Dossier n° 22/97
AUDIENCE PUBLIQUE DU 15 JUIN 2006
Affaire : B.I.B
C/
Ad Ac
L’an deux mil six Et le quinze juin
La Cour de Cassation, Chambre Sociale, siégeant en audience publique dans la salle d’audience de ladite Cour à Ab composée de :
Monsieur PODA Train Raymond, Président de la Chambre Sociale, Président
Madame SAMPINBOGO Mariama, Conseiller
Monsieur SININI Barthélemy, Conseiller
En présence de Monsieur OUEDRAOGO Armand, Avocat Général et de Madame OUEDRAOGO Haoua Francine, Greffier ;
A rendu l’arrêt ci-après :
La Cour
Statuant sur le pourvoi formé le 02 avril 1997 par Maître Sawadogo Harouna, avocat à la Cour, au nom et pour le compte de la BIB, contre l’arrêt n°08 rendu le 04 février 1997 par la Chambre sociale de la Cour d’appel de Ab dans une instance qui oppose sa cliente à Ad Ac ;
Vu l’Ordonnance n°91-051/PRES du 26 août 1991 portant composition, organisation, et fonctionnement de la Cour Suprême;
Vu la loi organique n°013-2000 /AN du 09 mai 2000 relative à la Cour de Cassation et Procédure applicable devant elle ;
Vu les articles 592 et suivants du code de procédure civile ;
Vu les mémoires ampliatif de la demanderesse et en réplique du défendeur ;
Vu les conclusions écrites du Ministère Public ;
Ouï le Conseiller en son rapport ;
Ouï l’Avocat Général en ses observations orales ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Attendu que le pourvoi a été introduit dans les forme et délai prescrits par la loi ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
Attendu que par contrat à durée indéterminée, Monsieur Ad Ac a été, à la suite d’un test de recrutement, engagé le 1er juillet 1985 en qualité de cadre diplômé en comptabilité ; qu’après une période d’essai suivi de stage, il a été titularisé suivant lettre en date du 10 juillet 1986 et affecté au service de la comptabilité puis nommé sous directeur dudit service ;
Attendu que le 13 juillet 1992, la direction générale de la BIB le nommait chef de bureau à l’agence de la BIB à Aa ; que le 19 août 1992, Monsieur Ad Ac répondait pour demander de rapporter ladite décision ; qu’il fait valoir que, employé en qualité de comptable, il n’a pas le profil qu’il faut pour exercer de telles fonctions ; que la direction de la banque, par lettre en date du 27 août 1992, confirmait sa décision et invitait Monsieur Ad à rejoindre son poste d’affectation à Aa ;
Attendu qu’après avoir rejoint ledit poste, Monsieur Ad par lettre datée du 06 janvier 1993 notifiait à son employeur la rupture pour compter du 08 février 1993 de leur relation de travail, tout en précisant que la responsabilité de cette rupture est du fait de l’employeur, la BIB ; qu’en réponse celle-ci décline toute responsabilité et y voit dans cette rupture, la démission de l’employé ;
Attendu que par lettre en date du 18 mars 1993, Monsieur Ad saisissait l’Inspection du travail du litige ainsi né ; que la tentative de conciliation ayant échoué, l’Inspection a transmis l’affaire devant le tribunal du travail ;
Que le Tribunal, par jugement n°77 du 11 avril 1995, déclarait la rupture du contrat du travail de Ad Ac imputable à l’employeur et condamnait en conséquence celui-ci à lui payer la somme totale de vingt et un million neuf cent cinquante-cinq mille sept cent trente (23 955 730) F CFA, et le déboutait du surplus de sa demande ;
Attendu que sur appel principal interjeté par la BIB et incident interjeté par Ad Ac, la Cour d’appel de Ab par arrêt n°08 du 04 février 1997 dont pourvoi réformait ledit jugement, déclarait la rupture intervenue de licenciement abusif et condamnait la BIB à payer à Ad Ac la somme totale de douze millions neuf cent soixante-dix-sept mille cinq cent quatre-vingt-trois (12 977 583) F CFA ; qu’elle déboutait Ad Ac du surplus de sa demande ;
Attendu que le conseil de la demanderesse au pourvoi soulève dans sa requête trois moyens de cassation ;
Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation de l’article 34 du code du travail
Attendu qu’il allègue que la Cour d’appel en déclarant la rupture intervenue de licenciement alors qu’aux termes de l’article 34 suscité, il y a licenciement lorsque la rupture du contrat est du fait de l’employeur, et lorsque celle-ci est du fait du travailleur, il y a démission ; que dans le cas d’espèce, il s’agit d’une démission et non d’un licenciement ; que dès lors la Cour d’appel a violé ledit article 34 et son arrêt encourt cassation ;
Attendu que le conseil du défendeur au pourvoi réplique que son client a été contraint à la démission ; que suite à une modification substantielle du contrat du travail dont le but inavoué est de nuire, le refus du travailleur selon l’article 20 du code du travail ne saurait engager sa responsabilité ; qu’en effet, cet article dispose que : « L’employeur doit procurer le travail convenu et au lieu convenu. Il ne peut exiger un travail autre que celui prévu au contrat. Il ne peut non plus imposer une mutation non prévue au contrat. Toute modification substantielle du contrat de travail doit revêtir la forme écrite et être approuvée par le travailleur. En cas de refus de celui-ci, le contrat est considéré comme rompu du fait de l’employeur. » ;
Que dès lors, la BIB n’a pas respecté la convention qui la liait au travailleur ;
Que dans ces conditions et selon l’article 34 dudit code, dès lors que c’est par le fait de l’employeur que la rupture est intervenue, il ne peut s’agir que de licenciement ;
Qu’alors ce soit en bon droit que la Cour d’appel l’a qualifiée ainsi.
