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01/03/2007 | BURKINA FASO | N°11

Burkina Faso | Burkina Faso, Cour de cassation, Chambre civile, 01 mars 2007, 11


Texte (pseudonymisé)
Dossier n° 73/05

PROCEDURE CIVILE ; ENTREPRISE A ETABLISSEMENTS MULTIPLES ; IRRECEVABILITE TIREE DU DEFAUT DE QUALITE DES ETABLISSEMENTS ; REGULARISATION ; ASSIGNATION DE L’ENTREPRISE ; MERE DOTEE DE LA PERSONNALITE JURIDIQUE

Une Cour d’appel, qui constate que des groupements attraits en justice sont rattachés à une personne juridique, laquelle les a institués, en déduit justement que, même si ceux-ci n’ont pas la personnalité morale, l’irrecevabilité tirée de leur défaut de qualité est couverte par l’assignation de la personne-mère qui répond d’eux.
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Dossier n° 73/05

PROCEDURE CIVILE ; ENTREPRISE A ETABLISSEMENTS MULTIPLES ; IRRECEVABILITE TIREE DU DEFAUT DE QUALITE DES ETABLISSEMENTS ; REGULARISATION ; ASSIGNATION DE L’ENTREPRISE ; MERE DOTEE DE LA PERSONNALITE JURIDIQUE

Une Cour d’appel, qui constate que des groupements attraits en justice sont rattachés à une personne juridique, laquelle les a institués, en déduit justement que, même si ceux-ci n’ont pas la personnalité morale, l’irrecevabilité tirée de leur défaut de qualité est couverte par l’assignation de la personne-mère qui répond d’eux.

JUGEMENTS ET ARRETS ; CHOSE JUGEE ; AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE AU PENAL SUR LE CIVIL ; DEFAUT ; CAS

L’autorité absolue attachée aux décisions pénales ne s’oppose pas à la recevabilité d’une action en réparation exercée devant la juridiction civile et sur un fondement distinct à l’encontre d’une personne qui n’était pas partie au procès pénal.

POUVOIR DES JUGES ; ENTREPRISE MERE ; OPPOSABILITE ; SIGNATURE ; FONDE DE POUVOIR ; STATUTS ; INFLUENCE (NON) ; DEFAUT DE PERSONNALITE JURIDIQUE DES ETABLISSEMENTS ; ENTREPRISE A ETABLISSEMENTS MULTIPLES ; APPRECIATION SOUVERAINE

Ne viole aucun des textes au moyen du pourvoi ,une Cour d’appel qui, pour faire droit à la demande d’un créancier de sommes d’argent, victime de tromperies dans la sphère d’une hiérarchie de structures contrôlées par une personne morale dotée de la personnalité juridique, condamne cette dernière au paiement en retenant qu’elle est engagée par la signature de son représentant dès lors qu’elle répond de celles-ci.

RENONCIATION ; CONDITION SINE QUA NON ; INTENTION MANIFESTE ET NON EQUIVOQUE DE RENONCER DEFINITIVEMENT A SE PREVALOIR D’UN DROIT EN JUSTICE ; APPRECIATION SOUVERAINE

Le fait pour une partie à un procès pénal de ne pas se constituer partie civile n’est pas de nature à manifester son intention non équivoque de renoncer à se prévaloir de ses droits à l’occasion d’une procédure civile.

Une Cour d’appel , dans l’exercice de son pouvoir souverain, relève que c’est au cours de l’action publique que la question sur sa constitution de partie civile lui a été posée, en déduit « sans aucunement violer le principe de l’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil que manifestement il s’agit en l’espèce d’un désistement », partant, retient que « son action est recevable devant le tribunal civil ».

POURVOI EN CASSATION ; IRRECEVABILITE ; MOYEN NOUVEAU ; MOYEN TIRE DE LA TURPITUDE ; DETERMINATION

La moralité ne constituant pas un cas d’ouverture à cassation, le moyen tiré de la turpitude est, comme le moyen nouveau, irrecevable.

