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13/03/1970 | CANADA | N°[1970]_R.C.S._533

Canada | Cité de Sillery c. Canadian Petrofina Limited et al., [1970] R.C.S. 533 (13 mars 1970)


Cour Suprême du Canada

Cité de Sillery c. Canadian Petrofina Limited et al., [1970] R.C.S. 533

Date: 1970-03-13

Cité de Sillery (Défenderesse) Appelante;

et

Canadian Petrofina Limited, Imperial Oil Limited, Les Pétroles Inc., St. Lawrence Tankers Limited, Shell Canada Limited, Texaco Canada Limited et The British American Oil Company Limited (Demanderesses) Intimées;

et

Le Procureur Général du Canada, Le Procureur Général du Québec, Le Procureur Général d’Alberta Intervenants.

1970: les 12 et 13 mars; 1970: le 13 mars.
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EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE...

Cour Suprême du Canada

Cité de Sillery c. Canadian Petrofina Limited et al., [1970] R.C.S. 533

Date: 1970-03-13

Cité de Sillery (Défenderesse) Appelante;

et

Canadian Petrofina Limited, Imperial Oil Limited, Les Pétroles Inc., St. Lawrence Tankers Limited, Shell Canada Limited, Texaco Canada Limited et The British American Oil Company Limited (Demanderesses) Intimées;

et

Le Procureur Général du Canada, Le Procureur Général du Québec, Le Procureur Général d’Alberta Intervenants.

1970: les 12 et 13 mars; 1970: le 13 mars.

Présents: Les Juges Fauteux, Abbott, Martland, Judson, Ritchie, Spence et Pigeon.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL d’un jugement de la Cour du banc de la reine, province de Québec[1], confirmant un jugement du Juge McNicoll. Appel rejeté.

Jacques Flynn, c.r., pour la défenderesse, appelante.

Charles Stein, c.r., et Pierre Marseille, c.r., pour les demanderesses, intimées.

Rodrigue Bédard, c.r., pour le Procureur général du Canada.

Claude Gagnon, c.r., pour le Procureur général du Québec.

John D. Richard, pour le Procureur général d’Alberta.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE PIGEON — Le 23 décembre 1961, l’appelante adoptait le règlement suivant:

RÈGLEMENT No 465

DÉCRÉTANT L’IMPOSITION D’UNE TAXE SUR MARCHANDISES GARDÉES EN DÉPÔT

CONSIDÉRANT que le Conseil a droit d’imposer et de prélever annuellement sur tout clos ou dépôt de bois brut, scié ou manufacturé, et sur tout clos ou dépôt de charbon ou tous autres articles de commerce gardés pour la vente, une taxe n’excédant pas un pour cent (1%) sur la valeur moyenne estimée desdits fonds de marchandises ou autres effets de commerce;

CONSIDÉRANT que le Conseil croit devoir se créer de nouveaux revenus pour son administration;

CONSIDÉRANT que le service de protection contre les incendies doit être continuellement amélioré et tenu en état d’efficacité à cause des énormes dépôts de gazoline et de différents autres liquides inflammables qu’il y a dans le territoire de la Cité;

CONSIDÉRANT que le coût de l’entretien de la Voirie de la Cité ne cesse de croître dû à l’augmentation continuelle de la circulation des camions lourds, des camions remorques et surtout des camions citernes avec et sans remorque, lesquels transportent des produits du pétrole;

[Page 535]

CONSIDÉRANT que le Conseil croit nécessaire d’imposer cette dite taxe surtout en ce qui concerne les dépôts de gazoline, de produits du pétrole et autres liquides inflammables;

CONSIDÉRANT qu’il a été donné avis du présent règlement, il est résolu ce qui suit:

1. Le préambule ci-dessus fait partie du présent règlement;

2. Il est imposé, sur tout clos ou dépôt de bois brut, scié ou manufacturé, sur tout dépôt, dans des réservoirs de gazoline, de pétrole, d’huile ou d’autres liquides inflammables, sur tout clos ou dépôt de charbon ou de tous autres articles de commerce gardés pour la vente, une taxe de un pour cent (1%) sur la valeur moyenne estimée desdits fonds de marchandises;

