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25/01/1977 | CANADA | N°[1978]_1_R.C.S._708

Canada | Montreal Trust Co. c. Gulf Securities Corp. Ltd. et autres, [1978] 1 R.C.S. 708 (25 janvier 1977)


Cour suprême du Canada

Montreal Trust Co. c. Gulf Securities Corp. Ltd. et autres, [1978] 1 R.C.S. 708

Date: 1977-01-25

Montreal Trust Company (Demanderesse) Appelante;

et

Gulf Securities Corporation Ltd. (Défenderesse) Intimée;

et

Tidewater Oil Company, Triad Petroleum Development Ltd., Marathon Oil Company, Canada Cities Services Petroleum Corporation, Atlantic Richfield Company (Défenderesses) Intimées.

1976: 3 et 4 novembre; 1977: 25 janvier.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence,

Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA SASKATCHEWAN

Cour suprême du Canada

Montreal Trust Co. c. Gulf Securities Corp. Ltd. et autres, [1978] 1 R.C.S. 708

Date: 1977-01-25

Montreal Trust Company (Demanderesse) Appelante;

et

Gulf Securities Corporation Ltd. (Défenderesse) Intimée;

et

Tidewater Oil Company, Triad Petroleum Development Ltd., Marathon Oil Company, Canada Cities Services Petroleum Corporation, Atlantic Richfield Company (Défenderesses) Intimées.

1976: 3 et 4 novembre; 1977: 25 janvier.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA SASKATCHEWAN


Synthèse
Référence neutre : [1978] 1 R.C.S. 708 ?
Date de la décision : 25/01/1977
Sens de l'arrêt : Le pourvoi en tant que dirigé contre Gulf doit être accueilli. Le pourvoi en tant que dirigé contre Tidewater et les autres intimées doit être rejeté

Analyses

Mines et minéraux - Redevances - Cession - Préavis - Droits de G en vertu des permis de pétrole et de gaz naturel cédés à T - Acte de fiducie relatif aux redevances entre G et M - G cède à M toutes les redevances qui lui seront dues par T ou ses successeurs et ayants droit - T reconnaît l’avis de cession - T entend abandonner à la Couronne un certain nombre de baux - G exerce son droit de prendre en charge les terrains qui doivent être abandonnés - G demande à T de céder à un tiers ses droits en vertu des baux - M a droit aux redevances dues par le tiers à G - M n’a pas acquis le droit à l’exécution, à l’encontre de T, des obligations assumées par cette dernière envers G.

L’intimée Gulf a obtenu de la Couronne du chef de la province de la Saskatchewan un certain nombre de permis de pétrole et de gaz naturel. Selon la convention datée du 6 juin 1949 conclue avec l’intimée Tidewater, Gulf a cédé les droits résultant de ses permis et d’autres permis à Tidewater. Entre autres choses, Tidewater a accepté, aussi longtemps qu’elle conserverait ses droits dans les terrains visés par les permis cédés, de payer à Gulf 2½ pour cent de la valeur marchande du pétrole et du gaz provenant de ces terrains. La clause 10 de la convention donnait le pouvoir à Tidewater, sans le consentement de Gulf, de céder tous ses droits ou une partie de ceux-ci dans les terrains, mais sous réserve qu’une telle cession «sera assujettie à la prise en charge par le cessionnaire du bail de tous les droits et obligations de [Tidewater], procédant desdits terrains et de la présente convention, relativement aux terrains en faisant l’objet».

[Page 709]

La clause 10 permettait également à Tidewater d’abandonner ses droits dans les terrains, en tout ou en partie. Toutefois, si Tidewater entendait abandonner ses droits, elle était obligée de donner à Gulf un préavis de trente jours. Pendant ce délai Gulf avait le droit, moyennant un avis écrit, de décider de succéder à Tidewater relativement aux terrains que cette dernière se proposait d’abandonner. Si elle décidait en ce sens, toute rétrocession devait être «assujettie aux conditions précitées de prise en charge et de libération».

Le 15 mai 1950, Gulf a signé avec l’appelante, Montreal Trust, un acte de fiducie relatif aux redevances. En vertu de la clause 2 de cet acte, Gulf a cédé à Montréal toutes les redevances qui, aux termes de la convention Tidewater, étaient dues par Tidewater, ses successeurs ou ayants droit. Le même jour Gulf a donné à Tidewater avis de la cession. Tidewater a reconnu et a accepté cet avis de cession et s’est engagée à faire les paiements à Montréal conformément aux termes de l’avis.

Le 14 septembre 1956, la Couronne a accordé à Tidewater deux baux portant sur du pétrole et du gaz naturel visant les terrains en question. En 1960, Tidewater a avisé Gulf qu’elle entendait abandonner à la Couronne un certain nombre de baux, dont les deux baux précités. Plus tard, les avocats de Gulf ont informé Tidewater, par lettre, que leur cliente entendait se faire céder une partie de la superficie que Tidewater entendait abandonner. Gulf s’est arrangée avec Imperial pour que cette dernière prenne charge des deux baux. Le 20 avril 1960, Gulf a signé une convention avec Imperial, se réservant pour tous les baux une redevance dérogatoire brute de 2½ pour cent. Tidewater n’était pas partie à cette convention. Une convention datée du 6 septembre 1960 est intervenue entre Tidewater, Imperial et Gulf, aux termes de laquelle, entre autres choses, Tidewater cédait les baux à Imperial. La cession ne mentionnait pas la redevance dérogatoire qu’Imperial devait payer. Imperial a réussi à extraire du pétrole des terrains visés par les baux et a payé à Gulf les redevances stipulées dans la convention du 20 avril 1960.

Montréal a intenté une action contre Gulf, Tidewater et les quatre autres intimées. Elle a prétendu, en ce qui concerne Gulf, avoir droit aux redevances payées par Imperial et dues par celle-ci et a demandé l’établissement de comptes et le paiement des sommes qui seraient trouvées dues. Pour ce qui est de Tidewater, elle lui réclamait des dommages-intérêts pour avoir omis de stipuler, dans la cession à Imperial, la prise en charge par cette dernière de l’obligation de payer les redevances à Montréal. Cette dernière a prétendu que cette obligation incombait à Tidewater en vertu de la cession qui lui

[Page 710]

avait été consentie par Gulf et acceptée par Tidewater. Elle a allégué en outre que les quatre intimées, autres que Tidewater, avaient formé un consortium avec cette dernière, au nom duquel Tidewater avait signé sa convention avec Gulf.

En première instance, Montréal a eu gain de cause dans son action contre Gulf. L’action contre Tidewater a été rejetée au motif que celle-ci n’avait aucune obligation contractuelle à l’égard de Montréal. La Cour d’appel a accueilli l’appel de Gulf et rejeté l’appel incident de Montréal à l’encontre de Tidewater. Montréal a alors introduit un pourvoi devant cette Cour.

