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21/03/1978 | CANADA | N°[1978]_2_R.C.S._135

Canada | Keable c. Procureur général (Canada) et autre, [1978] 2 R.C.S. 135 (21 mars 1978)


Cour suprême du Canada

Keable c. Procureur général (Canada) et autre, [1978] 2 R.C.S. 135

Date: 1978-03-21

Maître Jean F. Keable (Appelant) Requérant;

et

Le procureur général du Canada et le solliciteur général du Canada Intimés;

et

Le procureur général de la Province de Québec et le Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada Mis en cause.

1978: 13 mars; 1978:21 mars.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz, Estey et Pratte.

REQUÊTE EN SURSIS D’EXÉ

CUTION

Cour suprême du Canada

Keable c. Procureur général (Canada) et autre, [1978] 2 R.C.S. 135

Date: 1978-03-21

Maître Jean F. Keable (Appelant) Requérant;

et

Le procureur général du Canada et le solliciteur général du Canada Intimés;

et

Le procureur général de la Province de Québec et le Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada Mis en cause.

1978: 13 mars; 1978:21 mars.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz, Estey et Pratte.

REQUÊTE EN SURSIS D’EXÉCUTION


Synthèse
Référence neutre : [1978] 2 R.C.S. 135 ?
Date de la décision : 21/03/1978
Sens de l'arrêt : La requête doit être rejetée

Analyses

Tribunaux - Travaux d’une Commission d’enquête suspendus par jugement de la Cour d’appel - Demande à la Cour suprême de surseoir à l’exécution de ce jugement - Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1970, c. S-19, art. 70.

La Cour d’appel du Québec, infirmant un jugement de la Cour supérieure, a ordonné que soit délivré un bref d’évocation contre l’appelant, constituant une Commission d’enquête créée en vertu de la législation provinciale, et qu’en conséquence les travaux de la Commission soient suspendus. Ayant obtenu de cette Cour l’autorisation de se pourvoir contre l’arrêt de la Cour d’appel, l’appelant demande maintenant à cette Cour une déclaration portant que l’art. 70 de la Loi sur la Cour suprême opère de plein droit sursis à l’exécution du jugement de la Cour d’appel du Québec qui a suspendu les procédures devant la Commission et subsidiairement que cette Cour rende, avant la décision sur le fond du pourvoi formé par l’appelant, un jugement interlocutoire qui autorise la Commission à reprendre son enquête dans les limites que cette Cour pourrait fixer.

Arrêt: La requête doit être rejetée.

L’article 70 de la Loi sur la Cour suprême n’appuie pas la requête. De plus, cette Cour ne veut pas s’écarter, en l’instance, de sa ligne de conduite selon laquelle elle n’intervient pas, règle générale, dans les questions procédurales découlant de la législation provinciale et des ordonnances des cours supérieures des provinces. Quant à la demande subsidiaire, même si cette Cour a le pouvoir de l’accorder, il n’y a pas lieu, en raison de sérieuses questions de juridiction et d’interprétation de la constitution soulevées par ce pourvoi, de trancher en partie le pourvoi à la suite d’une requête interlocutoire et de tronquer l’arrêt de la Cour d’appel.

[Page 136]

Michel Décarie, pour le requérant.

Joseph Nuss, c.r., pour l’intimé le procureur général du Canada.

Michel Robert, pour l’intimé le solliciteur général du Canada.

Gérald Tremblay, pour le mis en cause le procureur général du Québec.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE EN CHEF — Le 6 mars 1978, cette Cour a autorisé Me Jean F. Keable et le procureur général du Québec à se pourvoir contre un arrêt rendu par la Cour d’appel du Québec le 21 février 1978. Ceux-ci ont immédiatement déposé un avis d’appel et fait le dépôt exigé par l’art. 66 de la Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1970, c. S-19.

Par son arrêt, la Cour d’appel du Québec a infirmé un jugement du juge en chef associé Hugessen, en date du 9 décembre 1977, qui refusait le recours en évocation contre Me Jean F. Keable constituant une Commission d’enquête créée en vertu de la législation provinciale. L’arrêt a accordé au procureur général du Canada et au solliciteur général du Canada le redressement formulé comme suit:

AUTORISE la délivrance du bref d’assignation requis;

ENJOINT à l’intimé ès qualités de suspendre toute procédure et de transmettre au greffe de la Cour supérieure, dans un délai de quinze jours du présent jugement, le dossier de l’affaire et toutes les pièces qui s’y rapportent…

Le juge Kaufman, pour partie en désaccord, n’aurait ordonné que la suspension partielle de l’enquête de la Commission.

