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31/01/1973 | CANADA | N°[1974]_R.C.S._31

Canada | Paterson & Sons Ltd. c. St. Lawrence Corp. Ltd., [1974] R.C.S. 31 (31 janvier 1973)


Cour suprême du Canada

Paterson & Sons Ltd. c. St. Lawrence Corp. Ltd., [1974] R.C.S. 31

Date: 1973-01-31

N.M. Paterson & Sons Ltd. (Demanderesse) Appelante;

et

St. Lawrence Corporation Limited (Défenderesse) Intimée.

1972: le 31 octobre; 1973: le 31 janvier.

Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Abbott, Judson, Hall et Pigeon.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d’un jugement de la Cour du banc de la reine, province de Québec, infirmant un jugement de la Cour supérieure. Appe

l et appel incident rejetés.

T. Bishop, pour la demanderesse, appelante.

D.H. Wood, pour la défenderesse, in...

Cour suprême du Canada

Paterson & Sons Ltd. c. St. Lawrence Corp. Ltd., [1974] R.C.S. 31

Date: 1973-01-31

N.M. Paterson & Sons Ltd. (Demanderesse) Appelante;

et

St. Lawrence Corporation Limited (Défenderesse) Intimée.

1972: le 31 octobre; 1973: le 31 janvier.

Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Abbott, Judson, Hall et Pigeon.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d’un jugement de la Cour du banc de la reine, province de Québec, infirmant un jugement de la Cour supérieure. Appel et appel incident rejetés.

T. Bishop, pour la demanderesse, appelante.

D.H. Wood, pour la défenderesse, intimée.

[Page 33]

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE PIGEON — Dans la présente affaire, l’appelante N.M. Paterson & Sons Ltd. (Paterson) a intenté une action contre l’intimée St. Lawrence Corporation Limited (St. Lawrence) en vue d’obtenir une somme totale de $43,221.77 pour dommages et frais découlant d’un accident subi par un nommé Gregory à Cleveland (Ohio) à bord de son navire, le «Lawrendoc», qu’elle avait frété à St. Lawrence. La Cour supérieure a fait droit à la demande jusqu’à concurrence de la somme de $40,014.06. La Cour d’appel a réduit ce montant à $20,007.03 en concluant à la négligence contributive du réclamant Gregory. Devant cette Cour, Paterson demande que le jugement de la Cour de première instance soit rétabli. Dans un pourvoi incident, St. Lawrence demande le rejet complet de l’action.

Paterson a frété le «Lawrendoc» à St. Lawrence par un contrat de charte-partie signé le 15 juillet 1957 pour le transport entre Trois-Rivières (Québec) et Cleveland (Ohio) ou Detroit (Michigan) de cargaisons complètes de rouleaux de papier journal [TRADUCTION] «à être chargées, arrimées et déchargées sans risque ou dépense pour le navire». La charte stipulait en outre: [TRADUCTION] «le bois d’arrimage nécessaire au chargement du papier journal sera fourni, mis en place pour le chargement et enlevé sans dépense pour les propriétaires». Alors que le «Lawrendoc» se trouvait à Cleveland le 2 décembre 1957, un nommé Charles F. Gregory, employé d’une entreprise locale d’arrimage qui s’occupait du déchargement pour le compte de St. Lawrence, a subi un accident à bord du navire. On a prétendu que l’accident avait été causé par une défectuosité du bois d’arrimage que l’arrimeur de St. Lawrence avait mis entre l’extrémité supérieure du premier rang de rouleaux de papier journal placés debout dans la cale et un appui en bois de même hauteur sur le flanc du navire. Ce bois d’arrimage était constitué de planches de bois brut d’un pouce d’épaisseur et de largeurs différentes, séparées par un espace. Une de ces planches a cédé sous le poids de Gregory qui est

[Page 34]

tombé au fond de la cale. Le 11 juillet 1958, il a intenté une poursuite en la Cour de district des États-Unis, réclamant à Paterson, en tant que propriétaire du navire, des dommages‑intérêts de $135,000. Le 10 décembre 1958, les procureurs de Paterson à Montréal avisaient St. Lawrence de cette réclamation. Dans une lettre datée du 5 février 1959, St. Lawrence répondait comme suit:

[TRADUCTION] A notre avis, étant donné le retard avec lequel vous nous avez avisés et le préjudice que nous a causé ce retard, notre compagnie est libérée et déchargée de toute obligation qu’elle aurait pu avoir envers votre client relativement à cette affaire.

