La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/03/1975 | CANADA | N°[1976]_2_R.C.S._9

Canada | Faber c. La Reine, [1976] 2 R.C.S. 9 (25 mars 1975)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Faber c. La Reine, [1976] 2 R.C.S. 9

Date : 1975-03-26

Claude Faber Appelant;

et

Sa Majesté la Reine et autres Intimées;

et

Le Procureur Général et ministre de la Justice de la province de Québec et un autre Mis en cause.

1974: les 15 et 16 octobre; 1975: le 26 mars.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d’un jugement de la Cour du Banc de

la Reine[1], province de Québec, confirmant un jugement de la Cour du Banc de la Reine, division criminelle, rejetant une r...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Faber c. La Reine, [1976] 2 R.C.S. 9

Date : 1975-03-26

Claude Faber Appelant;

et

Sa Majesté la Reine et autres Intimées;

et

Le Procureur Général et ministre de la Justice de la province de Québec et un autre Mis en cause.

1974: les 15 et 16 octobre; 1975: le 26 mars.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d’un jugement de la Cour du Banc de la Reine[1], province de Québec, confirmant un jugement de la Cour du Banc de la Reine, division criminelle, rejetant une requête pour bref de prohi­bition contre un coroner. Appel rejeté, le juge en chef Laskin et les juges Spence, Pigeon et Beetz, étant dissidents.

Raymond Daoust, c.r., pour l’appelant.

J. Richard et G. Tremblay, pour les intimées.

[Page 11]

Le jugement du juge en chef Laskin et des juges Spence, Pigeon et Beetz a été rendu par

LE JUGE PIGEON (dissident) — Le présent pour­voi est interjeté à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de la province de Québec qui a confirmé un jugement de la Cour du Banc de la’ Reine (division criminelle) rejetant une requête pour émission d’un bref de prohibition contre le coroner du district de Montréal. Un nommé Pocetti qui, avec Faber, était partie à la requête, à l’appel et au pourvoi, est décédé avant l’audition en cette Cour.

L’appelant a été cité comme témoin à la réou­verture d’une enquête du coroner sur un décès que celui-ci avait antérieurement déclaré dû à un crime. L’appelant a refusé de témoigner après avoir été incarcéré à plusieurs reprises pour outrage au tribunal. La Cour d’appel décida que les procédures n’étaient pas en matière criminelle et que, par conséquent, la Cour du Banc ‘de la Reine (division criminelle) étant exclusivement une cour supérieure de juridiction criminelle, n’était pas compétente dans les circonstances. C’est la seule question à trancher sur ce pourvoi.

Je dois d’abord faire l’historique des enquêtes de coroner. Lorsque le droit criminel anglais a été introduit au Québec au début du régime anglais, comme l’a confirmé l’Acte de Québec, on pouvait utiliser une «inquisition du coroner», ainsi qu’on l’appelait alors, comme l’équivalent d’un acte d’ac­cusation lorsque quelqu’un y était accusé de meur­tre ou d’homicide. A la p. 274 des Commentaries on the Laws of England (21e éd.) de Blackstone, on peut lire:

[TRADUCTION] La cour du coroner constitue également une cour d’archives, chargée d’enquêter sur la cause du décès de toute personne qui meurt dans une prison ou qui connaît une mort violente ou subite. Et le coroner ne peut enquêter que super visum corporis.

L’acte d’accusation qui résulte d’une telle enquête équivaut à un acte d’accusation présenté par un grand jury; et, par conséquent, une femme qui subit son procès sur une enquête de coroner pour le meurtre de son enfant illégitime peut être trouvée coupable, en vertu de la loi, d’avoir cherché à cacher la naissance de l’enfant, car il n’existe aucune distinction sous ce rapport entre l’enquête du coroner et l’acte d’accusation présenté par le grand jury. 2 Leach, 1095; 3 Campb., 371; Russ. & Ry., C.C., 240.

[Page 12]

Mais pour faire une mise en accusation à la suite d’une enquête du coroner, les jurés, et non seulement le coroner, doivent y souscrire. Imp. Cor., 65. — (Chitty.)

Cela est devenu la pratique suivie au Canada comme en témoignent les dispositions suivantes tirées du c. 24 de l’Acte 4-5 Vict., adopté en 1841 à la première session du premier parlement provin­cial du Canada:

IV. Et qu’il soit statué, que tout Coroner, lors de toute inquisition prise devant lui, par laquelle aucune personne devra être enditée [sic] d’homicide excusable ou de meurtre, ou comme complice de meurtre avant le fait, mettra par écrit, en présence de la partie accusée, si elle peut être appréhendée, les preuves données au Juri en sa présence, ou telle partie d’icelles qui se trouvera impor­tante, donnant à la partie accusée pleine liberté de faire ses transquestions [sic]; et aura pouvoir de lier par reconnais­sance de dette toutes les personnes sachant ou déclarant quelque chose d’important au sujet du dit homicide excusable ou meurtre, ou de la dite offense de complicité de meurtre, à comparaître à la prochaine Cour d’Oyer et Terminer, ou Gaol Delivery, ou autre Cour où devra se faire le procès, pour y poursuivre alors ou rendre témoi­gnage contre la partie accusée; et tout tel Coroner certifiera et souscrira les dits témoignages, et toutes les dites reconnaissances, et aussi l’inquisition prise devant lui, et les remettra à l’Officier convenable de la Cour où devra se faire le procès, avant ou lors de l’ouverture de la dite Cour.

V. Et qu’il soit statué, que lors et aussi souvent qu’aucune personne sera détenue par quelques Juge ou Juges, ou Coroner comme ci-dessus, pour subir son procès, il sera et pourra être permis au dit prisonnier, son Conseil, Procureur ou Agent, de signifier aux dits Juge ou Juges ou Coroner, par qui l’emprisonnement aura été décrété, que c’est son intention aussitôt que son Avocat pourra obtenir audience, de faire motion dans la Cour de Juridiction Supérieure de Sa Majesté pour cette partie de la Province où la dite personne sera emprison­née, ou devant un des Juges d’icelle, pour obtenir un ordre au Juge de Paix, ou Coroner pour le District où le dit prisonnier sera confiné, de recevoir le prisonnier à caution, ...

Après la Confédération, ces dispositions ont été promptement réédictées par le Parlement du Canada dans une loi adoptée en 1869 et intitulée «Acte concernant les devoirs des juges de paix, hors des sessions, relativement aux personnes accusées de délits poursuivables par voie d’accusation», (1869 (Can.), c. 30, art. 60, 61).

[Page 13]

Dans les Statuts révisés du Canada de 1886, on trouve les mêmes dispositions essentiellement inchangées aux art. 92 et 93 du c. 174, Acte de procédure crimi­nelle, sous le titre «Devoirs des coroners et juges de paix».

De cela il me semble clair qu’à la date de la Confédération, en vertu de la common law et du droit écrit, la procédure à l’enquête du coroner était une procédure en matière criminelle, à bon droit traitée comme telle par le Parlement du Canada. Je ne vois pas comment on pourrait prétendre qu’il en était autrement lorsque l’«inquisi­tion du coroner» était l’équivalent d’un acte d’ac­cusation présenté par un grand jury. Le fait que le coroner pouvait enquêter de sa propre initiative sans qu’une accusation ait été portée n’y change rien, surtout lorsque l’on se souvient qu’un grand jury pouvait enquêter de lui-même et présenter une dénonciation. Voir Blackstone, même édition, à la p. 301:

[TRADUCTION] Une dénonciation, dans son sens général, est un terme dont l’application est large et qui englobe non seulement les dénonciations proprement dites, mais aussi les enquêtes d’office et les actes d’accu­sation présentés par un grand jury. Une dénonciation, à proprement parler, est la conclusion tirée par un grand jury, à même ses propres connaissances ou observations, qu’une infraction a été commise, sans qu’aucun acte d’accusation n’ait été déposé devant lui à l’instance du roi, telle que la dénonciation d’une nuisance, d’un libelle, et ainsi de suite; l’officier de justice doit ensuite rédiger un acte d’accusation fondé sur cette dénonciation, avant que la partie dénoncée ne soit appelée à y répondre.