3. L’établissement de cette valeur moyenne des marchandises gardées en dépôt sera faite par les évaluateurs;

Il importe de noter dès maintenant que l’on ne trouve pas dans le premier considérant les mots que j’ai soulignés dans le par. 2 du dispositif. D’un autre côté, l’avant-dernier considérant fait voir que ce sont surtout ces dépôts-là que l’on vise. Si l’on examine ensuite le texte législatif sur lequel on s’est fondé pour adopter le règlement, on constate que les mots soulignés ne s’y trouvent pas. En effet, il s’agit de l’art. 523 de la Loi des cités et villes (S.R.Q. 1941, c. 233, aujourd’hui S.R.Q. 1964, c. 193, art. 525) qui se lit comme suit:

523. Le conseil peut imposer et prélever annuellement:

1° Sur tout fonds de marchandises ou tous effets de commerce tenus par des marchands ou des commerçants et exposés en vente dans des magasins, ou gardés dans des voutes, entrepôts ou hangars; sur tout clos ou dépôt de bois brut, scié ou manufacturé, et sur tout clos ou dépôt de charbon ou de tous autres articles de commerce gardés pour la vente, une taxe n’excédant pas un pour cent sur la valeur moyenne estimée desdits fonds de marchandises ou autres effets de commerce;

2° Sur tout locataire payant loyer dans la municipalité, une taxe n’excédant pas huit centins par dollar sur le montant du loyer ou de la valeur annuelle de la propriété inscrite sur le rôle d’évaluation.

[Page 536]

Toute personne occupant une propriété ou partie de propriété dont elle n’est ni propriétaire ni locataire, est tenue au paiement de cette taxe.

En exécution du règlement numéro 465 et du par. 5 du règlement numéro 466 ordonnant que la taxe prévue au premier soit prélevée pour l’année 1962, les fonctionnaires municipaux ont considéré le règlement numéro 465 comme visant, en outre des produits emmagasinés dans les réservoirs des grandes entreprises pétrolières, seulement les marchandises gardées dans des dépôts à l’extérieur. En conséquence, les évaluateurs ont cotisé pour cette taxe, à part huit grandes entreprises pétrolières, seulement quatre autres établissements où ils ont trouvé de la marchandise à l’extérieur: une pépinière, une quincaillerie, un magasin d’appareils de chauffage et un commerce de vieux fer, le tout pour des montants minimes s’élevant à $197.79 en tout, alors que les huit entreprises pétrolières étaient appelées à payer un total de $61,226.18. Six d’entre elles ont versé sous protêt une somme de $46,346.96 et ont intenté une action en réclamant le remboursement en même temps que la nullité du règlement numéro 465 et de l’article 5 du règlement numéro 466. L’autre demanderesse ne réclame que la nullité et celle-ci est demandée pour deux motifs: discrimination et inconstitutionalité.

La Cour supérieure a accueilli la demande pour le premier motif après avoir rejeté l’autre. La Cour d’appel a confirmé quant au premier sans se prononcer sur le second.

Devant nous, l’appelante a renoncé à soutenir comme elle l’avait fait en première instance et en appel, que le règlement n’était pas discriminatoire parce que le pouvoir de taxation dont il s’agit serait divisible. Elle n’a pas nié non plus l’invalidité d’un règlement discriminatoire surtout en matière de taxation. Son unique argument a consisté à prétendre que le règlement n’était pas discriminatoire parce qu’il visait en réalité tous les articles de commerce gardés pour la vente dans la municipalité.

L’avocat de l’appelante a reconnu qu’il y avait eu discrimination dans l’application du règlement mais en soutenant qu’il s’agissait là d’une fausse interprétation et que rien ne restreignait la portée générale de l’expression «tous autres articles de

[Page 537]

commerce». Par conséquent, a-t-il prétendu, tout ce dont les intimées avaient à se plaindre c’était la mauvaise application du règlement, la seule injustice envers elles consistait à ne pas avoir prélevé la taxe sur la valeur des stocks de tous les marchands de la localité. Elles pouvaient pour remédier à cette situation songer à différents recours mais pas à l’action en nullité.