Sur l’avis de son avocat, Paterson a négocié un règlement et le 30 mars 1959, une stipulation a été signée dans les termes suivants, l’exposé des faits étant omis:

[TRADUCTION] EN FOI DE QUOI, dans la cause susmentionnée, les parties, par l’entremise de leurs procureurs respectifs, stipulent et conviennent que l’ordonnance suivante soit rendue dans l’action:

«La réclamation de Charles F. Gregory est réglée et rejetée avec préjudice, les dépens étant à la charge de la défenderesse et demanderesse en garantie N.M. Paterson & Sons Limited.

La requête de l’intervenante New Amsterdam Casualty Company est réglée et rejetée avec préjudice, les dépens étant à la charge de la défenderesse et demanderesse en garantie N.M. Paterson & Sons Limited.

Ni le règlement ni le rejet de la réclamation susmentionnée ou de la requête de l’intervenante ne seront au préjucice des droits de N.M. Paterson & Sons Limited et des droits de Nicholson Cleveland Terminal Company relativement à l’appel en garantie ou à la demande reconventionnelle entre Nicholson Cleveland Terminal Company et N.M. Paterson & Sons Limited dans l’affaire susmentionnée.

Il y a renonciation quant à tous les frais de procédure.

De la somme de trente-cinq mille dollars ($35,000) payée au demandeur Gregory en règlement de sa demande par N.M. Paterson & Sons Limited, le demandeur Gregory devra remettre à l’intervenante New Amsterdam Casualty Company la somme de quatre mille cinq cent quarante-deux dollars et 77 cents ($4,542.77) ou toute autre

[Page 35]

somme qui peut être due à New Amsterdam Casualty Company ou à Nicholson Cleveland Terminal Company en remboursement des paiements qu’elles ont faits pour couvrir les frais médicaux et l’indemnité en vertu de la loi dite Longshoremen’s and Harbor Workers’ Compensation Act, telle que modifiée. En recevant ce paiement, elles seront toutes deux censées avoir renoncé à tout droit de recouvrer ladite somme de ladite N.M. Paterson & Sons Limited, de ses successeurs et ayants droit, de son navire le Lawrendoc, de ses officiers, équipage, agents et assureurs; les règlements ou la présente déclaration ne devront pas non plus être interprétés comme un consentement ou une approbation donnée en vertu du paragraphe g) de l’article 33 de la loi dite Longshoremen’s and Harbor Workers’ Compensation Act, telle que modifiée (33 U.S.C.A par. 933 g)).

Cette dernière stipulation a été approuvée par un Juge de la Cour de District des États-Unis qui a apposé sa signature au-dessous de l’inscription [TRADUCTION] «IL EN EST AINSI ORDONNÉ».

Le 18 février 1960, Paterson a intenté l’action en Cour supérieure alléguant la charte-partie, l’accident et le règlement. Dans cette action, il était aussi allégué que St. Lawrence avait été avisée du règlement par une lettre envoyée avant qu’il soit effectué et, dans la défense, il a été admis que cette lettre avait été reçue.

Au procès, on a produit de nombreux éléments de preuve, obtenus en grande partie au moyen d’une commission rogatoire. Cette preuve porte sur les faits entourant l’accident, l’étendue des blessures, etc. On a aussi prouvé la loi pertinente des États-Unis. Il est clair qu’il y a amplement d’éléments de preuve pour appuyer la conclusion du juge de première instance selon laquelle l’action intentée par Gregory à Paterson était valide quant aux dommages qu’il avait subis à cause du bois d’arrimage défectueux.