Une modification importante est survenue avec la mise en vigueur de l’art. 642 du Code criminel de 1892 (1892 (Can.), c. 29):

642. Après l’entrée en vigueur du présent acte, personne ne subira de procès sur une enquête de coroner.

En même temps, l’art. 568 précisait en ces termes les devoirs d’un coroner après une enquête:

568. Tout coroner, lors d’une enquête faite devant lui à la suite de laquelle une personne sera accusée d’homi­cide involontaire ou de meurtre, devra (si la personne ou les personnes, ou quelqu’une d’entre elles, atteintes par ce verdict ne sont pas déjà accusées de cette infraction devant un magistrat ou un juge de paix),, par mandat sous son seing, ordonner que cette personne soit arrêtée

[Page 14]

et conduite sous le plus bref délai devant un magistrat ou un juge de paix; ou bien ce coroner pourra ordonner que cette personne souscrive une obligation par-devant lui, avec ou sans cautions, par laquelle elle s’engagera à comparaître devant un magistrat ou un juge de paix. Dans l’un ou l’autre cas, il sera du devoir du coroner de transmettre à ce magistrat ou juge de paix les déposi­tions faites devant lui dans l’affaire. Lorsque cette personne sera conduite ou comparaîtra devant le magistrat ou juge de paix, celui-ci procédera à tous égards comme si cette personne eût été amenée ou eût comparu devant lui sur mandat ou assignation.

Ces dispositions, formulées quelque peu différem­ment, se trouvent aujourd’hui à l’art. 462 (aupara­vant l’art. 448) et à I’art. 506(3) (auparavant l’art. 488(3)) du Code criminel actuellement en vigueur.

Je ne crois pas que l’on puisse dire que ces changements ont dépouillé le coroner de toute juridiction criminelle. Même si les devoirs du coro­ner en vertu du Code, lorsqu’il allègue qu’une personne a commis un meurtre ou un homicide involontaire coupable, ne sont que d’émettre un mandat ou d’exiger un engagement et, dans les deux cas, de transmettre les dépositions au juge de paix devant qui l’accusé doit comparaître, il ne faut certainement pas en minimiser l’importance. Si un juge de paix qui reçoit une dénonciation, entend les dépositions de témoins dans le seul but de décider s’il lancera une sommation ou un mandat en vertu de l’art. 440 (maintenant l’art. 455.3(1) du Code criminel de 1953, peut-on prétendre que les procédures instituées devant lui ne sont pas des procédures en matière criminelle? A l’époque de la Confédération, la procédure à une enquête du coroner était sans aucun doute du domaine de la procédure en matière criminelle autant que la procédure devant un grand jury. En adoptant le Code criminel de 1892, le Parlement y a donné un effet différent. Mais rien n’indique l’intention d’en changer la nature juridique.

En ce qui concerne la définition de l’expression «cour de juridiction criminelle» à l’art. 2(10) du Code criminel de 1953 (maintenant un alinéa de l’art. 2), je dois souligner qu’il ne s’agit pas là d’une définition du sens usuel de cette expression, mais plutôt du sens très spécial qu’elle revêt à l’art. 413(2) (maintenant l’art. 427). En deux mots, elle signifie une cour qui est compétente pour juger un

[Page 15]

acte criminel. Cela est mis en évidence, en premier lieu, par le fait que cette définition ne comprend pas les cours des poursuites sommaires, bien que de telles cours existent et soient fréquemment mentionnées dans la Partie XXIV du Code crimi­nel, et, en second lieu, par la mention des cours présidées par un juge municipal dans les villes de Montréal et de Québec. Par conséquent, la définition de «cour de juridiction criminelle» n’implique aucunement que toutes les cours non énumérées ne possèdent pas de juridiction criminelle. Elle signi­fie seulement que ces cours n’ont pas compétence pour juger les actes criminels.

La décision rendue par cette Cour dans In re Storgoff[2] a établi que tout recours intenté par bref de prérogative à l’encontre de procédures en matière criminelle doit être considéré comme se rattachant à la procédure criminelle. M. le juge Estey, à la p. 593, cite le passage suivant des motifs de lord Esher dans Ex parte Woodhall[3], (à la p. 836):

[TRADUCTION] Si l’objet de la procédure instituée devant le magistrat était de nature criminelle, alors la requête déposée devant la Division du Banc de la Reine pour l’émission d’un bref d’habeas corpus destiné à permettre à la requérante d’échapper aux conséquences de la procédure instituée devant le magistrat, constituait une procédure dont l’objet était de nature criminelle.

Les passages suivants sont tirés de l’arrêt rendu en Cour d’appel de l’Ontario par le juge Schroeder dans Wolfe v. Robinson[4], (aux pp. 135 et 137):

[TRADUCTION] Il est trop tard pour prétendre, comme l’a fait sans trop insister l’avocat du Procureur général, que la cour du coroner ne constitue pas une cour criminelle d’archives. La fonction de coroner est très ancienne et, selon certains historiens, son origine remonterait à l’époque saxonne, mais son évolution historique peut être retracée, avec beaucoup plus de certi­tude, jusqu’à une période voisine de celle de la conquête normande....

La cour du coroner étant une cour criminelle d’archi­ves, seul le Parlement du Canada a le pouvoir de faire des lois sur les Règles de pratique et de procédure à

[Page 16]

suivre devant cette cour en vertu du par. (27) de l’art. 91 de l’A.A.N.B.

Dans Batary c. Le procureur général de la Saskatchewan[5], cette Cour a examiné certaines dispositions du Coroners Act de la Saskatchewan, dont les suivantes:

[TRADUCTION] 15. (1) Le coroner et le jury doivent examiner le cadavre au cours de la première séance de l’enquête, à moins qu’ils en aient été dispensés selon l’article 9 ou 10, et le coroner doit interroger, sous serment, toutes les personnes qui offrent de témoigner sur les faits pertinents ainsi que toutes les personnes qui, à son avis, sont susceptibles de les connaître.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), aucun témoin à l’enquête n’est exempté de répondre à une question pour le motif que sa réponse pourrait tendre à l’incriminer, ou à établir sa responsabilité dans une procédure civile à l’instance de la Couronne ou de qui que ce soit, ou dans une poursuite intentée en vertu d’une loi de la Législa­ture, mais s’il s’oppose à répondre à la question pour un de ces motifs, il jouit de la protection offerte par l’article 5 de la Loi sur la preuve au Canada et par l’article 33 du Saskatchewan Evidence Act.

(3) Avant qu’une personne témoigne à l’enquête, le coroner doit lui lire le paragraphe (2)... .

M. le juge Cartwright a dit au nom de la majorité de cette Cour (aux pp. 477-8):

[TRADUCTION] Considérés isolément, sans égard à l’historique de la Loi, mais en ayant à l’esprit la règle qu’il ne faut pas, sans motifs sérieux, prêter à la Législa­ture l’intention de légiférer au-delà de ses attributions, je crois que ces articles pourraient être interprétés comme ne rendant pas contraignable à témoigner à l’enquête la personne accusée d’un crime à la suite d’un décès; mais lorsque l’art, 15 actuellement en vigueur est mis en re­gard de l’ancien art. 15 abrogé par l’art. 3 du c. 14 des Statuts de la Saskatchewan de 1960, cette interprétation ne semble guère possible.

