COUR DE CASSATION BURKINA FASO
CHAMBRE COMMERCIALE
Dossier n°127/2017
Arrêt n°008/2019 du 11/04/2019
AUDIENCE PUBLIQUE DU 11 AVRIL 2019
AFFAIRE : Total Burkina SA c/ Z.D
L’an deux mille dix neuf Et le onze avril
La Chambre commerciale de la Cour de cassation siégeant en audience publique ordinaire dans la salle de ladite Cour composée de :
Madame BAMBA Sita, Conseiller PRESIDENT
Madame HIEN Eudoxie, Conseiller
Madame KY-DICKO Diénaba, Conseiller
En présence de Monsieur ILBOUDO Wenceslas, Avocat général et de Maître TALL/SOW Djénéba N’deye, Greffier ;
A rendu l’arrêt ci-après :
LA COUR
Statuant sur le pourvoi en cassation formé le 24 mai 2017 par la SCPA YAGUIBOU et associés au nom et pour le compte de Total Burkina SA contre l’arrêt n°17 du 28 avril 2017, rendu par la Chambre commerciale de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso, dans une instance l’opposant à Z.D ;
Vu la loi organique n°018-2016/AN du 26 mai 2016 portant composition, organisation, attributions, fonctionnement de la cour de cassation et procédure applicable devant elle ;
Vu la loi organique N°13/2000/AN du 09 mai 2000 portant organisation, attributions et fonctionnement de la Cour de cassation ;
Vu la loi n°22-99/AN du 18 mai 2000 portant Code de procédure civile ;
Vu le rapport du Conseiller ;
Vu les conclusions écrites du Ministère public ;
Ouï le Conseiller en son rapport ;
Ouï l’Avocat général en ses réquisitions orales ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI
Attendu que le défendeur au pourvoi Z.D soulève l’irrecevabilité du pourvoi en ce que les moyens ne sont pas développés dans la requête et l’expédition de l’arrêt attaqué n’est pas annexée à ladite requête tel que le prescrit l’article 603 du Code de procédure civile ;
Attendu que le demandeur a précisé dans sa requête afin de pourvoi qu’il entendait développer dans un mémoire ampliatif les moyens de cassation dès que l’arrêt sera disponible ;
Attendu que dans ce sens, le pourvoi a été régularisé sans que le Conseiller rapporteur n’invite le demandeur à le faire comme il est dit à l’article 608 al.2 du Code de procédure civile ; que dès lors, on ne saurait invoquer le non-respect du délai ; que par ailleurs les prescriptions des articles 603, 604 et 605 du Code de procédure civile ont été respectées ; que le pourvoi est donc recevable ;
Au fond
Attendu qu’au cours des années 1994 et 1998, Z.D a conclu des contrats de location gérance des stations-service de Tougan, Toma, et Gassan avec BP qui est passé de ELF à Total Fina ELF et enfin Total ; que l’exploitation desdits fonds révéla des écarts de stocks qui se sont accentués à partir de 2004 et ce, jusqu‘en 2010 ; que ces écarts s’expliquaient par les pertes récurrentes de carburant liées à l’état défectueux des installations ; que les multiples démarches entreprises par Z.D auprès de Total Burkina en vue de procéder aux vérifications et réparations qui s’imposent sont restées sans suite , Total prétextant que ces ruptures de carburant seraient dues aux difficultés financières que connaissait Z.D qui n’arrivait pas à approvisionner régulièrement ses pompes ; que Z.D a dû faire procéder à des réfections afin de contenir les fuites, mais les écarts étaient toujours perceptibles ;
Attendu qu’au regard de la situation, Z.D a sollicité et obtenu du Président du Tribunal de grande instance de Tougan, des ordonnances aux fins d’expertise afin de permettre de connaître les origines des pertes et de situer les responsabilités ; que lesdites expertises réalisées par le BUMIGEB ont confirmé l’état défectueux des installations ; que le 25 février 2010, Total résiliait le contrat de fourniture de produits pétroliers ;