A ce sujet, la seule question soulevée à l’audition est la prétention de l’avocat de St. Lawrence selon laquelle, en vertu du droit maritime des États-Unis, Paterson ne serait pas responsable des dommages résultant du bois d’arrimage

[Page 36]

défectueux, celui-ci ne faisant pas partie du navire et ne constituant pas une passerelle. Cette prétention a été fondée uniquement sur des définitions de dictionnaires. Elle ne peut être retenue en raison de la preuve déposée au procès, selon laquelle, en vertu du droit maritime des États-Unis, [TRADUCTION] «le propriétaire du navire a l’obligation absolue et non susceptible de délégation, envers l’arrimeur, de fournir un navire et un gréement à tous points de vue en bon état de navigabilité — le bon état de navigabilité signifiant que le navire ou le gréement en question convient raisonnablement aux fins auxquelles il est destiné», et [TRADUCTION] «que le propriétaire du navire sera responsable du gréement défectueux, même si un tiers l’a apporté à bord de son navire.» Il a été admis que la «banquette» que les arrimeurs devaient mettre en place pour charger les rouleaux de papier journal faisait partie du navire quant aux débardeurs. Aucune distinction n’est possible; le contrat emploie l’expression «bois d’arrimage» pour le tout. Le témoin Yanik a dit:

[TRADUCTION] certains les appellent des banquettes, d’autres des plates-formes et d’autres du bois d’arrimage.

Quant au mauvais état de la planche, le juge de première instance a tiré la conclusion suivante sur une question de fait:

Cette planche, qui faisait partie d’un ensemble constituant un véritable trottoir longeant le côté de la cale, à cause de sa mauvaise condition, apparente pour qui l’avait choisie et placée, mais inapparente et imprévisible pour qui pouvait normalement l’utiliser, a été la cause véritable, immédiate et directe de la chute et des dommages qui en ont résulté pour Gregory.

La Cour d’appel a statué que Gregory était coupable de négligence contributive, M. le Juge d’appel Choquette déclarant:

Les circonstances de l’accident ayant été établies hors de Cour, par commission rogatoire, nous sommes dans la même position que le juge de première instance pour apprécier les témoignages rendus sur la cause de l’accident.

Le juge de première instance tient pour prouvé que la loi du lieu attribue «un caractère d’innavigabilité à un vaisseau, non seulement à sa structure et à sa

[Page 37]

machinerie, mais encore à la cargaison et au fardage, toutes choses pouvant devenir causes de danger au cours du chargement, de la navigation ou du déchargement». Sans contester cette proposition, je ne vois rien qui libère la victime de sa part de responsabilité si, par son imprudence ou sa négligence, elle a elle-même contribué au dommage. Or, le dossier révèle, à mon avis, que Gregory a contribué au moins pour moitié à l’accident qui lui est arrivé, et qu’il n’a rapporté que sept mois plus tard à l’intimée. La planche qui se serait rompue sous son poids faisait partie d’un ensemble à claire-voie destiné à supporter les rouleaux de papier les uns au-dessus des autres, spécialement dans l’espace formé par l’élargissement de la coque. Comme la marchandise avait déjà été enlevée dans cette partie de la cale, la victime n’avait nullement besoin de marcher sur ces planches pour accomplir son travail…

Dans son rapport à la Federal Security Agency Bureau of Employees’ Compensation en date du 4 décembre 1957, Gregory ne parle pas de «planks used as walkway on the cargo». Il se contente de dire: «While I was walking on board used as dunnage one broke causing me to fall striking my right leg and groin». Dans Webster’s New Collegiate Dictionary, “dunnage” est défini: «Loose material used around a cargo to prevent damage». Avec son expérience de plusieurs années dans le métier, Gregory ne pouvait ignorer le danger de marcher sur ces planches mobiles, même s’il n’en avait pas été averti.

Dans les circonstances, j’attribuerais à Gregory la moitié de la responsabilité.

Aucun argument valable n’a été opposé à ces conclusions unanimes de la Cour d’appel et les moyens invoqués sont essentiellement que le règlement fait aux États-Unis et le jugement s’y rapportant sont déterminants quant à l’étendue de la responsabilité de Paterson envers Gregory. On a fait valoir cette prétention en se fondant essentiellement sur le motif que telle serait la situation en vertu de la loi des États-Unis selon la preuve déposée au procès.

