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11/10/1974 | CANADA | N°[1975]_2_R.C.S._767

Canada | Law Society of Upper Canada c. French, [1975] 2 R.C.S. 767 (11 octobre 1974)


Cour suprême du Canada

Law Society of Upper Canada c. French, [1975] 2 R.C.S. 767

Date: 1974-10-11

Law Society of Upper Canada (Plaignant) Appelante;

et

Stephen Charles French (Deféndeur) Intimé.

1974: le 7 mai; 1974: le 11 octobre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

Cour suprême du Canada

Law Society of Upper Canada c. French, [1975] 2 R.C.S. 767

Date: 1974-10-11

Law Society of Upper Canada (Plaignant) Appelante;

et

Stephen Charles French (Deféndeur) Intimé.

1974: le 7 mai; 1974: le 11 octobre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.


Synthèse
Référence neutre : [1975] 2 R.C.S. 767 ?
Date de la décision : 11/10/1974
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être accueilli et le pourvoi incident rejeté

Analyses

Droit administratif - Justice naturelle - Partialité - Membres du comité de discipline participant à l’assemblée examinant le rapport du comité - Law Society Act, 1970 (Ont.), c. 19, art. 33, 34, 37, 39.

Avocats et procureurs - Discipline - Inconduite professionnelle - Enquête et rapport du comité de discipline - Nature des procédures de l’assemblée examinant le rapport du comité - Droit des Benchers de siéger sur le comité et de participer également à l’assemblée.

Des plaintes en bonne et due forme ont été déposées contre l’intimé par le secrétaire de la Law Society of Upper Canada et ont été entendues par le comité de discipline de la Law Society qui a conclu que l’intimé était coupable d’inconduite professionnelle et a remis son rapport à l’assemblée en recommandant que l’intimé soit suspendu pour trois mois. Malgré la prétention soumise par l’intimé que les membres de l’assemblée qui avaient été membres du comité de discipline ne devraient pas participer aux délibérations de l’assemblée lorsque celle-ci a examiné le rapport, deux des Benchers en question étaient présents et le président a décidé qu’ils pouvaient continuer à y participer. L’assemblée a voté en faveur de l’adoption du rapport. L’intimé a demandé à la Cour suprême de l’Ontario d’annuler la décision de l’assemblée et du comité de discipline et cette requête a été accordée aux fins seulement d’annuler la décision de l’assemblée et de renvoyer le rapport à l’assemblée pour examen en l’absence des membres qui avaient soumis ce rapport. La Cour d’appel a rejeté les appels tant de l’intimé que de la Law Society.

Arrêt (le juge en chef Laskin et les juges Ritchie et Dickson étant dissidents): Le pourvoi doit être accueilli et le pourvoi incident rejeté.

Les juges Martland, Judson, Spence, Pigeon, Beetz et de Grandpré. L’article 39 du Law Society Act, 1970 (Ont.), c. 19 (maintenant R.S.O. 1970 c. 238) octroie à un membre ou un étudiant qui a été répri-

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mandé un droit d’appel spécifique et le par. (4) prévoit qu’aucun Bencher qui a siégé sur le comité à l’époque de l’ordonnance dont appel ne doit participer à l’audition de l’appel. Il y a lieu d’appliquer la maxime expressio unius est exclusio alterius et même si les procédures étaient un appel d’un genre autre que celui prévu à l’art. 39, les membres du comité de discipline pouvaient néanmoins siéger en assemblée lors de l’audition de cet appel. L’argument accepté est que la procédure en assemblée n’est pas un appel mais le second stade d’une procédure en deux temps et qu’il n’y a aucun empêchement à ce que les membres du comité de discipline siègent en assemblée pour l’étude du rapport de ce comité.

Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie et Dickson, dissidents: Il n’y avait aucun motif permettant au procureur d’obtenir gain de cause dans sa requête en annulation de la décision du comité de discipline. Cette décision n’était pas viciée, que ce soit par un manque d’équité procédurale ou par toute autre erreur de droit. Quant à savoir si la décision de l’assemblée adoptant le rapport du comité devrait être maintenue, la question en litige ne pouvait être tranchée suivant la réponse qu’on pouvait donner à la question de savoir si les procédures en assemblée étaient un appel, ou l’équivalent, ou une révision en vertu d’une procédure d’enquête en deux temps. Que le comité de discipline ait été un organisme-juge, cela ressortait clairement de la loi qui gouverne. Il ressortait tout aussi clairement que l’assemblée était engagée dans une fonction judiciaire lorsqu’elle a examiné le rapport du comité de discipline et que le procureur avait autant droit à une évaluation impartiale par l’assemblée que par le comité. Il était impensable que l’assemblée pût comprendre des membres qui avaient déjà taxé le procureur de culpabilité en tant que membres du comité de discipline. L’article 39 du Law Society Act, 1970 (Ont.) exclut expressément de la participation à l’audition de l’appel en assemblée un Bencher qui a siégé sur le comité de discipline qui a imposé une sanction de peu de gravité; a fortiori, les membres du comité devraient être exclus lorsqu’il s’agit d’une affaire où la pénalité est plus grave qu’une simple réprimande. Le scrupule qui doit être observé dans de telles procédures disciplinaires qui peuvent porter atteinte au gagne-pain est celui de l’arrêt R. v. Optical Board of Registration, [1933] S. Aust. St. R. 1, que le fait qu’il y ait un droit d’appel à une cour, ne lève pas une exclusion touchant la composition du tribunal d’où l’appel peut être interjeté à la cour.

[Page 769]

[Arrets mentionnés: King c. University of Saskatchewan, [1969] R.C.S. 678; Re Glassman and Council of the College of Physicians and Surgeons, [1966] 2 O.R. 81; R. v. Alberta Securities Commission, Ex parte Albrecht (1962), 36 D.L.R. (2d) 199; Re Dancyger and Alberta Pharmaceutical Association (1970), 17 D.L.R. (3d) 206; Law v. Chartered Institute of Patent Agents, [1919] 2 Ch. 276; Frome United Breweries Company Limited v. Keepers of the Peace and Justices of Bath, [1926] A.C. 586; Re Merchant and Benchers of the Law Society of Saskatchewan, [1973] 2 W.W.R. 109.]