L’ancien art. 15 était libellé comme suit:

Le coroner et le jury doivent examiner le cadavre au cours de la première séance de l’enquête, à moins qu’ils en aient été dispensés selon l’article 9 ou 10, et le coroner doit interroger, sous serment, toutes les personnes qui offrent de témoigner sur les faits perti­nents ainsi que toutes les personnes qu’il juge à propos d’interroger comme étant susceptibles de connaître des faits pertinents; toutefois une personne qui est

[Page 17]

soupçonnée d’avoir causé le décès, ou qui est accusée ou qui est susceptible d’être accusée d’une infraction relative au décès ne peut être contrainte de témoigner à l’enquête, et si elle témoigne, elle ne peut être contre-interrogée, et le coroner doit également lui lire le présent article avant qu’elle ne témoigne.

Je crois qu’il faut inéluctablement conclure qu’en édictant l’art. 15 dans sa forme actuelle, la législature avait l’intention de changer la loi et de rendre une personne accusée de meurtre contraignable à témoigner à l’enquête sur le décès de sa prétendue victime. Une telle législation enfreint la règle exprimée par la maxime nemo tenetur seipsum accusare qui a été décrite (par le juge Coleridge dans R. v. Scott, 1856, Dears & B. 47 à la p. 61, 169 E.R. 909) comme «une maxime de notre droit aussi bien établie, aussi importante et aussi sage que pratiquement n’importe quelle autre». Cette règle est partie intégrante du droit criminel anglais et cana­dien depuis très longtemps, Avec respect pour l’opinion contraire exprimée en Cour d’appel, je suis d’avis que toute législation tendant à faire le changement dans la loi décrit dans la première phrase du présent alinéa ou à abroger ou modifier les règles actuelles qui protègent une personne accusée d’un crime contre l’obligation de témoigner contre elle-même est une législation sur le droit criminel, y compris la procédure en matière crimi­nelle, et relève donc de l’autorité législative exclusive du Parlement du Canada en vertu du par. (27) de art. 91 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique.

Je ne vois aucune raison de considérer différem­ment le caractère général de la Loi des coroners du Québec et je ne puis admettre que la nature juridi­que de l’enquête du coroner soit différente lorsqu’une accusation a déjà été portée. S’il en était ainsi, cela signifierait que la procédure serait régie par la loi fédérale dans un tel cas et par la loi provinciale dans tous les autres cas. A mon avis, la décision dans Batary, bien qu’elle ait été rendue dans une affaire où la personne soupçonnée avait effectivement été accusée avant l’enquête,, est tout aussi applicable lorsqu’une personne est suscepti­ble d’être accusée. La loi contestée visait à rempla­cer une disposition qui traitait les deux situations sur un pied d’égalité, et cette loi a été déclarée invalide pour le motif qu’elle portait [TRADUC­TION] «sur le droit criminel, y compris la procé­dure en matière criminelle». On n’a fait aucune distinction en prononçant l’invalidité pour ce motif, et cette conclusion sur la nature et la vali­dité de la loi ne peut être considérée comme visant

[Page 18]

uniquement la situation particulière qui découlait des faits en cause. Même si tel était le cas, il faudrait tirer la même conclusion dans la présente affaire quant à la nature de l’enquête du coroner.

Cependant, puisqu’en l’espèce le litige porte uni­quement sur la compétence de la Cour du Banc de la Reine (juridiction criminelle) de délivrer un bref de prohibition, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la constitutionnalité d’aucune partie de la Loi des Coroners du Québec. La Législature provinciale possède sans aucun doute une certaine compé­tence, les coroners étant nommés par la province. Il n’est pas nécessaire de statuer aujourd’hui sur la démarcation entre la procédure en matière crimi­nelle qui relève de la compétence fédérale et l’ad­ministration de la justice dans la province qui relève de la compétence provinciale. Cependant, il faut se rappeler qu’en matière essentiellement cri­minelle, l’abstention du Parlement fédéral de légi­férer jusqu’à la limite de ses pouvoirs n’étend pas le domaine de la compétence provinciale: Henry Birks & Sons Ltd. c. La cité de Montréal[6], (à la p. 811).

Je rejetterais le pourvoi, infirmerais l’arrêt de la Cour d’appel et lui renverrais la cause pour déci­sion sur le fond de l’appel interjeté à l’encontre du jugement qui a rejeté la requête pour émission d’un bref de prohibition.

Le jugement des juges Martland, Judson, Ritchie, Dickson et de Grandpré a été rendu par

LE JUGE DE GRANDPRÉ — L’appelant Claude Faber (Jacques Pocetti étant maintenant décédé) nous demande de casser un arrêt unanime de la Cour d’appel[7] confirmant le jugement de première instance et de permettre l’émission d’un bref de prohibition dirigé contre le coroner du district de Montréal.

Le coroner à l’automne 1967 a procédé à une enquête relativement au décès d’un nommé Jules Csoman. A plusieurs reprises au cours de cette enquête, le coroner fit comparaître devant lui l’ap­pelant à titre de témoin et, à chaque occasion,

[Page 19]

celui-ci refusa de rendre témoignage, d’où condamnations pour outrage au tribunal. Les détails pertinents sont les suivants:

— 11 décembre 1967 — 7 jours — 18 décembre 1967 — 4 jours — 20 décembre 1967 — 3 mois.

Le 8 janvier 1968, le coroner rendit le verdict «ouvert» suivant:

Qu’à mon avis, il y a eu crime, que les faits qui le constituent sont ceux décrits ci-dessus et qu’une ou des personnes inconnues devraient être tenues responsables. Recommandation à la police de continuer ses recherches et de faire rapport en temps opportun.

A la suggestion du procureur de la Couronne, le coroner, le 5 mars 1968, fit de nouveau comparaî­tre l’appelant et celui-ci maintint son refus de rendre témoignage. L’enquête fut continuée au 12 mars 1968 et dans l’intervalle, l’appelant soumit à l’honorable juge en chef adjoint, Georges S. Chal­lies, siégeant à titre de juge de la Cour du Banc de la Reine, juridiction criminelle, une requête visant à obtenir l’émission d’un bref de prohibition. Le moyen principal invoqué par l’appelant dans sa requête est qu’il s’agit ici d’une matière régie par le Code criminel et que le coroner avait épuisé sa juridiction relativement à l’offense d’outrage au tribunal.

L’honorable juge Challies refusa d’accepter ce point de vue et se rangea à l’opinion de la Cou­ronne qu’il s’agit en l’espèce d’une matière régie par le Code de procédure civile.

La question de juridiction de la Cour du Banc de la Reine, division criminelle, ne fut pas soulevée devant le juge Challies. Elle le fut toutefois devant la Cour d’appel qui, à l’unanimité, le 28 mai 1969, en vint à la conclusion que, la matière étant civile, seule la Cour supérieure avait pouvoir d’entendre une requête en prohibition contre le coroner.

Sur requête de l’appelant, cette Cour, le 16 juin 1969, accorda la permission d’appeler sur la ques­tion de droit suivante:

La Cour d’appel a-t-elle erré en droit en décidant que la Cour du Banc de la Reine (juridiction criminelle) n’était pas compétente pour entendre et prononcer sur le mérite

[Page 20]

de la requête de l’appelant pour obtenir la délivrance d’un bref de prohibition?