Arrêt (les juges Pigeon, Dickson et de Grandpré étant dissidents en partie): Le pourvoi en tant que dirigé contre Gulf doit être accueilli. Le pourvoi en tant que dirigé contre Tidewater et les autres intimées doit être rejeté.

Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence et Beetz: Contrairement à l’avis de la Cour d’appel, on ne peut pas assimiler ce qui s’est passé en l’espèce à un abandon complet par Tidewater de ses droits dans les deux baux portant sur du pétrole et du gaz naturel. Si cet abandon avait été effectué en faveur de la Couronne, ces baux auraient été résiliés mais ils ne l’ont pas été. Au lieu de cela, Gulf a demandé à Tidewater de céder à Imperial ses droits dans les baux. Ces derniers, que Tidewater a obtenus en exécutant les conditions attachées aux permis, sont demeurés en vigueur et Imperial est devenu le cessionnaire des droits de Tidewater en résultant. La clause 10 de la convention Tidewater prévoyait la prise en charge par Imperial des redevances que devait verser Tidewater relativement à ces baux. Vu ces circonstances, Imperial était un cessionnaire de Tidewater et les paiements de redevances qu’Imperial devait effectuer à Gulf étaient soumis aux dispositions de la clause 2 de l’acte de fiducie relatif aux redevances. Quand Gulf s’est engagée à l’égard des détenteurs des certificats de redevances, en vertu de la clause 2 de l’acte de fiducie, elle leur a donné le bénéfice des redevances dues à Gulf par tout cessionnaire de Tidewater si cette cession était effectuée en vertu des dispositions de la clause 10 de la convention Tidewater.

Pour ce qui est du pourvoi dirigé contre Tidewater, Gulf n’a pas cédé à Montréal la convention Tidewater. Elle n’a pas acquis le droit à l’exécution, à l’encontre de Tidewater, des obligations assumées par cette dernière envers Gulf en vertu de la clause 10 de cette convention.

Tidewater n’avait aucune obligation contractuelle à l’égard de Montréal. Sa seule obligation légale envers Montréal était d’honorer l’avis de cession des redevances qu’elle avait reçu et qui n’avait d’incidence que sur les

[Page 711]

redevances susceptibles d’être dues par Tidewater relativement à sa production provenant des terrains visés par la convention Tidewater.

Les dispositions de l’acte de fiducie relatif aux redevances s’appliquaient aux redevances dues par Imperial qui, à la demande de Gulf, était devenu le successeur ou l’ayant droit de Tidewater. L’obligation de demander le paiement à Montréal incombait uniquement à Gulf. Avis de la cession des redevances de Gulf effectué par la clause 2 de l’acte de fiducie relatif aux redevances, aurait dû être donné à Imperial par Gulf ou par Montréal. Aucune obligation de donner cet avis n’était imposée à Tidewater.

Les juges Pigeon, Dickson et de Grandpré, dissidents en partie: Le pourvoi interjeté contre Gulf doit être accueilli pour les motifs rendus par la majorité et le pourvoi interjeté contre les autres intimées doit également être accueilli. Si Tidewater était devenue débitrice de la redevance dérogatoire et l’avait versée à Gulf plutôt qu’à Montréal, cette dernière n’aurait pas eu un bon droit d’action contre Tidewater en vertu de la cession et de l’avis, la reconnaissance et l’acceptation de cette cession. En second lieu, bien que la cession ne portât pas sur la totalité de la convention mais sur la redevance seulement, elle visait la redevance exigible d’un cessionnaire de Tidewater aussi bien que la redevance exigible de Tidewater elle-même. Toutefois, à la demande de Gulf, Tidewater a cédé le bail à Imperial en des termes tels, que la redevance devait dorénavant être versée à Gulf par le cessionnaire. Ce ne peut être un moindre manquement à l’obligation de Tidewater envers Montréal que de faire payer la redevance à Gulf par son ayant droit plutôt que de le faire elle-même.

Il faut considérer que Tidewater savait que la cession de la redevance à Montréal était faite dans le but de permettre à Gulf de disposer des certificats de redevances et que le but de l’avis de cession était d’assurer le paiement de la redevance par Tidewater à Montréal et non à Gulf. Quand Tidewater a cédé le bail à Imperial, elle était tenue, par conséquent, de stipuler le paiement de la redevance à Montréal, non à Gulf. Cela n’avait pas besoin d’être exprimé en ces termes. Si Tidewater cédait le bail, son obligation était de stipuler le paiement à nul autre que le créancier véritable de la redevance.

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de la Saskatchewan[1], qui avait accueilli un appel interjeté par Gulf Securities Corporation

[Page 712]

Ltd. contre un jugement du juge en chef Bence de la Cour du Banc de la Reine, et avait rejeté un appel incident de Montreal Trust Company contre Tidewater Oil Company et certaines companies affiliées. Pourvoi accueilli en partie, les juges Pigeon, Dickson et de Grandpré étant dissidents en partie.

W.M. Elliott, c.r., pour la demanderesse, appelante.

M.C. Shumiatcher, c.r., R. Bamford, L.H. McDonald, c.r., et R.B. Laschuk, pour les défenderesses, intimées.

Le jugement du juge en chef Laskin et des juges Martland, Judson, Ritchie, Spence et Beetz a été rendu par

LE JUGE MARTLAND — L’intimée, Gulf Securities Corporation Ltd., ci-après appelée «Gulf», a obtenu de la Couronne du chef de la province de la Saskatchewan, un certain nombre de permis qui ‘ autorisaient Gulf à entreprendre des études et recherches géophysiques sur des terrains où la Couronne était propriétaire du pétrole et du gaz naturel. Les permis nos 159 et 160 étaient de ce nombre. Après s’être conformée aux règlements en vertu desquels les permis avaient été émis, Gulf pouvait obtenir de la Couronne des baux portant sur du pétrole et du gaz naturel relativement aux parcelles de terrain décrites dans les permis. Les terrains présentement en cause sont la moitié nord de la section 32, canton 6, rang 4, à l’ouest du deuxième méridien (visé dans le permis 159) et la moitié est de la section 6, canton 6, rang 2, à l’ouest du deuxième méridien (visé dans le permis 160).

Selon la convention datée du 6 juin 1949, ci-après appelée «la convention Tidewater», Gulf a cédé les droits résultant de ces permis et d’autres permis, à l’intimée Tide Water Associated Oil Company, devenue par la suite Tidewater Oil Company, ci-après appelée «Tidewater». En vertu de cette convention, Tidewater acceptait, aussi longtemps qu’elle conserverait ses droits dans les terrains visés par les permis cédés, que cela fût en vertu d’un permis, d’un bail ou de toute autre forme de titre délivré par le gouvernement de la province de la Saskatchewan, de payer à Gulf 2½

[Page 713]

pour cent de la valeur marchande du pétrole provenant des terrains visés par les permis, 2½ pour cent de la valeur marchande du gaz provenant de ces terrains et 2½ pour cent de la valeur marchande des 35 pour cent de l’essence extraite de ce gaz.