POURVOI et POURVOI INCIDENT à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario qui a rejeté un appel d’une ordonnance du juge Osler[1] annulant les procédures de l’assemblée des Benchers de la Law Society of Upper Canada. Pourvoi accueilli, pourvoi incident rejeté, le juge en chef Laskin et les juges Ritchie et Dickson étant dissidents.

J.J. Robinette, c.r., pour l’appelante.

Stephen C. French, personnellement.

Le jugement du Juge en chef et des Juges Ritchie et Dickson a été rendu par

LE JUGE EN CHEF (dissident) — Il s’agit de procédures disciplinaires prises contre un procureur par The Law Society of Upper Canada. Réduite à l’essentiel, l’affaire soulève la question de savoir si des membres du comité de discipline de la Society, qui ont fait enquête sur les plaintes portées à l’endroit du procureur, étaient incompétents à siéger et à participer à l’assemblée des Benchers, qui est l’organisme qui régit la Society, convoquée pour examiner le rapport du comité qui recommandait la suspension du procureur pour trois mois suite à la conclusion du comité suivant laquelle sept des treize plaintes portées contre lui étaient bien fondées.

En dépit de l’objection faite en temps utile par le procureur à l’encontre de la participation de membres du comité de discipline aux procédures de l’assemblée, l’assemblée a conclu que ces membres non seulement avaient le droit de participer mais étaient obligés de le faire. Deux

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membres ont effectivement participé, mais un troisième membre, qu’il ait été au courant ou non de l’affirmation d’une telle obligation, ne s’est pas présenté. Le quatrième membre du comité tel que constitué pour faire enquête sur les plaintes avait été défait dans une élection de Benchers survenue dans l’intervalle.

L’assemblée a adopté les conclusions du comité et s’est avisée d’examiner deux motions, une demandant une suspension de trois mois qui avait été recommandée par le comité et une deuxième recommandant la radiation du procureur. A ce stade le procureur a demandé et obtenu un ajournement puis a demandé l’annulation de la décision de l’assemblée adoptant les conclusions prises contre lui de même que l’annulation de la décision du comité de discipline statuant que sept des plaintes avaient été établies.

Le juge Osler, devant qui les requêtes en annulation sont venues à audition, a accordé au procureur un redressement limité à l’annulation de la décision de l’assemblée. Il a ordonné que le rapport du comité de discipline soit renvoyé à l’assemblée pour étude sans la participation de membres du comité. La Cour d’appel de l’Ontario a rejeté les appels tant de la Law Society que du procureur, et ces parties sont maintenant devant cette Cour en tant qu’appelants sur autorisation accordée le 19 février 1973.

Je puis dire tout de suite que je ne vois aucun motif permettant au procureur d’obtenir gain de cause dans sa requête en annulation de la décision du comité de discipline contenue dans le rapport de ce comité. Cette décision n’est d’aucune façon viciée, que ce soit par un manque d’équité procédurale ou par toute autre erreur de droit. Le point substantiel dans l’affaire présente, comme je l’ai dit au début des présents motifs, est de savoir si la décision de l’assemblée adoptant les conclusions du comité défavorables au procureur devrait être maintenue, ou de savoir si elle devait être infirmée et le rapport renvoyé tel que prescrit par le juge Osler. A mon avis, le juge Osler et la Cour d’appel ont eu raison, et le pourvoi de la Law Society devrait être rejeté.

[Page 771]

En rédigeant les présents motifs, j’ai eu l’avantage de voir les motifs rédigés par mon collègue Spence, qui a l’appui d’une pluralité de cette Cour dans sa conclusion soigneusement motivée selon laquelle il n’y a pas eu erreur révisable dans la position adoptée par les Benchers en assemblée. Mon point de vue différent sur le droit à appliquer aux faits tels qu’acceptés à la fois par mon collègue Spence et par moi‑même se trouve expliqué dans ce qui suit.

Je ne pense pas que la question en litige dans le présent pourvoi doive être tranchée suivant la réponse que l’on peut donner à la question de savoir si les procédures en assemblée sont un appel, ou l’équivalent, ou une révision en vertu d’une procédure d’enquête en deux temps régissant des allégations d’inconduite professionnelle, ou l’équivalent. Sans doute, caractériser les procédures comme constituant un appel peut donner un certain poids à la prétention du procureur appelant, mais le principe sous‑jacent à sa position se situe au‑dessus de toute semblable approche formaliste. Le principe est immanent dans l’ancienne maxime nemo judex in causa sua, exprimé par Coke dans l’affaire Bonham en 1610, et, dans son application évolutive aux tribunaux statutaires, il a été examiné en profondeur par de Smith, Judicial Review of Administrative Action (3e éd., 1973), c. 5, spécialement aux pp. 227 et suiv. et 237 et suiv.

Je ne suis pas gêné, en considérant l’évolution du principe dans le droit administratif, par le fait que ce n’est que lorsqu’ils y ont été obligés par statut que les juges des cours supérieures ont appliqué une règle récusatoire relativement aux fonctions qu’ils exerçaient eux-mêmes en appel. Non moins que la common law, un statut peut exprimer un principe pour la gouverne future des tribunaux; et lorsqu’il abroge la common law je trouverais incongru que le principe abrogé doive garder sa vitalité simplement parce qu’il est invoqué relativement à des tribunaux statutaires plutôt qu’à des cours supérieures. La question clé est sûrement celle de l’impartialité, qui doit être attestée non pas par une révision

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post-facto des procédures aux fins de déterminer s’il y a eu partialité en fait mais plutôt par un souci préalable scrupuleux pour toute appréhension raisonnable de partialité ou d’intérêt.

