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22/12/1969 | CANADA | N°[1970]_R.C.S._332

Canada | Ville de Montréal c. Procureur général de la Province de Québec, [1970] R.C.S. 332 (22 décembre 1969)


Cour Suprême du Canada

Ville de Montréal c. Procureur général de la Province de Québec, [1970] R.C.S. 332

Date: 1969-12-22

Ville de Montréal Appelante;

et

Le Procureur Général de la province de Québec Intimé.

1969: le 26 novembre; 1969: le 22 décembre.

Présents: Les Juges Fauteux, Abbott, Martland, Ritchie, Hall, Spence et Pigeon.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL de la décision de la Cour du banc de la reine, province de Québec[1], sur un renvoi concernant l’exécution d’un plan d

e la Ville de Montréal pour obtenir un revenu additionnel. Appel rejeté.

Michel Côté, Antonio Lamer et Jacques Fortin, p...

Cour Suprême du Canada

Ville de Montréal c. Procureur général de la Province de Québec, [1970] R.C.S. 332

Date: 1969-12-22

Ville de Montréal Appelante;

et

Le Procureur Général de la province de Québec Intimé.

1969: le 26 novembre; 1969: le 22 décembre.

Présents: Les Juges Fauteux, Abbott, Martland, Ritchie, Hall, Spence et Pigeon.

EN APPEL DE LA COUR DU BANC DE LA REINE, PROVINCE DE QUÉBEC

APPEL de la décision de la Cour du banc de la reine, province de Québec[1], sur un renvoi concernant l’exécution d’un plan de la Ville de Montréal pour obtenir un revenu additionnel. Appel rejeté.

Michel Côté, Antonio Lamer et Jacques Fortin, pour l’appelante.

Fred Kaufman, pour l’intimé.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE FAUTEUX — Le présent appel, soumis à cette Cour le 26 novembre dernier, est logé en vertu des dispositions de l’art. 37 de la Loi sur la Cour suprême et de celles de la Loi concernant un renvoi à la Cour du banc de la reine, Statuts du Québec, 17 Eliz. II, c. 83, sanctionnée le 9 mai 1968.

La Ville de Montréal se pourvoit contre l’avis majoritaire prononcé par la Cour du banc de la reine, juridiction d’appel, sur un renvoi ordonné par un arrêté en conseil portant le numéro 1354 et adopté le 8 mai 1968 par le Lieutenant-Gouverneur de la province de Québec, afin de faire déterminer par la Cour si l’exécution d’un plan adopté par la Ville de Montréal pour obtenir un revenu additionnel, contreviendrait à quelque disposition du Code criminel.

[Page 334]

Décrit à l’arrêté en conseil et ses annexes, ce plan, bien publié dans les journaux, consiste, en somme, à inviter, par les moyens de communication appropriés, le public en général à devenir contribuable volontaire de la Ville en faisant des contributions mensuelles volontaires d’un montant fixe de $2 (ou d’un multiple de ce montant) et à induire le public à répondre à cette invitation en lui disant qu’à chaque mois on tirera au sort, parmi ceux qui auront contribué durant le mois, les noms de 151 personnes qui seront alors appelées à être, un jour subséquent, interrogées, dans un ordre déterminé par tirage au sort, sur leur savoir concernant la Ville de Montréal et à se mériter, en répondant correctement, des prix variant, suivant l’ordre dans lequel elles auront été interrogées, de $100 à $100,000; le 151e candidat étant seul à pouvoir mériter l’unique prix de $100,000. La description de l’examen auquel seront soumis les candidats est faite, en des termes différents, au texte de la résolution passée par le Conseil de la Ville pour adopter le principe du plan, au texte de la résolution passée par le Comité exécutif pour en déterminer le mécanisme et au texte des annonces publiées par la Ville dans les journaux. Vague, dans les résolutions, cette description acquiert de la précision au texte des annonces destinées à l’information du public. Dans ces annonces, on lit que

…les prix seront attribués après qu’ils (les candidats) auront répondu correctement, en public, à quelques unes des questions correspondant aux réponses imprimées au verso du reçu officiel.