La clause 10 de la convention Tidewater stipule ce qui suit:

[TRADUCTION] 10. Il est expressément convenu que le cessionnaire n’entend pas créer et ne crée pas, par les présentes, une tenure conjointe ni une tenure indivise sur tout droit dans lesdits terrains, ou dans le pétrole, le gaz ou les autres hydrocarbures qui peuvent y être extraits, et le cédant renonce expressément, par les présentes, à tout droit, titre, ou intérêt dans lesdits terrains ou dans un desdits produits, résultant des stipulations de la présente convention; qu’en ce qui concerne les opérations sur lesdits terrains, le cessionnaire pourra les conduire à son gré, de la manière qu’il avisera, sans encourir de responsabilité à l’égard du cédant; que rien, dans les présentes, ne sera considéré comme obligeant le cessionnaire à produire, conserver, vendre ou autrement aliéner le pétrole, le gaz ou l’essence provenant desdits terrains; que le cessionnaire pourra, et il y est irrévocablement autorisé par les présentes, au moment de son choix, sans aucun consentement ou participation du cédant, modifier, abandonner, transporter, résilier ou autrement aliéner ses droits dans lesdits terrains ou dans une partie de ceux‑ci, et en cas d’abandon ou de résiliation des droits du cessionnaire dans lesdits terrains, la présente convention sera résiliée de plein droit relativement aux terrains faisant l’objet d’un tel abandon ou d’une telle résiliation; sous réserve, toutefois, que si le cessionnaire cède ou aliène autrement ses droits dans ledit bail relativement auxdits terrains ou à une partie de ceux-ci, la cession précitée ou autre aliénation sera assujettie à la prise en charge par le cessionnaire du bail de tous les droits et obligations du cessionnaire, procédant desdits terrains et de la présente convention, relativement aux terrains en faisant l’objet, à la suite de quoi le cessionnaire sera relevé et libéré de toute obligation et responsabilité futures qu’il serait susceptible de subir en vertu des présentes, relativement à ces terrains; sous réserve, toutefois, que chaque fois qu’il envisage un abandon ou une résiliation, en tout ou en partie, le cessionnaire doit donner au cédant un préavis écrit de 30 jours de son intention, délai pendant lequel le cédant pourra décider de succéder au cessionnaire relativement à cette partie des terrains dont on envisage l’abandon ou la résiliation, en en avisant le cessionnaire par écrit et toute rétrocession au cédant sera assujettie aux conditions précitées de prise en charge et de libération.

[Page 714]

Le 15 mai 1950, Gulf a signé avec l’appelante, ci-après appelée «Montréal», un acte, ci-après appelé «l’acte de fiducie relatif aux redevances», qui contenait l’exposé et dispositions pertinents suivants:

[TRADUCTION] ET ATTENDU que Gulf entend émettre des certificats pour ses redevances de deux et demi pour cent (2½%), telles que définies dans l’exposé qui précède et dans la convention Tidewater, et, dans ce but, désire céder au fiduciaire tous ses droits, titres et intérêts concernant les redevances auxquelles elle peut avoir droit en vertu de la convention Tidewater;

ET ATTENDU que le fiduciaire a convenu d’accepter la cession précitée des redevances de Gulf aux conditions ci-après énoncées;

2. CESSION DES REDEVANCES DE GULF: —

Par les présentes, Gulf cède et transporte irrévocablement au fiduciaire toutes les redevances qui, en vertu de la convention Tidewater, lui seront dues, dans l’avenir, par Tidewater, ses successeurs ou ayants droit.

3. CERTIFICATS DE REDEVANCES: —

Les redevances cédées au fiduciaire par la clause précédente du présent acte …seront considérées comme divisées en cent quatre-vingt mille (180,000) unités, ci-après appelées «unités de redevances brutes». Le fiduciaire émettra des certificats de redevances, ci-après appelés «certificats de redevances brutes de la fiducie» couvrant les unités de redevances brutes précitées; ces certificats de redevances brutes revêtiront la forme établie à l’annexe «B» des présentes. Dès la signature du présent acte, les certificats de redevances brutes précités seront émis par le fiduciaire en faveur et au nom de Gulf ou en faveur et au nom de telle personne ou telles parties que Gulf pourra désigner ou nommer par écrit au fiduciaire, et chaque certificat sera respectivement émis par écrit dans les proportions indiquées par Gulf au fiduciaire.

4. …

Le détenteur de chaque unité de redevances brutes émise en vertu du présent acte aura droit à une part équivalant à un cent quatre-vingt millième de la redevance de deux et demi pour cent (2½%) cédée au fiduciaire en vertu des présentes, après déduction pour impôt et taxes, s’il en est, et des frais et dépenses, y compris ceux du fiduciaire, tels qu’établis et stipulés ci-après.

[Page 715]

15. EXERCICE DES DROITS EN VERTU D’UNE SOUS-LOCATION: —

Rien dans le présent acte ne sera considéré ou interprété comme une cession ou un transfert de la convention Tidewater elle-même, mais en cas de défaut, quel qu’il soit, par Tidewater de payer la redevance due en vertu de ladite convention, Gulf, en vue d’être indemnisée de ses frais, honoraires et dépenses en résultant, entreprendra elle‑même ou permettra au fiduciaire d’entreprendre en son nom telles démarches ou procédures que l’avocat du fiduciaire estimera opportunes à l’égard d’un tel défaut et du respect des droits de Gulf quant au versement des redevances promises par Tidewater, conformément aux termes de la convention Tidewater.

La convention Tidewater était annexée à l’acte de fiducie relatif aux redevances en tant qu’annexe A et fut même déclarée partie de cet acte.

Le même jour, soit le 15 mai 1950, Gulf a donné à Tidewater, dans les termes suivants, avis de la cession:

[TRADUCTION] AVIS DE CESSION

A: Tide Water Associated Oil Company, 79 rue New Montgomery, San Francisco, Californie, É.-U. d’Amérique.