J’admets tout de suite qu’il peut être difficile de déterminer le point exact à partir duquel on est exclu à siéger. Feu le professeur de Smith, dans son ouvrage précité, a capté la nature exacte de la difficulté à laquelle cette Cour fait face en l’espèce présente lorsqu’il a noté (aux pp. 228-229) que lorsqu’un rapport par des membres d’un sous-comité à l’organisme supérieur consiste en une énonciation de conclusions et de recommandations, qui peuvent être contestées devant l’organisme supérieur, [TRADUCTION] «la participation de membres du sous-comité dans la décision finale peut être d’une validité douteuse». La considération importante dans l’espèce présente qui, à mon avis, prévaut sur la caractérisation des procédures disciplinaires comme étant une procédure à deux stades ou comme comportant une révision judiciaire, est que le comité de discipline n’a pas seulement tiré des conclusions de fait mais a également tiré des conclusions de culpabilité sur sept des plaintes déposées contre le procureur. Cela a été fait en conformité de l’al. c) du par. (1) de l’art. 33 et du par. (12) de l’art. 33 du Law Society Act, 1970 (Ont.), c. 19, et également en application du par. (6) de l’art. 13 du règlement 556 qui oblige le comité de discipline à [TRADUCTION] «faire à l’assemblé un rapport exposant un résumé de la preuve à l’audition, ses conclusions de fait et, le cas échéant, les conclusions qu’il a tirées d’après celles-ci sur le droit ainsi que ses recommandations quant aux mesures que doit prendre l’assemblé…». Dans l’al. c) du par. (1) de l’art. 33, il est question d’un aboutissement par le comité de discipline à la [TRADUCTION] «décision qu’il est coupable», et dans le par. (12) de l’art. 33 on emploie les termes du par (6) du règlement 13 précité, en mentionnant la [TRADUCTION] «décision…[contenant] les motifs…[lesquels] doivent contenir les conclusions de fait et, le cas échéant, les conclusions tirées d’après celles-ci sur le droit…». Bien plus, dans le par. (12) de l’art. 33 il est ensuite question de la signification à la personne concernée d’une copie de la décision et des motifs avec avis de son droit d’appel.

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On a fait grand état du fait que l’art. 39 de la Loi, en faisant mention d’un droit d’appel lorsqu’une réprimande a été recommandée, exclut expressément de la participation à l’audition de l’appel en assemblée un Bencher qui a siégé sur le comité de discipline. Il me semble que c’est avoir une conception curieuse, sinon invertie, de la maxime expressio unius, exclusio alterius que d’avancer que lorsqu’une pénalité plus grave qu’une simple réprimande est recommandée il n’y a pas d’exclusion. J’aurais pensé qu’il y en a une à fortiori, sans besoin de mention expresse; au pire, je considérerais qu’il y a eu un casus omissus qui implore l’intervention des tribunaux conformément aux principes acceptés du droit administratif. Bien entendu, j’ai déjà clairement fait voir que je ne vois pas à quoi servirait de pourchasser un fantôme conceptuel au détriment de l’examen de la question essentielle, une question à laquelle réponse est donnée par les termes de l’al. c) du par. (1) de l’art. 33, du par. (12) de l’art. 33 et du par. (6) du règlement 13.

Encore une fois, l’audition devant l’assemblée n’était pas une audition de novo, ni une audition dans laquelle l’assemblée se voyait présenter simplement des conclusions de fait. C’était une audition basée sur des conclusions de culpabilité que le procureur visé tentait d’infirmer et qu’on l’avait invité à contester lorsque la Law Society lui avait signifié l’avis que le rapport du comité de discipline et les conclusions de ce dernier seraient examinés par l’assemblée aux temps et lieux fixés. Le Lord Juge Widgery, tel était alors son titre, a fait ressortir dans l’arrêt Hannan v. Bradford City Council[2], à la p. 697 que dans un tel cas il est sans conséquence de déterminer si les procédures sont, strictement parlant, un appel.

La probabilité que des membres du comité de discipline se tiennent au-dessus de leurs conclusions pouvait être mieux assurée s’ils s’abstenaient de participer aux procédures d’assemblée qui devaient s’ensuivre. Qu’ils se doivent d’agir ainsi en droit me semble être plus évident quand c’est de la profession juridique constituée qu’il s’agit de scruter la conduite. Il est raisonnable

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de s’attendre que des avocats, lorsqu’ils agissent à titre d’autorité constituée de leur profession, soient des plus sensibles à l’application de la théorie sous-jacente aux principes de l’impartialité. En effet, que le droit fût ou non de leur côté — et je crois qu’il ne l’était pas — il aurait été très simple pour eux d’accéder à la demande du procureur que les membres du comité de discipline s’abstiennent de participer aux procédures consécutives à leurs rapports et conclusions de culpabilité. Un de ses membres s’est abstenu de son propre chef. De cette façon-là le litige prolongé que nous connaissons aurait pu être évité sans que la Law Society soit perdante sur le plan des principes ou de l’autorité.

Je ne pense pas que j’étende le concept de partialité au-delà de limites raisonnables en soutenant l’exclusion de membres d’un organisme-juge si ces derniers s’y présentent lorsque leurs noms sont liés à des conclusions de culpabilité antérieures qui sont l’objet même des délibérations. Ce n’est pas comme s’ils avaient servis à contrecœur et par nécessité pour le motif que sans eux il n’y aurait pas eu quorum. Le Law Society Act prescrit un nombre de Benchers plus que suffisant pour que ceux-ci puissent constituer un quorum sans la participation des membres du comité de discipline. Dans l’espèce présente, il y avait un nombre plus suffisant de Benchers pour un quorum et, même s’il n’y en avait pas, la ligne de conduite appropriée était d’ajourner les procédures jusqu’à ce qu’à ce qu’un quorum compétent soit présent.

Que le comité de discipline dans l’exercice de sa fonction statutaire ait été un organisme-juge, cela ressort clairement de la loi qui gouverne. Il ressort tout aussi clairement de ce statut que l’assemblée était engagée dans une fonction judiciaire lorsqu’elle a examiné le rapport, les conclusions et les recommandations du comité de discipline. Le procureur avait autant droit à une évaluation impartiale par l’assemblée que par le comité de discipline. Il aurait été impensable que le comité de discipline eût parmi ses membres une personne qui avait déposé l’une quelconque des accusations incriminant le pro-

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cureur: voir Leeson v. General Council of Medical Education & Registration[3]; et cf. Hurley v. Institute of Chartered Accountants of Manitoba[4], à la p. 368. Il est également impensable, en l’absence d’autorisation expresse, que l’assemblée pût inclure des membres qui avaient déjà taxé le procureur de culpabilité en tant que membres du comité de discipline. Celui qui juge ne peut régulièrement siéger dans des procédures ultérieures fondées sur son jugement pas plus qu’un accusateur ne peut siéger comme membre du tribunal qui instruit son accusation, sauf autorisation d’une loi. L’arrêt R. v. Law Society of Alberta, ex parte Demco[5] est un exemple d’un cas où il y avait une autorisation législative expresse que des membres d’un comité de discipline ou d’un comité d’enquête participent à des procédures subséquentes d’assemblée et y votent.

