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29/06/1976 | CANADA | N°[1978]_1_R.C.S._134

Canada | Lamoureux c. Ville de Beaconsfield, [1978] 1 R.C.S. 134 (29 juin 1976)


Cour suprême du Canada

Lamoureux c. Ville de Beaconsfield, [1978] 1 R.C.S. 134

Date: 1976-06-29

Édouard Lamoureux (Requérant) Appelant;

et

Ville de Beaconsfield (Intimée) Intimée.

1975: 16 et 17 décembre; 1976: 29 juin.

Présents: Les juges Martland, Ritchie, Pigeon, Dickson et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC.

Cour suprême du Canada

Lamoureux c. Ville de Beaconsfield, [1978] 1 R.C.S. 134

Date: 1976-06-29

Édouard Lamoureux (Requérant) Appelant;

et

Ville de Beaconsfield (Intimée) Intimée.

1975: 16 et 17 décembre; 1976: 29 juin.

Présents: Les juges Martland, Ritchie, Pigeon, Dickson et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC.


Synthèse
Référence neutre : [1978] 1 R.C.S. 134 ?
Date de la décision : 29/06/1976
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être rejeté

Analyses

Droit municipal - Permis de construction de poste d’essence - Mandamus - Règlement interdisant la délivrance du permis s’il y a opposition des deux-tiers des propriétaires d’immeubles dans un rayon de 500 pieds - Loi des Cités et Villes, S.R.Q. 1964, c. 193, art. 426.

L’appelant a présenté une requête pour bref de mandamus en vue de contraindre l’intimée à délivrer un permis de construction et d’exploitation de poste d’essence. Il demandait aussi que soit déclarée nulle la disposition du règlement de zonage interdisant d’accorder un tel permis s’il y a opposition des deux-tiers des propriétaires d’immeubles situés dans un rayon de 500 pieds de l’emplacement visé.

L’appelant soutient que la disposition contestée est ultra vires au motif qu’elle a pour effet de déléguer aux propriétaires intéressés un pouvoir qui ne peut être exercé que par le Conseil de l’intimée; de plus, l’application de cette disposition est, selon lui, discriminatoire.

La Cour supérieure et la Cour d’appel du Québec ont rejeté ces arguments et en conséquence, l’appelant a interjeté appel à cette Cour.

Arrêt (Le juge Pigeon étant dissident): Le pourvoi doit être rejeté.

Les juges Martland, Ritchie, Dickson et de Grandpré: La disposition contestée en l’espèce relève d’un plan général de zonage. La ville intimée pouvait poser des conditions préalables à l’exercice du droit, par un propriétaire foncier, d’utiliser son terrain dans le but d’y exploiter un poste d’essence. Le règlement en question prévoit comme condition préalable à l’octroi du permis que les propriétaires de terrains voisins auront la possibilité de s’y opposer et que, si les deux-tiers d’entre eux font part de leurs objections, le permis ne sera pas accordé. Ce règlement ne réserve pas au Conseil municipal le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser un permis après l’enregistrement du nombre requis d’oppositions dans le délai stipulé. Il ne s’agit pas non plus

[Page 135]

d’une délégation, en faveur des propriétaires fonciers voisins, du pouvoir général de décider de l’opportunité de délivrer un permis de poste d’essence. Au contraire, leur opinion s’exprime en regard de chaque cas particulier.

Même si l’appelant avait réussi à faire déclarer nul l’al. c) du par. (1) de l’art. 6 du règlement, il n’aurait pas eu droit au permis pour autant. L’intimée, en édictant l’al. c), a clairement manifesté l’intention de considérer les postes d’essence séparément des magasins et on ne peut soutenir qu’elle aurait rédigé l’al. a) en des termes aussi larges si elle n’avait pas prévu imposer des restrictions quant à l’exploitation de postes d’essence. Par conséquent, le retrait de l’al. c) entraînerait la disparition du droit de construire un poste d’essence dans une zone commerciale.

Or, les dispositions de l’al. c) du par. (1) de l’art. 6 du règlement sont valides et aucunement discriminatoires. Ce sont des dispositions d’application générale et les conditions qu’elles énoncent pour l’obtention d’un permis de construction d’un poste d’essence sont les mêmes pour tous.

Le juge Pigeon, dissident: Il y a là délégation de pouvoir. Ce règlement a pour effet d’attribuer aux propriétaires d’immeubles dans un rayon de 500 pieds de l’emplacement visé un pouvoir de décision qui appartient au Conseil municipal. Il n’est pas exact de parler ici de consultation des électeurs: premièrement, ce n’est pas un avis qui est demandé, c’est un pouvoir de décision qui est conféré; deuxièmement, ce n’est pas l’ensemble des électeurs qui est consulté mais un groupe restreint de propriétaires.