Cet argument repose sur une conception erronée de la mesure dans laquelle s’applique la loi des États-Unis. Il est vrai que l’accident s’étant produit à l’étranger, ses conséquences juridiques doivent être déterminées par la loi du lieu où il s’est produit. En outre, vu qu’une action a été intentée contre Paterson devant un tribunal étranger compétent, la détermination des dom-

[Page 38]

mages-intérêts est soumise aux règles de ce tribunal. Cependant, la réclamation contre St. Lawrence est fondée sur les dispositions de la charte-partie, un contrat passé au Québec et régi par la loi du Québec. Il n’est pas nécessaire de considérer quelle aurait été la situation si Paterson avait appelé en garantie St. Lawrence devant la Cour de district des États-Unis, comme elle l’a fait pour l’employeur de Gregory. Tel n’est pas le cas. Paterson s’est bornée à donner, bien des mois après, un avis qui a été suivi d’une autre lettre annonçant le règlement prochain. En vertu de la loi du Québec, l’art. 178 (autrefois l’art. 210) du Code de procédure civile, la défense qui aurait pu être faite à l’encontre de l’action originaire peut être opposée à la poursuite basée sur un jugement rendu hors du Canada. Puisqu’il en est ainsi quand une personne condamnée était partie aux procédures, a fortiori, il doit en être de même à l’égard d’une personne qui n’a pas été poursuivie devant le tribunal étranger. Il n’est donc pas nécessaire de décider si le règlement approuvé par la Cour de district doit être considéré comme un jugement ou une transaction ayant entre les parties, en vertu de l’art. 1920 du Code civil, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Même s’il fallait le considérer comme un jugement, il n’est pas déterminant.

Bien qu’en droit, la situation entre Paterson et St. Lawrence soit quelque peu analogue à celle d’un assuré et d’un assureur qui nie toute obligation, il faut tenir compte du fait que les dispositions de la charte-partie ne sont pas celles d’une police d’assurance-responsabilité, laquelle exige un avis immédiat à l’assureur. De plus, l’assureur est autorisé à effectuer des règlements, ce qui est interdit à l’assuré sans le consentement de l’assureur. En l’espèce, il ne s’agit que d’un engagement de charger, d’arrimer et de décharger la cargaison sans risque ni dépense pour le navire. Cette disposition mise à part, il n’y aurait aucune responsabilité, la pièce de bois d’arrimage défectueuse ayant été mise en place non par St. Lawrence, mais par un entrepreneur indépendant, l’entreprise d’arrimage qui a fait le chargement à Trois-Rivières.

[Page 39]

La quittance signée par Gregory sur réception de la somme convenue avec Paterson visait également ses officiers et son équipage, et on a prétendu qu’étant donné que St. Lawrence avait le droit de bénéficier de tout recours contre des tiers, pareille quittance empêchait l’exercice du présent recours. Cet argument est faux parce qu’envers Paterson et ses employés, la position de St. Lawrence est celle de débiteur principal. Dans l’arrêt Court Line Ltd. v. Canadian Transport Company Ltd.[1], la Chambre des Lords a statué que quand, en vertu d’une charte-partie, les affréteurs doivent [TRADUCTION] «charger, arrimer et balancer la cargaison à leurs frais sous la surveillance du capitaine», l’obligation est d’abord [TRADUCTION] «imposée aux affréteurs et s’ils désirent se libérer de cette obligation, ils doivent… obtenir un jugement qui impose la responsabilité au capitaine et non à eux». En l’espèce, comme dans cette dernière affaire, il n’y a aucun jugement semblable ni aucune preuve susceptible de fonder un tel jugement. Par conséquent, St. Lawrence ne peut se plaindre de la quittance obtenue de Gregory.

On a aussi allégué que la somme convenue avec Greogory tenait compte de la possibilité d’une négligence contributive. La réponse à cette prétention est que la convention est res inter alios acta. Le recours exercé n’est pas mieux fondé que si Gregory poursuivait lui-même St. Lawrence devant les tribunaux du Québec. Il est clair, d’après le jugement du juge de première instance, que l’évaluation qu’il a faite de tous les dommages subis par Gregory n’était pas supérieure à la somme versée par Paterson. La Cour d’appel a qualifié ce montant de «généreux» et l’a donc réduit de moitié en concluant à la négligence contributive conformément à la loi pertinente des États-Unis, telle qu’elle a été prouvée.