Attendu que le 28 novembre 2013, Z.D par l’intermédiaire de son conseil, la SCPA TOU et SOME assignait Total Burkina SA part devant le Tribunal de grande instance de Tougan pour s’entendre la déclarer responsable des préjudices subis et par conséquent, la condamner à lui payer les sommes de quatre-vingt-deux millions quatre cent cinquante mille cent trente-huit (82.450.138) francs CFA pour la station de Toma, cent soixante-onze millions cinq cent soixante-dix-neuf mille trois cent huit (171.579.308) francs CFA pour la station de Tougan, et celle de trois millions trois treize mille six cent soixante-quinze (3.313.675) francs CFA pour la station de Gassan à titre de dommages et intérêts , et en outre lui payer les sommes de cinq cent mille (500.000) francs CFA, vingt millions (20.000.000) de francs CFA et cinq cent mille (500.000) francs CFA à titre respectif de frais exposés et non compris dans les dépens pour les deux premières et d’honoraires pour la dernière, enfin condamner Total aux entiers dépens;
Que par jugement n°72/14 du 24 juin 2014, ledit tribunal, statuant contradictoirement, déclarait l’action de Z.D partiellement fondée, en conséquence, condamnait Total Burkina SA à lui payer la somme de deux cent trente-six millions cent soixante-quinze mille cent soixante-neuf (236.175.169) francs CFA à titre de dommages et intérêts, outre celles d’un million six cent cinq mille deux cent quarante (1.605.240) francs CFA au titre du remboursement des frais d’expertise, de quatre cent mille (400.000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et aux entiers dépens ;
Déboutait Z.D du surplus de ses réclamations.
Que sur appel de Total Burkina SA le 20 août 2014, la Cour d’appel de Bobo Dioulasso, par arrêt n°17 du 28 avril 2017, a déclaré recevable la demande d’expertise comptable formulée en barre d’appel par Total Burkina SA, mais dit que cette expertise est irréalisable ; par conséquent, il n’y a pas lieu de l’ordonner ;
Confirme le jugement n°072 du 24 juin 2014 rendu par le Tribunal de grande instance de Tougan dans le cadre du litige qui oppose l’appelante à l’intimé Z.D ;
Condamne l’appelante aux dépens ;
Déboute chacune des parties au procès de sa demande en paiement de frais exposés et non compris dans les dépens ;
Attendu que c’est cet arrêt qui a fait l’objet de pourvoi le 24 mai 2017 par Total Burkina SA ;
Qu’au soutien de son pourvoi, le conseil du demandeur invoque dans la requête afin de pourvoi, la violation des articles 288, 21 et 29 du Code de procédure civile (CPC) ; que dans le mémoire ampliatif, en plus des articles visés dans la requête, il soulève la violation des articles 198 du CPC, 1315 du Code civil et la fausse application de la loi ; qu’il sollicite que l’arrêt soit cassé et la cause renvoyée devant la même Cour d’appel autrement composée, condamner Z.D à lui payer la somme d’un million au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Attendu que les articles 198 du CPC, 1315 du Code civil et le moyen tiré de la fausse application de la loi n’ont pas été visés dans la requête afin de pourvoi ; que ces moyens ne seront donc pas examinés en ce que la Cour n’est saisie que par la requête, le mémoire ampliatif ne faisant que développer les moyens contenus dans la requête afin de pourvoi en cassation ;
Sur le moyen tiré de la violation de l’article 288 du Code de procédure civile
Attendu que le demandeur allègue que les juges d’appel en disant que l’expertise comptable demandée est irréalisable parce qu’aucune des parties ne détient l’intégralité des documents commerciaux, ont violé l’article 288 du CPC motif pris de ce que c’est l’expert seul qui peut dire si l’expertise était possible ou pas ;
Attendu qu’il résulte de l’article 288 du CPC que « lorsqu’il y’a lieu de procéder à des constatations, recherches, ou estimations qui requièrent la compétence d’un technicien, le juge, soit d’office, soit à la demande des parties ordonne une expertise » ;