AUDIENCE PUBLIQUE du 1er mars 2007

L’an deux mille sept ; Et le 1er mars ;

La Cour de Cassation, Chambre civile siégeant en audience publique à la Cour de Cassation composé de :

Monsieur ZONOU D. Martin, Président de la chambre civil de la Cour de Cassation ; PRESIDENT
Monsieur KONTOGOME O. Daniel ; Conseiller
Madame KOULIBALY Léontine ; Conseiller
En présence de Monsieur HIEN D. Etienne, Avocat Général,
et de Maître BELEM Nathalie, Greffier ;

A rendu l’arrêt ci-après

LA COUR

Statuant sur le pourvoi formé le 28 juin 2005 par la Société Civile d’Avocats (SCPA) KARAMBIRI-NIAMBA, agissant au nom et pour le compte de l’Eglise de l’Aa Ac du Burkina, contre l’arrêt n°31 bis du 06 juin 2005 rendu par la Cour d’Appel de Bobo-Dioulasso dans une instance qui oppose leur cliente à A Ab ;

Vu la loi organique n°13-2000/AN du 09 mai 2000, portant organisation, attributions et fonctionnement de la Cour de Cassation et procédure applicable devant elle ;
Vu le rapport de Madame le conseiller :
Vu les conclusions du Ministère public ;

Ouï Madame le Conseiller en son rapport ;
Ouï les parties en leurs moyens, fins et observations ;
Ouï Monsieur l’Avocat général en ses observations orales ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que le pourvoi a été introduit dans les formes et délai prescrits par la loi ;

Qu’il est recevable.

AU FOND
Attendu selon l’arrêt confirmatif attaqué, que par exploit en date du 08 janvier 2004, A Ab, pour lequel domicile est élu en l’étude de maîtres SAWADOGO Issouf et OUEDRAOGO Constantin, avocats associés, assignait l’Eglise de l’Aa Ac du Burkina (EAC/B) et l’Eglise de l’Aa Ac de Ae (EAC/D) à comparaître devant le Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso, à l’effet de les voir condamnées à lui payer la somme totale de 15.333.540 francs CFA représentant le prix d’une commande de 49 tonnes de riz, les frais de rejet chèque et d’établissement d’un crédit documentaire afférent à ladite commande et des dommages et intérêts ;

Attendu que l’EAC/B soulevait in liminelitis l’irrecevabilité de l’action de A Ab pour défaut de qualité de l’EAC/D d’une part, et pour l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, d’autre part.

Que par jugement n°181 du 07 juillet 2004, le tribunal :
- rejetait les exceptions soulevées par l’EAC/B ;
- condamnait l’EAC/B à payer à A Ab la somme totale de 15.333.540 francs CFA ;
- ordonnait l’exécution provisoire.

Attendu que sur appel interjeté le 12 juillet 2004 par l’EAC/B, la Cour d’Appel par arrêt n°74 du 06 juin 2005, dont pourvoi, confirmait le jugement en toutes ses dispositions ;

Attendu que quatre moyens de cassation ont été invoqués par l’EAC/B :
Sur le premier moyen tiré du défaut de qualité de l’EAC/D
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré l’EAC/B tenu de répondre des actes des responsables de l’EAC/D, alors que cette dernière n’a pas de personnalité juridique, donc inexistante ;

Qu’en statuant ainsi, la Cour d’Appel a violé les dispositions de l’article 1384 alinéa 1 du code civil qui énonce qu’ « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore par le fait des personnes dont on doit répondre » ;

Qu’on ne saurait au regard de ce texte, tenir l’EAC/B responsable du fait de l’EAC/D qui n’est pas une personne ;

Attendu qu’il résulte des statuts et du règlement intérieur de l’EAC/B, que le District de l’Eglise locale sont des démembrements de l’EAC/B ;

Qu’en effet leur création relève de l’Assemblée Générale sur proposition du comité exécutif national qui sont des structures officielles de l’EAC/B ;

Que le District de l’Eglise locale, même s’ils n’ont pas de personnalité juridique, sont rattachés à l’Eglise mère qu’est l’EAC/B qui les a institués et répond d’eux ;

Que l’irrecevabilité tiré du défaut de qualité de l’EAC/D est couverte par l’assignation et de l’EAC/B et de l’EACB ;

Qu’il s’ensuit que ce moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen tiré de la violation des articles 4 du code de procédure pénale et 145 du code de procédure civile.