Le 22 février 1978, ceux qui avaient eu gain de cause en Cour d’appel du Québec firent délivrer le bref d’évocation par le protonotaire de la Cour supérieure. Ce bref reproduit l’ordre contenu dans le jugement de la Cour d’appel. On l’a signifié le même jour a la Commission avec copie du jugement de la Cour d’appel du Québec, afin que, conformément à celui-ci, le dossier des procédures

[Page 137]

devant la Commission et toutes les pièces y afférentes soient transmis au greffe de la Cour supérieure.

Les appelants devant cette Cour demandent maintenant une déclaration portant que l’art. 70 de la Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1970, c. S-19, opère de plein droit sursis à l’exécution du jugement de la Cour d’appel du Québec qui suspend les procédures devant la Commission Keable; subsidiairement, que cette Cour rende, dans l’exercice de ses pouvoirs afférents aux procédures en cause avant la décision sur le fond du pourvoi formé par les appelants, un jugement interlocutoire qui autorise la Commission Keable à reprendre son enquête dans les limites que la Cour pourra fixer; les appelants suggèrent les limites proposées par le juge Kaufman.

Il ressort manifestement des motifs de la majorité en Cour d’appel du Québec (les juges Paré et Monet) que, vu leur décision que la Commission Keable est soumise au pouvoir de surveillance de la Cour supérieure du Québec en vertu de l’art. 846 du Code de procédure civile du Québec et qu’à première vue, elle semble avoir excédé sa compétence en exigeant que le solliciteur général du Canada, en sa qualité officielle, produise certains documents, et en utilisant à son gré d’autres documents relatifs à la sécurité nationale, la Cour supérieure devait délivrer un bref d’évocation, ce qui a les conséquences prévues à l’art. 848 du Code de procédure civile du Québec, savoir, la suspension de toutes les procédures de la Commission. Le juge Paré a fait remarquer qu’il n’était pas nécessaire de décider si l’art. 848 autorise la suspension partielle des procédures du tribunal inférieur visé par le bref d’évocation.

Il convient de souligner que la délivrance du bref d’évocation, ordonnée par la Cour d’appel du Québec, est simplement la première de deux étapes et que d’autres procédures doivent suivre la production du bref. A ce stade-ci, les procédures ont donc un aspect interlocutoire et, règle générale, cette Cour n’intervient pas dans les questions procédurales découlant de la législation provinciale et des ordonnances des cours supérieures des provin-

[Page 138]

ces. Je ne veux pas m’écarter de cette ligne de conduite en l’instance.

Quoi qu’il en soit, j’estime qu’on ne saurait à bon droit prétendre que l’art. 70 de la Loi sur la Cour suprême prévoit un sursis automatique à l’ordre de suspension des procédures de la Commission Keable. Comme il ressort clairement des exceptions énumérées et des art. 71 et 72, l’art. 70 vise l’intevention du shérif, par exemple, pour exécuter un jugement pendant que ce jugement garde son plein effet tant que cette Cour n’a pas statué. Il ne permet pas de surseoir à l’exécution d’un ordre adressé à la partie elle-même; voir Battle Creek Toasted Corn Flake Co. Ltd. v. Kellogg Toasted Corn Flake Co.[1]

J’aborde maintenant la demande subsidiaire de redressement interlocutoire. On ne saurait invoquer en l’espèce nos décisions dans les affaires Poje c. Le procureur général de la Colombie-Britannique, en date du 16 octobre 1952, et Cotroni c. La Commission de police du Québec, en date du 18 février 1975[2]. Ces décisions ordonnaient l’élargissement des requérants, à certaines conditions, en attendant jugement sur leur pourvoi. En prenant pour acquis, comme la Cour l’a fait dans les affaires Steinberg’s Limitée c. Comité paritaire de l’alimentation[3], et Laboratoire Pentagone Limitée c. Parke, Davis et Cie[4], qu’elle a le pouvoir d’accorder le redressement demandé en l’espèce, elle trancherait en partie le pourvoi sur une requête interlocutoire en accédant aux prétentions des appelants. Ce pourvoi soulève de sérieuses questions de juridiction et d’interprétation de la constitution sur lesquelles la Cour d’appel du Québec s’est penchée et j’estime qu’il y a lieu de ne pas tronquer son arrêt ordonnant la délivrance du bref d’évocation et la suspension des procédures de la Commission Keable avant le jugement sur le fond du pourvoi.

Pour tous ces motifs, je suis d’avis de rejeter la requête. Il n’y aura pas d’adjudication de dépens.

Requête rejetée.

[1] (1924), 55 O.L.R. 127.

[2] [1975] 1 R.C.S. viii

[3] [1968] R.C.S. 163.

[4] [1968] R.C.S. 269.


Parties
Demandeurs : Keable
Défendeurs : Procureur général (Canada) et autre
Proposition de citation de la décision: Keable c. Procureur général (Canada) et autre, [1978] 2 R.C.S. 135 (21 mars 1978)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1978-03-21;.1978..2.r.c.s..135 ?
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