Ce règlement n’est pas conforme aux art. 380 et 426(1) de la Loi des Cités et Villes; le premier article permet au Conseil de ville de «soumettre aux électeurs municipaux toute question pouvant faire l’objet d’une décision du Conseil»; or, dans le cas sous étude, la question est soumise à un groupe d’électeurs et non à tous. Le deuxième article mentionné restreint le pouvoir du Conseil quant à l’adoption et la modification des règlements de zonage; c’est la loi qui détermine quels sont les électeurs propriétaires qui peuvent être appelés à voter sur une modification du règlement de zonage. Or, le règlement contesté attribue le pouvoir de décision à un groupe d’électeurs propriétaires qui n’est pas celui auquel il appartient de se prononcer quant à l’approbation du règlement en question. On ne peut soutenir qu’il s’agit d’une condition à laquelle la délivrance du permis est soumise puisqu’il n’y a pas un critère quelconque établi. L’alinéa c) du par. (1) de l’art. 6 du règlement 215 de la ville intimée est donc nul puisqu’il n’était pas au pouvoir de l’intimée de le décréter.

[Page 136]

Néanmoins, si l’on juge invalide la disposition qui permet les postes d’essence sous certaines restrictions, il ne reste plus rien qui les permette et l’appelant ne peut avoir droit à son permis. En effet, la rédaction du texte en question fait clairement voir que les postes d’essence devaient, dans l’intention de l’intimée, être régis exclusivement par l’al. c). Ainsi, rien ne permet d’accorder à l’appelant un permis que le reste du règlement n’autorise pas. Il n’a droit qu’à un jugement déclarant la nullité de l’al. c) du règlement.

[Arrêts mentionnés: Canadian Petrofina Ltd. c. Cité de Montréal, [1959] B.R. 211; Vic Restaurant Inc. c. Cité de Montréal, [1959] R.C.S. 58; Cité de Verdun c. Sun Oil Co. Ltd., [1952] 1 R.C.S. 222; Re Kiely (1887), 13 O.R. 451; R. v. Webster (1888), 16 O.R. 187; La Cité d’Outremont c. Les Syndics des écoles protestantes de la Cité d’Outremont, [1952] 2 R.C.S. 506]

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel du Québec[1] confirmant le jugement de la Cour supérieure. Pourvoi rejeté, le juge Pigeon étant dissident.

Jacques Viau, es., pour l’appelant.

J.W. Hemens, c.r., pour l’intimée.

Le jugement des juges Martland, Ritchie, Dickson et de Grandpré a été rendu par

LE JUGE MARTLAND — Appel est interjeté d’un arrêt unanime de la Cour d’appel du Québec confirmant le jugement rendu en première instance.

L’appelant est propriétaire d’un terrain situé dans la ville intimée. Le 8 juillet 1969, il a déposé une demande de permis de construction et d’exploitation d’un poste d’essence (station de service) sur ce terrain, situé dans une zone commerciale C-1. Le conseil municipal a étudié sa demande, puis l’a publiée en conformité du sous-al. 6(1)c)(i) du règlement 215. Le paragraphe (1) de Fart. 6 dispose:

ZONES COMMERCIALES

Article 6: (1) Dans les Zones Commerciales, indiquées C-1 à C-4 et entourées de rouge sur le Plan de Zonage, aucune terre ne sera utilisée et aucun bâtiment construit ou utilisé totalement ou en partie si ce n’est pour les fins suivantes:

a) magasins, bureaux et activités récréatives.

[Page 137]

b) institutions de nature non-résidentielle, à l’exception des logis auxiliaires pour le personnel y travaillant.

c) stations de service —

i) Toute personne, établissement ou compagnie désirant établir ou construire une station de service, doit faire application par écrit pour un permis de construction pour ce faire. Sur réception de cette application par écrit la Ville doit publier cette application dans un quotidien français et dans un quotidien anglais en plus du journal local. Le requérant doit aussi annoncer pour une période de quinze jours dans un endroit en vue sur l’emplacement de la station de service sur une affiche fournie par la Ville déclarant qu’une application a été faite pour un permis afin que les propriétaires des biens immobiliers décrits dans le paragraphe qui fait suite soient avertis de ladite application et, s’ils jugent à propos de le faire, puissent faire objection à l’émission du permis demandé.

Pour les besoins du présent règlement, les propriétaires mentionnés dans le paragraphe ci-dessus sont ceux qui, selon le rôle d’évaluation en vigueur à la date d’application dudit permis, sont qualifiés comme propriétaires de propriétés immobilières ou une partie de propriété immobilière situées à l’intérieur d’un rayon de 1,000 pieds de toute ligne de propriété du lot sur lequel on propose de construire une station de service.

Si deux-tiers (en nombre) des propriétaires ci-haut mentionnés s’objectent et si ladite objection est enregistrée à la Ville par écrit dans le délai de quinze jours après la date de publication dans les journaux de l’avis requis pour l’émission de ce permis, ledit permis ne sera pas accordé. Si un tel permis devait être refusé en vertu des dispositions de cette section, aucune autre application ne sera acceptée pour le même emplacement général avant douze mois après ledit refus.

(ii) Il est défendu d’établir ou de construire une station de service à l’intérieur d’un rayon de 750 pieds de toute ligne de lot de toute terre occupée par un bâtiment servant au culte divin ou par tout collège, couvent, école, orphelinat ou hôpital.

(iii) Il est défendu d’établir ou de construire une station de service à l’intérieur d’un rayon de 250 pieds de toute ligne de lot de toute autre station de service.

Les dispositions du présent article ne s’appliquent à aucune terre, qui, à la date de l’adoption de ce

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règlement serait la propriété d’une compagnie d’huile dans le rôle d’évaluation de la Ville.

