ORDONNANCE EN FORME DE REFERE N°12/2015 DU 23/11/2015
L’an deux mille quinze Et le vingt trois novembre à dix heures
Nous, Jean Mazobé KONDE, Président par intérim de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du Ae Aa ;
Etant en notre cabinet à la Cour de cassation, assisté de madame KAMBIRE greffier à ladite Cour ;
Statuant en matière de sursis à exécution dans l’affaire entre :
AFAFPLAST . SARL RCCM n° BF BD 2003 M 468 dont le siège social est sis à la zone industrielle de Ab Af C 413
Et SAF PLAST . SARL RCCM n° BF OUA 2009 B 3029 dont le siège social est sis 73, rue O.SibiriOUEDRAOGO,secteur 1, BP 9418 OUAGADOUGOU 06
Représentées par leurs gérants lesquels ont pour conseil :
Le Cabinet d’avocats, Boubakar NACRO, sis rue Ac B, secteur 8, 01 BP 2196 Ab Af 01 tel 20972751 Email : cabn95
yahoo.fr Maître Julien LALLOGO, avocat à la Cour ;
Contre
SIFPLAST – CI SARL. RCCM n° CI – ABJ- 1994- B – 178.659 ayant son siège social à ABIDJAN- VRIDI- ZI – Rue Sylvestre 15 BP 774 Abidjan 15 représentée par son gérant et ayant pour conseils :
Maître Issif SAWADOGO, avocat à la Cour, 01 BP 2003 Ab Af 01 Maître Yacoba OUATTARA, avocat à la Cour, 01 BP 6790 Ouagadougou 01
Vu la requête aux fins de sursis à exécution de l’arrêt N° 01 du 28septembre 2015, rendu par la Chambre civile de la Cour d’appel de Ab Af, introduite par Maître Amédée YERE du Cabinet d’avocats Boubakar NACRO;
Vu la requête afin de pourvoi en cassation en date du 1er octobre 2015 contre l’arrêt N° 01 du 28 septembre 2015 ;
Vu l’ordonnance N° 15- O25 /C.CASS/CAB portant désignation d’un juge aux fins de statuer sur les mérites de la requête tendant à obtenir le sursis à exécution de l’arrêt N° 01 du 28 septembre 2015 ;
Vu notre ordonnance N° 12/2015 du 05 octobre 2015, portant autorisation d’assigner à bref délai ;
Vu l’acte d’assignation à bref délai en date du 07 octobre 2015
Vu l’article 607 nouveau du code de procédure civile ;
Attendu que suivant exploit d’huissier daté du 07 octobre 2015 Les sociétés AFAFPLAST SARL et SAFPLAST SARL, ayant pour conseil le cabinet d’avocats Boubacar NACRO, a attrait la société SIFPLAST représentée par Maîtres SAWADOGO Issif et OUATTARA Yacoba, avocats à la Cour, devant la juridiction du Premier Président de la Cour de cassation statuant en matière de sursis à exécution, pour obtenir le sursis à l’exécution de l’arrêt n° 01 du 28 septembre 2015 rendu par la Chambre civile de la Cour d’appel de Ab Af qui a infirmé le jugement n° 143/2011 du 23 mars 2011 ;
Qu’au soutien de leur demande, elles estiment que l’arrêt incriminé contient plusieurs grossières erreurs de droit d’une part, et que SIFPLAST SARL défenderesse à l’instance ne présente aucune garantie de restitution en cas de cassation dudit arrêt d’autre part ;
Qu’au titre des erreurs grossières de droit les requérantes relèvent :
Que la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Ab Af, en l’espèce a statué en matière de concurrence déloyale, matière commerciale par excellence, violant ainsi les lois 10-ADP du 17 mai 1993 et 22-2009 AN portant respectivement organisation judiciaire et création et organisation des Tribunaux de commerce ;
Que la Cour d’Appel de Ab en sa Chambre civile a modifié l’objet de la demande et commis un excès de pouvoir en jugeant que l’assignation aurait dû être intitulée assignation en constatation d’une contrefaçon, d’une concurrence déloyale et en dédommagement. Selon les requérantes la Cour d’appel de Ab a violé les articles 20 et 21 du Code de procédure civile et a commis une fausse interprétation des articles 29 et 30 du même code en muant d’autorité une action en validité de saisie conservatoire en action en constatation de contrefaçon ;