Il ne fait aucun doute que si le bref de prohibi­tion demandé par l’appelant doit être considéré comme une «procédure en matière criminelle» aux termes de l’art. 708 du Code criminel, autrefois 680, la Cour du Banc de la Reine, juridiction criminelle, était compétente pour entendre et pro­noncer sur le mérite de la requête de l’appelant. Dans l’arrêt Ministre du Revenu National c. Lafleur[8], cette Cour a souligné, à la p. 416:

Depuis In re Storgoff, supra, on considère qu’un bref de prohibition est une procédure civile ou criminelle selon la matière à laquelle il se rattache.

L’arrêt Lafleur ajoute que, si la matière est crimi­nelle, la Cour supérieure n’a pas juridiction, cel­le-ci appartenant alors exclusivement en première instance à la Cour du Banc de la Reine, juridiction criminelle.

Il va de soi, par ailleurs, que si la matière est civile, seule la Cour supérieure a juridiction, avec le résultat que la conclusion de la Cour d’appel en l’espèce n’est pas entachée d’erreur.

Avant de poursuivre l’étude des moyens soulevés par l’appelant, il est bon de souligner deux aspects du dossier:

1) l’appelant ne soulève pas l’inconstitutionnalité de la Loi des coroners mais il nous demande de l’interpréter à la lumière d’une jurisprudence voulant que l’enquête du coroner soit d’abord et avant tout une matière criminelle;

2) l’appelant ne prétend pas que le coroner n’avait aucune juridiction pour le condamner à la prison à raison de son refus de témoigner mais il soumet que cette juridiction lui est conférée par le Code criminel et que, par conséquent, elle est plus restrictive (e.g. art. 472, autrefois 456) que celle qui lui appartiendrait si la matière était régie par le Code de procédure civile (art. 49 et ss.).

Dans le cadre ainsi tracé, l’appelant invoque particulièrement l’autorité de la décision de cette Cour dans l’affaire Batary c. The Attorney Gener­al for Saskatchewan et al[9] A mes yeux, cet arrêt ne règle pas la question; il suffit de relire les motifs de M. le juge Cartwright, tel qu’il était alors,

[Page 21]

parlant pour la majorité (M. le juge Fauteux, tel qu’il était alors, étant dissident) pour s’en convain­cre. Le jugé étant suffisamment précis, je le citerai ici au long:

Le droit criminel en force dans la Saskatchewan est celui de l’Angleterre tel qu’il existait le 15 juillet 1870, excepté tel qu’amendé, varié, modifié ou affecté par le Code criminel ou tout autre statut du parlement du Canada. Sous le régime de ce droit tel qu’il existait à cette date, une personne accusée de meurtre et attendant son procès ne pouvait pas être contrainte de témoigner à l’enquête relativement au décès de la personne dont elle était accusée d’avoir causé la mort. Aucun changement n’a été fait à ce droit par l’effet combiné des arts. 2, 4(1) et 5 de la Loi sur la preuve au Canada et des arts. 448 et 488(3) du Code criminel. Ces articles de la Loi sur la preuve au Canada n’ont pas l’effet de rendre un accusé un témoin contraignable à l’enquête du coroner. Il fau­drait des mots précis pour apporter un changement aussi complet au droit tel qu’il existait en 1870. Ce serait une étrange inconsistance si la loi qui protège soigneusement un accusé contre la contrainte de faire une déclaration à l’enquête préliminaire, permettait que cette enquête soit ajournée pour que la poursuite ait l’opportunité d’ame­ner l’accusé devant un coroner et de le soumettre contre sa volonté à un interrogatoire et contre-interrogatoire sur sa prétendue culpabilité. En l’absence de mots précis dans une loi du parlement ou autre autorité irrésistible, ceci n’est pas la loi. La cause de R, v. Barnes, 36 C.C.C. 40, non suivie.

En promulguant l’art. 15 du Coroner’s Act dans son état présent, la législature avait l’intention de changer la loi et de rendre une personne accusée de meurtre con­traignable à_ rendre témoignage à l’enquête relativement au décès de sa prétendue victime. Une telle législation empiète sur la règle exprimée dans la maxime nemo tenetur seipsum accusare. Toute législation dont le but est de faire un tel changement dans la loi ou d’abroger ou de modifier les règles existantes qui protègent une personne accusée d’un crime contre la contrainte de témoigner contre elle-même est une législation concer­nant le droit criminel, y compris la procédure en matière criminelle, et conséquemment de l’autorité législative exclusive du parlement en vertu de l’art. 91(27) de la Loi de l’Amérique du Nord britannique.

En l’espèce, l’appelant au moment où il fut invité à rendre témoignage, n’était pas accusé de quoi que ce soit par suite de la mort de Csoman et comme question de fait, jusqu’à ce jour, aucune accusation n’a été portée contre lui. Cette différente

[Page 22]

fondamentale fait qu’à mon avis l’arrêt Batary n’a aucune application en l’espèce.

D’autant phis que M. le juge Cartwright prit bien soin, à la p. 478, d’affirmer:

[TRADUCTION] Des questions autres que celles dont je viens de traiter ci-dessus ont été soulevées au cours des plaidoiries mais je crois qu’il n’est pas nécessaire de m’y arrêter.

Il reste que, jusqu’à la décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans R. c. McDonald[10], on n’avait à peu près jamais douté de la «nature criminelle» de l’enquête faite par le coroner. Cette décision a, à tout le moins, ébranlé cette quasi-certitude et je ne veux ici que citer le jugé pertinent:

[TRADUCTION] Une personne qui peut être accusée d’une infraction en vertu du Code criminel ou d’une loi pénale provinciale, mais qui ne l’a pas été, relativement à son comportement ou à ses actes qui ont présumément entraîné la mort d’une personne, peut être contrainte de témoigner à l’enquête du coroner sur le décès en ques­tion. La maxime nemo tenetur seipsum accusare ne la dispense pas de témoigner.

Bien que certains articles du Coroners Act, R.S.B.C. 1960, c. 78, puissent être inopérants ou ultra vires, ils sont nettement séparables, et le reste de la Loi, y compris l’article qui fixe le nombre de jurés à six, est intra vires des pouvoirs de la Législature de la Colom­bie-Britannique à titre de loi ayant trait à l’administra­tion de la justice dans la province aux termes du par. (14) de l’art. 92 de l’A.A.N.B. La Cour du coroner n’est pas une cour de juridiction criminelle au même sens qu’une cour chargée d’administrer «le droit criminel» ou de statuer en «matière criminelle» au sens du par. (27) de l’art. 91 de l’A.A.N.B.; c’est pourquoi la procédure suivie en Cour du coroner ne relève pas de la juridiction du Parlement.

Pour répondre à la question qui nous est posée, il faut examiner le rôle du coroner dans la société contemporaine québécoise, la nature de l’orga­nisme ainsi que le but des enquêtes que la loi lui confie. Cette démarche pourrait nous entraîner fort loin et je me contenterai d’en souligner les aspects principaux.

L’historique de la fonction du coroner a été fait à quelques reprises par les tribunaux et, comme

[Page 23]

toile de fond, je voudrais référer ici aux décisions suivantes, non pas que j’accepte leurs conclusions mais parce qu’elles fournissent à l’étude de la question des données utiles: R. v. Hammond[11]; R. c, Lalonde et al.[12]; Wolfe v. Robinson[13]

Il importe de souligner que nonobstant le libellé des procédures en l’espèce, il n’existe pas telle chose que «la Cour du Coroner (Montréal)» non plus que «la Cour d’Archives (Montréal)». Comme il n’y a aucune législation fédérale traitant du coroner (sauf de façon incidente), la nature et les fonctions de cet organisme doivent être recher­chées exclusivement dans le e. 19 de 1966-67 (Qué.), sanctionné le 29 juin 1967 et intitulé Loi des coroners. Nulle part dans cette loi, il n’est question de la Cour du coroner. Au contraire, cette loi prévoit, entre autres, ce qui suit:

1) un coroner est nommé pour un district judi­ciaire ou une partie d’un district judiciaire (art. 1);

2) les coroners permanents sont nommés con­formément à la Loi de la fonction publique (art. 7);

3) un coroner a l’obligation dans chaque cas de recherches de faire un rapport au procureur général (art. 13);

4) de la même façon, dans chaque cas d’enquête, le coroner doit faire rapport au procureur général (art. 30).