L’avis a été publié le 18 juillet 1969. Les oppositions devaient être soumises au plus tard le lundi 4 août. Le 11 août, le conseil a été informé que 53 propriétaires qualifiés sur un total de 73 s’étaient opposés à la délivrance du permis et a avisé l’appelant du rejet de sa demande. Celui-ci a donc présenté une requête pour bref de mandamus ayant pour objet de contraindre l’intimée à délivrer le permis. Il demandait que soit déclaré nul l’al. c) du par. 6(1) et une ordonnance enjoignant à l’intimée de délivrer le permis.

L’appelant se fonde sur les deux moyens suivants:

1. L’alinéa contesté est ultra vires de la ville au motif qu’il a pour objet de déléguer aux propriétaires intéressés un pouvoir ne pouvant être exercé que par le conseil de l’intimée.

2. L’application de l’alinéa en question est discriminatoire.

Les tribunaux d’instance inférieure ont rejeté ces deux moyens et, en conséquence, l’appelant a interjeté appel à cette Cour. La Cour d’appel a suivi l’arrêt Canadian Petrofina Limited c. Cité de Montréal[2], où la question en litige était identique à celle soulevée en l’espèce.

Le juge Crête, qui a rendu jugement de la Cour, définit comme suit le pouvoir de l’intimée d’édicter le règlement:

Dans le cas qui nous occupe, c’est la Loi des cités et villes qui s’applique, dont en particulier, l’article 426.

Les dispositions de cet article, pertinentes à l’espèce, sont les suivantes:

426. Le conseil peut faire des règlements:

1. Construction et inspection des bâtiments, cheminées, etc.

1 ° Pour réglementer les matériaux à employer dans la construction et la façon de les assembler; interdire tous ouvrages n’ayant pas la résistance exigée; prescrire les conditions de salubrité et la profondeur des caves et sous-sols et l’usage qui peut en être fait; classifier, pour fins de réglementation, les habitations, établissements commerciaux, établissements

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industriels et tous autres immeubles, y compris les édifices publics; régler les endroits où peut être située chaque catégorie de construction susdite; diviser la municipalité en zones dont le conseil juge le nombre, la forme et la superficie convenables pour les fins de cette réglementation et, quant à chacune de ces zones, prescrire l’architecture, les dimensions, la symétrie, l’alignement, la destination des constructions qui peuvent y être érigées, l’usage de tout immeuble qui s’y trouve, la superficie et les dimensions des lots, la proportion de ceux-ci qui peut être occupée par les constructions, l’espace qui doit être laissé libre entre les constructions et les lignes des lots, l’espace qui, sur ces lots, doit être réservé et aménagé pour le stationnement ou pour le chargement ou le déchargement des véhicules et la manière d’aménager cet espace; diviser, s’il y a lieu, ces zones en secteurs pour fins de votation prévue par le présent article;

Après avoir cité un autre extrait de l’art. 426, il conclut:

Des dispositions ci-dessus, il ressort clairement que l’intimée avait les pouvoirs d’adopter un règlement prévoyant des zones et les types de construction permis en telles zones.

L’appelant prétend que la disposition du règlement interdisant la délivrance du permis de construction d’un poste d’essence si les deux-tiers des propriétaires d’immeubles situés dans un rayon de 500 pieds de l’emplacement sur lequel on projette de construire s’y opposent, est ultra vires de l’intimée parce qu’elle constitue une délégation illégale à ces propriétaires de pouvoirs de réglementation que l’intimée doit elle-même exercer. A l’appui de cet argument, l’appelant invoque l’arrêt de cette Cour Vic Restaurant Incorporated c. Cité de Montréal[3]. Dans cette affaire, le règlement contesté de la Cité de Montréal portait sur les permis d’exploitation de restaurants et établissements autorisés à tenir un débit de boisson. Le règlement assujettissait notamment la délivrance d’un permis d’exploitation de restaurant à l’approbation du directeur des services de police. La Cour a jugé que la Cité n’avait pas le pouvoir, selon sa charte, de déléguer au directeur de la police, ni à qui que ce soit, le pouvoir d’établir des conditions préalables à l’octroi du permis.

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On a également invoqué un autre arrêt de cette Cour, Cité de Verdun c. Sun Oil Company Ltd.[4] Dans cette affaire, la compagnie avait demandé un permis de construction d’un poste d’essence, en conformité de l’art. 76 du règlement 128 édicté par l’appelante. Les alinéas b) et c) de l’art. 76 prévoyaient que:

b) Toute personne qui désirera obtenir telle permission devra en faire la demande à l’Inspecteur des bâtisses qui transmettra copie de telle demande au Greffier de la Cité. Ce dernier devra donner au moins dix (10) jours d’avance, avis de cette demande au public, au moyen d’annonce dans au moins deux journaux locaux, dont l’un rédigé en anglais et l’autre en français dans lesquels la Cité publie généralement ses annonces, ledit avis devant être placardé par le pétitionnaire dans un endroit bien apparent du terrain, du bâtiment ou local qu’il se propose d’utiliser à cette fin de manière que les propriétaires et résidents du voisinage ou les autres intéressés aient l’occasion de s’opposer à l’octroi de telle permission. Le placard ci-dessus mentionné sera fourni par le Département de l’Inspecteur des bâtisses. La Cité n’accordera aucune demande de ce genre à moins qu’un avis n’en ait été donné de la manière ci-dessus prescrite, et que le pétitionnaire se soit engagé par écrit à munir les chaudières, machines, moteurs ou fournaises qu’il se propose d’installer, d’appareils fumivores ou gazivores propres à les débarrasser efficacement de la fumée, de tout ce qui, dans leur fonctionnement, peut être nuisible au public.

