La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/1975 | CANADA | N°[1976]_2_R.C.S._599

Canada | Ministre des Affaires municipales (N.B.) c. Canaport Ltd., [1976] 2 R.C.S. 599 (19 décembre 1975)


Cour suprême du Canada

Ministre des Affaires municipales (N.B.) c. Canaport Ltd., [1976] 2 R.C.S. 599

Date: 1975-12-19

Le ministre des Affaires municipales de la province du Nouveau-Brunswick et le Secrétaire provincial de la province du Nouveau-Brunswick Appelants;

et

Canaport Limited Intimée.

1975: le 10 novembre; 1975: le 19 décembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Dickson et Beetz.

EN APPEL DE LA DIVISION D’APPEL DE LA COUR SUPRÊME DU NOUVEAU-BRUNSWICK

Cour suprême du Canada

Ministre des Affaires municipales (N.B.) c. Canaport Ltd., [1976] 2 R.C.S. 599

Date: 1975-12-19

Le ministre des Affaires municipales de la province du Nouveau-Brunswick et le Secrétaire provincial de la province du Nouveau-Brunswick Appelants;

et

Canaport Limited Intimée.

1975: le 10 novembre; 1975: le 19 décembre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Dickson et Beetz.

EN APPEL DE LA DIVISION D’APPEL DE LA COUR SUPRÊME DU NOUVEAU-BRUNSWICK


Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être accueilli

Analyses

Évaluation - Biens réels - Réservoirs et fondations - Loi sur l’évalution, 1 (N.-B.), c. 110, art. 1g) et 18.

Les biens de l’intimée, qui ont été évalués comme biens «réels», consistent en un dock où sont construites diverses installations, soit dix réservoirs en tôle d’acier utilisés pour le stockage du pétrole brut, dont chacun a une contenance de 250,000 barils, un réservoir pour le lest liquide, d’une contenance de 100,000 barils, un réservoir d’eau devant servir en cas d’incendie, et divers autres réservoirs. L’intimée a prétendu avoir droit à un «dégrèvement» relativement à ces biens en vertu de l’art. 18 de la Loi sur l’évolution, 1965-66 (N.-B.), c. 110, parce qu’elle est une filiale de Irving Refining Limited et qu’elle est par conséquent fondée à jouir du dégrèvement accordé en vertu du Irving Oil Refining Limited Act, 1958 (N.-B.), c. 72; cependant, le juge de première instance et la Division d’appel ont tous deux été convaincus que conformément au par. (2) de l’art. 18 de la Loi sur l’évaluation, le dégrèvement ne s’applique qu’aux compagnies constituées avant le 19 novembre 1965 et que l’intimée, constituée le 2 juillet 1968, n’y a donc pas droit. Le tribunal de première instance et la Division d’appel ont en outre tous deux conclu que les dix réservoirs sont des constructions qui servent à abriter des biens mobiliers (c.-à-d. qu’ils constituent des «bâtiments» et qu’ils peuvent donc être évalués à titre de «biens réels» au sens du sous-al. (ii) de l’al. g) de l’art. 1 de la Loi sur l’évolution), mais qu’ils tombent sous le coup de l’exception prévue au sous-al. (v) de l’al. g) de l’art. 1. En conséquence, un jugement déclaratoire a été rendu portant que les dix réservoirs ne sont pas des «biens réels» au sens de la Loi sur l’évaluation et ne sont pas imposables à ce titre en vertu de cette Loi.

Arrêt: Le pourvoi doit être accueilli.

Dès qu’on décide que les réservoirs doivent être considérés comme des «bâtiments» aux fins de la Loi, il est

[Page 600]

inutile de se demander s’ils sont de la machinerie, du matériel, des appareils et des installations autres que ceux qui assurent le fonctionnement des bâtiments. Dans le contexte du sous-al. (ii) de l’al. g) de l’art. 1 de la Loi sur l’évaluation, il faut interpréter le mot «installations» comme visant des choses du même genre que les mots «machinerie, matériel et appareils» du fait qu’un pipeline livrait le pétrole brut de ces réservoirs à une raffinerie d’une autre compagnie à quelques milles de là. Les autres réservoirs, qui servent de même à abriter des biens mobiliers, sont aussi imposables sans égard à la raison pour laquelle ils servent d’abri.