Que la Chambre civile s’est trompée en appliquant au litige l’annexe II de l’Accord révisé de Bangui alors que les dispositions appropriées seraient plutôt celles de l’Annexe IV dudit Accord. Qu’ainsi, même la base légale de la décision serait fausse ;
Qu’aucun fait de contrefaçon ne saurait être imputé aux requérantes qui, aux termes d’un protocole d’accord signé avec monsieur Ad A, ont été autorisé par celui – ci à exploiter son dessin ou modèle enregistré à l’OAPI sous le N° 03286 « Super 14 » par arrêté N° 011/37/OAPI/DG/DGA du 30 mars 2011 ;
Que la Cour d’Appel de Ab Af a même empiété sur le domaine de compétence de l’OAPI puisqu’elle a préféré retenir comme base de sa décision un arrêté d’enregistrement faisant l’objet d’un avis de déchéance, au détriment de l’arrêté N° 011/37 en cours de validité qu’elles exploitent ;
Que la Cour d’appel a reproché aux requérantes de la concurrence déloyale sans pour autant relever des faits précis qui l’établissent, exposant ainsi sa décision à des griefs d’insuffisance de motifs et de fausse interprétation de l’Annexe VIII de l’ Accord révisé de BANGUI ;
Qu’en condamnant les requérantes à payer aux deux conseils de SIF PLAST – CI la somme de 24 005 915 F CFA au titre des frais irrépétibles, alors qu’ils ne pas parties au procès, la Cour d’appel a violé l’article 6 de la loi portant organisation judiciaire.
Au titre des conséquences excessives qu’engendrerait l’exécution de l’arrêt, les requérantes par leurs conseils soutiennent :
Qu’en dépit du fait que le dessin ou modèle dont se prévaut SIFPLAST-CI SARL soit frappé de déchéance, la Cour d’appel de Ab lui a alloué 153 372 766 F CFA de dommages intérêts ; que l’exécution d’une telle décision engendrerait la fermeture des deux sociétés demanderesse et le licenciement de plus de deux cents (200) ouvriers qu’elles emploient ;
Que le siège de la SIF PLAST-CI SARL étant en Côte d’Ivoire, la restitution en cas de cassation ne pourra qu’être hypothétique :
Qu’elles demandent enfin par leurs conseil, que la société SIF PLAST-CI SARL soit condamnée à leur payer la somme de 10 000 000 F CFA au titre des frais exposés non compris dans les dépens, motif pris de ce qu’elles ont dû s’attacher les services d’avocats pour soigner leurs intérêts.
La société SIF PLAST-CI SARL pour sa part conclut d’entrée de jeu par ses conseils à l’incompétence de la juridiction du 1er Président de la Cour de cassation, sur le fondement des articles 32 et 49 de L’AURCVE d’une part et d’autre part à la nullité de l’assignation au motif que celle-ci lui a été servie sans que la requête aux fins de sursis à exécution ne soit jointe. L’absence de cette requête rendrait l’assignation nulle parce qu’entorse aurait été faite au principe du contradictoire.
Répliquant subsidiairement aux conclusions des requérantes, la société SIF PLAST-CI estime qu’elle n’a commis aucune erreur de droit dont la grossièreté pourrait justifier l’application de l’article 607 du Code de procédure civile ; qu’ainsi la Cour d’appel de Ab n’aurait en rien modifié l’objet de la demande car hormis son titre l’assignation du 18 août 2010 dans son contenu vise non pas la validation d’une saisie, mais plutôt la constatation d’une contrefaçon et la reconnaissance de faits de concurrence déloyale ; que la seule erreur commise en l’espèce par la Cour d’appel est une erreur matérielle ayant consisté à allouer non pas à la SIF PLAST-CI SARL, mais à ses deux conseils la somme de 24 005 915 F CFA au titre des frais exposés non compris dans les dépens. Elle demande enfin suite aux observations faites à l’audience par ses conseils la condamnation des requérantes à lui payer la somme de 1 000 000F CFA au titre des frais irrépétibles.
