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01/02/1971 | CANADA | N°[1971]_R.C.S._266

Canada | Dental c. Sperry Rand, [1971] R.C.S. 266 (1 février 1971)


Cour suprême du Canada

Dental c. Sperry Rand, [1971] R.C.S. 266

Date: 1971-02-01

The Dental Company of Canada Limited Appelante;

et

Sperry Rand Canada Limited Intimée;

et

Sa Majesté la Reine du chef de la Province d’Ontario, représentée par le Ministre des Travaux publics Intimée.

1970: le 12 novembre; 1971: le 1er février.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Spence et Pigeon.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL D’ONTARIO.

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel d’Ontario, accueillant un appel de

l’intimée Sperry Rand Canada Limited d’une décision du Juge King, sur demande faite par l’appelante pour obtenir une déclaration qua...

Cour suprême du Canada

Dental c. Sperry Rand, [1971] R.C.S. 266

Date: 1971-02-01

The Dental Company of Canada Limited Appelante;

et

Sperry Rand Canada Limited Intimée;

et

Sa Majesté la Reine du chef de la Province d’Ontario, représentée par le Ministre des Travaux publics Intimée.

1970: le 12 novembre; 1971: le 1er février.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Spence et Pigeon.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL D’ONTARIO.

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel d’Ontario, accueillant un appel de l’intimée Sperry Rand Canada Limited d’une décision du Juge King, sur demande faite par l’appelante pour obtenir une déclaration quant aux droits des parties aux termes d’une convention en vue d’un bail et aux termes d’un bail. Appel rejeté.

R.J. Rolls et L.D. Roebuck, pour l’appelante.

W.J. Smith, c.r., et P. Ridout, c.r., pour l’intimée Sperry Rand Canada Limited.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE JUDSON — L’appelante, The Dental Company of Canada Limited, est actuellement

[Page 268]

sous-locataire, en la ville de Toronto, d’un immeuble qui appartenait précédemment à la London Life Insurance Company mais qui appartient maintenant à l’intimée, Sa Majesté la Reine, du chef de la province d’Ontario, représentée par le ministre des Travaux publics. L’intimée, Sperry Rand Canada Limited, est successeur de Remington Rand, qui était locataire et sous-bailleresse de la propriété. Dental Company ayant demandé une déclaration quant à ses droits en vertu du bail principal et du sous‑bail, le tribunal de première instance a statué que, de par le sous-bail, certains droits de reconduction accordés à Remington Rand aux termes du bail principal passent à Dental. La Cour d’appel ayant infirmé ce jugement, l’appelante se pourvoit maintenant à l’encontre de cet arrêt.

Le 26 mars 1954, la London Life Insurance Company louait à Remington Rand l’immeuble en question pour une période de 25 ans expirant le 31 décembre 1978. Ce bail principal contenait les clauses suivantes, pertinentes en l’occurrence:

[TRADUCTION] 3. Le locataire s’engage à ne pas céder ni sous-louer lesdits lieux sans avoir d’abord obtenu le consentement par écrit de la bailleresse, à condition toutefois, que ledit consentement ne soit pas refusé sans raison valable.

18…le locataire aura à son gré le privilège de contracter un nouveau bail relativement aux lieux loués, et ce pour une, plusieurs, ou chacune de quatre (4) autres périodes consécutives de cinq (5) ans chacune, à un loyer annuel égal à un et demi pour cent (1½%) du coût des lieux loués; lequel montant sera payable d’avance, par versements mensuels égaux, et d’autre part suivant et d’après les termes et conditions du présent contrat. Dans le cas et la mesure où Remington Rand aura opté pour l’exercice de ce privilège, elle devra, à l’égard de chacune desdites quatre (4) périodes de reconduction de cinq (5) ans chacune, en donner avis par écrit à la bailleresse, pas plus de trois (3) mois avant l’expiration de ladite période, ou de l’une ou plusieurs desdites quatre (4) périodes de reconduction de cinq (5) ans chacune; cet avis pourra être donné par la locataire pas plus de six (6) mois avant la date d’expiration de chacune desdites périodes; sur quoi la bailleresse accordera, aux frais de la locataire, un nouveau bail comme susdit pour une période supplémentaire de cinq (5) ans à compter de l’expiration du bail alors en cours. Au

[Page 269]

cas où la locataire donne un tel avis de son désir de reconduire le bail pour une période supplémentaire de cinq (5) ans, la locataire convient avec la bailleresse d’accepter le bail ainsi reconduit.