Que par conséquent les moyens soulevés par la demanderesse ne sauraient prospérer ; qu’il en conclut au rejet pur et simple du pourvoi » ;
Mais attendu que la Cour d’appel a statué que : « …les fonctions de chef de bureau d’une agence bancaire diffèrent sensiblement de celle de comptable puisque les premières renferment en outre des fonctions administratives qui ne correspondent pas aux aptitudes du travailleur ;
Qu’il s’en suit que cette nomination est une modification substantielle du contrat de travail étant entendu que même si la rémunération du travailleur reste la même, il n’en serait pas de même pour sa carrière ;
Attendu que le Code du travail prescrit que lorsqu’intervient une modification du contrat de travail, elle soit être approuvée par le travailleur ;
Que dans le cas échéant, s’il intervenait une rupture du contrat elle est imputable à l’employeur ;
Qu’il échet donc de constater que le premier juge en déclarant imputable à la B.I.B la rupture du lien contractuel a fait une sereine interprétation des faits et de la loi » ;
Qu’en statuant ainsi la Cour d’appel n’a nullement violé l’article 34 suscité ; qu’en effet, seul l’article 20 du code du travail est concerné par le litige, l’application de l’article 34 dudit code n’étant pas ici mise en cause ;
Que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Sur le deuxième moyen tiré de l’inobservation de l’article 59 de l’Ordonnance n°91-0051/PRES du 26 août 1991 relative à la Cour suprême ;
Attendu que le demandeur au pourvoi se contente d’affirmer que l’examen des faits devrait révéler les contradictions dans la motivation de la Cour, sans relever lesdites contradictions qu’implique l’application de l’article 59 suscité; que ce moyen manque de sérieux et doit être de ce fait écarté ;
Sur le troisième moyen de tiré l’inobservation de la convention des parties et de la violation de l’article 20 du code du travail
Attendu que la demanderesse souligne que selon l’article 02 du règlement intérieur de la BIB, « tout agent, quelque soit sa catégorie professionnelle peut être muté pour nécessité de service dans toute unité autre que celle où il a été embauché ». Qu’ainsi aux termes dudit règlement intérieur qui lie toutes les parties la mutation de Monsieur Ad Ac est régulière…
Que d’autre part dans l’esprit de l’article 20 du code du travail, si le travailleur a accepté la mutation de façon tacite ou expresse, il ne peut plus par la suite imputer la rupture à l’employeur ;
Mais attendu que, dans le cas d’espèce de la convention des parties, l’article 2 du règlement intérieur de la banque stipulant que tout agent, quelque soit sa catégorie professionnelle, peut être muté pour nécessité de service dans toute unité autre que celle où il a été embauché, la B.I.B d’une part, n’expose pas la nécessité de service qui est à la base de la mutation de Ad Ac, et d’autre part cette disposition ne saurait être contraire à celle de l’article 20-3 du code du travail ;
Qu’enfin, ni l’esprit ni la lettre de l’article 20 comme ci-dessus démontré dans le premier moyen n’a nullement été violé ; que ce troisième moyen n’est pas fondé ;
Qu’au total le pourvoi n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Par ces motifs
En la forme, reçoit le pourvoi ;
Au fond, le déclare mal fondé et le rejette.
Met les dépens à la charge du trésor public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du Burkina Faso le jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.