Dossier n°72/2008
Arrêt n°18 18 juillet 2003
Décision attaquée n°27 rendue le 07 mai 2008, Cour d’appel de Bobo-Dioulasso ;
La Cour de Cassation, Chambre sociale, siégeant en audience publique de vacation dans la salle d’audience de ladite Cour à Aa composée de :
Monsieur PODA Train Raymond, Président ;
PRESIDENT
Mme SAMPINBOGO Mariama et Mme YANOGO Elisabeth, Conseillers ;
Membres
En présence de Monsieur PODA G. Simplice, Avocat général, au banc du Ministère public ;
Assistés de Maître OUEDRAOGO Haoua Francine, Greffier tenant la plume ;
ENTRE:
SOFITEX, assistée de Maître SAWADOGO Harouna
Demanderesse
D’une part
ET :
A Ab & 52 autres, assistés de Maître THIOMBIANOIDO Léocadie
Défendeurs
D’autre part
LA COUR
Statuant sur la requête de pourvoi en cassation en date du29 mai 2008, reçue et enregistrée au Greffe Central de la Cour de cassation le 11 juin 2008, Maître Harouna SAWADOGO a, au nom et pour le compte de la SOFITEX, déclaré se pourvoir en cassation contre l’arrêt n°27 rendu le 07 mai 2008 par la Chambre Sociale de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso dans l’instance qui oppose sa cliente à A Ab et 52 autres ;
Vu la loi organique n°13-2000/AN du 9 mai 2000 portant organisation attribution et fonctionnement de la Cour de Cassation et procédure applicable devant elle ;
Vu la requête de pourvoi en date du 29 Mai 2008;
Vu les conclusions écrites du Ministère public ;
Ouï le Conseiller en son rapport ;
Ouï Monsieur l’Avocat général en ses observations orales ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme
Attendu que le pourvoi a été introduit dans les forme et délai prescrits par la loi ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
Attendu que le conseil de la demanderesse soulève trois (03) moyens de cassation ;
Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation de l’article 335 du code du travail
Attendu qu’il est fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu sa compétence alors même qu’il s’agit d’un conflit collectif ;
Qu’en l’espèce il est constant que la présente cause oppose un groupe organisé de travailleurs à la SOFITEX et que l’objet du litige est commun à tous les travailleurs dudit groupe ;
Que le procès-verbal de non conciliation ainsi que les éléments du dossier démontrent que les travailleurs ont agi de manière concertée contre leur employeur dans un intérêt commun qui est celui de la rétroactivité de leur reclassement avec effet financier à compter de mai 2000 ;
Qu’il est de notoriété doctrinale et jurisprudentielle que le conflit collectif est celui qui est consécutif à l’interprétation ou à l’exécution d’une convention collective liant les parties en présence ou qui met en cause les intérêts généraux et communs à une catégorie de travailleurs ;
Qu’ainsi le caractère individuel ou collectif d’un conflit social se déduit de l’objet du litige ;
Que les juridictions prud’homales s’étant à tort déclarées compétentes, qu’il plaira à la Cour de bien vouloir casser l’arrêt attaqué pour violation de l’article 335 du code du travail ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 286 du code du travail de 2004 :«Le différend individuel s’entend d’un conflit qui oppose un ou plusieurs travailleurs à leurs employeurs à l’occasion de l’exécution du contrat de travail pour la reconnaissance d’un droit individuel» ;
Que l’article 335 dudit code dispose que «Le conflit collectif s’entend d’un différend qui nait en cours d’exécution d’un contrat de travail et qui oppose un ou des employeurs à un groupe organisé ou non de travailleurs pour la défense d’un intérêt collectif» ;
Que selon l’arrêt, l’objet concerne la reconnaissance de droits individuels acquis par chacun des défendeurs suite à leur admission au test de promotion organisé par la SOFITEX, lesquels droits sont relatifs à l’application par l’employeur de la date de prise d’effet de leur reclassement pour compter de mai 2000, date retenue par la commission d’avancement exceptionnel ;
Que s’il est constant que les défendeurs ont saisi simultanément l’Inspection du travail et le Tribunal du travail, cette saisine concomitante ne saurait donner au conflit qui oppose les défendeurs à leur employeur un caractère collectif en ce que le litige ne concerne pas la défense d’un intérêt collectif ;
Attendu qu’en ayant retenu sa compétence conformément aux dispositions de l’article 286 du code précité au motif que chaque travailleur individuellement pris, a un intérêt personnel propre, un droit individuel à faire valoir, la Cour d’appel n’a pas violé ledit article 335 ; d’où il suit que le moyen doit être rejeté ;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l’article 8 de l’annexe II de la convention collective du 20 octobre 1978
Attendu que le conseil de la demanderesse fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, en violation de l’article 8 de l’annexe de la convention collective, ordonné à la SOFITEX de procéder au reclassement des défendeurs au pourvoi et au paiement de leurs différentiels de salaires et les indemnités y correspondant pour compter du mois de mai 2000 en se fondant sur le contenu du procès-verbal de la commission d’avancement exceptionnel de la SOFITEX du 19 octobre 2000 qualifiée à tort de convention, alors même que celui ne saurait servir de base légale aux réclamations des travailleurs ;