Ce ne sont certes pas 1à les prérogatives d’une «cour» au sens ordinaire de ce terme. Même s’il était possible d’affirmer que l’ensemble des coro­ners constitue une cour, celle-ci ne serait pas une cour d’archives comme l’indiquent clairement les art. 13 et 32 de la loi. Ces articles imposent au coroner une obligation et il suffit de citer ici le dernier alinéa de l’art. 32:

Il doit aussi, sans délai, déposer au bureau du greffier de la paix du district où l’enquête a été tenue, l’original des documents mentionnés aux paragraphes a, b et c et une copie du rapport visé à l’article 30.

[Page 24]

Que les coroners ne constituent pas une cour et encore moins une cour d’archives d’après la légis­lation du Québec me semble une conclusion conforme aux données que l’on retrouve dans le Code criminel. La définition de (cour de juridiction cri­minelle» dans l’art. 2 est la suivante:

a) une cour des sessions générales ou trimestrielles de la paix, lorsqu’elle est présidée par un juge d’une cour supérieure ou un juge d’une cour de comté ou de district ou, dans les villes de Montréal et de Québec, par un juge municipal de la ville, selon le cas, ou un juge des sessions de la paix,

b) un magistrat ou un juge agissant sous l’autorité de la Partie XVI, et

c) dans la province du Nouveau-Brunswick, la cour de comté;

Aucune référence donc à une cour du coroner. De son côté, l’art. 23 de la Loi sur la preuve au Canada établit une distinction nette entre une cour et un coroner:

(1) La preuve d’une procédure ou pièce quelconque d’une cour de la Grande-Bretagne ou de la Cour suprême ou de la Cour de l’Échiquier du Canada, ou d’une cour d’une province du Canada ou de toute cour d’une colonie ou possession britannique, ou d’une cour d’archives des États-Unis d’Amérique, ou de tout État des États-Unis d’Amérique, ou d’un autre pays étranger, ou juge de paix ou d’un coroner dans une province du Canada, peut se faire, dans toute action ou procédure, au moyen d’une ampliation ou copie certifiée de la procédure ou pièce, donnée comme portant le sceau de la cour, ou la signature ou le sceau du juge de paix ou du coroner, selon le cas, sans aucune preuve de l’authenti­cité de ce sceau ou de la signature du juge de paix ou du coroner, ni autre preuve.

(2) Si une de ces cours, ce juge de paix ou ce coroner n’a pas de sceau, ou certifie qu’il ou elle n’en a pas, la preuve peut se faire au moyen d’une copie donnée comme certifiée sous la signature d’un juge ou du magistrat présidant cette cour, ou de ce juge de paix ou coroner, sans aucune preuve de l’authenticité de cette signature, ni sans autre preuve que ce soit.

Qu’en est-il des fonctions du coroner dans la législation québecoise [sic]? La réponse nous est donnée par l’art. 11 dans les cas de recherches:

Le coroner est tenu de rechercher les circonstances qui ont entouré la mort d’une personne dont le décès ne lui paraît pas avoir résulté de causes naturelles ou purement accidentelles mais peut être survenu par suite

[Page 25]

de violence, de négligence ou de conduite coupable de la part d’un tiers.

Il est également tenu de procéder à telles recherches chaque fois que le procureur général lui en fait la demande.

et par l’art. 14 lorsqu’il s’agit d’enquêtes:

Le coroner doit tenir une enquête sur les circonstances qui ont entouré un décès toutes les fois qu’il a raison de croire, après ses recherches, que le décès est survenu par suite de violence, de négligence ou de conduite coupable de la part d’un tiers.

Il doit également tenir une enquête chaque fois que le procureur général lui en fait la demande.

La juridiction est donc fort générale et elle n’est pas d’abord et avant tout d’ordre criminel. J’y reviendrai plus loin.

La situation est bien différente de ce qu’elle était il y a près d’un siècle lorsque, en 1879, par le c. 12 de 1879 (Qué.), la législature du Québec s’exprimait comme suit:

ATTENDU qu’il est opportun de mettre un terme aux enquêtes inutiles qui se font dans la province de Québec, à l’occasion de décès arrivés subitement, par accident et sans la commission d’aucun crime; A ces causes, Sa Majesté, par et de. l’avis et du consentement de la Législature de Québec, décrète ce qui suit:

1. Nul coroner ne fera d’enquête, sur le décès d’aucune personne, à moins qu’on ne lui produise un certificat signé par un juge de paix, constatant qu’il y a lieu de soupçonner que tel décès a été causé par la perpétration d’un crime, ou à moins que telle enquête ne soit demandée par une réquisition écrite et signée par le maire, le curé, le pasteur ou missionnaire de la localité, ou par un juge de paix du comté.

Depuis lors, il y a eu évolution constante de la pensée du législateur. Il suffit de rappeler les grandes dates suivantes:

En 1880, par le c. 10 de 1880 (Qué.), il est prescrit que nulle enquête ne sera tenue à moins que le coroner ait lieu de croire «qu’un crime a été commis, ou que la personne décédée est morte par suite de violence ou de moyens injustes,’ ou en de telles circonstances, qui requièrent une investiga­tion.» (art. 1).

En 1892, le c. 26 de 1892 (Qué.), donne au coroner juridiction lorsque «il a bonne raison de

[Page 26]

croire que la personne décédée n’est pas morte de causes naturelles ou par accident, mais qu’elle est décédée par suite de violence, ou de moyens déloyaux, ou de négligence, ou de conduite coupa­ble de la part d’autres personnes, dans des circons­tances telles qu’une enquête du coroner est néces­saire». (art. 1).

En 1964, l’avant-dernière étape de cette évolu­tion, se retrouve dans le c. 29 des Statuts Refondus du Québec, l’art. 16 qui se lit comme suit:

Le coroner peut rechercher lui-même les circonstances qui ont précédé ou accompagné la mort d’une personne quand il a bonne raison de croire que la personne décédée n’est pas morte de causes naturelles ou par accident, mais pas suite de violence, de négligence ou de conduite coupable de la part de quelque autre personne, dans des circonstances telles qu’une enquête de coroner pourrait être subséquemment nécessaire.

Le procureur général peut aussi, quand il le juge à propos dans l’intérêt public, charger le coroner de faire des recherches sur les circonstances qui ont précédé ou accompagné la mort d’une personne.

Le coroner doit donner un permis d’inhumation quand il est constaté par ses recherches que la mort de la personne décédée est la conséquence de causes naturelles ou d’un pur accident.

Cette évolution de la législation québecoise [sic] qui fait passer la juridiction du coroner de la recherche du crime à la recherche de tout ce qui n’est pas naturel ou purement accidentel, n’est pas sans relation, me semble-t-il, avec l’évolution de la pensée du législateur ayant juridiction en matière criminelle.