Distinction faite avec l’arrêt Acadian Pulp and Paper Ltd. v. Minister of Municipal Affairs (1973), 6 N.B.R. (2d) 755.

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême du Nouveau-Brunswick[1], accueillant pour partie un appel d’un jugement de première instance du juge Barry. Pourvoi accueilli.

D.K. Laidlaw, c.r., et David Norman, pour les appelants.

P.B.C. Pepper, c.r., Donald Gillis, c.r., et Ian Whitcomb, pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE RITCHIE — Il s’agit d’un pourvoi à l’encontre d’un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême du Nouveau-Brunswick qui accueille en partie l’appel d’un jugement rendu en première instance par le juge Barry. Ce dernier avait déclaré que les réservoirs de l’intimée ainsi que leurs fondations y compris les tertres, fossés, supports, remblais de gravier, levées de terre et bassins n’étaient pas imposables aux fins de l’impôt foncier ni de la taxe d’affaires aux termes de la Loi sur l’évaluation, 1965-66 (N.-B.) c. 110. L’arrêt de la Division d’appel a restreint l’effet de la déclaration aux réservoirs en question.

Les biens de l’intimée, qui ont été évalués comme «bien réels» conformément à la Loi sur l’évaluation, sont décrits comme suit dans les

[Page 601]

motifs du jugement exposés par le juge en chef Hughes au nom de la Cour d’appel:

[TRADUCTION] Canaport Limited est propriétaire d’un dock situé à Pointe Mispec à Saint-Jean où sont construites diverses installations (désignées aux présentes ‘les installations Canaport’). Elles consistent en a) 10 réservoirs en tôle d’acier utilisés pour le stockage du pétrole brut provenant des pétroliers qui sont amarrés quelque 4,000 pieds au large pour décharger leur cargaison. Chaque réservoir mesure 180 pieds de diamètre, 56 pieds de haut et a une contenance de 250,000 barils. Ils sont construits sur place et chacun d’eux repose sur un mur de béton annulaire entourant une base de gravier recouverte d’asphalte. Ces réservoirs sont principalement destinés à contenir le pétrole brut déchargé des pétroliers et par la suite pompé à partir des réservoirs de stockage jusqu’à la raffinerie de Irving Refinery Limited, environ 5½ milles plus loin, où le pétrole subit un autre traitement; les réservoirs en question servent aussi accessoirement au stockage du pétrole brut destiné à être acheminé par pétrolier vers d’autres raffineries. Sur chaque réservoir se trouve un toit flottant en acier destiné à réduire l’évaporation du pétrole et la pollution de l’air; b) un réservoir pour le lest liquide d’une contenance de 100,000 barils, ayant pour objet de recevoir et de contenir l’eau des ballasts déchargée des pétroliers avant chargement à leur bord du pétrole provenant des réservoirs de stockage; c) un réservoir d’eau devant servir en cas d’incendie; d) 3 réservoirs pouvant contenir de 500 à 1,000 barils utilisés pour l’extraction du pétrole de l’eau des ballasts et e) un réservoir pour le stockage du mazout qui sert de combustible à une chaudière située dans un petit bâtiment sur les lieux, laquelle chauffe l’huile circulant dans des serpentins à travers le réservoir de lest liquide et le réservoir utilisé en cas d’incendie.

