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19/06/1972 | CANADA | N°[1974]_R.C.S._1057

Canada | Ministre du Revenu National c. Tara Exploration and Development Co. Ltd., [1974] R.C.S. 1057 (19 juin 1972)


Cour suprême du Canada

Ministre du Revenu National c. Tara Exploration and Development Co. Ltd., [1974] R.C.S. 1057

Date: 1972-06-19

Le Ministre du Revenu National Appelant;

et

Tara Exploration and Development Company Limited Intimée.

1972: les 1er et 2 mai; 1972: le 19 juin.

Présents: Les Juges Abbott, Martland, Judson, Ritchie et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR DE L’ÉCHIQUIER DU CANADA

APPEL d’un jugement de la Cour de l’Échiquier renvoyant les cotisations du ministre pour faire l’objet de nouvelles cotisations. Appel re

jeté.

G.W. Ainslie, c.r., et A.P. Gauthier, pour l’appelant.

W.B. Williston, c.r., et H. Henderson, pour l’intim...

Cour suprême du Canada

Ministre du Revenu National c. Tara Exploration and Development Co. Ltd., [1974] R.C.S. 1057

Date: 1972-06-19

Le Ministre du Revenu National Appelant;

et

Tara Exploration and Development Company Limited Intimée.

1972: les 1er et 2 mai; 1972: le 19 juin.

Présents: Les Juges Abbott, Martland, Judson, Ritchie et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR DE L’ÉCHIQUIER DU CANADA

APPEL d’un jugement de la Cour de l’Échiquier renvoyant les cotisations du ministre pour faire l’objet de nouvelles cotisations. Appel rejeté.

G.W. Ainslie, c.r., et A.P. Gauthier, pour l’appelant.

W.B. Williston, c.r., et H. Henderson, pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE ABBOTT — L’intimée a été constituée en 1953 en vertu du Corporations Act de l’Ontario, mais son objet principal était la prospection en Irlande. A toutes les époques pertinentes, les affaires de l’intimée (et d’une compagnie étroitement liée, Northgate Explorations Limited) étaient gérées et dirigées en Irlande où tous les administrateurs résidaient. Le savant juge de première instance a conclu que l’intimée ne résidait pas au Canada et l’avocat du ministre n’a pas contesté cette conclusion.

L’intimée a réuni des capitaux au Canada pour des travaux d’exploration minière en Irlande et, en 1964, elle a utilisé des fonds qui n’étaient pas immédiatement requis à cette fin pour acheter des actions de Gortdrum Mines Limited, une autre compagnie étroitement liée qui venait d’être constituée en Ontario pour exploiter des concessions minières en Irlande, voisines de celles de l’intimée.

Sauf ce qui est énuméré ci-après, l’intimée n’a acheté aucune action, obligation ou autre valeur. En 1964, l’intimée a acheté:

a) 72,000 actions de Northgate Exploration Limited;

b) 180,000 actions de Gortdrum Mines Limited; et

c) 1,000 actions de Canada Malting Company.

Les décisions d’acheter toutes ces actions ont été prises en Irlande.

[Page 1059]

En 1965 et en 1966, l’intimée a vendu les actions de Gortdrum Mines Limited en réalisant un bénéfice important que le ministre a cotisé aux fins de l’impôt sur le revenu. L’appel interjeté par l’intimée à la Cour de l’Échiquier a été accueilli et les cotisations pour les années d’imposition 1965 et 1966 ont été renvoyées pour faire l’objet de nouvelles cotisations pour le motif que les bénéfices mentionnés ne sont pas assujettis à l’impôt en vertu de la Partie I de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le ministre interjette le présent appel à l’encontre de cette décision.

Il n’y a que deux points en litige dans cet appel: (1) les bénéfices réalisés par l’intimée sont-ils des bénéfices imposables en vertu du par. (2) de l’art. 2 de la Loi de l’impôt sur le revenu et (2), si c’est le cas, ces bénéfices sont-ils exonérés d’impôt en vertu de la Loi sur un accord entre le Canada et l’Irlande en matière d’impôts sur le revenu, Statuts du Canada 1955, c. 10?

Relativement à la première question, le savant juge de première instance paraît être parti de la supposition que les bénéfices en question étaient imposables en vertu de l’art. 2(2) comme bénéfices provenant d’une initiative d’un caractère commercial. Je souscris à cette supposition et, à mon avis, ces bénéfices auraient été un revenu imposable dans le cas d’un résident du Canada. Cependant, puisque je suis d’avis que l’intimée a le droit d’être exonérée d’impôt en vertu de l’Accord entre le Canada et l’Irlande en matière d’impôts sur le revenu, je préfère décider l’appel à partir de cette base.

Le paragraphe 1 de l’art. III de l’Accord se lit comme suit:

1. Les bénéfices industriels ou commerciaux d’une entreprise irlandaise ne seront soumis à l’impôt canadien que si l’entreprise exerce une activité industrielle ou commerciale au Canada par l’intermédiaire d’un établissement stable situé dans ce pays. Dans ce cas, lesdits bénéfices pourront être soumis à l’impôt par le Canada, mais seulement dans la mesure où ils proviennent de cet établissement stable.