Attendu que si le juge estime avoir en sa possession des éléments suffisants pour statuer, il n’a pas besoin de recourir à un expert ; qu’en effet, la Cour d’appel s’est basée sur un rapport du bureau de suivi fiscal et comptable du Burkina dont l’appelant n’a pas relevé le manque de pertinence des éléments qui s’y trouvent ; qu’au regard du libellé dudit article, l’expertise relève de l’appréciation souveraine du juge du fond ; que dès lors, ce moyen doit être rejeté car mal fondé ;
Sur le moyen tiré de la violation de l’article 21 du Code de procédure civile
Attendu que le demandeur prétend que l’arrêt en déclarant que l’expertise est irréalisable, s’est substitué à l’expert, et de ce fait a statué au-delà de ce qui lui est demandé ;
Attendu qu’il résulte de l’article 21 du CPC que « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé » ;
Attendu que dès lors que les juges d’appel, ont répondu à la demande d’expertise, l’article 21 du CPC n’a pas été violé en ce qu’ils n’ont pas statué ni en dehors ni au-delà ou en deçà de ce qui leur avait été demandé ; que la Cour d’appel l’a débouté en fonction des éléments en sa possession ; qu’il convient de rejeter aussi ce moyen comme étant mal fondé ;
Sur le moyen tiré de la violation de l’art 29 al 1 du Code de procédure civile
Attendu que le demandeur allègue que les juges d’appel en disant que l’expertise était irréalisable, n’ont pas tranché le litige conformément aux règles de droit qui lui sont soumis, car cela ressort de la compétence de l’expert ;
Attendu que suivant l’article 29 al.1 du CPC « le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables » ;
Attendu que le défendeur soutient que la Cour d’appel a confirmé le jugement frappé d’appel en retenant la responsabilité contractuelle de Total Burkina sur la base des dispositions des articles 12.3.1, 12.3.3.1 des contrats de location gérance conclus entre les parties et des articles 1134, 1142, 1147 du Code civil ;
Attendu que la Cour s’est basée sur les dispositions du contrat de location gérance précisément les articles suscités et sur les dispositions légales en la matière pour répondre aux prétentions et moyens des parties ; qu’elle a du reste suffisamment motivé sa décision ; que ce moyen ne saurait par conséquent être accueilli ;
Attendu que le défendeur a, dans son mémoire en réplique du 25 juillet 2017, développé des moyens de violation des articles 1156 du Code civil, 6 nouveau de la loi portant organisation judiciaire au Burkina et 394 du CPC ;
Attendu que le défendeur n’a pas fait de pourvoi contre la décision en cause ; qu’il est donc irrecevable en ses moyens reconventionnels ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens
Attendu que le demandeur sollicite la condamnation de Z.D au paiement de la somme d’un million (1.000.000) de francs CFA ; que ce dernier réclame à son tour la condamnation de Total Burkina à lui payer la somme de deux millions cinq mille (2.500.000) francs CFA en ce qu’elle l’a contraint à s’attacher les services d’un conseil ;
Attendu qu’il ressort de l’article 6 nouveau de la loi portant organisation judiciaire au Burkina, que le juge, dans toutes les instances, sur demande expresse et motivée, condamne la partie perdante à payer à l’autre une somme qu’il détermine à cet effet ; Qu’en l’espèce, le demandeur n’a pas justifié sa demande et en plus, il a perdu le procès ; qu’il échet de l’en débouter ; que le défendeur bien qu’ayant eu gain de cause, n’a pas justifié sa demande ; qu’il y’a lieu de l’en débouter également.
PAR CES MOTIFS
En la forme
Déclare le pourvoi recevable ;
Au fond
Le rejette comme étant mal fondé ;
Condamne Total Burkina SA aux dépens ;
Déboute chacune des parties de sa demande en paiement de frais exposés et non compris dans les dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Chambre commerciale de la Cour de cassation du Burkina Faso les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.