c) Lorsque l’Inspecteur des bâtisses aura reçu une demande de ce genre, il examinera le terrain, le bâtiment ou le local ou les plans des bâtiments ou du local que l’on désire utiliser pour n’importe laquelle des fins mentionnées dans l’article 76 du présent règlement et s’il croit que tel bâtiment local ou terrain remplit les conditions exigées par le présent règlement et que la permission demandée peut être accordée sans qu’il en résulte aucun danger pour la vie ou la propriété, il devra transmettre à cet effet un certificat au Conseil de la Cité qui, selon qu’il le jugera à propos, accordera ou refusera la permission demandée.

La compagnie s’était conformée à toutes les exigences de l’article et l’Inspecteur des bâtisses avait délivré le certificat. La demande a été refusée sans explication. A l’exception de l’art. 76, la Cité n’avait édicté aucun règlement portant sur

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l’emplacement d’établissements industriels et commerciaux et n’avait créé aucune zone.

La Cour a jugé que la disposition soulignée de l’al. c), conférant au conseil municipal le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser un permis, était ultra vires de la Cité. Celle-ci n’avait pas adopté de réglementation générale mais avait tenté de conférer au conseil le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser le permis, par résolution.

L’appelant a également cité deux jugements ontariens, tous deux rendus par un seul juge. Dans Re Kiely[5], la cour examinait un règlement de la Cité de Toronto régissant l’octroi des permis relatifs aux écuries. Elle l’a déclaré ultra vires au motif que ce pouvoir avait été conféré à la Commission de police par une loi. En outre, la cour a ajouté que, si le règlement n’était pas ultra vires, il était certainement irrégulier, car il assujettissait la délivrance du permis au consentement de la majorité des propriétaires et locataires d’immeubles situés dans un rayon de cinq cents pieds de l’écurie faisant l’objet de la demande, ce qui laissait l’octroi du permis à la discrétion des personnes dont le consentement était requis.

L’obiter dictum de l’arrêt Kiely a été suivi dans R. v. Webster[6], mais il convient de souligner que le règlement examiné exigeait également l’approbation du président de la Commission des travaux publics.

Ces arrêts précèdent de longtemps l’établissement de règlements de zonage. La disposition contestée en l’espèce fait partie d’un règlement de zonage. A la différence de l’affaire Vic Restaurant, le règlement ne confère pas le droit d’accorder ou de refuser toutes les demandes de construction de postes d’essence à un fonctionnaire municipal, lui-même habilité à fixer les conditions préalables à l’octroi de tels permis. A la différence de l’arrêt Cité de Verdun, le règlement ne confère pas au conseil municipal le pouvoir discrétionnaire absolu de décider de l’opportunité d’accorder le permis. Le règlement en question énonce les conditions que doit remplir l’auteur d’une demande de permis de poste d’essence et prévoit notamment,

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comme condition préalable à l’octroi du permis, que les propriétaires de terrains voisins auront la possibilité de s’y opposer et que, s’ils font part, dans une majorité importante, de leurs oppositions, le permis ne sera pas accordé. Le règlement ne réserve pas au conseil municipal le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser un permis après l’enregistrement du nombre requis d’oppositions dans le délai stipulé. Le présent litige diffère également de l’arrêt Verdun, en ce que la disposition contestée relève d’un plan général de zonage.

La législation en matière de zonage suppose, en soi, des restrictions au droit d’un propriétaire foncier d’utiliser son terrain comme il l’entend. Ces restrictions sont imposées au bénéfice d’autres propriétaires fonciers. La ville intimée pouvait interdire l’utilisation de terrains situés dans des zones commerciales pour des postes d’essence. Ce n’est pas le cas. Elle pouvait également poser des conditions préalables à l’exercice du droit, par un propriétaire foncier, d’utiliser son terrain à cette fin et c’est en l’occurrence ce qu’elle a fait. Elle a décidé que le droit de construire et d’établir un poste d’essence ne pouvait être exercé qu’en l’absence d’opposition exprimée par une forte majorité de propriétaires fonciers voisins de l’emplacement projeté. Le règlement ne leur délègue pas le pouvoir général de décider, comme dans Vie Restaurant et Cité de Verdun, de l’opportunité de délivrer un permis de poste d’essence. Au contraire, le règlement tient compte, dans chaque cas particulier, de l’opinion des propriétaires fonciers voisins, qui sont les personnes véritablement touchées par l’utilisation projetée, et y assujettit l’octroi du permis. A mon avis, cela est conforme aux principes de la législation relative au zonage et la disposition n’est pas ultra vires de la ville intimée.

Même si l’appelant avait réussi à faire déclarer nul l’al. c) du par. 1 de l’art. (6) du règlement, je ne suis pas convaincu que cela lui aurait donné droit au permis. Il lui aurait fallu alors démontrer que l’utilisation projetée de l’emplacement était autorisée parce que le poste d’essence était un magasin au sens de l’al. a) du par. (1) de l’art. 6. Cependant, même si elle excédait ses pouvoirs en édictant l’al. c), l’intimée a fait une distinction entre les magasins et les postes d’essence (stations

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de service) et on ne peut soutenir qu’elle aurait édicté l’al. a) en des termes aussi larges si elle n’avait pas prévu imposer des restrictions quant à l’exploitation de postes d’essence.

