30 avril 1974 a été annulé et celui du 27 mars 1975 a été porté à 17 millions de Mp3 par année du contrat.

En 1971, le contrat a été déposé auprès de l’Office national de l’énergie par TransCanada dans le cadre d’une demande de hausse de tarif jusqu’à concurrence de l’augmentation du prix d’achat du gaz. En 1975, TransCanada saisit l’Office d’une requête concernant tous ses tarifs et demanda également l’autorisation de remplacer les prix de vente du gaz stipulés au contrat et payables par Saskatchewan Power pour le gaz acheté à TransCanada par le tarif de la zone de la Saskatchewan proposé dans la requête. Saskatchewan Power a demandé à l’Office de rendre une ordonnance rejetant le dépôt du contrat du 1er novembre 1969 au motif que le contrat a été conclu par un producteur et une compagnie de pipe-line pour un paiement inséparable, qu’il n’est pas divisible et est essentiellement un contrat d’échange et non un contrat de vente. L’Office a cependant conclu qu’il s’agit d’un contrat que TransCanada était obligée de déposer aux termes du par. 51(2) de la Loi sur l’Office national de l’énergie. En confirmant cette décision de l’Office national de l’énergie, la Cour d’appel fédérale a en outre rejeté l’argument de l’appelante selon lequel le par. 51(2) est ultra vires du Parlement du Canada au motif qu’il fait partie d’un système visant la réglementation d’activités intra-provinciales aussi bien qu’extra-provinciales.

Arrêt: Le pourvoi doit être rejeté.

La Cour d’appel fédérale a eu raison de conclure que le contrat assorti des avis de demandes de livraison de gaz de Trans-Canada à Saskatchewan Power est un contrat de vente de gaz au sens du par. 51(2). Il ne peut s’agir d’un contrat d’échange de gaz et, en fait, Saskatchewan Power n’était tenue d’accepter le gaz que si elle en demandait elle-même la livraison. Même si le contrat remonte à 1969 (donc avant l’entrée en vigueur du par. 51(2)), il prévoit plusieurs options d’achat et les contrats de vente n’étaient donc véritablement formés que lorsque ces options étaient exercées. Or ces options n’ont pas été exercées avant 1974 et 1975.

La question constitutionnelle ne porte que sur les art. 50 et 51 de la Loi. Aux termes de l’al. 92(10)a) de l’A.A.N.B., une compagnie de pipe-line interprovincial est une entreprise assujettie à la juridiction fédérale. La compétence fédérale sur une entreprise interprovinciale comprend le pouvoir de réglementer les droits et s’étend à tous les services fournis par l’entreprise, y compris

[Page 299]

ceux qui le sont entièrement dans les limites d’une province. Le Parlement avait le pouvoir d’habiliter l’Office à contrôler les droits et tarifs relatifs à la transmission de gaz par un pipe-line interprovincial et d’exiger de la compagnie de pipe-line qu’elle produise auprès de l’Office des copies de ses contrats de vente de gaz, ces documents étant réputés constituer un tarif.


Parties
Demandeurs : Saskatchewan Power Corporation et autre
Défendeurs : TransCanada Pipelines Ltd.

Références :

Jurisprudence: La Reine c. Commission des transports, [1968] R.C.S. 118.

Proposition de citation de la décision: Saskatchewan Power Corporation et autre c. TransCanada Pipelines Ltd., [1979] 1 R.C.S. 297 (3 octobre 1978)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1978-10-03;.1979..1.r.c.s..297 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award