ATTENDU que par une certaine convention écrite en date du 6 juin 1949, intervenue entre la soussignée, Gulf Securities Corporation Ltd. (ci-après appelée «Gulf»), d’une part, et Tide Water Associated Oil Company (ci-après appelée «Tide Water»), d’autre part, Gulf Securities Corporation Ltd. a cédé et transporté à Tide Water certains permis d’exploration de pétrole et de gaz, précédemment accordés à Gulf par la province de la Saskatchewan, les terrains visés par lesdits permis comprenant une superficie approximative de neuf millions (9,000,000) d’acres situées en la susdite province;

ET ATTENDU qu’en contrepartie de la cession desdits permis par Gulf à Tide Water, ladite convention du 6 juin 1949 stipulait que Tide Water, aussi longtemps qu’elle conserverait ses droits dans quelque partie des terrains faisant l’objet desdits permis, paierait à Gulf, sur le produit de la vente du pétrole, du gaz ou de l’essence en provenant, certaines redevances, le tout selon les stipulations et termes de la convention du 6 juin 1949;

ET ATTENDU qu’aux termes de l’acte de fiducie relatif aux redevances, en date du 15 mai 1950, intervenu entre Gulf Securities Corporation Ltd., d’une part, et la Compagnie Montréal Trust d’autre part, Gulf a cédé à la

[Page 716]

Compagnie Montréal Trust tous ses droits, titres et intérêts dans tous les paiements futurs des redevances qui pourront être dues par Tide Water conformément aux stipulations de la convention du 6 juin 1949 précitée en premier lieu, ces paiements de redevances devant être assujettis, à tous égards, aux stipulations de l’acte mentionné en dernier lieu;

EN CONSEQUENCE, Gulf avise Tide Water, par les présentes, qu’elle a cédé à la Compagnie Montréal Trust tous les paiements futurs de redevances qui, aux termes de ladite convention du 6 juin 1949, pourront lui être dues; que ladite cession à la Compagnie Montréal Trust est une cession irrévocable de tous les droits, titres et intérêts de Gulf dans lesdits paiements et que la cessionnaire a le droit, en vertu des termes dudit acte de fiducie relatif aux redevances daté du 15 mai 1950, de recevoir tous ces paiements futurs de redevances et d’en donner valable quittance;

ET Gulf Securities Corporation Ltd. en contrepartie de l’acceptation du présent avis par Tide Water, garantit, par les présentes, qu’elle tiendra en tout temps Tide Water quitte de toute réclamation qu’elle pourrait faire ou que d’autres personnes ou compagnies pourraient faire en raison de tout paiement de redevances effectué par Tide Water directement à la Compagnie Montréal Trust, conformément aux termes de cet avis;

TOUS les paiements susdits de redevances seront faits à la Compagnie Montréal Trust, en ses bureaux sis au 112, Septième avenue ouest, Calgary (Alberta), Canada.

Le 17 juillet 1950, Tidewater a reconnu et accepté cet avis de cession et s’est engagée à faire les paiements à Montréal conformément aux termes de l’avis. La partie pertinente de cette acceptation se lit comme suit:

[TRADUCTION] TIDE WATER ASSOCIATED OIL COMPANY, exploitant, reconnaît et accepte, par les présentes, le susdit avis de cession des paiements de redevances par Gulf Securities Corporation Ltd. à la Compagnie Montréal Trust et convient, par les présentes, que tous les paiements de redevances résultant de la convention du 6 juin 1949 qui seront exigibles dorénavant et avant la résiliation, de quelque manière, de l’acte de fiducie relatif aux redevances daté du 15 mai 1950 dont il est question dans ledit avis de cession, seront, sous réserve des termes et conditions de ladite convention du 6 juin 1949, faits par Tide Water Associated Oil Company directement à la Compagnie Montréal Trust, conformément aux termes du susdit avis.

[Page 717]

Le 14 septembre 1956, la Couronne a accordé à Tidewater un bail n° PN 1310 portant sur du pétrole et du gaz naturel, visant les terrains mentionnés au permis n° 159 qui comprenait la ½ N 32-6-4-02. De même, la Couronne a consenti à Tidewater le 14 septembre 1956, un bail n° PN 1572, visant la ½ E 6-6-2-02 mentionnée au permis n° 160. Les deux baux sont entrés en vigueur le 1er juillet 1956 et ce, pour 21 ans avec droit de renouveler pour d’autres termes de même durée.

Par lettre en date du 26 février 1960, Tidewater a avisé Gulf qu’elle entendait abandonner à la Couronne un certain nombre de baux, dont PN 1310 et PN 1572.

Plus tard, par lettre en date du 24 mars 1960, les avocats de Gulf ont informé Tidewater que leur cliente entendait se faire céder une partie de la superficie que cette dernière allait abandonner. La lettre se lit comme suit:

[TRADUCTION]

Objet:

Demande de Gulf Securities Corporation Ltd. pour la cession de baux portant sur 58,995 acres en Saskatchewan.

Veuillez noter que notre cliente, Gulf Securities Corporation Ltd., exerce par la présente son droit de se faire céder 58,995 acres, représentant une partie des terrains faisant l’objet des préavis donnés par votre compagnie. Lesdites 58,995 acres sont décrites plus en détail dans les annexes «A» et «B» de cette lettre.

Les terrains en cause en l’espèce sont visés par cette lettre. Gulf s’est arrangée avec Imperial Oil Limited, ci-après appelée «Imperial», pour que cette dernière prenne charge des baux. Le 20 avril 1960, Gulf a signé une convention avec Imperial, se réservant pour tous les baux une redevance dérogatoire brute de deux et demi pour cent (2½%). Tidewater n’était pas partie à cette convention.

Une convention datée du 6 septembre 1960 est intervenue entre Tidewater, Imperial et Gulf, aux termes de laquelle Tidewater cédait, notamment, à Imperial le bail n° PN 1310 portant sur la 1/2 N 32-6-4-02 et le bail n° PN 1572. La cession ne

[Page 718]

mentionnait pas la redevance dérogatoire qu’Imperial devait payer.

En temps opportun, la cession du bail n° PN 1572 a été enregistrée dans les registres du ministère des Richesses naturelles et un bail distinct a été accordé à Imperial sous le n° PN 4879 portant sur la 1/2 N 32-6-4-02 qui fut alors rayée du bail n°PN 1310.

Imperial a réussi à extraire du pétrole des terrains visés par ces baux et a payé à Gulf les redevances stipulées dans la convention du 20 avril 1960.

Montréal a intenté une action contre Gulf, Tidewater et les quatre autres intimées. Elle prétend, en ce qui concerne Gulf, avoir droit aux redevances payées par Imperial et dues par celle-ci et elle demande l’établissement de comptes et le paiement des sommes qui seront trouvées dues. Pour ce qui est de Tidewater, elle lui réclame des dommages-intérêts pour avoir omis de stipuler, dans la cession à Imperial, la prise en charge par cette dernière de l’obligation de payer les redevances à Montréal. Cette dernière prétend que cette obligation incombe à Tidewater en vertu de la cession qui lui a été consentie par Gulf et acceptée par Tidewater. Elle allègue en outre que les quatre intimées, autres que Tidewater, ont formé un consortium avec cette dernière, au nom duquel Tidewater a signé sa convention avec Gulf.

En première instance, Montréal a eu gain de cause dans son action contre Gulf. Le savant juge de première instance a exposé ses motifs comme suit:

[TRADUCTION] Quant à Gulf, je conclus qu’en vertu de l’acte intervenu entre la demanderesse et Gulf, qui est fondé sur les dispositions de la convention Tidewater et de la convention sur les redevances à laquelle était incorporée la convention Tidewater, Gulf était tenue de payer à la demanderesse les 2½% de la valeur marchande des produits mentionnés au paragraphe 5 de la convention Tidewater, qu’elle, Gulf, pouvait recevoir de la production des terrains visés par les baux obtenus en vertu desdits permis. Elle ne peut pas esquiver sa responsabilité en ayant recours à une cession directe à Imperial. C’est elle qui a imposé à Tidewater les conditions de prise en charge exposées à la fin de la clause 10 de cette convention et si elle est devenue cessionnaire, ou la

[Page 719]

personne désignant un cessionnaire, je considère qu’elle doit être liée par ces conditions.