Dans l’arrêt La Cité d’Outremont c. Les Syndics des écoles protestantes de la Cité d’Outremont[7], cette Cour examinait le règlement 326 de la Cité d’Outremont. L’article 84 de ce règlement prévoyait que seules des maisons particulières ou jumelles pouvaient être construites sur certaines rues de la ville. L’article 85 conférait au conseil municipal le pouvoir discrétionnaire de permettre la construction d’églises, d’écoles et d’hôpitaux partout dans la ville. Les Syndics des écoles voulaient construire, sur deux lots contigus, une annexe à une école construite avant l’entrée en vigueur de l’interdiction prévue à l’art. 84. La demande d’autorisation de construire l’annexe a été refusée et les Syndics des écoles ont déposé une requête pour bref de mandamus visant à contraindre l’intimée à délivrer le permis.

La Cour a jugé ultra vires l’art. 85, qui conférait au conseil municipal le pouvoir discrétionnaire, car même si la ville possédait le pouvoir de réglementer la nature des édifices à construire, l’art. 85 ne réglementait pas mais conférait plutôt un pouvoir discrétionnaire au conseil. La Cour a en outre jugé, au sujet de l’interdiction prévue à l’art. 84, qu’on ne pouvait affirmer qu’en l’absence des dispositions de l’art. 85, la Cité aurait donné une forme aussi absolue à l’interdiction édictée par l’art. 84, puisqu’elle voulait manifestement traiter séparément les cas prévus à l’art. 85. En conséquence, l’art. 84 fut également jugé ultra vires de la Cité. Le juge Fauteux (alors juge puîné) s’est exprimé comme suit, à la p. 515:

Il me semble évident que sans la présence des dispositions de l’article 85, la cité n’aurait pas donné une forme aussi absolue aux prohibitions édictées en l’article 84 puisque, comme déjà indiqué, on a manifestement voulu, par les premiers mots de l’article 85, traiter séparément du cas des églises, écoles et hôpitaux et soustraire ces cas à l’opération de toutes autres dispositions, y compris celles de l’article 84. De toutes façons, il suffit de ne

[Page 144]

pouvoir affirmer que, sans les dispositions de l’article 85, les dispositions de l’article 84 eussent été couchées en cette forme absolue. L’article 84 doit subir le sort de l’article 85 et, comme lui, être considéré ultra vires. Et pour cette raison, assumant même que les articles 84 et 85 s’appliqueraient à l’espèce, la cité ne peut les opposer, comme elle l’a fait, à la demande de la corporation intimée.

Dans cet arrêt, la Cour, pour étudier la portée de l’art. 84, a tenu compte du libellé de l’art. 85 préalablement jugé invalide. De la même manière, en l’espèce, l’intimée, en édictant l’al. c) a clairement manifesté l’intention de considérer les postes d’essence séparément des magasins. Cela étant, si l’al. c) était retiré du par. (1) de l’art. 6, on ne pourrait affirmer que l’appelant aurait en conséquence le droit de construire un poste d’essence sur son terrain. Le retrait de l’al. c) entraînerait la disparition du droit de construire un poste d’essence dans une zone commerciale.

Si les dispositions de l’al. c) du par. (1) de l’art. 6 du règlement sont valides, et c’est mon opinion, il n’y a, à mon avis, aucune raison de conclure qu’elles sont discriminatoires. Ce sont des dispositions d’application générale. Elles établissent les conditions que doit remplir l’auteur d’une demande de permis de construire un poste d’essence. Les conditions sont les mêmes pour tous et il n’existe aucune discrimination entre les requérants.

Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

LE JUGE PIGEON (dissident) — Le pourvoi attaque un arrêt de la Cour d’appel du Québec confirmant le jugement de la Cour supérieure qui a rejeté la requête de l’appelant pour bref de mandamus. Ce bref a pour objet de contraindre l’intimée à délivrer un permis de construction pour un poste d’essence.

Le terrain de l’appelant est dans une zone commerciale mais, en vertu du règlement de zonage, un permis de poste d’essence ne peut être délivré sans que les propriétaires des immeubles situés dans un rayon de 500 pieds de l’emplacement visé soient appelés à se prononcer. Si les deux tiers de ces propriétaires font opposition, Se permis est

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refusé. Dans le cas présent, cinquante-trois propriétaires sur un total de soixante-treize ont fait objection et, en conséquence, l’appelant a été informé que sa demande de permis était rejetée.