24. Et les parties aux présentes conviennent expressément que tous transferts, engagements et accords, droits, pouvoirs, privilèges et obligations contenus dans le présent contrat se liront, s’interpréteront et seront tenus pour conclus par et avec les parties contractantes, leurs successeurs et ayants droit, et accordés ou imposés à elles ou à eux; et les présentes se liront et s’interpréteront comme si les mots successeurs et ayants droit avaient été insérés à tous les endroits voulus et nécessaires.

Remington Rand a obtenu le consentement de London Life et, le 9 juin 1964, elle à conclu une convention en vue d’un bail en vertu de laquelle les lieux devaient être sous-loués à Dental pour une période de 10 ans et un demi-mois moins un jour, commençant le 16 décembre 1968 et se terminant le 30 décembre 1978.

La convention prévoyait la signature d’un sous-bail qui y était annexé sous le titre d’Annexe «B» et contenait, en sa clause 3, une condition non comprise dans le sous-bail même, à savoir:

[TRADUCTION] 3. A n’importe quel moment antérieur à trois (3) mois de la date d’expiration du sous-bail accordé au locataire, le locataire peut, en donnant à Remington un avis par écrit à cet effet, exiger que Remington exerce les privilèges de reconduction énoncés au paragraphe 18 du bail principal, ce à quoi Remington s’engage et s’oblige.

Le sous-bail lui-même contient la condition suivante dont l’interprétation, comme celle de la clause 3 de la convention en vue d’un bail, fait l’objet du présent pourvoi:

[TRADUCTION] IL EST EN OUTRE ENTENDU et convenu que Dental Company aura droit à tout l’avantage et à tous les services et privilèges dont Remington jouit et fait usage en vertu du bail principal, dans la mesure où lesdits avantage, services et privilèges s’appliqueront aux lieux loués.

Remington Rand avait sous-loué l’immeuble en question, à la Couronne jusqu’au 15 décembre 1968. Subséquemment, la Couronne a acheté le droit de retour que possédait London Life à l’égard de l’immeuble et, par un contrat daté du 13 août 1968, Dental Company a consenti à vendre à la Couronne son intérêt sur les lieux.

[Page 270]

Cette dernière affaire n’est pas encore conclue, le présent pourvoi devant d’abord être décidé. Comme cela se conçoit, la Couronne appuie la thèse de Dental Company.

Sperry Rand a succédé à Remington Rand en 1966 et, par un accord intervenu le 16 décembre 1968, elle a sous-loué les lieux à Dental exactement aux mêmes conditions que celles que contient l’Annexe B de la convention en vue d’un bail passée en 1964.

La Cour a été saisie de quatre questions:

[TRADUCTION] 1. En vertu de ladite convention en vue d’un bail et dudit bail, The Dental Company of Canada Limited a-t-elle tous les droits et privilèges accordés à Remington Rand Limited par le bail principal que mentionnent ladite convention et ledit bail?

2. Ces droits et privilèges comprennent-ils le droit à reconduction accordé à Remington Rand Limited par le bail principal?

3. Sperry Rand Canada Limited est-elle tenue d’exercer les privilèges de reconduction que lui accorde le paragraphe 18 dudit bail principal, si et quand The Dental Company of Canada Limited le lui demande en vertu du paragraphe portant le numéro 3 de ladite convention en vue d’un bail?

4. Advenant que The Dental Company of Canada Limited demande à Sperry Rand Canada Limited d’exercer les privilèges de reconduction que lui accorde le paragraphe 18 dudit bail principal, l’avantage du terme de reconduction doit-il échoir à The Dental Company of Canada Limited?

En première instance, le juge a répondu oui à ces quatre questions, ce qui a eu pour résultat de donner droit à Dental Company, non pas à Sperry Rand, de lever l’option des reconductions successives de cinq ans que prévoit le bail principal. La Cour d’appel a infirmé cette conclusion en répondant non aux questions nos 1, 2 et 4.

Dans ses motifs de jugement exprimés de vive voix en Cour d’appel, le juge Laskin (alors juge d’appel) a signalé qu’on ne pouvait répondre oui à ces questions que si

(a) le sous-bail et le bail à Dental étaient des cessions de toute la période non révolue du bail principal, ou

(b) la clause 3 de la convention en vue d’un bail et la clause du sous-bail relative à l’avan-

[Page 271]

tage et aux services et privilèges, ensemble font de Dental le locataire durant les périodes de reconduction.