L’avocat de la Law Society a donné de l’importance à l’arrêt Re Dancyger and Alberta Pharmaceutical Association[6] et, de façon plus prononcée, à l’arrêt Re Merchant and Benchers of The Law Society of Saskatchewan[7]. Dans ni l’un ni l’autre de ces arrêts la loi pertinente n’a-t-elle parlé d’inclusion ou d’exclusion expresse de membres du comité d’enquête ou de discipline de la participation à des procédures subséquentes d’un conseil ou d’une assemblée. L’arrêt de la Division d’appel d’Alberta dans l’affaire Dancyger a été prononcé par M. le juge Johnson qui avait prononcé l’arrêt de la Division d’appel dans l’affaire Demco. Il suffit de noter, pour faire une distinction avec l’espèce présente, que la Cour dans l’affaire Dancyger a considéré qu’il n’y avait eu qu’un jugement, soit par le conseil, qui décidait de la culpabilité ou de l’innocence et était seul à imposer une sentence à la suite de l’étude du rapport de son comité d’enquête. Il y a dans les motifs des termes qui se rapportent à une caractérisation des procédures devant le conseil et distinguent

[Page 776]

entre les procédures d’appel et celles où l’on procède à une révision qui est quelque chose de moins qu’un appel. M. le juge d’appel Johnson semble avoir accepté la proposition qu’en l’absence d’une loi qui l’y autorise un membre d’un comité de décision ne peut siéger en appel de sa propre décision.

J’ai déjà indiqué que je ne pense pas que l’exclusion d’un membre doive reposer sur la question de savoir si, oui ou non, il y appel au sens strict. La question plus importante est de savoir si on a porté un jugement plutôt que simplement enquêté sur les faits. Qu’un jugement ait été porté dans l’espèce présente n’est pas en doute, et je ne suis pas d’accord que ce soit une réponse à l’exclusion du droit de siéger que de dire que le statut du procureur ne pouvait être modifié avant que l’assemblée ne prononce la peine. Le jugement de culpabilité porté en comité est la flétrissure qui soulève l’appréhension raisonnable de partialité si des membres du comité siègent dans l’assemblée qui examine le jugement porté par le comité et détermine la peine.

Si, donc, l’arrêt Dancyger se rapporte à un jugement porté en comité, je dirais qu’il est erroné sur le point que l’on discute. Je dis cela parce que la Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’affaire Merchant a cité l’arrêt Dancyger à l’appui de la proposition que des membres d’un comité de discipline qui a tiré une conclusion de culpabilité pour inconduite professionnelle n’ont pas par là été exclus du droit de siéger dans l’assemblée qui a étudié et accepté le rapport du comité contenant la conclusion de culpabilité et recommandant une peine.

L’affaire Merchant n’avait pas été décidée par la Cour d’appel de la Saskatchewan au moment où l’espèce présente était devant la Cour d’appel de l’Ontario, et donc nous devons examiner ici deux arrêts contradictoires rendus par des cours d’appel provinciales. J’interprète les motifs de l’arrêt Merchant comme portant encore une fois sur la distinction entre l’appel et une procédure unique en deux temps dans laquelle il y a une enquête et investigation suivie d’une étude des résultats de l’enquête. À mon avis, cette analyse

[Page 777]

omet de noter que la procédure de premier stade comportait un jugement de culpabilité, et, à mon avis, cela détruit la notion d’une procédure unique, si c’est cela que l’on entend considérer comme le facteur déterminant sur la question de la privation du droit de siéger.

Le scrupule qui doit être observé dans des procédures disciplinaires qui peuvent porter atteinte au gagne-pain est souligné par l’approche adoptée dans l’arrêt R. v. The Optical Board of Registration[8], rendu dans une affaire où le tribunal qui devait entendre une plainte a été jugé incompétent pour s’être mêlé de l’investigation y afférente et de l’obtention d’une preuve à son appui. Je suis d’accord avec la Cour suprême d’Australie-Méridionale, qui a rendu l’arrêt précité, que le fait qu’il y ait un droit d’appel à une cour, comme il y en a un en l’espèce présente, ne lève pas une exclusion touchant la composition du tribunal d’où l’appel peut être interjeté à la cour.

Je rejetterais le pouvoir de la Law Society avec dépens et rejetterais l’appel incident du procureur sans dépens.

Le jugement des juges Martland, Judson, Spence, Pigeon, Beetz et de Grandpré a été rendu par

LE JUGE SPENCE — Il s’agit d’un pourvoi à rencontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario prononcé le 28 septembre 1972. Par cet arrêt, ladite Cour rejetait un appel d’une ordonnance du juge Osler prononcée le 12 avril 1972. Par son ordonnance, le juge Osler avait annulé les procédures de l’assemblée des Benchers tenue le 20 Janvier 1972 et avait ordonné que le rapport du comité de discipline en date du 10 septembre 1971 soit remis à l’assemblée pour étude et décision hors la présence des membres du comité dont c’était le rapport.

Des plaintes en bonne et due forme avaient été déposées contre l’intimé par le secrétaire de la Law Society of Upper Canada. Il y avait treize plaintes en tout. Les plaintes ont été

[Page 778]

entendues par le comité de discipline de la Law Society. Ce comité de discipline était, au début, composé des Benchers suivants: M. Arthur Maloney c.r., qui est le président du comité de discipline, M. Nathan Strauss, c.r., M. Walter Harris, c.r., et M. Hyliard Chappel, c.r.

