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01/02/1971 | CANADA | N°[1971]_R.C.S._250

Canada | Frankel Structural Steel c. Goden Holdings, [1971] R.C.S. 250 (1 février 1971)


Cour suprême du Canada

Frankel Structural Steel c. Goden Holdings, [1971] R.C.S. 250

Date: 1971-02-01

Frankel Structural Steel Limited (Demanderesse) Appelante;

et

Goden Holdings Limited, Hyacinthine Properties Limited et Gotfrid & Dennis (Défenderesses) Intimées.

1970: les 27 et 28 mai; 1971: le 1er février.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Hall et Spence.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL D’ONTARIO.

APPEL de la demanderesse d’un jugement de la Cour d’appel d’Ontario[1], accueillant en partie l’appel d

es défenderesses Goden Holdings Limited et Gotfrid & Dennis d’un jugement du Juge Moorhouse. Appel accueilli et le...

Cour suprême du Canada

Frankel Structural Steel c. Goden Holdings, [1971] R.C.S. 250

Date: 1971-02-01

Frankel Structural Steel Limited (Demanderesse) Appelante;

et

Goden Holdings Limited, Hyacinthine Properties Limited et Gotfrid & Dennis (Défenderesses) Intimées.

1970: les 27 et 28 mai; 1971: le 1er février.

Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Hall et Spence.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL D’ONTARIO.

APPEL de la demanderesse d’un jugement de la Cour d’appel d’Ontario[1], accueillant en partie l’appel des défenderesses Goden Holdings Limited et Gotfrid & Dennis d’un jugement du Juge Moorhouse. Appel accueilli et le jugement de première instance rétabli, sauf quant au montant des dommages.

R.F. Wilson, c.r., et R.A. Smith, c.r., pour la demanderesse, appelante.

S.L. Robins, c.r., pour les défenderesses, intimées.

[Page 252]

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE JUDSON — Frankel Structural Steel Limited a poursuivi les trois défenderesses afin d’obtenir paiement pour de l’acier de charpente livré à Hyacinthine Properties Limited en vue de la construction d’un immeuble à London (Ontario). Goden Holdings Limited avait convenu avec Hyacinthine de financer provisoirement la construction au moyen d’une hypothèque de $300,000 pour une année. Gotfrid & Dennis, procureurs, représentaient Goden et, jusqu’à un certain point, le constructeur Hyacinthine. Le juge de première instance a condamné Goden et ses procureurs à payer à Frankel $51,210. La Cour d’appel1 a confirmé mais à l’égard d’un quantum de $48,300, cette décision prononcée contre Goden; elle a infirmé toutefois le jugement rendu contre les procureurs. Frankel se pourvoit maintenant contre cette cassation.

En septembre 1964, Hyacinthine a demandé à Frankel de lui fournir pour $69,000 d’acier de charpente. Frankel a refusé de le faire à crédit sans la garantie que lui offrirait un ordre de paiement en sa faveur, sur les avances que ferait Goden aux termes de l’hypothèque sur la construction. L’ordre de paiement reproduit ici in extenso est la conséquence de cette exigence:

[TRADUCTION] A: Goden Holdings Limited

et A: ses procureurs

Gotfrid & Dennis

133 ouest, rue Richmond

Toronto 1 (Ontario)

Réf.: Projet de construction d’un immeuble de rapport de Hyacinthine Properties Limited, sur Scenic Drive, dans la ville de London (Ontario). Parties du lot n° 20, Broken Front Concession B.

______________________________________________________________________

IL VOUS EST PAR LES PRÉSENTES PERMIS ET ORDONNÉ de payer à l’occasion, à Frankel Structural Steel Limited, 1139, rue Shaw, Toronto 4 (Ontario), sur les avances de l’hypothèque précitée, ce qui suit:

Toutes avances exigibles 30 jours après la livraison de tout l’acier prévu au contrat ci‑joint, daté du 14 septembre 1964. Nonobstant ce qui précède et sans restreindre la portée générale, y sont comprises la livraison et l’acceptation à London, Scenic Drive, de toutes les poutres à treillis en acier et

[Page 253]

pièces accessoires. A cette fin, les présentes vous sont une autorisation valable, suffisante et irrévocable.

Daté du 21 septembre 1964.