Le droit de retour (réversion) d’un jour avant l’expiration de la période accordée à Dental dans le bail et le sous-bail empêche le sous-bail de devenir une cession à Dental. Quant au second moyen possible, la clause 3 de la convention en vue d’un bail ne donnait droit à l’appelante que d’obliger Sperry Rand à exercer ses privilèges de reconduction, lesquels pourraient ensuite donner lieu à un autre accord entre les intéressés, mais cette clause-là, en soi, ne permet pas à Dental de revendiquer d’autres droits dans la tenure à bail. Le fait que tout l’avantage et tous les services et privilèges dont jouit Sperry Rand en vertu du bail principal sont par le sous-bail conférés à l’appelante ne peut s’interpréter comme accordant également à Dental le droit de reconduction, car cela ne concorderait pas avec l’interprétation donnée à la clause 3 de la convention en vue d’un bail, ni avec la réserve formelle d’un jour en faveur de Sperry Rand.

Je souscris pleinement à l’arrêt et aux motifs de la Cour d’appel, et je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Appel rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante: Fasken & Calvin, Toronto.

Procureurs de l’intimée, Sperry Rand Canada Limited: Manning, Bruce, Macdonald & Macintosh, Toronto.

Procureurs de l’intimée, Sa Majesté la Reine: Day, Wilson, Campbell, Toronto.


Synthèse
Référence neutre : [1971] R.C.S. 266 ?
Date de la décision : 01/02/1971
Sens de l'arrêt : L’appel doit être rejeté

Analyses

Louage de choses - Bail principal - Droits de reconduction - Locataire concluant une convention en vue d’un bail - Les droits de reconduction accordés au locataire en vertu du bail principal ne passent pas au sous-locataire en vertu du sous-bail.

Le 26 mars 1954, L louait à RR un immeuble pour une période de 25 ans expirant le 31 décembre 1978. RR a obtenu le consentement de L et, le 9 juin 1964, elle a conclu une convention en vue d’un bail en vertu de laquelle les lieux devaient être sous-loués à D pour une période de 10 ans et un demi‑mois moins un jour, commençant le 16 décembre 1968 et se terminant le 30 décembre 1978. La convention prévoyait la signature du sous-bail qui était annexé sous le titre d’annexe «B», et contenait, en sa cl. 3, une condition (non comprise dans le sous-bail même) donnant droit à D d’exiger que RR exerce les privilèges de reconduction énoncés au bail principal. Le sous-bail lui-même contenait une condition donnant à D droit «à tout l’avantage et à tous les services et privilèges dont [RR] jouit et fait usage en vertu du bail principal».

RR avait sous-loué l’immeuble à la Couronne jusqu’au 15 décembre 1968. Subséquemment, la Couronne a acheté le droit de retour que possédait L à l’égard de l’immeuble et, par un contrat daté du 13 août 1968, D a consenti à vendre à la Couronne son intérêt sur les lieux.

SR a succédé à RR en 1966 et, par un accord intervenu le 16 décembre 1968, elle a sous-loué les lieux à D exactement aux mêmes conditions que contient l’annexe «B» de la convention en vue d’un bail passé en 1964.

[Page 267]

D a demandé une déclaration quant à ses droits en vertu du bail principal et du sous‑bail, et a réussi en première instance à obtenir une déclaration que les droits de reconduction accordés à RR aux termes du bail principal passent à D aux termes du sous‑bail. La Cour d’appel a infirmé ce jugement, D en appela à cette Cour.

Arrêt: L’appel doit être rejeté.

On ne peut répondre oui aux questions dont la Cour a été saisie que si (a) le sous-bail et le bail à D étaient des cessions de toute la période non révolue du bail principal, ou (b) la cl. 3 de la convention en vue d’un bail et la clause du sous-bail relative à l’avantage et aux services et privilèges, ensemble font de D le locataire durant les périodes de reconduction.

Le droit de retour d’un jour avant l’expiration de la période accordée à D dans le bail et le sous‑bail empêche le sous-bail de devenir une cession à D.

La cl. 3 de la convention en vue d’un bail ne donnait droit à l’appelante que d’obliger SR à exercer ses privilèges de reconduction, lesquels, pourraient ensuite donner lieu à un accord entre les intéressés, mais cette clause-là, en soi, ne permet pas à D de revendiquer d’autres droits dans la tenure à bail. Le fait que l’avantage et tous les services et privilèges dont jouit SR en vertu du bail principal sont par le sous-bail conférés à l’appelante ne peut s’interpréter comme accordant également à D le droit de reconduction, car cela ne concorderait pas avec l’interprétation donnée à la cl. 3 de la convention en vue d’un bail, ni avec la réserve formelle d’un jour en faveur de SR.


Parties
Demandeurs : Dental
Défendeurs : Sperry Rand
Proposition de citation de la décision: Dental c. Sperry Rand, [1971] R.C.S. 266 (1 février 1971)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1971-02-01;.1971..r.c.s..266 ?
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