Or, il est arrivé que dans le cours de l’audition des plaintes, une élection de Benchers a été tenue à la suite de laquelle M. Hyliard Chappel, c.r., n’a pas été reconduit dans ses fonctions de Bencher. Par conséquent, il n’a pas pris part aux délibérations du comité après clôture de la preuve et réception des prétentions écrites de l’avocat de l’intimé. Le président et les deux autres membres restants du comité ont remis à la Society le rapport du comité en date du 10 septembre 1971 et dans ce rapport le comité de discipline conclut que sept des treize plaintes ont été établies. Le comité recommande que l’assemblée ordonne une suspension de trois mois. Le secrétaire de la Society a donné à l’intimé avis que le rapport du comité de discipline serait examiné en assemblée le 19 novembre 1971. Étant donné que le contenu de cet avis est de quelque importance, je le cite en entier:

[TRADUCTION] AVIS DE DÉCISION

DANS L’AFFAIRE DU The Law Society Act, 1970

ET DANS L AFFAIRE DE Stephen Charles French, c.r., de la ville de Toronto, avocat et procureur

A: STEPHEN CHARLES FRENCH, C.R., avocat et procureur

PRENEZ AVIS que la décision ci-annexée du comité de Benchers, en date du 10 septembre 1971, sera examinée par une assemblée convoquée de la Law Society à Osgoode Hall, Toronto, le vendredi 19 novembre 1971 à 10 h de l’avant-midi, sur quoi l’assemblée pourra accepter ou rejeter ladite décision et par ordonnance révoquer votre affiliation comme membre de la Society en vous radiant comme avocat et en rayant votre nom du Rôle des procureurs, ou suspendre vos droits et privilèges de membre de la Society pendant une période désignée, ou par ordonnance vous réprimander ou prendre les autres dispo-

[Page 779]

sitions qu’elle peut considérer appropriées dans les circonstances conformément au pouvoir à elle conféré par l’article 34 du The Law Society Act, 1970.

ET EN OUTRE PRENEZ AVIS que si vous entendez faire objection à une des conclusions de fait et conclusions de droit contenues dans la décision du comité avis de telle objection exposant les motifs d’objection doit être déposé auprès du secrétaire de la Law Society à Osgoode Hall, Toronto, aussitôt que possible mais pas plus tard que le jour précédant celui où l’affaire sera examinée par l’assemblée.

ET EN OUTRE PRENEZ AVIS que vous avez le droit de comparaître devant l’assemblée aux temps et lieux susdits avec ou sans avocat et d’exposer des prétentions relativement à la décision du comité et à toute ordonnance que peut rendre l’assemblée.

ET EN OUTRE PRENEZ AVIS qu’après que l’assemblée aura tranché l’affaire vous avez le droit d’en appeler à la Cour d’appel de toute ordonnance rendue par l’assemblée en vertu des pouvoirs à elle conférés par l’article 34 de The Law Society Act, 1970, cet appel devant être interjeté dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle on pourra vous avoir signifié l’ordonnance de l’assemblée, et être mené en la manière prescrite par l’article 44 de The Law Society Act, 1970.

L’intimé n’a pas signifié d’avis d’appel mais il a produit auprès de la Law Society un mémoire très long et détaillé traitant au long de l’affaire sur laquelle s’était penché le comité de discipline. Le procureur n’en a pas appelé de la décision du comité de discipline mais il a, le 13 janvier 1972, une semaine avant que l’affaire ne soit considérée par les Benchers en assemblée, écrit au secrétaire adjoint de Law Society et qui suit:

[TRADUCTION] Je dois souligner avec force qu’aucun de ces membres, soit MM. Harris, Maloney et Strauss, ne doivent être présents, ou participer de quelque façon que ce soit aux délibérations de l’assemblée.

Advenant que M. Chappell soit nommé avant cette date-là à un poste vacant, je réitère les mêmes vues en ce qui le concerne.

Lorsque l’affaire est venue devant l’assemblée le 20 janvier 1972, l’intimé a renouvelé son objection à la présence de MM. Strauss et

[Page 780]

Harris. M. Maloney n’était pas présent et M. Chappell n’avait pas été nommé à un poste vacant. L’avocat de la Law Society avança qu’il ne pouvait y avoir d’objection à ce que les Benchers qui avaient été membres du comité de discipline siègent pendant les délibérations de l’assemblée et l’assemblée délibéra alors et décida que MM. Strauss et Harris avaient le droit, et même le devoir, de participer à la continuation de l’enquête, qui devait avoir lieu devant l’assemblée. Le trésorier déclara qu’en conséquence MM. Strauss et Harris continueraient à participer aux délibérations.

Après avoir entendu, par le menu, les observations faites par l’intimé, l’assemblée a délibéré en l’absence de l’intimé et de l’avocat de la Law Society et ensuite, les ayant rappelés, a annoncé à ces derniers sa décision d’adopter les conclusions du comité de discipline, les informant que deux motions avaient été faites — l’une proposant que l’intimé soit suspendu en conformité de la recommandation du rapport du comité de discipline, et l’autre proposant que l’intimé soit radié. L’intimé a alors demandé un ajournement afin d’examiner sa position et, durant le cours de l’ajournement, il a demandé à la Cour suprême de l’Ontario d’annuler la décision de l’assemblée de même que la décision du comité de discipline. Le Juge Osler a accordé la demande afin seulement d’annuler la décision de l’assemblée et de renvoyer le rapport du comité de discipline à l’assemblée pour examen en l’absence des membres qui avaient soumis ce rapport.

La Law Society et l’intimé en ont tous deux appelé à la Cour d’appel. La Cour d’appel a rejeté les appels tant de l’intimé que la Law Society. L’intimé et la Law Society se sont pourvus en cette Cour par autorisation de la Cour accordée le 19 février 1973.

Le pourvoi de la Law Society of Upper Canada est basé sur la prétention que le juge Osler a commis une erreur lorsqu’il a conclu que selon l’interprétation appropriée des dispositions du Law Society Act et des règlements

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d’application les membres du comité de discipline n’avaient pas le droit de siéger comme Benchers en assemblée lorsqu’on examinait leur rapport. J’ai l’intention de traiter d’abord de ce pourvoi-là.