Au verso de ce reçu, destiné au contribuable sur paiement de ce qu’on appelle la taxe volontaire, sont imprimées vingt réponses dont les suivantes sont typiques:

1. Montréal a été fondée en 1642.

3. Montréal est la Métropole du Canada.

5. Le grand fleuve qui relie Montréal à l’Océan Atlantique s’appelle le Saint-Laurent.

9. La montagne située dans les limites de la ville de Montréal s’appelle le Mont-Royal.

Dans l’annonce publiée dans le journal La Presse, on lit:

Si un enfant est trop jeune pour répondre aux questions, son père ou sa mère ou la personne qui a payé au nom de l’enfant pourra répondre pour lui.

[Page 335]

Bien qu’il soit prévu à la résolution du Comité exécutif que

Tous les prix seront physiquement sous forme de lingots d’argent d’une valeur au moins égale aux prix annoncés.

dans la même annonce, la description des prix est comme suit:

1er PRIX…………………………

$100,000 EN ARGENT

EN PLUS:

30 prix de…………………….

$1,000 chacun en argent

20 prix de…………………….

$ 500 chacun en argent

100 prix de…………………...

$ 100 chacun en argent

Après avoir entendu les avocats désignés par le Procureur général de la province et par la Ville de Montréal, la Cour d’appel, formée de M. le juge en chef Tremblay et de MM. les juges Casey, Rinfret, Taschereau et Owen, prit l’affaire en délibéré et se prononça ultérieurement comme suit sur la question posée: Trois des membres de la Cour, MM. les juges Casey, Taschereau et Owen, donnèrent une réponse affirmative au motif que l’exécution du plan proposé contreviendrait, suivant les deux premiers, aux dispositions des paragraphes (1)(d) et (1)(e) de l’art. 179 du Code criminel et, suivant le troisième, aux dispositions du paragraphe (1)(d) de cet article. Dissidents, M. le Juge en chef et M. le juge Rinfret donnèrent une réponse négative. M. le Juge en chef indiqua, toutefois, qu’il aurait répondu affirmativement «si l’on pose seulement (aux personnes appelées à l’examen) les questions auxquelles on peut répondre par les phrases apparaissant à l’endos du reçu émis par la Ville».

Dans les notes données au soutien de son opinion, à laquelle M. le juge Taschereau donne son accord, M. le juge Casey déclare, en résumé, qu’il ressort clairement des annonces publiées dans les journaux que l’intention de la Ville, en ce qui concerne l’examen auquel doivent se présenter certains contribuables de cette prétendue taxe volontaire, est de rendre cet examen aussi facile et peu laborieux que possible et qu’en vérité, ce que la Ville a dit implicitement sinon expressément au public, c’est que les énoncés de fait imprimés au verso du reçu officiel sont les réponses à donner aux questions qui seront

[Page 336]

posées. De l’avis du savant juge, l’aptitude à apprendre par cœur ces simples énoncés de fait, pour les répéter ensuite en public, ne saurait, tout au plus, constituer qu’un degré d’habileté minime incapable en regard des critères jurisprudentiels de contenir le plan dans les limites de la légalité, comme on a prétendu y parvenir en introduisant ce type d’examen dans la dernière phase d’une opération qui tient essentiellement du hasard.

M. le juge Casey ajoute qu’il est convaincu que les prix offerts au public par les annonces dans les journaux sont des prix en espèces et que la disposition précitée de la résolution du Comité exécutif, en ce qui a trait à la forme de ces prix, représente un autre moyen visant à soustraire le plan aux dispositions de la loi.