En 1841, par le c. 24 de 1841 (Can.), la pro­vince du Canada, aux art. IV et V, prescrit:

IV. Et qu’il soit statué, que tout Coroner, lors de toute inquisition prise devant lui, par laquelle aucune personne devra être enditée d’homicide excusable ou de meurtre, ou comme complice de meurtre avant le fait, mettra par écrit , en présence de la partie accusée, si elle peut être appréhendée, les preuves données au Juri en sa présence, ou telle partie d’icelles qui se trouvera impor­tante, donnant à la partie accusée pleine liberté de faire ses transquestions; et aura pouvoir de lier par reconnais­sance de dette toutes les personnes sachant ou déclarant quelque chose d’important au sujet du dit homicide excusable ou meurtre, ou de la dite offense de complicité de meurtre, à comparaître à la prochaine Cour d’Oyer et

[Page 27]

Terminer, ou Gaol Delivery, ou autre Cour où devra se faire le procès, pour y poursuivre alors ou rendre témoi­gnage contre la partie accusée; et tout tel Coroner certifiera et souscrira les dits témoignages, et toutes les dites reconnaissances, et aussi l’inquisition prise devant lui, et les remettra à l’Officier convenable de la Cour où devra se faire le procès, avant ou lors de l’ouverture de la dite Cour.

V. Et qu’il soit statué, que lors et aussi souvent qu’aucune personne sera détenue par quelques Juge ou Juges, ou Coroner comme ci-dessus, pour subir son procès, il sera et pourra être permis au dit prisonnier, son Conseil, Procureur ou Agent, de signifier aux dits Juge ou Juges ou Coroner, par qui l’emprisonnement aura été décrété, que c’est son intention aussitôt que son Avocat pourra obtenir audience, de faire motion dans la Cour de Juridiction Supérieure de Sa Majesté pour cette partie de la Province où la dite personne sera emprison­née, ou devant un des Juges d’icelle, pour obtenir un ordre au Juge de Paix, ou Coroner pour le District où le dit prisonnier sera confiné, de recevoir le prisonnier à caution, sur quoi il sera du devoir des dits Juges ou Juge, ou Coroner, par qui l’emprisonnement aura été décrété, de transmettre avec toute diligence convenable au Bureau du Clerc de la Couronne, une copie certifiée, et sous le Seing et Sceau de l’un d’eux, de toutes les informations, examinations et autres témoignages concernant l’offense dont le dit prisonnier sera accusé, avec une copie du garant d’emprisonnement ainsi que de l’enquête, si telle il y a, et le paquet contenant ces choses sera remis à la personne qui en fera la demande afin de les transmettre comme susdit, et sera certifié sur le dehors d’icelui comme contenant l’information relative à.. l’affaire en question.

— En 1869, le Parlement exprime la même pensée dans les art. 60 et 61 du c. 30 de 1869 (Can.).

Elle est ré-affirmée en 1886 dans le c. 174 des Statuts Révisés du Canada.

92. Dans toute enquête conduite par lui, à la suite. de laquelle une personne est mise en accusation pour homi­cide non-prémédité ou meurtre, ou comme complice de meurtre avant le fait, le coroner couchera par écrit en présence de l’accusé, s’il est arrêté, les preuves données au jury par-devant lui, ou telle partie de la preuve qui est essentielle, donnant à l’accusé pleine liberté d’interroger contradictoirement les témoins; et il pourra faire souscrire par quiconque connaît ou déclare quelque chose d’important au sujet de l’homicide non-prémédité ou du meurtre, ou de la complicité de meurtre, une obligation par laquelle il s’engagera à comparaître à la prochaine cour d’assises, ou à tout autre cour où doit se

[Page 28]

faire le procès, pour y poursuivre alors le prévenu ou rendre témoignage contre lui; et tout coroner attestera et signera les témoignages, ainsi que les obligations et l’enquête conduite par lui, et les remettra à l’officier compétent de la cour, au temps et en la manière pres­crits à l’article soixante-dix-sept du présent acte. 32-33 V., c. 30, art. 60.

93. Lorsque quelqu’un sera mis en état d’arrestation préventive par un juge de paix, ou par un coroner, il sera permis au prisonnier, à son conseil, procureur ou agent, de signifier à ce juge de paix ou coroner qu’il s’adres­sera, aussitôt que son avocat pourra être entendu, à une cour supérieure de la province où le prévenu est détenu, ou à l’un des juges de cette cour, ou à un juge de la cour de comté, s’il entend s’adresser à ce juge en vertu de l’article quatre-vingt-deux du présent acte, aux fins d’obtenir un ordre enjoignant au juge de paix ou coroner de la division territoriale où il est détenu d’admettre le prévenu à caution; et sur ce, le juge de paix ou le coroner qui l’aura fait incarcérer transmettra, le plus tôt possi­ble, au bureau du greffier de la Couronne ou du premier greffier de la cour, ou du greffier de la cour de comté, ou autre officier qu’il appartient, selon le cas, une copie certifiée, scellée sous ses seing et sceau, des accusations, interrogatoires et témoignages concernant le crime ou délit dont le prisonnier est accusé, avec une copie du mandat d’incarcération ainsi que de l’enquête, s’il y en a; et le paquet contenant toutes ces choses sera remis à celui qui en fera la demande pour le transmettre, et portera à l’extérieur une attestation qu’il contient les renseignements relatifs à l’affaire en question. 32-33 V., c. 30, art. 61.

Il faut aussi noter les al. (c.) et (d.) de l’art. 2 de cette même loi où l’on retrouve les définitions suivantes:

(c.) L’expression «acte d’accusation» (indictment) comprend la plainte, l’enquête et la dénonciation du grand jury (presentment), aussi bien que la mise en accusation, et aussi toute défense, réplique ou autre plaidoirie, et toute pièce de procédure (record) s’y rattachant;

(d.) Les expressions %rapport de l’acte d’accusation» ou %acte d’accusation fondé» (finding) comprend également la tenue d’une enquête, la production d’une plainte et la présentation d’une dénonciation par le grand jury;

Toute cette situation est modifiée profondément en 1892 lorsqu’est adopté pour la première fois un Code criminel complet:

[Page 29]

1) les définitions que l’on retrouve aux al. (b.) et (cc.) de l’art. 3 sont bien différentes puisqu’el­les se lisent comme suit:

(b.) Les expressions «acte d’accusation». (indictment) et «chef d’accusation» (count) respectivement comprennent la plainte et la dénonciation du grand jury (presentment), aussi bien que la mise en accu­sation, et aussi toute défense, réplique ou autre plaidoirie, et toute pièce de procédure (record); — S.R.C., c. 174, art. 2(c).

(cc.) Les expressions «rapport de l’acte d’accusa­tion» ou «acte d’accusation fondé» (finding) com­prennent également la production d’une plainte et la présentation d’une dénonciation par le grand jury; — S.R.C., c. 174, art. 2(d).

2) l’article 642 affirme alors:

Après l’entrée en vigueur du présent acte, personne ne subira de procès sur une enquête de coroner.

3) l’article 568 restreint les pouvoirs du coroner:

Tout coroner, lors d’une enquête faite devant lui à la suite de laquelle une personne sera accusée d’homicide involontaire ou de meurtre, devra (si la personne ou les personnes, ou quelqu’une d’entre elles, atteintes .par ce verdict ne sont pas déjà accusées de cette infraction devant un magistrat ou un juge de paix), par mandat sous son seing, ordon­ner que cette personne soit arrêtée et conduite sous le plus bref délai devant un magistrat ou un juge de paix; ou bien ce coroner pourra ordonner que cette personne souscrive une obligation par-devant lui, avec ou sans cautions, par laquelle elle s’engagera à comparaître devant un magistrat ou un juge de paix. Dans l’un ou l’autre cas, il sera du devoir du coroner de transmettre à ce magistrat ou juge de paix les dépositions faites devant lui dans l’affaire. Lorsque cette personne sera conduite ou comparaî­tra devant le magistrat ou juge de paix, celui-ci procédera à tous égards comme si cette personne eût été amenée ou eût comparu devant lui sur mandat ou assignation.