Les articles pertinents du Law Society Act, statuts de l’Ontario de 1970, c. 19, ont de l’importance, et je cite ci-après l’art. 33, par. (12), et les art. 34, 37 et 39.

[TRADUCTION] 33. (12) La décision prise après une audition doit être par écrit et elle doit contenir les motifs de la décision ou en être accompagnée; ces motifs doivent contenir les conclusions de fait et, le cas échéant, les conclusions tirées d’après celles‑ci sur le droit, et une copie de la décision et des motifs de décision, avec avis exposant à la personne dont la conduite est l’objet d’enquête son droit d’aller en appel, sera signifiée à celle-ci dans les trente jours suivant la date de la décision.

34. Si un membre est, après enquête appropriée menée par un comité d’assemblée, trouvé coupable d’inconduite professionnelle ou de conduite dérogatoire à la dignité d’un avocat et procureur, l’assemblée peut par ordonnance révoquer son affiliation de membre de la Society en le radiant comme avocat et en rayant son nom du Rôle des procureurs ou peut par ordonnance suspendre ses droits et privilèges de membre pour une période désignée ou peut par ordonnance le réprimander ou peut par ordonnance prendre les autres dispositions qu’elle considère appropriées dans les circonstances.

...

37. Si un comité d’assemblée conclut qu’un membre s’est rendu coupable d’une inconduite professionnelle ou conduite dérogatoire à la dignité d’un avocat et procureur qui à son avis ne va pas jusqu’à donner lieu à radiation, suspension ou réprimande en assemblée, le comité peut par ordonnance le réprimander.

...

39. (1) Le membre trouvé coupable en vertu de l’article 37, ainsi que le membre étudiant qui a été trouvé coupable en vertu de l’article 38, peuvent, lorsque le comité a ordonné une réprimande en comité, interjeter appel à l’assemblée de l’ordonnance de réprimande dans les quinze jours à compter de la date de signification de l’ordonnance du comité.

(2) L’appel en vertu du présent article est formé par requête, dont avis est signifié au secrétaire, et le dossier est constitué de la copie des procédures devant le comité, de la preuve prise, du rapport du

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comité et de toutes les décisions, conclusions et ordonnances du comité.

(3) Lors de l’audition d’un appel en vertu du présent article, l’assemblée peut modifier la punition imposée par le comité ou peut renvoyer l’affaire ou une partie de l’affaire à un comité, avec les directives qu’elle considère appropriées, ou peut rendre l’ordonnance qu’elle considère appropriée dans les circonstances.

(4) Nul Bencher qui a fait partie du comité d’assemblée à l’époque de l’ordonnance dont appel ne doit participer de quelque façon à l’audition de l’appel en assemblée.

(5) Sous réserve de l’article 44, la décision de l’assemblée en vertu du présent article est finale et non sujette à appel subséquent.

L’avocat de la Law Society a présenté ses prétentions de façon alternative. Premièrement, même si les procédures en assemblée du 20 janvier 1972 ont équivalu à un appel de la décision du comité de discipline, rien dans le droit commun n’empêche les membres de ce comité de discipline de siéger en assemblée et d’examiner le présumé appel et, de plus, un tel droit découle de toute manière implicitement des dispositions de la loi que j’ai citée ci-dessus. Deuxièmement, l’avocat prétend que les procédures en assemblée n’étaient pas du tout un appel mais simplement une révision par l’assemblée d’un rapport de son comité et que les procédures étaient, en fait, destinées à être en deux stades: (1) une audition par le comité de discipline et une décision par ce comité-là et le rapport de cette décision à l’assemblée ensuite, devant laquelle le deuxième stade devait se dérouler.

Indépendamment des dispositions du Law Society Act, je doute sérieusement que, si les procédures devant l’assemblée étaient un appel, les membres du comité de discipline qui avaient rendu la décision eussent le droit de siéger en assemblée lors de cet appel. il est vrai qu’il y a longtemps il n’y avait pas en Common Law de prohibition contre le cumul de fonctions judiciaires et que des changements ont été apportés par les lois que l’avocat de l’appelante mentionne, soit le Judicature Act en Angleterre, le Judicature Act ontarien et la Loi sur la Cour

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surprime du Canada. Je suis d’avis qu’il y a maintenant des précédents modernes qui, indépendamment des lois, pourraient tendre à indiquer qu’un tel cumul constitue de la partialité ou de l’occasion de partialité propre à rendre les procédures contraires à la justice naturelle et je crois que la décision de cette Cour dans l’affaire King c. University of Saskatchewan[9] doit être comprise comme s’appliquant seulement à ses faits particuliers. Parlant pour la Cour dans cette décision-là, j’ai dit à la p. 690:

[TRADUCTION] Il faut noter que ces décisions traitent toutes soit d’appels interjetés d’un organisme administratif à un autre soit d’appels interjetés au juge de paix à l’encontre d’un comité d’octroi de permis. A mon avis, elles ne peuvent s’appliquer à la situation présente. Tous ces organismes étaient des organismes universitaires. Il était inévitable qu’il y ait cumul en passant d’un organisme à un autre; ainsi, il était parfaitement régulier que le président de l’université soit un membre du comité d’appel spécial qu’il a constitué pour examiner l’appel qui lui avait été originairement interjeté. De même, personne n’était plus apte à présider l’exécutif du conseil du corps enseignant que ne l’était le principal membre de ce corps, c’est-à-dire, le président. Et finalement, le président de l’université en tant que vice-chancelier devait, de par la loi constitutive, être un membre du comité d’appel du sénat. Les autres cumuls sont par des personnes accomplissant leurs devoirs ordinaires en tant que membres du corps professoral de l’université de la Saskatchewan.

Il était significatif qu’aucun membre d’aucun des organismes n’était un membre du corps enseignant de la faculté de droit, et que lorsque le doyen ou des membres de ce corps enseignant se sont présentés à l’un ou l’autre des organismes ils se sont retirés avant le vote. Je suis d’avis que, dans des affaires telles que celles qui intéressaient les divers organismes universitaires ici, un cumul était régulier et chose à laquelle on devait s’attendre, et je ne suis pas prêt à convenir qu’un tel cumul entraînerait une partialité quelconque ou constituerait une violation de la justice naturelle.