Pour HYACINTHINE PROPERTIES LIMITED

(Signé) H. Wein

Hubert Wein

La source de cet ordre de paiement a été contestée mais le juge de première instance et la Cour d’appel ont déterminé qu’il avait été dactylographié et rédigé dans les bureaux des procureurs. Ceux-ci ont conservé l’original et en ont envoyé une copie à Frankel le 21 septembre 1964. Les termes de l’ordre ayant déplu à Frankel, celui-ci a téléphoné à un procureur de l’étude Gotfrid & Dennis, nommé Burnett, qui était chargé de l’affaire et qui a convenu que le compte de Frankel serait acquitté sur les avances versées au fur et à mesure des progrès des travaux. Burnett savait que Frankel allait fournir l’acier sur la foi de l’ordre en question.

Par ailleurs, les dépositions sur ce point ont provoqué un différend. Burnett a nié avoir déclaré à Frankel, en septembre 1964, que cette dernière serait payée sur les avances provenant du prêt hypothécaire. Sur ce point, le juge de première instance a accepté la version de Frankel et a conclu que celle-ci avait reçu de Burnett l’assurance qu’elle serait payée sur lés avances provenant du prêt hypothécaire. Non seulement la Cour d’appel s’est-elle abstenue d’infirmer cette conclusion, mais elle en a fait la base de sa confirmation du jugement prononcé contre Goden, c’est-à-dire qu’elle établissait le contrat entre Frankel et Goden.

En novembre et décembre 1964, Frankel a fourni pour $71,910 d’acier. Ce montant comprenait un supplément de $2,910, effectué en octobre, au montant du contrat primitif de $69,000, et qui n’était donc pas visé par l’assurance donnée en septembre. Après livraison de l’acier, Frankel a téléphoné plusieurs fois à Burnett pour réclamer le paiement de son compte. Elle a reçu un acompte de $20,700 le 24 février 1965, ce qui laissait un solde débiteur de $51,210. Jamais Burnett, ni personne en son nom, n’a informé Frankel que l’ordre de paiement ne serait pas respecté. Frankel a maintes fois réclamé son

[Page 254]

dû et s’est fait dire que son compte allait être acquitté conformément à l’ordre. Malgré cela, Burnett a versé directement à Hyacinthine des avances de plus de $51,210 une fois tout l’acier livré et pendant la période où Frankel se faisait dire qu’elle allait être payée. Cette dernière déclare qu’à cause de ces affirmations répétées elle n’a pas enregistré de privilège.

Malgré les dénégations de Burnett, le juge de première instance a conclu que celui-ci savait que Frankel avait fourni tout l’acier, qu’il avait en main les factures ou en connaissait le montant, qu’il avait également le rapport des architectes, daté du 12 janvier 1965, lequel déclarait que Frankel avait fourni tous les matériaux. La Cour d’appel n’a pas modifié ces conclusions-là.

L’étude Gotfrid & Dennis a reçu d’Hyacinthine une commission de $15,000 pour avoir mené à bonne fin le prêt hypothécaire de Goden à Hyacinthine et, conformément aux dispositions de l’hypothèque, des honoraires pour s’être occupée des avances faites à l’occasion par le créancier hypothécaire.

Dans son pourvoi en cette Cour, Frankel prétend que l’arrêt de la Cour d’appel contient l’erreur suivante. Elle dit que la Cour, en décidant que la promesse faite par Burnett de payer pour l’acier livré à Hyacinthine constituait non seulement un contrat liant Frankel et Goden, mais un engagement obligatoire de la part de Gotfrid & Dennis de veiller à ce que Frankel soit payée sur les avances versées à Hyacinthine.

Le fondement de la décision de la Cour d’appel se trouve dans le passage suivant de ses motifs:

[TRADUCTION] Je suis d’avis que les faits retenus par le Juge de première instance étayent; l’établissement d’un contrat entre Frankel et Goden; en termes élémentaires, un contrat unilatéral découlant d’une promesse de payer pour l’acier livré à Hyacinthine. Livraison faite, la promesse devenait exécutoire. En l’occurrence, je ne me soucie pas de considérations telles que, par exemple, la question de savoir si la promesse serait exécutoire si elle était retirée avant la livraison complète de l’acier, ou si elle serait exécutoire en cas de livraison partielle sans avoir été retirée.