Il a rejeté l’action contre Tidewater au motif que celle-ci n’avait aucune obligation contractuelle à l’égard de Montréal. Elle n’aurait eu d’obligations envers Montréal qu’au regard de la production que Tidewater aurait obtenue des terrains en question.

La Cour d’appel a accueilli l’appel de Gulf et rejeté l’appel incident de Montréal à l’encontre de Tidewater. Elle a conclu comme suit:.

[TRADUCTION] J’estime que pour confirmer le jugement du savant juge de première instance, je devrais décider que tous les terrains visés par la convention Tidewater, à l’exception peut-être de ceux directement abandonnés au Gouvernement, étaient soumis au paiement irrévocable d’une redevance de deux et demi pour cent en faveur de Gulf. Pour atteindre cette conclusion, je dois faire abstraction des termes réels de la convention Tidewater et rendre inefficaces les dispositions spécifiques concernant la résiliation et l’abandon. Ces dernières sont, à mon avis, claires et sans ambiguïté et il faut leur donner effet. Comme je l’ai déjà déclaré, les terrains abandonnés conformément aux dispositions de la convention Tidewater seraient effectivement supprimés du contrat et il ne peut y avoir, en ce qui les concerne, de paiements de redevances assujettis à l’acte de fiducie relatif aux redevances.

POURVOI INTERJETÉ CONTRE GULF

Je traiterai d’abord du pouvoir interjeté par Montréal contre Gulf. Les obligations de cette dernière envers la première doivent être déterminées en examinant les obligations assumées par Gulf en vertu des dispositions de l’acte de fiducie relatif aux redevances. Par la clause 2 de cet acte, Gulf a cédé à Montréal tous les paiements de redevances qui, aux termes de la convention Tidewater, étaient dues à Gulf par Tidewater, ses successeurs ou ayants droit. (Les italiques sont de moi.)

Bien que Tidewater, en exécutant les conditions pertinentes, eût satisfait aux exigences pour obtenir les baux portant sur le pétrole et le gaz naturel, et qu’elle les eût effectivement obtenus, elle n’a jamais produit l’une ou l’autre de ces substances de façon à donner à Gulf le droit de lui réclamer la redevance appropriée sur la production. Toutefois, l’acte de fiducie relatif aux redevances n’est pas

[Page 720]

limité à des paiements de redevances par Tidewater. Il inclut aussi des paiements de redevances qui, aux termes de la convention Tidewater, sont dues à Gulf par les successeurs ou ayants droit de Tidewater.

La condition de la convention Tidewater de première importance à cet égard est la clause 10, précitée. Cette clause donne le pouvoir à Tidewater, sans le consentement de Gulf, de céder tous ses droits ou une partie de ceux-ci dans les terrains en question, mais sous réserve qu’une telle cession [TRADUCTION] «sera assujettie à la prise en charge par le cessionnaire du bail de tous les droits et obligations de (Tidewater), procédant desdits terrains et de la présente convention, relativement aux terrains en faisant l’objet».

Il est clair, par conséquent, que si Tidewater avait décidé de céder ses droits découlant des deux baux portant sur du pétrole et du gaz naturel, dont il est présentement question, elle aurait été obligée de s’assurer que le cessionnaire assume l’obligation de redevances envers Gulf, imposée par la convention Tidewater. Il est également clair que, dans cette éventualité, les redevances payables à Gulf par le cessionnaire de Tidewater auraient été soumises aux dispositions de la clause 2 de l’acte de fiducie relatif aux redevances.

La clause 10 permettait également à Tidewater d’abandonner à la Couronne ses droits dans les baux portant sur du pétrole et du gaz naturel. Si cela avait été fait, ces baux auraient été résiliés. Toutefois, ce droit d’abandon était soumis à une condition. Si Tidewater entendait abandonner ses droits, elle était obligée d’en donner à Gulf un préavis de 30 jours. Pendant ce délai, Gulf avait le droit, moyennant un avis écrit, de décider de succéder à Tidewater relativement aux terrains que cette dernière se proposait d’abandonner. Si elle décidait en ce sens, toute rétrocession devait être «assujettie aux conditions précitées de prise en charge et de libération». Cette condition de «prise en charge» se réfère à l’exigence voulant qu’en cas de cession par Tidewater, le cessionnaire assume tous les droits et obligations de celle-ci en vertu de la convention. Une de ces obligations était le paiement de redevances à Gulf.

[Page 721]

En l’espèce, Tidewater désirait abandonner les deux baux portant sur du pétrole et du gaz naturel. Gulf a exercé son droit à la rétrocession mais, au lieu de demander la cession des baux en sa faveur, elle a demandé à Tidewater de les céder à Imperial. En vertu des dispositions de la clause 10, cette cession devait être faite sous réserve de l’obligation de Tidewater de verser à Gulf des redevances.

Par conséquent, la question qui se pose est de savoir si Imperial est un successeur ou un ayant droit de Tidewater, au sens de la clause 2 de l’acte de fiducie relatif aux redevances.

La Cour d’appel, sans se référer spécifiquement à la clause 2 de cet acte, a dit ce qui suit:

[TRADUCTION] L’abandon peut s’effectuer de deux façons. Il peut y avoir un abandon direct au Gouvernement. Dans ce cas, il est clair que les terrains seraient effectivement supprimés du contrat et n’intéresseraient plus ni Tidewater ni Gulf. L’abandon peut également être effectué par une rétrocession à Gulf, cette dernière choisissant de succéder au cessionnaire relativement aux terrains dont l’abandon était envisagé. Si, en raison d’un tel choix, les terrains étaient rétrocédés à Gulf, ils seraient à mon avis également supprimés du contrat comme si on les avait restitués au Gouvernement. Lors d’une telle rétrocession, la seule obligation assumée par Gulf était la prise en charge des obligations envers le Gouvernement relativement à ces terrains, qui avaient été assumées par Tidewater en vertu de la convention Tidewater. Suggérer que, dans un tel cas, la rétrocession serait assujettie au paiement, à elle-même, des sommes prévues par la clause 5 de la convention est non seulement illogique, mais contraire aux but et intention fondamentaux de la disposition concernant la résiliation ou l’abandon.

A mon avis, le fait que Gulf, en exerçant son droit de succéder à Tidewater relativement aux terrains que celle-ci se proposait d’abandonner, ait donné des instructions pour que la cession soit faite à Imperial Oil plutôt qu’à elle-même, ne change d’aucune façon la situation. Cette cession était faite conformément aux dispositions concernant l’abandon et n’était pas le type de cession envisagé par la clause 10, auquel se rattachaient les obligations du par. 5.