Pour les fins de la présente cause (puisque la matière est de 1967) l’évolution dans le Code criminel se termine avec le texte de 1953:

448. (1) Si un verdict sur enquête de coroner allègue qu’une personne a commis un meurtre ou un homicide

[Page 30]

involontaire coupable, et qu’elle n’ait pas été inculpée de l’infraction, le coroner doit

a) ordonner, au moyen d’un mandat revêtu de son seing, que cette personne soit mise sous garde et conduite, le plus tôt possible, devant un juge de paix; ou

b) ordonner que la personne contracte en sa présence un engagement, avec ou sans cautions, de comparaître devant un juge de paix.

(2) Lorsqu’un coroner donne un ordre prévu au paragraphe (1), il doit transmettre au juge de paix les dépositions faites devant lui en la matière.

La simple comparaison de ces textes démontre que le coroner ne fait plus partie de l’appareil judiciaire pénal. En 1892, il y a eu césure com­plète, et les modifications législatives subséquentes n’ont fait que la rendre plus évidente. Le rôle traditionnel du coroner, tel que le connaissait l’An­gleterre, disparaît pour être remplacé par un rôle dûment canadianisé, rôle qui n’est pas d’abord et avant tout d’ordre criminel mais qui devient rôle social. Cette évolution se manifeste par exemple dans le dernier alinéa de l’art. 30 de la Loi des coroners:

Le coroner peut, dans son rapport, faire toute sugges­tion utile pour assurer la protection de la société.

Il est permis de suggérer que de nos jours l’enquête du coroner a au moins les fonctions suivantes en dehors de la recherche du crime:

a) la détermination des circonstances exactes entourant un décès met un frein à l’imagination du public, empêchant qu’il devienne la folle du logis;

b) l’examen des circonstances particulières d’un décès et l’étude répétée de plusieurs cas permettent à la collectivité de prendre conscience des facteurs qui mettent en danger la vie humaine dans des circonstances données;

c) le soin pris par les autorités, chaque fois que le décès n’est pas évidemment naturel ou acci­dentel, de se pencher sur les circonstances rassure la population en lui permettant de constater que l’État veille à ce que les garanties entourant la vie humaine soient dûment respectées.

Dans ce contexte, la recherche du crime, tout en étant importante, n’est pas l’élément déterminant

[Page 31]

des fonctions du coroner, de sorte que l’aspect «criminel» n’est pas prédominant.

La procédure elle-même d’ailleurs ne vise pas en soi la recherche du crime. Comme il a été souligné à plusieurs reprises,

a) l’enquête n’est pas un procès;

b) il n’y a pas d’accusé.

Devant cette situation, il ne m’est pas possible d’accepter les conclusions exprimées dans les déci­sions affirmant que le coroner constitue un tribu­nal ou une cour d’archives ayant juridiction crimi­nelle, d’autant plus que dans plusieurs de ces cas, cette mention est un obiter. Tel que je l’ai men­tionné plus haut, j’accepte au contraire la conclu­sion de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans Regina c. McDonald précité; des notes de M. Le juge Bull, j’extrais cette phrase (p. 305):

[TRADUCTION] Par conséquent, je conclus que la nature même de l’enquête du coroner au Canada, qui ne constitue pas un procès et où il n’y a aucun accusé et dont le rôle est d’enquêter sur plusieurs autres aspects que celui de déterminer si un meurtre ou un homicide involontaire coupable a été commis, est telle que cette Cour ne peut à bon droit être qualifiée de «cour de juridiction criminelle» dont la procédure antérieure à un tel verdict, s’il y en a un, viserait des «matières criminelles» ou le «droit criminel» et serait ainsi sujette à l’auto­rité exclusive du Parlement.

De la même façon, je fais miens les paragraphes suivants des notes de M. le juge McFarlane, que l’on retrouve à la p. 308 après une citation tirée du jugement de la Cour d’appel d’Ontario dans l’af­faire Wolfe c. Robinson précitée:

[TRADUCTION] A cette excellente description j’ajou­terais qu’à l’enquête du coroner, aux termes de la Loi, il n’y a aucun litige, aucun accusé et aucune accusation. La loi n’a pas pour but d’accorder une juridiction qui permet de faire subir un procès à toute personne accusée d’avoir commis un acte illicite, de l’acquitter, de la déclarer coupable ou de la punir. Lorsque le verdict du jury est à l’effet que le décès résulte d’un meurtre ou d’un homicide involontaire coupable, son enquête doit attester l’identité des personnes (s’il y en a) coupables de ce meurtre ou de cet homicide involontaire coupable, ou d’avoir été complices de ce meurtre avant le fait (art. 15). Il s’agit d’une tâche incidente ou accessoire qui ne peut, d’elle-même, mettre en jeu le droit criminel. Les coroners sont également requis d’instituer des enquêtes

[Page 32]

dans de nombreux cas où l’accomplissement d’un acte illicite n’est ni suggéré ni soupçonné. On peut dire à juste titre que les enquêtes ont, entre autres, l’avantage de dissiper les soupçons et les doutes.

A mon avis, la loi, selon son caractère véritable, vise l’administration de la justice dans la province, de sorte qu’elle relève de la juridiction législative exclusive de la province en vertu du par. (14) de l’art. 92.

Pour toutes ces raisons, M. le juge Salvas, par­lant pour la Cour d’appel, a donc eu raison d’écrire:

Aux termes de la constitution du pays, ‘... le maintien et l’organisation des tribunaux de justice pour la pro­vince, ayant juridiction civile et criminelle ...’ relèvent du pouvoir exclusif de la législature de cette province (A.A.B.N. 1867, art. 92 (14)).

Or dans la province de Québec, il n’y a pas de Cour du coroner. Les tribunaux de notre province `en matières civiles, criminelles ou mixtes’ sont énumérés au premier article de la Loi des tribunaux judiciaires (S.R.Q. ch. 20). La liste ne comprend pas une Cour du coroner. L’article 3 de la même loi statue que le coroner est un officier de justice, l’un des officiers de justice nommés dans chaque district, par le lieutenant-gouverneur en conseil, pour les fins de `l’administration de la justice en cette province’.

Le coroner est régi par une loi spéciale du Québec (15-16 El. II, ch. 19). L’enquête du coroner Lapointe est celle que prescrit l’article 14 de cette loi (Section IV, par. 1). Le paragraphe 2 de la même section (art. 19 à 29) prescrit les règles de la procédure et de la preuve qui s’appliquent à cette enquête. C’est ici que se pose la question de savoir si cette procédure et cette preuve sont `des procédures en matière criminelle’ (C. cr. 680). L’appelant soutient l’affirmative. C’est son moyen fon­damental. A l’appui de sa thèse, il cite l’article 27 (15-16 El. II, ch. 19) qui statue que:

‘Les règles ordinaires de la preuve en matière crimi­nelle s’appliquent aux enquêtes tenues par un coroner’.

Je suis d’avis, avec déférence, que l’argument que l’appelant tire de cette disposition lui est plutôt défavo­rable. Si l’enquête du coroner était une matière crimi­nelle cet article 27 serait inutile. La Loi de 1a preuve du Canada qui s’applique à tout le pays édicte, en effet, que la première partie de cette loi, celle qui nous intéresse, s’applique ‘à toutes les procédures criminelles .. (S.R.C. ch. 307, art. 2).