Une étude des dispositions du Law Society Act, cependant, me porte à la conclusion que le cumul par des membres du tribunal en première instance et en appel en l’espèce présente a été,

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de toute manière, implicitement accepté par la législature.

Premièrement, je me reporte au par. (12) de l’art. 34 et note que la décision après l’audition doit être par écrit et qu’une copie de la décision prise à la suite de l’audition doit être, avec avis exposant à la personne dont la conduite fait l’objet d’une enquête son droit d’en appeler, signifiée à cette personne. Par conséquent, la législature a envisagé un appel par le procureur dont la conduite fait l’objet d’une enquête et il s’agissait là d’un appel à l’encontre de la décision du comité de discipline. Il n’y a dans la loi aucune autre mention d’un appel à rencontre d’une décision du comité de discipline. L’article 44 donne un droit d’appel à toute personne qui n’est satisfaite de la décision de l’assemblée mais ne s’applique en aucune façon à un appel à l’encontre de la décision du comité de discipline. Il n’y a, de plus, dans la loi, aucune mention de l’organisme auquel la personne dont la conduite fait l’objet d’une enquête peut interjeter appel, bien que je pense qu’il doive être compris que l’appel est interjeté à l’assemblée à l’encontre de la décision du comité de discipline. L’article 55 du Law Society Act prévoit, en partie, ceci:

[TRADUCTION] 55. Sous réserve de l’approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, l’assemblée peut faire des règlements concernant toute matière qui n’est pas visée par les pouvoirs de réglementation spécifiés dans l’article 54 et, sans limiter la généralité de ce qui précède,

1. concernant toute matière accessoire aux dispositions de la présente loi relativement à l’admission, à la conduite et à la discipline des membres et des membres étudiants et à la suspension et au rétablissement de leurs droits et privilèges, à la révocation des qualités de membre et de membre étudiant, à la démission, et à la réadmission d’anciens étudiants et de membres étudiants;

Il semblerait que se fondant sur ses pouvoirs la Law Society ait édicté ce qu’elle a désigné comme étant le Reg. 556, R.R.O. 1970 et le par (7) de l’art 13 prévoit ceci:

[TRADUCTION] 13. (7) Le secrétaire doit,

a) préparer le rapport mentionné au paragraphe 6 pour approbation par le comité, et l’approbation

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du comité sera attestée par la signature qu’apposera sur le rapport le membre du comité qui a présidé l’audition ou en son absence qu’apposera un autre membre du comité qui était présent à l’audition; et

b) signifier au membre dont la conduite fait l’objet d’une enquête une copie du rapport ainsi approuvé, un avis des temps et lieux de l’assemblée qui examinera le rapport, une convocation le sommant d’être présent à l’assemblée et un avis rédigé substantiellement comme suit:

«Si vous entendez contester une énonciation de fait ou conclusion de fait contenue dans le rapport ci-joint du comité de discipline au moment où il sera examiné par l’assemblée, vous êtes requis de produire auprès du secrétaire pas plus tard que le jour précédent l’assemblée une déclaration écrite exposant quelle énonciation de fait ou conclusion de fait vous entendez contester.»

Donnant suite à cet avis, l’appelant a produit auprès de la Law Society une déclaration longue et détaillée exposant sa position et qui concluait comme suit:

[TRADUCTION] Il est, par conséquent, respectueusement avancé que toutes les accusations que le comité a jugées établies doivent être jugées par l’assemblée comme non établies et être rejetées.

Il est, peut-être, de quelque importance que nulle part dans l’art. 13 la procédure est-elle mentionnée comme étant un appel à rencontre d’une décision du comité de discipline mais plutôt la décision du comité de discipline est désignée comme étant un rapport et l’avis a trait au droit du procureur de contester une conclusion de fait contenue dans le rapport.

Il faut remarquer que par l’art. 39 du Law Society Act un membre ou un étudiant qui a été trouvé coupable par le comité de discipline et qui a été réprimandé par ce comité se voit octroyé un droit d’appel spécifique et par le par. (4) de cet article il est prévu qu’aucun Bencher qui a siégé sur le comité de l’assemblée à l’époque de l’ordonnance dont appel ne doit participer à l’audition de l’appel en assemblée. Il semblerait qu’il y a lieu ici d’appliquer le maxime expressio unius est exclusio alterius. Il serait difficile de comprendre pourquoi les législateurs sembleraient octroyer un droit d’appel au par.

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(12) de l’art. 33 et resteraient silencieux sur la question de savoir si des membres du comité de discipline peuvent se joindre à l’assemblée lors de cet appel puis ensuite créer un droit d’appel spécifique à l’art. 39 et interdire spécifiquement aux membres du comité de discipline de siéger lors de l’appel. Pour cette raison, je suis enclin à opiner que si les procédures étaient un appel alors néanmoins les membres du comité de discipline pouvaient siéger en assemblée lors de l’audition de cet appel.

Je suis, cependant, beaucoup impressionné par l’argument subsidiaire de l’avocat de la Law Society. J’ai déjà signalé que l’appelant n’a pas prétendu interjeter appel à l’encontre d’une décision du comité de discipline. La Law Society lui a simplement, conformément à la règle que j’ai déjà citée, envoyé un avis lui notifiant le moment où l’assemblée devait examiner le rapport du comité de discipline et lui notifiant aussi son droit de faire objection à ce rapport.

Après les procédures en assemblée du 20 janvier 1972, le trésorier a annoncé la décision de l’assemblée dans les termes suivants:

[TRADUCTION] L’assemblée a par vote accepté la décision du comité de discipline. En conséquence vous avez été trouvé coupable d’inconduite professionnelle telle qu’exposée dans le rapport du comité de discipline.

Les Benchers d’assemblée sont tous des avocats versés dans l’art de leur profession. Si l’on avait voulu rejeter l’appel, des termes appropriés auraient été utilisés.