Dans sa déclaration, l’appelante a prétendu avoir droit à un «dégrèvement» relativement à ces biens en vertu de l’art. 18 de la Loi sur l’évaluation parce qu’elle est une filiale de Irving Oil Refining Limited et par conséquent fondée à jouir du dégrèvement accordé à celle-ci en vertu du «Irving Refining Limited Act», 1958 (N.-B.), c. 72; cependant, le juge de première instance et la Division d’appel ont tous deux été convaincus que conformément au par. (2) de l’art. 18 de la Loi sur l’évaluation, le dégrèvement ne s’applique qu’aux compagnies constituées avant le 19 novembre 1965 et que, puisque l’intimée n’a été constituée en corporation que le 2 juillet 1968, elle n’avait pas droit à un dégrèvement en vertu de cette Loi. Je ne

[Page 602]

modifierais pas cette conclusion et je suis convaincu que la question que doit trancher cette Cour est si les biens en cause peuvent être évalués comme «biens réels» au sens du par. g) de l’art. 1 de la Loi sur l’évaluation dont voici le libellé:

1. g) «biens réels» désigne

(i) un terrain, ou

(ii) un terrain et les bâtiments, y compris la machinerie, les installations et le matériel assurant le fonctionnement des bâtiments, et lorsqu’un bâtiment est construit sur un terrain en vertu d’un bail, d’une licence ou d’un permis, ce bâtiment peut, aux fins de la présente loi, être considéré comme un bien réel distinct du terrain,

mais ne comprend pas

(v) les constructions autres que les bâtiments, qui ne servent pas à abriter des personnes, de l’équipement ou des biens mobiliers, ni la machinerie, le matériel, les appareils et les installations autres que ceux qui assurent le fonctionnement des bâtiments comme l’indique l’alinéa (ii), qu’ils soient ou non fixés au terrain ou aux bâtiments,

Les juges de première instance et de la Division d’appel ont conclu que les dix réservoirs de stockage de pétrole étaient des «constructions» qui servaient réellement à abriter des biens mobiliers et quoiqu’on ait énergiquement affirmé au nom de l’intimée que les toits flottants qui surmontent les réservoirs ne constituent pas un «abri», je ne modifierais pas les conclusions concordantes des deux cours à cet égard. A mon avis, les mots «constructions autres que les bâtiments qui ne servent pas à abriter les personnes, de l’équipement ou des biens mobiliers» dans le contexte de l’exception susmentionnée seraient redondants et dénués de sens à moins que le législateur n’ait voulu dire que les constructions qui servent ainsi à abriter constituent des «bâtiments» et peuvent par conséquent être évaluées à titre de «biens réels» au sens de l’al. (ii) du par. g) de l’art. 1 de la Loi sur l’évaluation. J’estime donc que la conclusion selon laquelle les réservoirs sont des constructions qui servent à abriter des biens mobiliers revient à dire qu’ils sont des «biens réels» au sens de la Loi.

Vu cette conclusion, l’intimée a voulu démontrer à la Cour que ses réservoirs tombent sous le coup de l’exception prévue à l’al. (v) du par. g) de l’art. 1 au motif qu’ils sont de «la machinerie, du maté-

[Page 603]

riel, des appareils et des installations» au sens de cet article, et à cette fin, le juge en chef Hughes a invoqué et suivi l’arrêt Acadian Pulp and Paper Limited v. Minister of Municipal Affairs[2], il l’a interprété comme statuant:

[TRADUCTION] …que nonobstant le fait que certains réservoirs, y compris un réservoir à acide servant à contenir l’acide nécessaire au raffinage, et deux réservoirs qui contiennent l’huile servant de combustible à une chaudière et une étuve ont été exclus de la définition de ‘biens réels’ parce qu’ils faisaient partie intégrante de la ‘machinerie, du matériel, des appareils et des installations’ utilisés dans le raffinage.

En concluant de la sorte, la Cour était d’avis que du libellé de la définition de ‘biens réels’, ressortait l’intention de ne pas imposer la machinerie, le matériel, les appareils et les installations utilisés dans l’industrie et n’assurant pas le fonctionnement des bâtiments, qu’ils soient ou non fixés au terrain ou aux bâtiments.