Qu’aux termes dudit article 8 : «L’accession à la catégorie supérieure est toujours justifiée par l’une des circonstances suivantes :
- un changement de qualification professionnelle dument constaté par un test pratique subi au sein de l’entreprise ;
- un changement d’emploi par suite de promotion interne ;
à titre exceptionnel, pour tenir compte d’une compétence et d’un travail également exceptionnel» ;
Qu’en l’espèce, les travaux de ladite commission ont fait ressortir deux situations :
- la première relative aux agents remplissant les conditions d’avancement exceptionnel qui ont été reclassés en 2000 avec la prise d’effet de l’incidence financière pour compter de la même date ;
- la seconde relative aux agents ne remplissant pas les conditions d’avancement exceptionnel qui devaient subir un test de promotion interne que c’est suite à leur admission audit test dont les résultats ont été proclamés le 13 juin 2003 que les défendeurs ont été reclassés dans leur grade et catégorie respectifs avec effets financiers pour compter du 1er janvier 2003 et ce conformément aux principe général de droit qui veut que toute situation juridique nouvelle ne produise d’effet que pour l’avenir ;
Que les résultats du test ne sauraient être considérés comme des propositions retenues avec effet à compter de mai 2000 d’une part, de même que les résolutions contenues dans le procès-verbal d’avancement exceptionnel ne sauraient avoir la primauté sur un principe général de droit consacré surtout si elles sont contraires à celui-ci d’autre part ;
Mais attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué qu’un conflit collectif a opposé courant mai 2000, la SOFITEX aux travailleurs autour d’une plateforme revendicative lequel a été réglé à l’amiable par l’Inspection du travail suivant procès-verbal d’accord aux termes duquel la SOFITEX a pris l’engagement de veiller à la tenue régulière de la commission d’avancement exceptionnel et à convoquer la tenue prochaine de ladite commission en mai 2000 ;
Que c’est finalement à la date du 19 octobre 2000, qu’elle a pu siéger et l’employeur a retenu le mois de mai 2000 comme date de prise d’effet des propositions qui seront acceptées, tout en renvoyant à la prochaine session l’examen des propositions pour les agents de la Direction des Transports et de la Logistique dont relève les défendeurs pour une meilleure étude afin d’harmoniser les catégories et échelons des agents avec les règles usuelles ; qu’il y a été retenu que la régularisation devra se faire soit par test, soit sur nomination dont la prise d’effet des propositions retenues serait également de mai 2000 ;
Qu’ayant opté finalement pour le test dont les résultats ont été proclamés le 13 juin 2003, les défendeurs ont été reclassés pour compter du 1er janvier 2003 et non mai 2000 comme convenu entre les parties ;
Attendu que la date de prise d’effet de reclassement professionnel des défendeurs viole ainsi les dispositions conventionnelles ;
Qu’en outre la SOFITEX ne saurait invoquer le retard mis dans l’organisation du test, ni remettre unilatéralement en cause la date de prise d’effet retenue en invoquant le principe général de droit qui veut que toute situation juridique nouvelle ne produise d’effet que pour l’avenir, en ce qu’elle-même a entendu déroger à ce principe en prévoyant la rétroactivité de la prise d’effet des propositions retenues notamment des reclassements des défendeurs ;
Que l’arrêt attaqué en statuant ainsi n’a nullement violé la disposition citée ; qu’il sied de rejeter le moyen comme étant mal fondé ;
Sur le troisième moyen tiré de la violation de l’article 79 du code du travail
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 79 du code du travail de 2004 (33 du code de 1992) en condamnant la demanderesse à payer aux défendeurs des dommages-intérêts alors même que la loi sociale qui est une loi particulière, dérogatoire de la responsabilité de droit commun, cite de manière limitative les cas où le Juge social peut condamner à des dommages-intérêts ;
Qu’il s’agit des cas de licenciement abusif en cas d’opposition à la réintégration du travailleur dans son emploi, de démission abusive, mais que le code du travail n’a jamais prescrit que la réintégration se résout par l’octroi de dommages-intérêts ;
Mais attendu que si l’article 79 cité énumère les cas d’allocation de dommage-intérêts par le juge social, ledit article n’a pas pour vocation d’être exhaustif ;
Qu’en l’espèce, selon l’arrêt, il s’agit du non-respect de l’engagement pris par la SOFITEX concernant la date de prise d’effet des reclassements des défendeurs, notamment d’une violation des dispositions conventionnelles par l’employeur ;
Qu’en ayant condamné la demanderesse à payer aux défendeurs des dommages-intérêts aux motifs que :«par la faute de l’employeur, les travailleurs ont été amenés à initier la présente procédure depuis 2005 et qu’en ne les reclassant pas à temps comme cela a été convenu, l’employeur a grevé leur bien être», l’arrêt attaqué n’a donc pas violé l’article 79 suscité ; que dès lors, le moyen est mal fondé et doit être rejeté ;
Attendu au total que le pourvoi mérite rejet comme étant mal fondé ;
Par ces motifs
En la forme : reçoit le pourvoi ;
Au fond : le déclare mal fondé et le rejette ;
Met les dépens à la charge du Trésor public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du Burkina Faso les jours, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.