L’unique moyen de l’appelant c’est que cette disposition spéciale pour les postes d’essence constitue une délégation du pouvoir municipal de réglementation et qu’elle est par conséquent invalide suivant le principe consacré par l’arrêt de cette Cour: Vie Restaurant Inc. c. Cité de Montréal[8]. Dans cette affaire-là, il s’agissait des permis de restaurant et le pouvoir de les refuser avait été délégué aux directeurs de certains services municipaux par une disposition statuant qu’ils ne seraient pas délivrés sans l’approbation écrite de chacun des directeurs des services concernés. En l’espèce, le directeur du service de la police, l’un des services concernés, avait refusé son approbation. L’arrêt de la Cour d’appel du Québec[9] confirmant le refus de mandamus a été infirmé par un arrêt majoritaire où l’on a fait une revue de la jurisprudence canadienne sur cette question de droit municipal à partir de Re Kiely[10]. La conclusion à laquelle on en est venu après une seconde audition devant la Cour au complet est résumée comme suit au sommaire:

[TRADUCTION] En matière d’octroi et de refus de permis, la Cité de Montréal n’a de pouvoirs que ceux prévus dans sa charte. Cette charte n’autorise pas et n’a pas pour but d’autoriser la délégation au directeur de la police ni à quiconque du pouvoir de fixer les conditions auxquelles les permis seront accordés. Le règlement excède donc les pouvoirs du conseil. La clause relative au bon gouvernement, à l’art. 299 de la charte, ne justifie pas ce qu’on a tenté de faire, car les art. 299 et 300 donnent au conseil des pouvoirs précis à ce sujet.

Le règlement ne donne au directeur de la police aucune directive quant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire qu’il lui confère et, en conséquence, ce dernier pourrait refuser d’approuver la demande pour tout motif qu’il considérerait suffisant. Il s’ensuit donc que lorsque le conseil déclare qu’avant la délivrance du permis, le directeur pourra, à sa discrétion, empêcher sa délivrance en ne l’approuvant pas, il ne fixe pas des conditions mais

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tente plutôt de conférer au directeur le pouvoir d’établir les conditions dont dépend le droit d’obtenir un permis.

Dans la présente affaire, la Cour d’appel s’est fondée essentiellement sur son arrêt antérieur: Canadian Petrofina Ltd. c. Cité de Montréal[11]. La disposition réglementaire en litige était pratiquement identique à celle dont il s’agit en la présente cause; elle comportait que ce genre de permis ne serait pas accordé si opposition était faite par les deux tiers des électeurs municipaux de l’arrondissement de votation. Mais il importe de souligner que cet arrêt est du 15 avril 1958 et donc antérieur à l’arrêt de cette Cour dans Vic Restaurant lequel est du 18 décembre 1958. Lorsqu’on l’a rendu, la jurisprudence au Québec était celle que cette Cour devait écarter quelques mois plus tard. C’est dans cette perspective qu’il faut lire ce que le juge Rinfret a dit dans Canadian Petrofina (aux pp. 218-219) et que la Cour d’appel a repris dans la présente cause.

Je ne vois rien dans ce règlement qui vienne en conflit avec les principes ci-haut énoncés: il ne s’agit pas ici d’une dispositon discriminatoire ni arbitraire, ni d’une délégation de pouvoirs législatifs à un corps non autorisé.

Il me semble extraordinaire que l’on puisse parler de délégation de pouvoir discrétionnaire de la part du conseil en faveur des électeurs: le conseil n’est, en effet, que le représentant des électeurs et n’agit qu’en leur nom et place.

C’est à la base de notre système municipal que, dans les questions pouvant affecter matériellement les électeurs, ceux-ci soient consultés par les autorités administratives; quand il s’agit des intérêts des électeurs, il est tout naturel qu’ils soient consultés par voie de référendum, c’est l’esprit du Code municipal.

Avec respect, je ne vois pas comment on peut affirmer qu’il n’y a pas là délégation de pouvoir. En effet, de quoi s’agit-il sinon de dire si oui ou non le permis sera accordé. C’est au conseil de ville que le pouvoir a été accordé par la loi et, selon le règlement, c’est un groupe de propriétaires qui décidera à sa place. D’après le dictionnaire Robert «déléguer» c’est charger d’une fonction en transmettant totalement ou partiellement son pouvoir. Il n’est pas exact de parler ici de consultation des électeurs et cela pour deux raisons. En premier

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lieu, ce n’est pas un avis qui est demandé, c’est un pouvoir de décision qui est conféré. En second lieu, ce n’est pas l’ensemble des électeurs qui est consulté mais un groupe restreint de propriétaires.

L’article 380 de la Loi des Cités et Villes (S.R.Q. 1964, c. 193) édicté en 1961 (9-10 Eliz. II, c. 84, art. 6) permet au Conseil de ville de «soumettre aux électeurs municipaux toute question pouvant faire l’objet d’une décision du Conseil». Ce texte signifie que l’on peut soumettre une question à tous les électeurs, il ne permet pas d’en soumettre une à un groupe d’électeurs. C’est tout autre chose et susceptible de donner un tout autre résultat.

Pour ce qui est des règlements de zonage, le par. (1) de l’art. 426 qui les régit, restreint le pouvoir du Conseil quant à leur adoption et modification. Il faut tenir une assemblée publique des électeurs propriétaires et un scrutin doit ensuite être tenu s’il est requis par le nombre voulu d’électeurs. Au sujet de ce scrutin, le texte détermine quels sont ceux qui ont droit de vote et, en principe, ce sont les propriétaires d’immeubles dans la zone ou le secteur visé par le règlement. C’est donc la loi qui fixe quels sont ceux qui peuvent être appelés à voter sur une modification du règlement de zonage. Je ne puis pas voir comment on peut juger conforme à cette législation un règlement qui attribue le pouvoir de décision à un groupe d’électeurs propriétaires qui n’est pas celui auquel il appartient de se prononcer quant à l’approbation du règlement dont il s’agit.