En appliquant aux biens dont il s’agit en l’espèce le raisonnement suivi dans l’affaire Acadian Pulp and Paper Limited, où les faits étaient très différents, le juge en chef Hughes a statué que parce que les dix réservoirs de stockage de Canaport étaient reliés à la raffinerie d’Irving Refining Limited, située à environ 5½ milles plus loin, au moyen d’un pipe-line transportant le pétrole brut des réservoirs de stockage jusqu’à la raffinerie pour qu’il y soit traité, il en résultait que ces réservoirs «formaient partie intégrante de ‘la machinerie, du matériel, des appareils et des installations’» employés par la raffinerie Irving. C’est en se fondant sur cette décision que la Division d’appel a jugé que les dix réservoirs en cause faisaient partie de l’exception contenue à l’al. (v) du par. g) de l’art. 1 et a rendu en conséquence un jugement déclaratoire portant qu’ils n’étaient pas des «biens réels» au sens de la Loi sur l’évaluation ni imposables à ce titre en vertu de cette Loi.

A mon avis, une fois décidé que les réservoirs doivent être considérés comme des «bâtiments» aux fins de la Loi sur l’évaluation, il est inutile de se demander s’ils sont de «la machinerie, du matériel, des appareils et des installations autres que ceux qui assurent le fonctionnement des bâtiments». Il se peut que ces réservoirs de stockage soient par-

[Page 604]

fois vaguement qualifiés d’«installations», mais dans le contexte du par. g) de l’art. 1 de la Loi sur l’évaluation, il faut, selon moi, interpréter ce mot comme visant des choses du même genre que les mots «machinerie, matériel et appareils» qui le précèdent et, ce faisant, on se rend compte que le mot «installations» signifie toute autre chose qu’un «bâtiment» ou des «bâtiments» selon le sens donné à ces mots plus loin au par. g) de l’art. 1.

En toute déférence pour l’opinion de la Division d’appel, je ne suis pas d’accord que les dix réservoirs de stockage de pétrole brut considérés par les deux cours comme des «bâtiments» au sens de l’al. (ii) du par. g) de l’art. 1 pourraient devenir de «la machinerie, du matériel, des appareils et des installations» du fait qu’un pipe-line livrait le pétrole brut de ces réservoirs à la raffinerie d’Irving Refining Limited, une compagnie distincte située quelque 5½ milles plus loin.

Comme je l’ai indiqué, la Division d’appel semble s’être considérée liée en l’espèce par l’arrêt Acadian Pulp and Paper Limited, mais les faits dans cette affaire sont tout à fait différents de ceux dont il est ici question et, quoi qu’il en soit, je ne puis me rallier à l’opinion voulant que la question de savoir si un «bâtiment» est ou non sujet à l’évaluation en vertu de l’al. (ii) du par. g) de l’art. 1 peut dépendre de quelque façon de l’utilisation de ce bâtiment.

Contrairement à la Division d’appel, j’estime que le réservoir de lest liquide, le réservoir d’eau en cas d’incendie, les 3 réservoirs employés pour extraire le pétrole de l’eau des ballasts et le réservoir pour le stockage du mazout sont des constructions qui servent à abriter des biens mobiliers et à ce titre ils sont imposables comme «biens réels» sans égard à la raison pour laquelle ils servent d’abri.

Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir ce pourvoi avec dépens et de rejeter la demande de l’intimée en vue d’obtenir un jugement déclaratoire l’exemptant de l’impôt en vertu de la Loi sur l’évaluation.

Pourvoi accueilli avec dépens.

[Page 605]

Procureur des appelants: Le Procureur-général du Nouveau-Brunswick, Fredericton.

Procureurs de l’intimée: McKelvey, Macaulay, Machum & Fairweather, Saint-Jean (N.-B.)

[1] (1974) 8 N.B.R. (2d) 314.

[2] (1973), 6 N.B.R. (2d) 755.


Parties
Demandeurs : Ministre des Affaires municipales (N.B.)
Défendeurs : Canaport Ltd.

Références :
Proposition de citation de la décision: Ministre des Affaires municipales (N.B.) c. Canaport Ltd., [1976] 2 R.C.S. 599 (19 décembre 1975)


Origine de la décision
Date de la décision : 19/12/1975
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1976] 2 R.C.S. 599 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1975-12-19;.1976..2.r.c.s..599 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award