Attendu que l’EAC/B reproche à l’arrêt d’avoir rejeté le moyen fondé sur la violation du principe de l’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil en se basant sur l’inexistence d’une identité de parties dans le procès pénal, alors que selon une jurisprudence constante, les décisions rendues au pénal ont envers et contre tous l’autorité de la chose jugée ;

Qu’elle soutient en outre que lors du procès pénal, elle a été mise hors de cause et A Ab a déclaré ne pas se constituer partie civile pour réclamer ses droits ;

Que cette renonciation lui ôte le droit d’ester en justice pour les mêmes faits, et les juges civils du fond en déclarant recevable l’action de A Ab et en la condamnant au paiement du montant demandé, ont violé le principe de l’autorité de la chose jugée d’une part, et de celui de l’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil, d’autre part ;

Attendu que l’article 1351 du code civil énonce que « l’autorité de la chose jugée n’ « a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet de jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité » ;

Attendu que l’EAC/B n’était pas partie au procès pénal du 17 novembre 2003 ; que par conséquent le jugement ne pouvait mettre hors de cause une personne qui n’a pas été citée comme partie ;

Attendu que s’il est constant que les décisions au pénal ont sur le civil l’autorité de la chose jugée à l’égard de tous, en ce qui concerne l’existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé, il n’en est pas de même lorsque ces décision statuent accessoirement à l’action publique sur les dommages et intérêts ;

Que dans ce cas elles sont soumises à la règle de la relativité de l’autorité de la chose jugée, et ainsi la chose jugée n’est opposable qu’aux parties et à leurs ayants droit ; que l’EAC/B n’ayant pas été partie au procès pénal, on ne saurait invoquer l’autorité de la chose jugée à son profit ;

Attendu que sur la constitution de partie civile, l’article 418 du code de procédure pénale est interprété par la jurisprudence comme prévoyant une simple faculté dont la partie civile est libre de na pas user ; qu’elle peut se contenter d’être au débats avec le dessein de porter ensuite sa demande de dommages et intérêts devant la juridiction civile ; ce d’autant plus que l’exercice de l’action civile est dominé par le droit pour la partie lésée de porter cette action à son choix devant le tribunal répressif, ou devant le tribunal civil ;

Attendu que de la renonciation invoquée par la demanderesse au pourvoi, il faut distinguer :
- la renonciation proprement dite qui intervient avant la mise en mouvement de l’action publique ;
- le désistement qui intervient après le déclenchement de l’action publique ;

Attendu qu’en présence de désistement, la victime ne peut plus obtenir des dommages et intérêts devant le tribunal répressif ; mais malgré son désistement, elle peut demander réparation devant le tribunal civil, conformément à l’article 426 du code de procédure pénale ;

Attendu que dans l’espèce, le problème posé est celui de savoir si le fait pour A Ab d’avoir déclaré ne pas se constituer partie civile équivaut à une renonciation proprement dite ou à un désistement ?
Qu’étant entendu que c’est au cours de l’action publique que la question sur sa constitution de partie civile lui a été posée, il est manifeste qu’il s’agit d’un désistement et dans cette hypothèse son action est recevable devant le tribunal civil ;

Que la Cour d’Appel en déclarant l’action de A Ab recevable, alors qu’il avait déclaré ne pas se constituer partie civile devant la juridiction pénale, n’a aucunement violé le principe de l’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil ;

D’où il suit que ce moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen tiré de la violation des articles 1133 et 1984 du code civil.