On a soutenu qu’il ne s’agissait pas ici d’une délégation de pouvoir mais d’une condition à laquelle la délivrance du permis était soumise. A mon avis, cette argumentation méconnaît le sens des mots. Il y aurait condition s’il s’agissait d’un fait ou d’une circonstance déterminée. Autrement dit, s’il y avait un critère quelconque établi. Dans une pareille hypothèse, comme il ressort de l’arrêt Vic Restaurant, il n’y a pas délégation de pouvoir. Le fonctionnaire municipal est simplement appelé à vérifier si les conditions prescrites sont remplies. C’est évidemment ce qu’il est appelé à faire quand il fait la compilation des objections formulées suivant le règlement en litige. Aussi, on ne peut pas dire qu’il y a délégation de pouvoir à ce fonction-

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naire municipal. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de délégation de pouvoir car le règlement a pour effet d’attribuer aux propriétaires d’immeules dans le rayon de 500 pieds le pouvoir de décision qui appartient au Conseil municipal. Ce n’est pas parce que ce pouvoir est délégué à un groupe et non à un individu que ce n’est pas une délégation.

J’ai déjà signalé que dans Vic Restaurant on s’était fondé entre autres sur la décision Re Kiely. Il convient de signaler que le règlement qu’on y a déclaré invalide exigeait pour certains établissements le consentement de la majorité des propriétaires et locataires dans un rayon de 500 pieds. Récemment, une décision dans le même sens a été rendue au sujet d’un règlement qui prescrivait le consentement des propriétaires dans les 100 pieds: Re Davies and Village of Forest Hill[12]. Voici ce qu’on y peut lire à la p. 395:

[TRADUCTION] Il est, à mon avis, bien évident que les municipalités de l’Ontario sont les créatures de la législature provinciale. Leurs pouvoirs leur sont délégués en conformité du pouvoir législatif général conféré aux législatures provinciales par l’art. 92 de l’Acte de l’A.N.B. et toute autre disposition habilitante de l’Acte. Le règlement décrète que lorsque l’emplacement disponible pour une piscine mesure moins de 2,500 pieds carrés, un permis ne sera accordé que, si dans chaque cas, les propriétaires enregistrés de tous les lots situés à une distance d’au plus 100 pieds de quelque point de l’emplacement réservé à la piscine, donnent leur consentement écrit à la construction et à l’entretien de la piscine.

Il convient de souligner que le pouvoir d’édicter ce règlement est conféré au conseil de la municipalité qui n’a pas le pouvoir de le déléguer. A mon avis, la disposition du règlement applicable lorsque l’emplacement réservé à la piscine mesure moins de 2,500 pieds carrés, est déléguée, par ce règlement, aux propriétaires enregistrés des lots situés à une distance d’au plus 100 pieds de quelque point de l’emplacement réservé à la piscine.

L’étude de ce problème remonte à 1887s dans l’arrêt Re Kiely, 13 O.R. 451. Dans cette affaire, la Cité de Toronto avait édicté un règlement portant sur la construction et l’entretien d’écuries de chevaux de louage ou à vendre et les déclarait illégales tant que la personne responsable de l’exploitation n’aurait pas obtenu le con-

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sentement écrit de la majorité des propriétaires et locataires des terrains situés dans un rayon de 500 pieds de l’emplacement projeté des écuries.

Pour ces motifs, je suis d’avis qu’il faut dire que la disposition du règlement municipal contestée par l’appelant est nulle parce qu’il n’était pas au pouvoir de l’intimée de la décréter.

Cela, cependant, ne signifie pas que l’appelant ait droit au permis qu’il réclame car il reste à se demander quelle est la conséquence de la nullité de la disposition contestée. Est-ce à bon droit que l’appelant soutient que puisqu’elle est invalide, il a droit au permis de construction qu’il demande? Dans Vic Restaurant, il s’agissait de permis pour l’exploitation de restaurants. Personne ne pouvait supposer que le Conseil de ville de Montréal aurait voulu que si la disposition prescrivant l’approbation de certains directeurs de services était invalide, l’exploitation de tous les restaurants dans son territoire soit prohibée. Il était donc évident que si la clause comportant délégation était déclarée invalide, le reste du règlement devait demeurer et, par conséquent, la clause illégale devait être tout simplement écartée. Il fallait donc reconnaître le droit à un permis sans la restriction illégale.

Ici, la situation me semble différente. La ville a, par le texte du par. (1) de l’art. 426, un pouvoir de réglementation qui lui permet de prohiber dans chaque zone ou secteur de la municipalité tous genres de construction qu’elle ne juge pas à propos de permettre. Elle a usé pleinement de ce pouvoir en décrétant au début du règlement dont il s’agit:

[TRADUCTION] Article 2: A l’intérieur du territoire de la Ville, aucune terre ne sera utilisée et aucun bâtiment construit ou utilisé, totalement ou en partie, si ce n’est en conformité avec les dispositions de ce règlement.