A mon avis, la Cour d’appel a erré en assimilant ce qui s’est passé en l’espèce à un abandon complet par Tidewater de ses droits dans les deux baux portant sur du pétrole et du gaz naturel. Si cet

[Page 722]

abandon avait été effectué en faveur du Gouvernement, ces baux auraient été résiliés. Mais ils ne l’ont pas été. Au lieu de cela, Gulf a demandé à Tidewater de céder à Imperial ses droits dans les baux. Ces derniers, que Tidewater a obtenus en exécutant les conditions attachées aux permis, sont demeurés en vigueur et Imperial est devenue le cessionnaire des droits de Tidewater en résultant. La clause 10 de la convention Tidewater prévoyait la prise en charge par Imperial des redevances que devait verser Tidewater relativement à ces baux. Vu ces circonstances, Imperial était, selon moi, un cessionnaire de Tidewater et les paiements de redevances qu’Imperial devait effectuer à Gulf étaient soumis aux dispositions de la clause 2 de l’acte de fiducie relatif aux redevances. A mon avis, quand Gulf s’est engagée à l’égard des détenteurs des certificats de redevances, en vertu de la clause 2 de l’acte de fiducie, elle leur a donné le bénéfice des redevances dues à Gulf par tout cessionnaire de Tidewater si cette cession était effectuée en vertu des dispositions de la clause 10 de la convention Tidewater.

POURVOI INTERJETÉ CONTRE TIDEWATER

Montréal soutient que Tidewater avait une obligation envers elle, à savoir que dès la cession de ses droits a Imperial, les redevances dérogatoires stipulées par Gulf soient payées par Imperial à Montréal et non à Gulf. Montréal demande à Tidewater des dommages-intérêts pour la prétendue inexécution de cette obligation.

Les seules obligations contractuelles assumées par Tidewater en vertu de la convention Tidewater étaient envers Gulf. L’obligation de Tidewater, en vertu de la clause 10 de cette convention, de faire certaines choses dans le cas d’abandon ou de cession de ses droits, était une obligation envers Gulf seulement. Montréal n’était pas le cessionnaire des droits de Gulf découlant de la convention Tidewater. Les premiers termes de la clause 15 de l’acte de fiducie relatif aux redevances disposent expressément que:

[TRADUCTION] Rien dans le présent acte ne sera considéré ou interprété comme une cession ou un transfert de la convention Tidewater elle-même.

[Page 723]

La cession consentie par la clause 2 de cet acte de fiducie était uniquement la cession, par Gulf à Montréal, des paiements de redevances dues à Gulf par Tidewater, ses successeurs ou ayants droit aux termes de la convention Tidewater. Gulf devait donc voir à ce que ces paiements de redevances soient reçus par Montréal.

En exécution de cette obligation, Gulf a avisé Tidewater de la cession qu’elle avait consentie en faveur de Montréal.

J’ai déjà cité les termes de cet avis. Il ne mentionne pas la cession, faite dans l’acte de fiducie, des redevances dues par les successeurs ou ayants droit de Tidewater. Il se réfère uniquement aux redevances dues par Tidewater. Il n’est rien de plus qu’un avis demandant à Tidewater de payer à Montréal les redevances qu’elle aurait été susceptible de verser à Gulf en vertu de la convention Tidewater.

L’article 2 de The Choses in Action Act, R.S.S. 1940, c. 292, qui était en vigueur au moment où la cession a été faite, édicté que:

[TRADUCTION] 2. Toute dette et tout droit d’action résultant d’un contrat est légalement cessible en vertu de tout écrit rédigé en ce sens, mais sous réserve des conditions et restrictions relatives au droit de cession attaché à la dette originaire ou relatives au contrat originaire ou qui peuvent y être mentionnées; et le cessionnaire du contrat peut introduire en son nom une action fondée sur ce contrat, comme pourrait le faire la partie qui était originairement créancière ou à laquelle appartenait originairement le droit d’action ou il peut procéder relativement à ce contrat comme si la présente loi n’avait pas été promulguée.

Cette disposition ne peut pas donner à Montréal, au regard de la cession consentie par Gulf, plus que le droit légal de réclamer à Tidewater tout paiement de redevances qu’en l’absence de cession, elle aurait été obligée de payer à Gulf. Tidewater n’a jamais extrait de pétrole ni de gaz naturel des biens-fonds en question et, ainsi, aucune obligation de paiement de redevances n’a jamais pris naissance.

Tidewater a reconnu l’avis de cession et, pour plus de commodité, je répète ici cette reconnaissance:

[Page 724]

[TRADUCTION] TIDE WATER ASSOCIATED OIL COMPANY, exploitant, reconnaît et accepte, par les présentes, le susdit avis de cession des paiements de redevances par Gulf Securities Corporation Ltd. à la Compagnie Montréal Trust et convient, par les présentes, que tous les paiements de redevances résultant de la convention du 6 juin 1949 qui seront exigibles dorénavant et avant la résiliation, de quelque manière, de l’acte de fiducie relatif aux redevances daté du 15 mai 1950 dont il est question dans ledit avis de cession, seront, sous réserve des termes et conditions de ladite convention du 6 juin 1949, faits par Tide Water Associated Oil Company directement à la Compagnie Montréal Trust, conformément aux termes du susdit avis.

Montréal cherche à interpréter cette reconnaissance comme voulant dire que Tidewater s’engage à lui verser plutôt qu’à Gulf des redevances dues non par elle mais par ses successeurs ou ayants droit. Montréal insiste sur l’expression «tous les paiements de redevances résultant de la convention du 6 juin 1949».

Pour étayer cette prétention, il est nécessaire d’interpréter la reconnaissance comme créant une obligation contractuelle entre Tidewater et Montréal. Mais la reconnaissance n’était pas un contrat entre elles. L’avis de cession a été donné à Tidewater par Gulf. C’était un avis par lequel un créancier éventuel informait un débiteur éventuel que la dette avait été cédée. Une reconnnaissance de la cession a été donnée par Tidewater à Gulf. Cette reconnaissance ne peut imposer à Tidewater une obligation au-delà du paiement à Montréal de sa propre dette à Gulf. Cela serait passer outre aux mots qui terminent la reconnaissance, [TRADUCTION] «(seront) faits par Tide Water Associated Oil Company directement à la Compagnie Montréal Trust, conformément aux termes du susdit avis». Tidewater ne s’obligeait certainement pas à payer des redevances dues par ses successeurs ou ayants droit.

Selon moi, l’avis de la cession et sa reconnaissance par Tidewater n’ont d’incidence que sur les redevances qui pourraient être dues par Tidewater.