Attendu que l’EAC/B fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée au paiement de la somme de 15.333.540 francs CFA sur le fondement de ce que B Ad, Pasteur et président du District de l’EAC/D, aurait agi en qualité de mandataire de l’EAC/B, alors qu’aucun mandat de représentation ne lui a été donné ; que même dans l’hypothèse de l’existence d’un mandat, celui-ci serait nul au regard du délit d’escroquerie commis par B Ad, et la Cour d’Appel en ne déclarant pas nul un tel contrat a violé les dispositions des articles 1133 et 1984 du code civil ;

Attendu que l’article 17 des statuts de l’EAC/B énonce qu’ « à l’échelle humaine, une hiérarchie est instituée pour diriger l’église et la représenter auprès des autorités et partout où* besoin sera » ;

Qu’il en résulte que B Ad, qui a été nommé et installé officiellement Pasteur et Président du District de Ae, par les structures établies par l’Eglise mère, tire son pouvoir de représentation de ce texte ;

Attendu en outre que l’EAC/D qui est une représentation de l’EAC/B au niveau local, est hiérarchiquement rattachée à cette dernière qui est seule dotée de la personnalité juridique ; qu’à ce titre l’EAC/B est garante de la moralité de ses pasteurs et des actes qu’ils seront amenés à poser durant leur mandat au nom de la structure locale ;

Qu’en conséquence la Cour d’Appel qui n’a violé aucun des textes visés au moyen, a justifié sa décision ;

Sur le quatrième moyen tiré de la turpitude de A Ab.
Attendu que le pourvoi reproche à A Ab de n’avoir pas recueilli toutes informations nécessaires sur le compte de l’EAC/D avant de s’engager ; qu’aussi ne peut-il se prévaloir de sa propre turpitude pour solliciter la condamnation de l’EAC/B ;

Attendu cependant qu’il faut relever que non seulement le moyen tiré de la turpitude n’est pas un cas d’ouverture à cassation, mais encore, invoqué pour la première fois devant la Cour de Cassation, il constitue un moyen nouveau ;

Que ce moyen ne peut être accueilli ;

Attendu que de tout ce qui précède, il résulte qu’aucun des moyens du demandeur n’est fondé ; que le pourvoi doit être rejeté.

PAR CES MOTIFS
- Reçoit en la forme l’EAC/B en son pourvoi ;
- Le rejette au fond ;
- Met les dépenses à la charge du demandeur.

Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la chambre civile de la Cour de Cassation du Burkina Faso les jours, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier


Synthèse
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 11
Date de la décision : 01/03/2007

Analyses

PROCEDURE CIVILE ; ENTREPRISE A ETABLISSEMENTS MULTIPLES ; IRRECEVABILITE TIREE DU DEFAUT DE QUALITE DES ETABLISSEMENTS ; REGULARISATION ; ASSIGNATION DE L’ENTREPRISE ; MERE DOTEE DE LA PERSONNALITE JURIDIQUE ; JUGEMENTS ET ARRETS ; CHOSE JUGEE ; AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE AU PENAL SUR LE CIVIL ; DEFAUT ; CAS. POUVOIR DES JUGES ; ENTREPRISE MERE ; OPPOSABILITE ; SIGNATURE ; FONDE DE POUVOIR ; STATUTS ; INFLUENCE (NON) ; DEFAUT DE PERSONNALITE JURIDIQUE DES ETABLISSEMENTS ; ENTREPRISE A ETABLISSEMENTS MULTIPLES ; APPRECIATION SOUVERAINE.

Une Cour d’appel, qui constate que des groupements attraits en justice sont rattachés à une personne juridique, laquelle les a institués, en déduit justement que, même si ceux-ci n’ont pas la personnalité morale, l’irrecevabilité tirée de leur défaut de qualité est couverte par l’assignation de la personne-mère qui répond d’eux. L’autorité absolue attachée aux décisions pénales ne s’oppose pas à la recevabilité d’une action en réparation exercée devant la juridiction civile et sur un fondement distinct à l’encontre d’une personne qui n’était pas partie au procès pénal. Ne viole aucun des textes au moyen du pourvoi ,une Cour d’appel qui, pour faire droit à la demande d’un créancier de sommes d’argent, victime de tromperies dans la sphère d’une hiérarchie de structures contrôlées par une personne morale dotée de la personnalité juridique, condamne cette dernière au paiement en retenant qu’elle est engagée par la signature de son représentant dès lors qu’elle répond de celles-ci.


Parties
Demandeurs : Eglise de l’Alliance Chrétienne du Burkina (EAC/B)
Défendeurs : YODA Daouda

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bf;cour.cassation;arret;2007-03-01;11 ?
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