Il ne nous paraît pas nécessaire d’examiner le bien-fondé de cette prétention en regard d’un règlement où l’on proclame, dans un préambule qui en fait partie, l’intention de taxer «surtout» «les dépôts de gazoline, de produits du pétrole et autres liquides inflammables» tout en prenant bien soin d’omettre ce que la loi mentionne en premier lieu: «les fonds de marchandises».

Dans la présente cause il y a lieu d’appliquer la règle énoncée comme suit dans les motifs donnés au nom de cette Cour par le juge Fauteux, maintenant juge en chef, dans Cité de Verdun c. Sun Oil Co. Ltd.[2]: (traduction)

La ville ne peut maintenant, en cette Cour, présenter les faits de façon différente afin d’invoquer un nouveau moyen de droit; elle est liée au système de défense qu’elle a adopté au procès (The Century Indemnity Company c. Rogers (1932) R.C.S. 529, à la p. 536. Sullivan c. McGillis et autres (1949) R.C.S. 201, à la p. 215).

En venant à la conclusion que la nullité a été à bon droit prononcée pour cause de discrimination il convient, à l’instar de la Cour d’appel, de s’abstenir d’examiner la question constitutionnelle soulevée par les intimées.

Pour ces motifs je conclus que l’appel doit être rejeté avec dépens, mais sans frais en ce qui concerne les intervenants.

Appel rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante: Flynn, Rivard, Jacques, Cimon, Lessard, & Lemay, Québec.

Procureurs des intimées: Létourneau, Stein, Marseille, Bienvenue, Délisle & Larue, Québec.

[1] [1968] B.R. 854.

[2] [1952] 1 R.C.S. 222 à 231, [1952] 1 D.L.R. 529.


Synthèse
Référence neutre : [1970] R.C.S. 533 ?
Date de la décision : 13/03/1970
Sens de l'arrêt : L’appel doit être rejeté

Analyses

Municipalité - Règlement - Taxe - Discrimination - Inconstitutionnalité - Défense liée au système adopté au procès - Loi des cités et villes, S.R.Q. 1941, c. 233, art. 523 [aujourd’hui S.R.Q. 1964, c. 193, art. 525].

En 1961, la défenderesse a adopté un règlement imposant une taxe «sur tout clos ou dépôt de bois brut, scié ou manufacturé, sur tout dépôt, dans des réservoirs, de gazoline, de pétrole, d’huile ou d’autres liquides inflammables, sur tout clos ou dépôt de charbon ou de tous autres articles de commerce gardés pour la vente». En exécution du règlement, les fonctionnaires l’ont considéré comme visant, en outre des produits emmagasinés dans les réservoirs des grandes entreprises pétrolières, seulement les marchandises gardées dans des dépôts à l’extérieur. La nullité a été demandée pour discrimination et inconstitutionnalité. La Cour supérieure a accueilli la demande pour le premier motif après avoir rejeté l’autre. La Cour d’appel a confirmé quant au premier sans se prononcer sur le second. Devant cette Cour, la défenderesse a renoncé à soutenir la validité d’un règlement discriminatoire. Admettant qu’il y avait eu discrimination dans l’application elle a soutenu qu’il s’agissait d’une fausse interprétation.

Arrêt: L’appel doit être rejeté.

Il y a lieu d’appliquer la règle énoncée dans La Cité de Verdun c. Sun Oil Co., [1952] 1 R.C.S. 222, que la ville est liée au système de défense qu’elle a adopté au procès. La nullité ayant été à bon droit prononcée pour cause de discrimination, il convient de s’abstenir d’examiner la question constitutionnelle.

[Page 534]


Parties
Demandeurs : Cité de Sillery
Défendeurs : Canadian Petrofina Limited et al.
Proposition de citation de la décision: Cité de Sillery c. Canadian Petrofina Limited et al., [1970] R.C.S. 533 (13 mars 1970)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1970-03-13;.1970..r.c.s..533 ?
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