Parce que Tidewater était obligée de payer à Montréal les redevances qu’elle était tenue de payer à Gulf, on prétend qu’elle était également

[Page 725]

obligée, quand ses baux furent cédés à Imperial, de stipuler que cette dernière devait payer à Montréal la redevance dérogatoire. En examinant cette prétention, il est nécessaire de rappeler les circonstances dans lesquelles cette cession a été faite.

Tidewater n’a pas cherché à exercer le pouvoir conféré par la clause 10 de la convention Tidewater, de céder les baux. Elle a cherché à exercer le pouvoir, donné par cette clause, d’abandonner les baux à la Couronne. Avant qu’elle puisse le faire, Gulf avait le droit de demander la cession des baux en sa faveur, ce qu’elle a fait. Tidewater était alors obligée de céder les baux à Gulf. Cette dernière a convenu avec Imperial, convention à laquelle Tidewater n’était pas partie, de céder les baux à Imperial, celle-ci acceptant de payer à Gulf la redevance dérogatoire.

Au lieu de se faire céder les baux, puis de les céder ensuite à Imperial, Gulf a convenu que la cession serait directement consentie par Tidewater à Imperial, en vertu d’une convention à laquelle les trois compagnies étaient parties. Cette convention exposait que:

[TRADUCTION] Et attendu que Tidewater désire abandonner les baux dans la mesure où ces derniers visent lesdits biens-fonds ou s’y rapportent (ci-après appelés «lesdits baux») et qu’en vertu de ladite convention datée du 6 juin 1949, Gulf a décidé de succéder à Tidewater relativement auxdits baux.

Tidewater a ensuite cédé, dans la convention, les baux à Imperial. La convention ne fait aucune mention d’une redevance dérogatoire due par Imperial à Gulf. En consentant cette cession, Tidewater exécutait son obligation contractuelle à l’égard de Gulf, née, selon la clause 10 de la convention Tidewater, quand elle a voulu abandonner les baux. Cette clause n’imposait à Tidewater aucune obligation envers Montréal parce que, comme je l’ai déjà souligné, l’acte de fiducie relatif aux redevances ne cédait pas à Montréal la convention Tidewater elle-même.

La seule obligation légale de Tidewater à l’égard de Montréal résultait de l’avis de cession des redevances, c.-à-d. de payer à Montréal toute redevance, qu’en vertu de la convention Tidewater, elle pourrait devoir à Gulf.

[Page 726]

En résumé, les points suivants sont importants:

1. Gulf n’a pas cédé à Montréal la convention Tidewater. Elle n’a pas acquis le droit à l’exécution, à l’encontre de Tidewater, des obligations assumées par cette dernière envers Gulf en vertu de la clause 10 de cette convention.

2. Tidewater n’avait aucune obligation contractuelle à l’égard de Montréal. Sa seule obligation légale envers Montréal était d’honorer l’avis de cession des redevances qu’elle avait reçu et qui n’avait d’incidence que sur les redevances susceptibles d’être dues par Tidewater relativement à sa production provenant des terrains visés par la convention Tidewater.

3. Les dispositions de l’acte de fiducie relatif aux redevances s’appliquaient aux redevances dues par Imperial qui, à la demande de Gulf, était devenue le successeur ou l’ayant droit de Tidewater. L’obligation de demander le paiement à Montréal incombait uniquement à Gulf. Avis de la cession des redevances de Gulf effectuée par la clause 2 de l’acte de fiducie relatif aux redevances, aurait dû être donné à Imperial par Gulf ou par Montréal. Aucune obligation de donner cet avis n’était imposée à Tidewater.

En définitive, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi de Montréal interjeté contre Gulf, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel relativement à Gulf et de rétablir le jugement de première instance, avec dépens en cette Cour et en Cour d’appel. Je suis d’avis de rejeter avec dépens le pourvoi interjeté par Montréal contre Tidewater et les autres intimées.

Le jugement des juges Pigeon, Dickson et de Grandpré a été rendu par

LE JUGE PIGEON (dissident en partie) — J’ai eu l’avantage de lire les motifs rédigés par mon collègue le juge Martland. J’y souscris en ce qui concerne le pourvoi interjeté contre Gulf Securities Corporation Ltd. («Gulf»), mais je diffère d’opinion en ce qui concerne Tidewater Oil Company («Tidewater») et les autres intimées.

Je dirai d’abord que je ne crois pas que personne ne prétende que si Tidewater était devenue débitrice de la redevance dérogatoire et l’avait versée à

[Page 727]

Gulf plutôt qu’à la Compagnie Montréal Trust («Montréal»), cette dernière n’aurait pas eu un bon droit d’action contre Tidewater en vertu de la cession et de l’avis, la reconnaissance et l’acceptation de cette cession. Même sans invoquer The Choses in Action Act, Gulf étant partie à l’action, la cession serait exécutoire en equity sinon en droit et cette exigence est seulement une question [TRADUCTION] «de procédure et non de fond»: Regas Ltd. c. Plot kins,[2] à la p. 571.

En second lieu, il ressort clairement des motifs du juge Martland visant le pourvoi interjeté contre Gulf que la cession, bien que n’étant pas de la totalité de la convention mais de la redevance seulement, vise la redevance exigible d’un cessionnaire de Tidewater aussi bien que la redevance exigible de Tidewater elle-même.

Toutefois, à la demande de Gulf, Tidewater a cédé le bail à Imperial Oil Limited («Imperial») en des termes tels, que la redevance devait dorénavant être versée à Gulf par le cessionnaire. Je ne vois pas comment ce peut être un moindre manquement à l’obligation de Tidewater envers Montréal que de faire payer la redevance à Gulf par son ayant droit plutôt que de le faire elle-même.

Il faut considérer que Tidewater savait que la cession de la redevance à Montréal était faite dans le but de permettre à Gulf de disposer des certificats de redevance et que le but de l’avis de cession était d’assurer le paiement de la redevance par Tidewater à Montréal et non à Gulf. Quand Tidewater a cédé le bail à Imperial, elle était tenue, par conséquent, de stipuler le paiement de la redevance à Montréal, non à Gulf. Je ne puis accepter que cela eût besoin d’être exprimé en ces termes. Si Tidewater cédait le bail, son obligation était de stipuler le paiement à nul autre que le créancier véritable de la redevance.

Dans une affaire où des avocats ont conclu une transaction sans prendre soin de protéger la banque cessionnaire de la réclamation, cette Cour a jugé que le débiteur était responsable envers la banque: La Compagnie des chemins de fer Saint-

[Page 728]

Jean et Québec c. La Banque de l’Amérique du Nord britannique et The Hibbard Co.[3] Le juge Mignault a dit (aux pp. 352-353):

[TRADUCTION] Je n’ai aucun doute que M. Hanson a agi avec une bonne foi absolue, car il est de règle que les avocats s’opposent à un changement des résolutions qu’ils ont rédigées pour le paiement de fonds par leurs clients. Et cela est encore plus vrai si de tels changements assujettissent la disposition des fonds à des conditions ou à des restrictions. Mais le fait demeure que l’addition apportée au premier projet de résolution aurait assujetti M. Hanson à une enquête au sujet des droits de cession et de subrogation de la banque. En bon français, elle déclarait que la banque était cessionnaire du montant réclamé et était subrogée dans tout droit de recours de Hibbard Company. M. Hanson ne pouvait pas fermer les yeux sur cette suggestion manifeste et conclure une transaction inconditionnelle avec M. Gall, sans courir le risque des difficultés qui ont surgi du fait que M. Gall s’est payé, de façon illicite, sur les montants dont, même en vertu du projet de résolution de M. Hanson, il était fiduciaire. La banque, lors du procès, était encore créancière de Hibbard Company de plus $5,000 et, bien qu’elle fût peut-être amplement garantie, avait le droit de recevoir toute somme due à Hibbard Company en vertu de la cession que cette dernière lui avait consentie.