[Page 1060]

Les paragraphes g) et h) de l’art. II définissent les expressions «entreprise irlandaise» et «établissement stable» comme suit:

1. …

g) Les expressions «entreprise irlandaise» et «entreprise canadienne» désignent respectivement une entreprise ou un établissement industriel ou commercial exploité par une personne résidant en Irlande et une entreprise ou un établissement industriel ou commercial exploité par une personne résidant au Canada; les expressions «entreprise de Fun des territoires» et «entreprise de l’autre territoire» désignent une entreprise irlandaise ou une entreprise canadienne, suivant le contexte;

h) L’expression «établissement stable», lorsqu’elle est appliquée à une entreprise de l’un des territoires, désigne une succursale ou tout autre centre d’affaires fixe, mais non pas une agence, à moins que l’agent ne soit investi du pouvoir général de négocier et de conclure des contrats pour le compte de l’entreprise en question et qu’il n’exerce habituellement ce pouvoir, ou qu’il n’exécute ordinairement des commandes pour le compte de cette entreprise grâce à un stock de marchandises dont il dispose. A ce point de vue —

(i) Une entreprise de l’un des territoires ne sera pas considérée comme ayant un établissement stable dans l’autre territoire du seul fait qu’elle effectue des transactions dans cet autre territoire par l’entremise d’un courtier ou commissionnaire général autorisé, agissant à ce titre dans le cours ordinaire de ses affaires;

(ii) Le fait qu’une entreprise de l’un des territoires possède dans l’autre territoire un centre d’affaires fixe ayant pour seul but l’achat de produits ou de marchandises ne suffira pas à faire assimiler ce centre d’affaires fixe à un établissement stable de l’entreprise;

(iii) Le fait qu’une société dont le siège se trouve dans l’un des territoires possède une filiale ayant son siège dans l’autre territoire ou exerçant une activité commerciale ou industrielle dans cet autre territoire (soit par un établissement stable, soit d’une autre manière) ne suffira pas à faire assimiler cette filiale à un établissement stable de la société mère.

Toutes les décisions relatives à la gestion et à la direction de l’entreprise de l’intimée ont été prises en Irlande. L’intimée n’avait aucun employé à son siège social à Toronto et aucune personne résidant au Canada n’avait le pouvoir

[Page 1061]

de conclure des contrats ou de faire des affaires en son nom.

Bien que l’intimée ait eu un compte de banque à Toronto, la plupart des décisions relatives aux chèques tirés sur ce compte émanaient du président de l’intimée dont la résidence et le domicile étaient en Irlande à toutes les époques pertinentes. Un employé du comptable de l’intimée à Toronto, qui s’occupait des dettes passives, avait l’autorisation de contresigner les chèques sans l’approbation du bureau en Irlande pour les comptes administratifs courants. A cette fin, l’approbation venait de l’avocat de l’intimée à Toronto qui, à son tour, obtenait l’approbation requise du bureau en Irlande.

Je doute que le bureau de Toronto ait été un «établissement stable» selon la définition de cette expression dans l’Accord. II semble que ce bureau n’existait que pour permettre à l’intimée de se conformer aux exigences du Corporations Act. De toute façon, je suis d’avis que les bénéfices découlant de l’achat et la vente des actions de Gortdrum ne «provenaient» pas de cet établissement. La décision d’acheter et de vendre les actions a été prise par les membres de la direction de l’intimée en Irlande. Aucune personne résidant au Canada n’était autorisée à prendre cette décision.

Je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens.

Appel rejeté avec dépens.

Procureur de l’appelant: D.S. Maxwell, Ottawa.

Procureurs de l’intimée: Fasken & Calvin, Toronto.



Analyses

Revenu - Impôt sur le revenu - Corporation constituée en vertu du Companies Act de l’Ontario pour fin de prospection en Irlande - Dirigeants résidant en Irlande - Bénéfices par suite de vente d’actions détenues dans une autre compagnie ontarienne - Sont-ils imposables? - Bureau à Toronto constitue-t-il un «établissement stable»? - Accord entre le Canada et l’Irlande en matière d’impôts sur le revenu S.C. 1955, c. 10, art. II et III - Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 2(2).

L’intimée, qui a été constituée en vertu du Corporations Act de l’Ontario, a pour objet principal la prospection en Irlande où sont gérées et dirigées toutes ses affaires et où résident ses administrateurs. Elle a revendu, en réalisant un bénéfice important, les actions qu’elle avait achetées d’une autre compagnie étroitement liée et constituée en Ontario pour exploiter des concessions minières en Irlande. Le ministre a cotisé ce bénéfice pour les années d’imposition 1965 et 1966. Cependant la Cour de l’Échiquier a jugé que tel bénéfice n’était pas assujetti à l’impôt en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu et renvoyé les cotisations pour faire l’objet de nouvelles cotisations. D’où le pourvoi à cette Cour.

Appel: L’appel doit être rejeté.

Les bénéfices en question étaient imposables en vertu de l’art. 2(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu comme bénéfices provenant d’une initiative d’un caractère commercial. Cependant l’intimée a le droit d’être exonérée d’impôt en vertu de l’Accord entre le Canada et l’Irlande en matière d’impôts sur le revenu. Le bureau que possédait l’intimée à Toronto n’existait que pour lui permettre de se soumettre au Corporations Act et ne constitue pas un «établissement stable» selon la définition de cette expression dans l’Accord. Toutes les décisions relatives aux chèques tirés sur son compte à Toronto émanaient de son président en Irlande. Et les bénéfices provenant de

[Page 1058]

l’achat et de la vente des actions ne «provenaient» pas du bureau de Toronto puisque la décision d’acheter et vendre ces actions a été prise par les membres de la direction en Irlande.


Parties
Demandeurs : Ministre du Revenu National
Défendeurs : Tara Exploration and Development Co. Ltd.

Références :
Proposition de citation de la décision: Ministre du Revenu National c. Tara Exploration and Development Co. Ltd., [1974] R.C.S. 1057 (19 juin 1972)


Origine de la décision
Date de la décision : 19/06/1972
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1974] R.C.S. 1057 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1972-06-19;.1974..r.c.s..1057 ?
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