Dossier n°104/2010
AUDIENCE PUBLIQUE DU 03 JUILLET 2014
L’an deux mille quatorze
Et le trois juillet
La Cour de Cassation, Chambre Civile, siégeant en audience publique dans la salle des audiences ordinaires de ladite Cour, composée de :
Monsieur KONTOGOME O. Daniel, Président de la Chambre Civile ;
Madame ZONGO Priscille, Conseiller
Monsieur GUEYE Mamadou, Conseiller
En présence de Monsieur PODA G. Simplice, Avocat général,
et avec l’assistance de Madame NIKIEMA T. Clarisse, Greffier ;
A rendu l’arrêt ci-après :
LA COUR
Statuant sur le pourvoi en cassation formé le 16 juillet 2010 par maître BAADHIO Issouf, avocat à la Cour, Bâtonnier de l’ordre des Avocats agissant au nom et pour le compte de la Société d’Equipement pour l’Ae Ag en abrégé S.E.A.B, S.A contre l’arrêt n° 126 du 20 Mai 2010 rendu par la Cour d’appel de Ab dans l’affaire opposant sa cliente à Af Ac Ad représenté par Maître Emma Félicité DALA également avocat à la Cour.
Vu la loi organique n°13/2000/AN du 09 Mai 2000 portant organisation,
attribution et fonctionnement de la Cour de Cassation ;
Vu la loi 022/99/AN du 18 Mai 1999 portant Code de procédure civile ;
Vu le rapport de Madame le conseiller rapporteur et les conclusions
écrites du Ministère Public ;
Ouï Madame le conseiller en son rapport ;
Ouï Monsieur l’avocat Général et les parties en leurs observations orales ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
SUR LA RECEVABILITE
Attendu que la requête a été introduite selon les forme et délais prévus par le code sus visé ; qu’il convient de déclarer le pourvoi recevable ;
AU FOND
Attendu selon les énonciations de l’arrêt attaqué et des pièces du dossier, qu’en janvier 2005 le défendeur Af Ac Ad propriétaire d’un véhicule de type électronique, marque Mercedes Benz 320 CDI vieux de six années, acquis à 30 000 000 de francs CFA l’a remis à la S.E.A.B pour un réglage des phares ; qu’en juin 2005 le véhicule est reparti au même garage pour une réparation du pont ; que les pannes se sont ensuite succédées à telle enseigne qu’au mois de décembre suivant, le défendeur reprit son véhicule pour parer au coût croissant de la réparation qui s’était élevé à 11 000 000 de francs ;
Qu’estimant que les interventions du garagiste ont été à l’origine des pannes successives et de la mise hors d’usage de sa voiture, Af Ac Ad a refusé de lui payer le reliquat des frais de réparation et a exigé du garagiste une autre voiture en remplacement de celle qui a été mise hors d’usage ;
Attendu qu’un procès-verbal de constat d’huissier établi en octobre 2006 présente le véhicule transporté sur camion pour être redéposé au garage SEA-B attestant du même coup que ledit véhicule n’est plus à mesure de circuler ;
Attendu que suite à une transaction amiable demeurée infructueuse, Af Ac Ad a porté la cause au prétoire en juin 2007 et le 11 juin 2008, le tribunal a fait droit à sa demande, et condamné la SEA-B à lui payer la somme de 22 500 000 F représentant la valeur du véhicule ;
Que par acte d’huissier en date du 17 juin 2008 la SEA-B a interjeté appel pour voir infirmer la décision du tribunal ;
Que la Cour, le 20 mai 2010 a statué en ces termes :
« Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort :
Déclare l’appel recevable ;
Annule le jugement attaqué ;
Statuant à nouveau :
Déclare Af Ac Ad fondé en son action
Condamne SEA-B à lui payer la somme de 18.000.000 FCFA représentant la contre-valeur du véhicule ;
Déboute Af Ac Ad de sa demande de paiement de frais de location ;
Condamne la SEA-B aux dépens ;
La condamne à payer à Af Ac Ad la somme de 300.000 FCFA à titre de frais exposés non compris dans les dépens. »
C’est cet arrêt qui est contesté par la SEA-B à l’appui des moyens ci-après :
Sur le moyen tiré de la violation des articles 1147 et 1151 du code civil en ses trois branches
Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée au paiement de dommages intérêts en raison des pannes répétées du véhicule et de son immobilisation alors que :