Je suis tout à fait d’accord avec ces motifs, pour ce qui est de ces points-là, mais je n’accepte

[Page 255]

pas la conclusion énoncée dans une autre partie des motifs, savoir: Frankel, par l’intermédiaire d’Harrison traitait avec Burnett non à titre de représentant personnel de Gotfrid & Dennis mais à titre de représentant de ceux-ci en tant que procureurs de Goden. Voici mes raisons: Goden est une compagnie qui sort tout à fait de l’ordinaire. Elle n’a que trois dirigeants et actionnaires: MM. Gotfrid, Dennis et Burnett, trois avocats associés pour la pratique du droit C’est M. Burnett qui s’occupait des opérations qui nous intéressent. La compagnie n’avait pas de compte en banque distinct. Elle ne faisait pas de comptabilité et ne gardait pas de dossiers. Elle servait à faire des prêts provisoires à la construction pour le compte de clients de l’étude. Les fonds placés par ces clients étaient inscrits au compte en fidéicommis de l’étude sous la rubrique: Goden Holdings Limited. Juridiquement, la situation paraît avoir été celle-ci: les clients étaient les créanciers de Goden, et l’étude était fiduciaire de ces fonds. Goden ne pouvait aucunement agir sans l’assentiment des procureurs.

Comment ces procureurs peuvent-ils affirmer que leur engagement a été pris par Burnett au nom de Goden; qu’ils ont négligé ou refusé de donner suite à leur engagement au nom de Goden; que cette négligence ou ce refus au nom de Goden engage la responsabilité de Goden, mais non la leur? Ils étaient eux-mêmes Goden dans la mesure où ils en étaient les seuls actionnaires et dirigeants, et où ils l’administraient et la dirigeaient. Goden n’avait aucune volonté propre.

Frankel, dans ses entretiens avec Burnett, a reçu de lui l’assurance qu’elle lui avait demandée en la seule qualité qu’elle lui reconnaissait, celle de procureur attaché à une étude qui se chargeait de l’affaire. Elle ne s’est pas adressée à Burnett en sa qualité de procureur de Goden qui, elle, allait peut‑être, ou n’allait peut-être pas, s’acquitter de son engagement. Elle a sollicité et obtenu d’un particulier l’assurance qu’il allait veiller à ce que le client paie. Il avait pleins pouvoirs sur les décaissements de fonds du client. Pour une raison quelconque, c’est l’étude, par l’entremise de Burnett, qui a décidé de faire ces décaissements, au mépris de l’engagement. A mon avis, cela entraîne la responsabilité de l’étude. Sans aucun doute Burnett a engagé l’étude.

[Page 256]

Le chef de l’étude a témoigné que [TRADUCTION] «vu que les avances provenaient du compte en fidéicommis de l’étude, il les faisait en sa qualité de membre de l’étude». Il a ajouté que les avances auraient été autorisées par Goden et que, dans la mesure où elles l’étaient, il peut avoir agi à titre de dirigeant de Goden, mais j’ai déjà signalé que cette dernière n’avait aucune volonté propre.

Le seul autre point dont il y a lieu de parler c’est la rédaction de l’ordre du 21 septembre 1964, reproduit plus haut. Frankel soutient encore que cet ordre constitue un transport en «equity», (equitable assignment) liant à la fois Gotfrid & Dennis et Goden. Ce n’est pas ainsi que l’a envisagé la Cour d’appel et j’adopte ses motifs sur ce point. Les sommes non décaissées en vertu de l’hypothèque ne constituaient pas un fonds que Hyacinthine pouvait transporter. Aux termes de l’hypothèque, il appartenait à Goden, par l’entremise de ses procureurs, de déterminer à quel moment elle ferait les avances y prévues.

Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi en modifiant l’arrêt de la Cour d’appel pour conclure à la responsabilité de la défenderesse, Gotfrid & Dennis, cela à l’égard d’un quantum de $69,000, dont on déduira le paiement de $20,700, soit une somme de $48,300. Pour ces motifs, et ceux-là seulement, je suis d’avis de rétablir le jugement de première instance en fixant le quantum à $48,300. L’appelante a droit à ses dépens en cette Cour et en Cour d’appel.

Appel accueilli avec dépens.