SUR LES EXCEPTIONS
D’incompétence
Attendu que pour soutenir le moyen tiré de l’incompétence de la juridiction du Premier président de la Cour de Cassation en matière de sursis à exécution la SIF PLAST-CI SARL par ses conseils invoque les dispositions des articles 32 al 2, 33, 49, 153 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution, ainsi que l’article 10 du traité OHADA ; Qu’elle n’indique cependant pas en quoi ces dispositions sont contraire à l’application de l’article 607 du Code de procédure civile ; que l’exception ne peut dans ces conditions être accueillie ;
De nullité de l’assignation
Attendu que la défenderesse a soutenu à l’audience toujours par ses conseils la nullité de l’assignation pour violation des droits de la défense et du principe du contradictoire en se fondant sur le fait que l’assignation lui a été servie sans que la requête aux fins de sursis à exécution ne soit jointe ; Attendu qu’aucune disposition légale ne prescrit une telle communication ; qu’aucune entorse au droit de la défense ou au principe du contradictoire ne peut être sérieusement relevée et soutenue ; qu’en conséquence ce moyen doit être rejeté.
SUR LA DEMANDE DE SURSIS A EXECUTION
Attendu qu’il ressort des débats et des pièces du dossier que les moyens exposés au soutien du pourvoi sont exactement les mêmes que ceux développés par les demanderesses au sursis à exécution à la suite du moyen tiré de la grossière erreur de droit mentionnée tant dans la requête aux fins de sursis à exécution que dans l’assignation ; Que la décision de sursis ne pouvant préjudicier du fond du litige, il appartient aux juges du pourvoi d’en apprécier les mérites ; qu’il echet en conséquence de les rejeter dans le cadre de la présente procédure ;
Attendu qu’en ce qui concerne les conséquences excessives qu’engendrerait l’exécution de l’arrêt sur les demanderesses, la SIF PLAST-CI SARL ne conteste dans aucune des écritures de ses conseils le fait que le paiement du montant de la condamnation : 153 372 766F CFA, est de nature à mettre les sociétés AFAF PLAST et SAF PLAST dans une situation financière critique se traduisant par la fermeture des unités de production et le licenciement des travailleurs.
Attendu que l’article 607 nouveau prévoit expressément le cas où « l’exécution est de nature à entraîner des conséquences excessives au regard de la situation du débiteur de l’exécution » ; Que dès lors l’exécution est de nature à entraîner des conséquences excessives pour les deux demanderesses ;
Attendu par ailleurs qu’eu égard à l’importance du montant de la condamnation la SIF PLAST-CI SARL pour établir qu’il n’ y a pas de risque de restitution impossible ou difficile en cas de cassation, a versé au dossier des déclarations fiscales ainsi qu’un rapport d’expertise portant sur la détermination de la valeur des constructions formant l’unité industrielle SIF PLAST- CI SARL ainsi que celle du matériel et outillage d’exploitation; que ces seuls documents ne peuvent faire disparaître le risque de restitution impossible ou difficile tel que formulé par les demanderesses ; Que de ce qui précède il échet d’ordonner le sursis à exécution de l’arrêt incriminé.
SUR LES DEMANDES DE FRAIS NON COMPRIS DANS LES DEPENS
Attendu que chacune des parties a formulé des demandes de frais irrépétibles ; Qu’aucune d’elles n’a cependant cru devoir satisfaire aux exigences de l’article 6 alinéa 3 de la loi n°28-2004 portant modification de la loi 10/93/ADP portant organisation judiciaire, en motivant sa demande, exposant celle-ci au rejet ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en chambre de conseil, contradictoirement et en la forme de référé,
Rejetons les exceptions d’incompétence et de nullité soulevées par les conseils de la défenderesse SIF PLAST-CI ;
Nous déclarons compétents ;
En la forme : Déclarons la requête recevable
Au fond : Ordonnons le sursis à exécution de l’arrêt n° 01 rendu le 28/09/2015 par la Chambre civile de la Cour d’Appel de Ab Af ;
Déboutons les demanderesses de leur demande de frais exposés non compris dans les dépens ;
Déboutons la défenderesse de sa demande de frais exposés non compris dans les dépens ;
Condamnons SIF PLAST-CI aux dépens ;
Renvoyons l’affaire devant la chambre compétente pour la poursuite de la procédure.
Donné en notre cabinet
Ouagadougou le 23 novembre 2015