Finalement, on a fait valoir que l’action était prescrite. À ce sujet, un examen approfondi des précédents n’est pas nécessaire. L’arrêt Trem-

[Page 40]

blay c. Bouchard[2] a établi clairement le principe applicable. La prescription d’un droit d’action commence à courir au moment de la naissance du droit d’action. Bien qu’une action en garantie simple puisse être intentée avant qu’un jugement soit rendu sur l’action principale, personne n’est tenu de recourir à cette procédure. Le recours dont on se prévaut en l’espèce est l’action récursoire qui ne peut être intentée avant qu’une décision finale ait été rendue dans l’action principale, par jugement ou par transaction. Il importe peu de savoir si le règlement intervenu dans la présente affaire doit être considéré comme un jugement ou comme une transaction parce que la présente action a été intentée moins d’un an plus tard.

On a mentionné l’art. 2226 du Code civil en vertu duquel la prescription n’est pas interrompue par une action «si la demande est rejetée», et on a prétendu qu’il s’appliquait en l’espèce parce que, en vertu des dispositions de la «Stipulation» avec Gregory, la «réclamation» a été «réglée et rejetée avec préjudice». Il n’est pas nécessaire de décider si, en raison des règles de procédure de la Cour de district des États-Unis, telles qu’elles ont été prouvées, cela signifie en réalité que l’action est accueillie dans cette mesure, non pas qu’elle est entièrement rejetée comme il est prévu à l’art. 2226. En supposant que ce n’est pas le cas, le règlement devrait être considéré comme une transaction qui a été faite à un moment où le droit d’action de Gregory était préservé par les procédures encore en cours. La «Stipulation» devrait donc être considérée comme une «reconnaissance» du droit de Gregory, ayant pour effet d’interrompre la prescription à compter du jour où elle est intervenue, en vertu de l’art. 2227 du Code civil.

Pour tous ces motifs, je suis d’avis de rejeter le pourvoi et le pourvoi incident avec dépens. Cependant, il y a lieu de signaler une erreur de calcul qui semble avoir échappé aux parties, mais qu’il faut corriger. Le juge de première instance a fixé à $6,151.56 les frais et dépenses recouvrables par Paterson, outre la somme de $33,862.50 (monnaie canadienne) représentant

[Page 41]

l’indemnité de $35,000 (monnaie américaine) payée à Gregory. Jugement a été rendu pour le total de ces deux sommes, soit $40,014.06. La Cour d’appel a réduit de moitié cette dernière somme après avoir conclu à la négligence contributive de Gregory. Cette méthode est erronée car la réduction attribuable à la négligence contributive n’influe nullement sur les frais et dépenses de Paterson dont le paiement était régulier et nécessaire, selon le juge de première instance. Par conséquent, le montant payable en vertu du jugement de la Cour d’appel doit être calculé comme suit:

La moitié de l’indemnité de

Gregory, $33,862.50 Can.:

$ 16,931.25

Les frais et les dépenses de Paterson:

$ 6,151.56

Total:

$ 23,082.81

Je suis donc d’avis de modifier le jugement de la Cour d’appel en portant le montant de la condamnation à $23,082.81. Sous réserve de cette modification, je suis d’avis de rejeter le pourvoi et le pourvoi incident avec dépens.

Appel et appel incident rejetés avec dépens sauf modification.

Procureurs de la demanderesse, appelante: Brisset, Reycraft, Bishop & Davidson, Montréal.

Procureurs de la défenderesse, intimée: Laurier, Wood & Aaron, Montréal.

[1] (1940) 67, L1 .L.R.161.

[2] [1964] B.R. 681.


Synthèse
Référence neutre : [1974] R.C.S. 31 ?
Date de la décision : 31/01/1973
Sens de l'arrêt : Le pourvoi et le pourvoi incident doivent être rejetés

Analyses

Navigation - Charte-partie signée dans la province de Québec - Transport vers les États‑Unis - Débardeur blessé aux États-Unis - Action contre le propriétaire du navire - Règlement approuvé par un juge aux États-Unis - Action récursoire contre l’affréteur en vertu de la charte-partie - Faute contributive du débardeur - Prescription - Code de procédure civile, art. 178 - Code civil, art. 1920, 2.