Procureurs de la demanderesse, appelante: Wahn, Mayer, Smith, Creber, Lyons, Torrance & Stevenson, Toronto.

Procureurs des défenderesses, intimées: Robins & Robins, Toronto.

[1] [1969] 2 O.R. 221, 5 D.L.R. (3d) 15.


Synthèse
Référence neutre : [1971] R.C.S. 250 ?
Date de la décision : 01/02/1971
Sens de l'arrêt : L’appel doit être accueilli et le jugement de première instance rétabli en fixant le montant à $48,300

Analyses

Contrat - Ordre au créancier hypothécaire et à ses procureurs de payer au fournisseur d’acier de charpente les avances provenant du prêt hypothécaire - Créancier hypothécaire administré et dirigé par ses procureurs - Membre de l’étude assurant le fournisseur qu’il serait payé sur les avances - Avances versées directement au débiteur hypothécaire - Contrat entre le fournisseur et le créancier hypothécaire - Responsabilité des procureurs.

H qui a été constituée pour construire un immeuble résidentiel a demandé à F de lui fournir pour $69,000 d’acier de charpente. G, une compagnie de placement, a convenu avec H de financer provisoirement la construction au moyen d’une hypothèque de $300,000 par année. H a donné ordre à G et aux procureurs de cette dernière de payer «toutes avances exigibles 30 jours après la livraison de tout l’acier prévu au contrat». Les procureurs ont envoyé une copie de cet ordre de paiement à F et ont conservé l’original. Les termes de l’ordre ont déplu à F, celui-ci a téléphoné à B, un des procureurs, qui était chargé de l’affaire et qui a convenu que le compte de F serait acquitté sur les avances versées au fur et à mesure des progrès des travaux.

F a fourni pour $71,910 d’acier. Ce montant comprenait un supplément de $2,910, effectué au montant du contrat primitif de $69,000 et qui n’était donc pas visé par l’assurance donnée par B. Un acompte de $20,700 a été reçu, ce qui laissait un solde débiteur de $51,210. F a maintes fois réclamé son dû et s’est fait dire que son compte allait être acquitté conformément à l’ordre. Malgré cela, B a versé directement à H des avances de plus de $51,210 une fois tout l’acier livré et pendant la période où F se faisait dire qu’il allait être payé.

[Page 251]

F a poursuivi G, H et les procureurs de G afin d’obtenir le solde dû pour l’acier délivré à H. Le juge de première instance a condamné G et ses procureurs à payer à F $51,210. La Cour d’appel a confirmé mais à l’égard d’un montant de $48,300, cette, décision prononcée contre G; elle a infirmé toutefois le jugement rendu contre les procureurs. F en, appelle maintenant contre cette cassation.

Arrêt: L’appel doit être accueilli et le jugement de première instance rétabli en fixant le montant à $48,300.

La Cour est d’accord avec la Cour d’appel qu’il existait un contrat entre F et G, mais elle n’accepte pas la conclusion que F traitait avec B non à titre de représentant personnel des procureurs mais à titre de représentant de ceux-ci en tant que procureurs de G. Les procureurs étaient eux-mêmes G dans la mesure où ils en étaient les seuls actionnaires et dirigeants, et où ils l’administraient et la dirigeaient. G n’avait aucune volonté propre.

F a sollicité et obtenu l’assurance de B qu’il allait veiller à ce que le client paie. Il avait pleins pouvoirs sur les décaissements de fonds du client. Pour une raison quelconque, c’est l’étude, par l’entremise de B, qui a décidé de faire ces décaissements, au mépris de l’engagement. Cela entraîne la responsabilité de l’étude.

La prétention que l’ordre constituait un transport en «equity», liant à la fois les procureurs et G, ne peut pas être acceptée. Lés sommes non décaissées en vertu de l’hypothèque ne constituaient pas un fonds que H pouvait transporter. Aux termes de l’hypothèque, il appartenait à G, par l’entremise de ses procureurs, de déterminer à quel moment elle ferait les avances y prévues.


Parties
Demandeurs : Frankel Structural Steel
Défendeurs : Goden Holdings
Proposition de citation de la décision: Frankel Structural Steel c. Goden Holdings, [1971] R.C.S. 250 (1 février 1971)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1971-02-01;.1971..r.c.s..250 ?
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