En tout respect pour l’opinion contraire, je dois dire que nous sommes tous d’accord avec les motifs et conclusions énoncés aux notes de M. le juge Casey, motifs et conclusions que nous adoptons intégralement et auxquels nous ne voyons rien qui pourrait être utilement ajouté.

Dans ces vues, il n’est pas nécessaire de poursuivre davantage la considération de la question soumise par le renvoi. Il s’ensuit que l’appel doit être rejeté.

Appel rejeté.

Procureurs de l’appelante: M. Côté & A. Lamer, Montréal.

Procureurs de l’intimé: C. Gagnon, Québec & F. Kaufman, Montréal

[1] [1969] B.R. 561, [1969] 4 C.C.C. 326.


Sens de l'arrêt : L’appel doit être rejeté

Analyses

Droit criminel - Loterie - Taxe volontaire de Montréal - Attribution des prix par tirage au sort et réponses à des questions imprimées au verso d’un reçu officiel - Prix sous forme de lingots d’argent - Contravention au Code criminel - Loi des renvois à la Cour du banc de la reine, S.R.Q. 1964, c. 10, art. 1,5 - Code criminel, 1 (Can.), c. 51, art. 179(1)(d), (e) - Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1952, c. 259, art. 37.

A une question qui lui fut soumise par le lieutenant-gouverneur en conseil, la Cour d’appel a répondu que l’exécution d’un plan adopté par la Ville de Montréal pour obtenir un revenu additionnel contreviendrait aux dispositions de l’art. 179 du Code criminel. Ce plan, bien publié dans les journaux, consiste à inviter le public en général à devenir contribuable volontaire de la ville en faisant des contributions mensuelles volontaires d’un montant fixe de $2, ou d’un multiple de ce montant, et à induire le public à répondre à cette invitation en lui disant qu’à chaque mois on tirera au sort, parmi ceux qui auront contribué durant le mois, les noms de 151 personnes qui seront alors appelées à être, un jour subséquent, interrogées, dans un ordre déterminé par tirage au sort, sur leur savoir concernant la ville de Montréal et à se mériter, en répondant correctement, des prix variant, suivant l’ordre dans lequel elles auront été interrogées, de $100 à $100,000; le 151e candidat étant seul à pouvoir mériter l’unique prix de $100,000. Au texte des annonces publiées dans les journaux, il est dit que les prix seront attribués après que les candidats auront répondu correctement, en public, à quelquesunes des questions correspondant aux réponses imprimées au verso du reçu officiel. Dans la résolution du comité exécutif il est dit que tous les prix seront physiquement sous forme de lingots d’argent. La Ville en appela à cette Cour.

[Page 333]

Arrêt: L’appel doit être rejeté.

Le jugement majoritaire de la Cour d’appel a statué avec raison qu’il ressort clairement des annonces publiées dans les journaux que l’intention de la ville, en ce qui concerne l’examen, est de rendre cet examen aussi facile et peu laborieux que possible et qu’en vérité, ce que la ville a dit implicitement sinon expressément au public, c’est que les énoncés de fait imprimés au verso du reçu officiel sont les réponses à donner aux questions qui seront posées; que l’aptitude à apprendre par coeur ces simples énoncés de fait, pour les répéter ensuite en public, ne saurait, tout au plus, constituer qu’un degré d’habileté minime incapable de contenir le plan dans les limites de la légalité, comme on a prétendu y parvenir en introduisant ce type d’examen dans la dernière phase d’une opération qui tient essentiellement du hasard; et que la forme des prix représente un autre moyen visant à soustraire le plan aux dispositions de la loi.


Parties
Demandeurs : Ville de Montréal
Défendeurs : Procureur général de la Province de Québec

Références :
Proposition de citation de la décision: Ville de Montréal c. Procureur général de la Province de Québec, [1970] R.C.S. 332 (22 décembre 1969)


Origine de la décision
Date de la décision : 22/12/1969
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1970] R.C.S. 332 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1969-12-22;.1970..r.c.s..332 ?
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