Le juge Osler a été d’avis que les procédures en assemblée étaient de la nature d’un appel encore que, peut-être, non autorisées. En venant à cette conclusion, il a examiné diverses autorités, entre autre, Re Glassman and Council of the College of Physicians and Surgeons[10], R. v. Alberta Securities Commission, Ex parte Albrecht[11] et Re Dancyger and Alberta Pharma-

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ceutical Association[12]. Il est regrettable que ni le juge Osler ni la Cour d’appel de l’Ontario n’aient eu la chance d’examiner la décision de la Cour d’appel de Saskatchewan rendu dans l’affaire Re Merchant and Benchers of the Law Society of Saskatchewan[13] Dans cette décision, le juge en chef Culliton a donné les motifs de la Cour et, bien qu’une décision de l’assemblée ait été cassée sur d’autres motifs, a statué que la présence à l’assemblée des membres du comité de discipline qui avait examiné l’accusation d’inconduite et fait rapport que cette accusation était bien fondée et avait recommandé que le procureur soit réprimandé, n’était pas un motif de cassation de la décision de l’assemblée. Le juge en chef a dit, aux pp. 180 et 181:

[TRADUCTION] A mon avis, l’enquête et la décision finale en matière de plainte portée en vertu du Legal Profession Act, R.S.S. 1965, c. 301, constitue une procédure unique dans laquelle il y a deux stades: Premièrement, l’enquête et l’investigation par le comité de discipline, qui donnent lieu à un rapport aux Benchers; et deuxièmement, l’examen du rapport par les Benchers en assemblée et la décision de ces derniers sur le rapport. Cela étant, je ne puis voir aucune raison de prétendre que les Benchers qui étaient membres du comité de discipline seraient empêchés de participer aux délibérations des Benchers en assemblée: Re Dancyger and Alberta Pharmaceutical Association (1970), 17 D.L.R. (3d) 206, [1971] 1 W.W.R. 371; Banks v. Hall, [1941] 4 D.L.R. 217, [1941] 2 W.W.R. 534.

Les dispositions de la loi considérées par le juge en chef de la Saskatchewan dans l’affaire Merchant étaient exactement équivalentes aux dispositions du Law Society Act de l’Ontario qui régissent le pourvoi. On verra que le juge en chef de la Saskatchewan a adopté l’avis de la Division d’appel de l’Alberta exprimé dans l’arrêt Dancyger and Alberta Pharmaceutical Association, supra, et je suis persuadé que c’est là un avis qu’il convient d’adopter en ce pourvoi. Il est vrai qu’en vertu des dispositions du par. (12) de l’art. 33 du Law Society Act, le comité de

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discipline rend une décision mais, en vertu de l’art. 34 si un membre est trouvé coupable d’inconduite professionnelle après enquête régulière menée par un comité d’assemblée, c.‑à‑d., le comité de discipline, c’est l’assemblée seule qui peut prendre la mesure disciplinaire qui s’impose lorsqu’il ne s’agit pas seulement d’une simple réprimande en comité permise par les dispositions de l’art. 37.

Je suis venu à la conclusion que ce que visent les art. 33 et suiv. du Law Society Act de l’Ontario est la même procédure en deux temps que celle qui a été jugée exister en Alberta dans l’affaire Dancyger et en Saskatchewan dans l’affaire Merchant.

Dans la présente affaire, comme dans ces deux affaires-là, les membres du comité n’étaient dans aucune acception des termes des accusateurs ou des poursuivants. L’accusateur en l’espèce présente était Kenneth Jarvis, le secrétaire de la Law Society of Upper Canada, et les procédures ont été amorcées par sa déclaration sous serment souscrite le 6 janvier 1971. Les membres du comité de discipline ont agi uniquement à des fins d’enquête et de rapport. Le comité a également fait une recommandation mais je ne suis pas prêt à convenir qu’une telle mesure ait changé de quelque façon leur fonction de celle d’enquêteur et de rapporteur à celle de poursuivant. Dans ces circonstances, des décisions telles que les arrêts Law v. Chartered Institute of Patent Agents[14], Frome United Breweries Company Limited and Keepers of the Peace and Justices for County Borough of Bath[15], ainsi que les nombreux arrêts qui y sont discutés, ne s’appliquent pas.

Par conséquent, pour résumer quant au pourvoi de la Law Society, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi à la fois pour le motif qu’en vertu des dispositions de la Loi si les procédures en assemblée étaient un appel alors il était régulier pour les membres du comité de discipline de siéger en assemblée et aussi pour le motif que à mon avis la procédure n’était pas un appel et,

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par conséquent, il n’y avait aucun empêchement à ce que les Benchers qui étaient membres du comité de discipline siègent en assemblée pour l’étude du rapport de ce comité de discipline. Étant donné que le pourvoi de M. French est basé sur la proposition que non seulement on doit annuler la décision de l’assemblée mais également annuler la décision du comité de discipline plutôt que simplement la renvoyer à l’assemblée pour une nouvelle étude, il n’y a pas lieu d’examiner le pourvoi vu la conclusion à laquelle je suis arrivé. La Law Society a droit à ses dépens dans toutes les cours.

Pourvoi accueilli avec dépens dans toutes les cours, pourvoi incident rejeté, le juge en Chef LASKIN et les juges RITCHIE et DICKSON étant dissidents.

Procureurs de l’appelante: Manning, Bruce, Macdonald et Macintosh, Toronto.

[1] [1972] 2 O.R.766.

[2] [1970] 2 All E.R. 690.

[3] (1889), 43 Ch. D. 366.

[4] (1949), 93 C.C.C. 345.

[5] (1967), 64 D.L.R. (2d) 140.

[6] (1970), 17 D.L.R. (3d) 206.

[7] (1972), 32 D.L.R. (3d) 178.

[8] [1933] S. Aust. St. R. 1.

[9] [1969] R.C.S. 678.

[10] [1966] 2 O.R. 81.

[11] (1963), 36 D.L.R. (2d) 199.

[12] (1970), 17 D.L.R. (3d) 206.

[13] (1972), 32 D.L.R. (3d) 178.

[14] [1919] 2 Ch. 276.

[15] [1926] A.C. 586 (H.L.).


Parties
Demandeurs : Law Society of Upper Canada
Défendeurs : French
Proposition de citation de la décision: Law Society of Upper Canada c. French, [1975] 2 R.C.S. 767 (11 octobre 1974)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1974-10-11;.1975..2.r.c.s..767 ?
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