[Page 33]

L’appelant prétend que la Cour supérieure mentionnée dans la disposition de l’article 23 (15-16 El. Il, ch. 19) qui a trait spécialement à la punition des témoins récalcitrants, est la Cour supérieure de juridiction crimi­nelle. Cette cour est, dans la province de Québec, la Cour du Banc de la Reine siégeant comme tribunal de première instance en matière criminelle (C. cr. art. 2 (14) et S.R.Q. ch. 20, art. 61). La même Cour supé­rieure est mentionnée aux articles 21 et 22. Quand le législateur du Québec mentionne la Cour supérieure dans sa Loi des coroners il est évident, à mon avis, que c’est la Cour supérieure qu’il veut mentionner, celle que le même législateur a constituée par une autre de ses lois (S.R.Q. ch. 20, art. 21). Si ce législateur avait voulu indiquer une Cour supérieure de juridiction criminelle dans l’article 23 de la Loi des coroners, il aurait men­tionné la ‘Cour du Banc de la Reine, siégeant comme tribunal en matière criminelle en première instance’ (S.R.Q. ch. 20, art. 61). Bref, le législateur dit clairement ce qu’il veut dire.

Je suis d’opinion que l’enquête prescrite par l’article 14 de la Loi des coroners n’est pas une matière crimi­nelle. Au contraire, ‘son but est de découvrir s’il y a eu crime ou, plus précisément, s’il y a une matière crimi­nelle se rattachant au décès d’une personne. Elle est limitée aux ‘circonstances qui ont entouré un décès ...’. L’enquête est celle du coroner et non celle de la Cou­ronne ou d’une autre partie. Il n’y a devant le coroner ni accusateur ni accusé. L’objet de l’enquête n’est pas la poursuite ni la punition d’un accusé.

La Loi des coroners relève du pouvoir exclusif des législatures provinciales de faire des lois relatives à ‘l’administration de la justice dans la province’ et à ‘l’infliction de punitions ... dans le but de faire exécu­ter’ ces lois. (A.A.B.N. 1867, art. 92 (14 et 15)).

L’enquête qu’a tenue le coroner Lapointe n’est pas une matière criminelle au sens de l’article 680 du Code criminel. La cour de première instance étant un tribunal siégeant ‘en matière criminelle’ n’était pas compétente pour prononcer sur le mérite de la requête de l’appelant. Je suis d’avis que, pour cette raison, la requête devrait être rejetée.

Je rejetterais l’appel avec dépens.

Appel rejeté avec dépens, le JUGE EN CHEF LASKIN et les JUGES SPENCE, PIGEON et BEETZ étant dissidents.

[Page 34]

Procureur de l’appelant: Raymond Daoust, Montréal.

Procureurs des intimées et mis en cause: Gabriel Lapointe et Louis Paradis, Montréal.

[1] [1969] B.R. 1017.

[2] [1945] R.C.S. 526.

[3] (1888), 20 Q.B.D. 832.

[4] [1962] O.R. 132.

[5] [1965] R.C.S. 465.

[6] [1955] R.C.S. 799.

[7] [1969] B.R. 1017.

[8] [1964] R.C.S. 412.

[9] [1965] R.C.S. 465.

[10] (1968), 2 D.L.R. (3d) 298.

[11] (1898), 1 C.C.C. 373.

[12] (1898), 7 B.R. 204.

[13] (1961), 27 D.L.R. (2d) 98.


Sens de l'arrêt : L’appel doit être rejeté

Analyses

Droit criminel - Enquête de coroner - Incarcération pour refus de témoigner - Requête pour bref de prohi­bition refusée - Matière civile - Cour du Banc de la Reine (division criminelle) non compétente - Code cri­minel, 1 (Can.), c. 51, art. 2(10), 413(2) - Loi des coroners, 1966-67 (Qué.), c. 19, art, 1, 7, 13, 30.

L’appelant a été cité comme témoin devant le coroner. Ayant refusé de témoigner, il fut incarcéré à plusieurs reprises pour outrage au tribunal. Lors de la réouverture de l’enquête, l’appelant de nouveau fut invité à témoi­gner et refusa de le faire. Dans l’intervalle d’une remise, il soumit à la Cour du Banc de la Reine, juridiction criminelle, une requête pour émission d’un bref de prohibition contre le coroner, soutenant qu’il s’agissait

d’une matière régie par le Code criminel et que le coroner avait épuisé sa juridiction relativement à l’ou­trage au tribunal. Cette requête fut rejetée pour le motif qu’il s’agissait d’une matière régie par le Code de procé­dure civile. Ce jugement fut confirmé par la Cour d’appel qui conclut que, la matière étant civile, seule la Cour supérieure avait pouvoir d’entendre une requête en prohibition contre le coroner. L’appelant obtint de cette Cour permission d’appeler.

Arrêt (Le juge en chef Laskin et les juges Spence, Pigeon et Beetz, dissidents): L’appel doit être rejeté.

Les juges Martland, Judson, Ritchie, Dickson et de Grandpré: La Loi des coroners, dont l’inconstitutionna­lité n’est pas soulevée, ne crée pas une «cour» au sens ordinaire de ce terme. Le coroner ne fait plus partie de l’appareil judiciaire pénal depuis 1892. Il y eut alors une césure complète, rendue plus évidente par les modifica­tions législatives subséquentes. Le rôle traditionnel du coroner, tel que le connaissait l’Angleterre, disparaît

[Page 10]

pour être remplacé par un rôle qui n’est pas d’abord et avant tout d’ordre criminel mais qui devient rôle social. La recherche du crime, tout en étant importante, n’est plus l’élément déterminant. La procédure elle-même ne vise pas en soi la recherche du crime puisque l’enquête n’est pas un procès et qu’il n’y a pas d’accusé. Il va de soi que si le bref de prohibition doit être considéré comme une «procédure en matière criminelle» seule la Cour supérieure a juridiction et la conclusion de la Cour d’appel en l’espèce n’est pas entachée d’erreur.

Le juge en chef Laskin et les juges Spence, Pigeon et Beetz, dissidents: A la date de la Confédération, en vertu de la common law et du droit écrit, la procédure à l’enquête du coroner était une procédure en matière criminelle, qui a ensuite, à bon droit, été traitée comme telle par le Parlement du Canada. On ne pourrait prétendre qu’il en était autrement lorsque l’«inquisition du coroner» était l’équivalent d’un acte d’accusation pré­senté par un grand jury. Les changements apportés subséquemment par le Parlement n’ont pas dépouillé le coroner de toute juridiction criminelle. Et il ne faut pas minimiser l’importance des devoirs que lui confère le Code.

Quant à la définition de «cour de juridiction crimi­nelle» contenue à l’art. 2(10) du Code criminel, elle n’implique aucunement que toutes les cours non énumé­rées ne possèdent pas de juridiction criminelle. Elle signifie seulement que ces cours n’ont pas compétence pour juger les actes criminels.

[Arrêts mentionnés: Ministre du Revenu National c. Lafleur, [1964] R.C.S. 412; Batary c. The Attorney General for Saskatchewan et al., [1965] R.C.S. 465; R. c. McDonald (1968), 2 D.L.R. (3d) 298; R. v. Ham­mond (1898), 1 C.C.C. 373; R. c. Lalonde et al. (1898), 7 B.R. 204; Wolfe c. Robinson (1961), 27 D.L.R. (2d) 98.


Parties
Demandeurs : Faber
Défendeurs : Sa Majesté la Reine

Références :
Proposition de citation de la décision: Faber c. La Reine, [1976] 2 R.C.S. 9 (25 mars 1975)


Origine de la décision
Date de la décision : 25/03/1975
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1976] 2 R.C.S. 9 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1975-03-25;.1976..2.r.c.s..9 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award