Ce qui est permis dans les zones commerciales est défini comme suit:

[TRADUCTION] Article 6: (1) Dans les Zones Commerciales, indiquées C-1 à C-4 et entourées de rouge sur le Plan de Zonage, aucune terre ne sera utilisée et aucun bâtiment construit ou utilisé totalement ou en partie si ce n’est pour les fins suivantes:

a) magasins, bureaux et activités récréatives.

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b) institutions de nature non résidentielle, à l’exception des logis auxiliaires pour le personnel y travaillant.

c) stations de service …

C’est à la suite des mots «stations de service» dans l’al. c) que l’on trouve la disposition contestée. La rédaction de ce texte fait clairement voir que les postes d’essence devaient, dans l’intention de ses auteurs, être régis exclusivement par cet al. c). Dans ces conditions, je ne puis voir comment on peut, en déclarant ce paragraphe nul, modifier l’al. a) pour y faire entrer ce qui n’y était pas compris.

Je pense qu’en l’occurrence, il faut dire que si l’on juge invalide la disposition qui permet les postes d’essence sous certaines restrictions, il ne reste plus rien qui les permette. La règle que le Conseil de ville a établie au début de ce règlement c’est qu’à l’avenir on ne pourra rien ériger que ce qui est autorisé. La seule disposition autorisant les postes d’essence étant retranchée, rien ne permet d’accorder au demandeur un permis que le reste du règlement n’autorise pas. En somme, on se trouve dans une situation où pour obtenir un permis de construction de postes d’essence, il faut maintenant une modification du règlement.

A ce sujet, il y a lieu d’examiner un autre arrêt de cette Cour touchant la délivrance d’un permis de construction refusé par la municipalité, c’est Cité de Verdun c. Sun Oil Co. Ltd.[13]. La disposition contestée se trouvait dans un règlement visant diverses catégories d’établissements, entre autres les postes d’essence. Après avoir prévu des avis publics, on y décrétait ce qui suit:

c) Lorsque l’Inspecteur des bâtisses aura reçu une demande de ce genre, il examinera le terrain, le bâtiment ou le local ou les plans des bâtiments ou du local que l’on désire utiliser pour n’importe laquelle des fins mentionnées dans l’article 76 du présent règlement et s’il croit que tel bâtiment, local ou terrain remplit les conditions exigées par le présent règlement et que la permission demandée peut être accordée sans qu’il en résulte aucun danger pour la vie ou la propriété, il devra transmettre à cet effet un certificat au Conseil de la Cité qui, selon qu’il le jugera à propos, accordera ou refusera la permission demandée.

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Il a été jugé que les mots en italique constituaient une disposition invalide qu’il n’était pas au pouvoir de la municipalité de décréter. On a fait observer qu’il ne s’agissait pas d’un règlement de zonage et statué que le permis devait être accordé malgré la résolution adoptée aux fins de le refuser, sans dire pourquoi l’on trouvait possible d’invalider la partie contestée du règlement en laissant subsister le reste. Il me paraît suffisant de retenir qu’il ne s’agissait pas d’un règlement de zonage et que l’on n’était pas en présence d’une disposition générale prohibant toute construction non spécialement permise. Au contraire, il s’agissait d’un texte prévoyant généralement toutes les conditions auxquelles un permis serait délivré et donnant ensuite un pouvoir discrétionnaire de refus.

A cet égard, je dois dire en terminant que je ne comprends pas comment dans Canadian Petrofina, la Cour d’appel n’a pas vu là un principe incompatible avec le règlement qui y était contesté. En effet, si le Conseil de ville ne peut se réserver le pouvoir discrétionnaire de refuser un permis, comment pourrait-il l’attribuer à un groupe de propriétaires qui n’est pas celui auquel il appartient de se prononcer sur une modification du règlement. A mon avis, l’arrêt Sun Oil, comme l’arrêt Vic Restaurant, consacre le principe qu’un conseil municipal ne peut exercer un pouvoir de réglementation autrement que de la manière prévue par la loi.

Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel et de modifier le jugement de première instance aux fins de déclarer nul l’al. c) du par. (1) de l’art. 6 du règlement 215 de l’intimée, mais de rejeter pour le surplus la demande de mandamus. L’appelant n’obtenant pas le principal objet de sa demande, je ne lui accorderais pas de dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens, le juge PIGEON étant dissident.

Procureurs de l’appelant: Viau, Bélanger, Hébert, Mailloux, Beauregard, Paquet & Pinard, Montréal.

Procureurs de l’intimée: McDougall, Hemens, Harris, Thomas, Mason, Schweitzer, Montréal.

[1] [1974] C.A. 168.

[2] [1959] B.R. 211.

[3] [1959] R.C.S. 58.

[4] [1952] 1 R.C.S. 222.

[5] (1887), 13 O.R. 451.

[6] (1888), 16 O.R. 187.

[7] [1952] 2 R.C.S. 506.

[8] [1959] R.C.S. 58.

[9] [1957] B.R. 1.

[10] (1887), 13 O.R. 451.

[11] [1959] B.R. 211.

[12] (1964), 47 D.L.R. (2d) 392.

[13] [1952] 1 R.C.S. 222.


Parties
Demandeurs : Lamoureux
Défendeurs : Ville de Beaconsfield
Proposition de citation de la décision: Lamoureux c. Ville de Beaconsfield, [1978] 1 R.C.S. 134 (29 juin 1976)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1976-06-29;.1978..1.r.c.s..134 ?
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