Comme autre illustration des termes sous-entendus dans la cession d’une dette future, je me reporte à Fraser c. La Banque impériale du Canada[4].

Le juge Duff (alors juge puîné) a résumé comme suit les conclusions de la majorité de cette Cour (aux pp. 380-381):

[TRADUCTION] C’est seulement après que le contrat eût été conclu à la suite des efforts de Fraser et à ses propres frais et alors que Garson était à l’article de la mort que la proposition d’affecter la rémunération du travail de Fraser à la cession de la banque a été faite pour la première fois. Il y aurait quelque critique à adresser à la loi si, en de telles circonstances, on pouvait permettre à une pareille proposition de prévaloir devant une cour de justice.

Je résume, dans l’intérêt d’une clarification, ces motifs plutôt longs de mon désaccord avec le tribunal d’instance inférieure. La preuve, et notamment celle qui révèle la conduite des parties, justifie d’une manière concluante la conclusion du juge de première instance

[Page 729]

qu’il y avait, en avril, entre Garson et Fraser, une entente selon laquelle Fraser devait assumer la construction des gares sur le «Outlook Branch» en exécution du contrat de Garson avec la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique et que, par la même entente, les fonds payés par la Compagnie de chemin de fer à Garson en vertu de ce contrat devaient être versés par ce dernier à Fraser. Il est, de plus, établi que la banque était au courant qu’une entente de cette nature était intervenue entre Fraser et Garson au moins aussitôt que juillet. La déduction pertinente à tirer des faits rapportés (y compris les moyens invoqués par la banque au cours de sa défense) est qu’aucune obligation de Garson envers la banque, née dès juillet, et que la cession devait garantir, ne demeure inexécutée. Il s’ensuit, qu’en supposant que la cession de juin eût été faite sans notification de droits de l’appelant et qu’elle ait pour effet de faire acquérir à la banque (aussitôt qu’ils seraient gagnés) la propriété des fonds qui deviendraient dus à Garson en vertu du contrat «Outlook», il demeure que la banque, ayant été avisée des droits de Fraser avant la naissance d’une créance pour laquelle elle a maintenant le droit de détenir la cession à titre de garantie, ne peut, en vertu de principes bien connus, faire valoir avec succès contre Fraser aucun droit sur ces fonds.

Les recours pour inexécution des obligations n’ont pas besoin d’être spécifiés dans un contrat. Dans Re Polymer Corp.[5], on a jugé qu’en vertu des termes généraux d’une clause d’arbitrage, un tribunal arbitral peut allouer des dommages-intérêts pour le préjudice subi du chef d’une grève déclenchée en contravention d’une convention collective, bien que la convention n’inclût pas la stipulation expresse d’un tel recours. Dans Lounsbury Co. Ltd. c Duthie et Sinclair[6], cette Cour a jugé qu’un vendeur impayé était passible de dommages‑intérêts pour l’inexécution de son obligation découlant du contrat, de procéder à une sage revente et qu’il n’était pas dégagé de cette obligation par la cession du contrat à un tiers en contrepartie du paiement du solde du prix.

On a vigoureusement prétendu que, parce que Tidewater avait d’abord donné avis de son intention d’abandonner le bail et consenti la cession à Imperial sur les instructions de Gulf après que cette dernière eût choisi de se faire rétrocéder le

[Page 730]

bail, les obligations des parties devraient être déterminées comme si, au lieu d’une cession directe par Tidewater à Imperial, il y avait eu une cession à Gulf, suivie par une autre cession de Gulf à Imperial. A mon avis, cette prétention est totalement mal fondée, non seulement pour les motifs exposés par le juge Martland relativement au pourvoi interjeté contre Gulf, mais aussi parce que, même sous cet aspect de l’opération, le résultat légal devrait être le même. Tidewater, ayant été avisée de la cession de la redevance à Montréal, ne pouvait pas céder le bail à Gulf autrement qu’à charge de l’obligation de payer la redevance à Montréal. La redevance n’était plus payable à Gulf, par conséquent, cette dernière pouvait uniquement obtenir une cession assujettie à l’obligation de payer cette redevance à Montréal. Tidewater aurait manqué à ses obligations envers Montréal exactement comme si elle avait fait une cession du bail à Gulf, sans protéger les droits de Montréal. La situation aurait été, à cet égard, identique à celle de l’affaire précitée La Compagnie des chemins defer Saint-Jean et Québec.

J’accueillerais le pourvoi interjeté contre toutes les intimées avec dépens en cette Cour et en Cour d’appel et rétablirais le jugement de première instance, mais le modifiant pour substituer au rejet contre les défenderesses autres que Gulf, la déclaration que toutes les défenderesses sont conjointement et solidairement passibles de dommages-intérêts envers la demanderesse, jusqu’à concurrence du montant de la redevance qu’elle a droit de recevoir, avec intérêt.

Pourvoi accueilli en partie, les juges PIGEON, DICKSON et DE GRANDPRÉ étant dissidents.

Procureurs de la demanderesse, appelante: MacPherson, Leslie & Tyerman, Regina.

Procureurs de la défenderesse, intimée, Gulf Securities Corporation Ltd.: Shumiatcher & Associates, Regina.

Procureurs des défenderesses, intimées, Tidewater Oil Company et les compagnies affiliées: Balfour, Moss, Milliken, Laschuk, Kyle, Vancisse & Cameron, Regina.

[1] [1975] 1 W.W.R. 689, 49 D.L.R. (3d) 436.

[2] [1961] R.C.S. 566.

[3] (1921), 62 R.C.S. 346.

[4] (1912), 47 R.C.S. 313.

[5] (1961), 26 D.L.R. (2d) 609, confirmé [1961] O.R. 438, [1962] R.C.S. 338.

[6] [1957] R.C.S. 590.


Parties
Demandeurs : Montreal Trust Co.
Défendeurs : Gulf Securities Corp. Ltd. et autres
Proposition de citation de la décision: Montreal Trust Co. c. Gulf Securities Corp. Ltd. et autres, [1978] 1 R.C.S. 708 (25 janvier 1977)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1977-01-25;.1978..1.r.c.s..708 ?
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