L’appelante a frété un navire à l’intimée par charte-partie signée dans la province de Québec pour le transport de certaines cargaisons entre la province de Québec et les États‑Unis. Le contrat stipulait que les cargaisons seraient chargées, arrimées et déchargées sans risque ou dépense pour le navire, et que le bois d’arrimage nécessaire au chargement serait fourni, mis en place pour le chargement et enlevé sans dépense pour les propriétaires. Alors que le navire était arrivé à destination, un nommé G, employé d’une entreprise locale d’arrimage qui s’occupait du déchargement pour le compte de l’intimée, est tombé au fond de la cale et s’est blessé, une planche d’arrimage défectueuse ayant cédé sous son poids. Ce dernier intenta aux États-Unis une poursuite en dommages-intérêts contre l’appelante, en tant que propriétaire du navire, et cette dernière en avisa l’intimée. Un an plus tard un règlement intervint et une quittance fut signée par G sur réception d’une somme d’argent convenue avec l’appelante. Ce règlement fut approuvé par un juge de la Cour de District des États-Unis. Par la suite l’appelante intenta contre l’intimée une action basée sur la charte-partie, l’accident et le règlement, et obtint jugement pour la somme totale des dommages et frais découlant de l’accident. La Cour d’appel réduisit le montant accordé, en concluant à la négligence contributive de G parce qu’il n’avait nullement besoin de marcher sur la planche pour accomplir son travail et qu’il ne pouvait ignorer le danger de ce faire. D’où le pourvoi à cette Cour ainsi que le pourvoi incident par l’intimée, qui demande le rejet de l’action.

[Page 32]

Arrêt: Le pourvoi et le pourvoi incident doivent être rejetés.

L’accident s’étant produit à l’étranger, ses conséquences juridiques doivent être déterminées par la loi du lieu où il s’est produit, mais cette loi ne libère pas la victime de sa part de responsabilité si, par son imprudence ou sa négligence, elle a elle-même contribué au dommage. Le recours contre l’intimée est fondé sur les dispositions de la charte-partie, un contrat passé au Québec et régi par la loi du Québec. En vertu de l’art. 178 du Code de procédure civile, la défense qui aurait pu être faite à l’encontre de l’action originaire peut être opposée à la poursuite basée sur un jugement rendu hors du Canada. Il n’est donc pas nécessaire de décider si le règlement approuvé par le juge aux États-Unis doit être considéré comme un jugement ou une transaction ayant entre les parties l’autorité de la chose jugée, puisque même s’il fallait le considérer comme un jugement, il ne serait pas déterminant envers l’intimée qui n’était pas partie à l’instance. Elle est donc recevable à invoquer la faute de G contre l’appelante.

L’intimée ne peut se plaindre de ce que la quittance signée par G empêche l’exercice de recours auquel elle aurait droit contre des tiers parce que sa position est celle de débiteur principal envers l’appelante.

Quant à la question de prescription soulevée par l’intimée, le principe applicable est le suivant: la prescription d’un droit d’action commence à courir au moment où il prend naissance. Le recours en l’espèce est une action récursoire, qui ne peut être intentée avant qu’une décision finale ait été rendue dans l’action principale par jugement ou par transaction. La présente action a été intentée moins d’un an après le règlement. Celui-ci doit être considéré comme une transaction qui a été faite à un moment où le droit d’action de G était préservé par les procédures encore en cours. C’est une reconnaissance du droit de G ayant eu pour effet d’interrompre la prescription à compter du jour où elle est intervenue, en vertu de l’art. 2227 du Code civil.


Parties
Demandeurs : Paterson & Sons Ltd.
Défendeurs : St. Lawrence Corp. Ltd.
Proposition de citation de la décision: Paterson & Sons Ltd. c. St. Lawrence Corp. Ltd., [1974] R.C.S. 31 (31 janvier 1973)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1973-01-31;.1974..r.c.s..31 ?
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