1) la faute du garagiste n’a pas été établie ; qu’étant tenu par une obligation de résultat, seul un résultat non atteint pouvait constituer une inexécution d’une obligation contractuelle, et ayant été saisi en l’espèce par plusieurs ordres de réparer il appartenait au créancier de dire laquelle des obligations n’a pas été exécutée ; Qu’en retenant la succession des pannes comme une inexécution constitutive d’une faute contractuelle, la cour viole l’article 1147 du code civil car cette disposition n’est d’application qu’en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution d’une obligation ;
2) la faute du garagiste ne peut être recherchée que dans les limites de ces interventions ; que pour retenir sa responsabilité contractuelle l’arrêt attaqué énonce que l’immobilisation du véhicule de Monsieur Af est une suite immédiate des interventions défectueuses du garagiste alors que cette immobilisation provient de pannes constatées après la sortie du véhicule du garage voire des pannes sur lesquelles le garagiste n’est pas intervenu ;
3) que l’absence de faute du chef du garagiste entraîne ipso facto l’absence d’un lien de causalité permettant la réparation du préjudice invoqué par le défendeur ;
Attendu que le garagiste est tenu vis-à-vis du client d’une obligation de résultat quant à l’exécution des réparations, qu’en l’espèce le véhicule a été plusieurs fois remis au garagiste pour être en meilleur état de circuler, que l’arrêt énonce cependant que : « plus le véhicule entrait au garage moins il était bon état d’utilisation jusqu’à en être immobilisé » ; « plus le véhicule est revenu au garage, plus il était en moins bon état, entraînant ainsi son immobilisation » ; Attendu que les juges du fond après une constatation de faits qui relève de leur pouvoir souverain ont retenu la mauvaise exécution du garagiste ;
Attendu que la mauvaise exécution s’assimile à une inexécution au regard de la doctrine et de la jurisprudence ;
Attendu qu’au regard de l’article 1147 du code civil la faute contractuelle est présumée en cas en cas d’inexécution de l’obligation, sauf au débiteur de s’en dégager en rapportant la preuve que l’inexécution provient d’une cause qui ne peut lui être imputée ;
Que par ailleurs, de jurisprudence constante, l’obligation de résultat emporte une présomption de faute;
Qu’après avoir établi que le résultat n’a pas été atteint, la présomption de faute imposait à la cour en l’absence de toute preuve contraire rapportée par le garagiste, de retenir la responsabilité contractuelle de celui-ci ; que le moyen est par conséquent non fondé en sa première branche ;
Attendu que la jurisprudence retient également que l’obligation de résultat emporte une présomption de causalité entre la prestation fournie et le dommage invoqué ; que l’immobilisation du véhicule ou sa mise hors d’usage qui est le dommage invoqué par le client n’est pas contesté et est d’ailleurs établi par constat d’huissier ; que la présomption de causalité met à la charge du garagiste de prouver l’absence de lien entre les prestations fournies et le dommage invoqué ; que faute de l’avoir fait, l’arrêt ne pèche point en énonçant, après avoir largement motivé sur la mauvaise exécution de l’obligation du garagiste, que l’immobilisation du véhicule est la conséquence immédiate de ses interventions ; qu’il s’ensuit que le moyen est également non fondé en sa deuxième branche ;
Attendu que l’arrêt critiqué a établi la faute du garagiste, le préjudice d’ailleurs non contesté du défendeur et le lien existant entre les prestations défectueuses du garagiste et le préjudice éprouvé ; que l’application de l’article 1151 dans ces conditions n’a nullement été violée ;
Qu’au regard de tout ce qui précède le moyen convient d’être rejeté ;
Sur le deuxième moyen pris en la violation de l’article 1149 du code civil
Attendu que le moyen se borne à critiquer le montant des dommages intérêts au motif qu’il est élevé au regard de l’état de vétusté du véhicule ; que la valeur de celle-ci est estimée à l’argus à 6.555 570 FCFA ;
Attendu que les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour déterminer le montant des dommages intérêts ; que la cour ne saurait accueillir le moyen ;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
Déclare le pourvoi recevable
AU FOND
Le rejette ;
Met les dépens à la charge de la requérante ;
Ainsi fait, prononcé et jugé publiquement par la chambre civile de la Cour de Cassation du Ag Aa, les jours, mois et an que dessous ;
Et ont signé le Président et le greffier