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14/11/2022 | BELGIQUE | N°C.22.0144.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 novembre 2022, C.22.0144.F


N° C.22.0144.F
R. O.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
1. E. D., en qualité d’héritière de S. D.,
2. L. S. D., en qualité d’héritier de S. D.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant

la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 3 septembre 2020 par le tribuna...

N° C.22.0144.F
R. O.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
1. E. D., en qualité d’héritière de S. D.,
2. L. S. D., en qualité d’héritier de S. D.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 3 septembre 2020 par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, statuant en degré d’appel.
Le 26 octobre 2022, l’avocat général Hugo Mormont a déposé des conclusions au greffe.
Par ordonnance du 27 octobre 2022, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le président de section Michel Lemal a fait rapport et l’avocat général
Hugo Mormont a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, en cette branche, par les défendeurs et déduite de ce qu’il critique une appréciation en fait :
Si le juge apprécie souverainement les faits dont il déduit l'éventuelle renonciation à un droit, la Cour examine si le juge a légalement déduit sa décision des faits constatés.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen, en cette branche :
En vertu du principe général du droit suivant lequel la renonciation à un droit est de stricte interprétation et ne se présume pas, une telle renonciation ne peut se déduire que de faits qui ne sont susceptibles d’aucune autre interprétation.
Si la renonciation au droit de se prévaloir de la nullité d'un acte accompli par un cocontractant en violation de dispositions légales impératives qui imposent une obligation à une partie en vue de la protection des intérêts d'une autre partie peut être tacite, c'est à la condition qu'elle se déduise de faits qui dénotent avec certitude, chez leur auteur, l'intention de renoncer à se prévaloir de la nullité et, partant, la connaissance de la cause de nullité.
Dans ses conclusions, la demanderesse faisait valoir que le bail entre parties était nul en raison de l’illicéité de sa cause dès lors que le logement loué ne satisfaisait pas aux normes de sécurité, de salubrité et d’équipements imposées par les articles 4 et 219 de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du
17 juillet 2003 portant le Code bruxellois du logement.
Le jugement attaqué constate que, « le 1er avril 2018, les parties ont conclu un bail de sous-location d'un local d'habitation, comprenant trois pièces en enfilade situées au rez-de-chaussée d'un immeuble situé à Saint-Gilles (pour une durée initiale de 6 mois, prenant cours le 1er avril 2018) », que, « suite à cette sous-location, [l'auteur des défendeurs] loge dans le bâtiment arrière, lequel a une destination d'atelier » et qu’ « en ce qui concerne l'absence de caractère privé de la partie du rez-de-chaussée que sous-loue [la demanderesse], […] l’article 5 du contrat de sous-location dispose expressément que ‘le locataire principal aura le droit de passer dans la cuisine/douche/w.-c. afin d'accéder à son logement à l'arrière-maison. Le locataire principal envisage, sans obligation de sa part, de réaliser des travaux afin que la cuisine/douche/w.-c. ne soit plus sujette aux passages dudit locataire principal et que cette pièce soit transformée en couloir qui permet l'accès à la cour et à l'arrière-maison où le locataire loge sans gêner la sous-locataire. Si la sous-locataire marque son accord pour que les travaux soient effectués, le loyer passera de 500 euros à 600 euros ou 700 euros en fonction de la participation des propriétaires aux frais afférents à ces travaux’ ».
Il énonce que « cet accord contrevient aux dispositions légales impératives en la matière », que, « si la renonciation à une disposition impérative est parfaitement valable et qu'in casu, elle est démontrée à suffisance par les termes du contrat de bail, toutefois, une telle renonciation ne peut s'opérer anticipativement », qu’ « en effet, ‘on ne peut renoncer à invoquer la nullité d'une clause illicite qu'à la condition que cette renonciation arrive à un moment où l'objectif poursuivi par le législateur n'est plus susceptible d'être méconnu’ », qu’« ainsi, il ne sera pas possible de renoncer à un droit en même temps que l'on conclut le contrat de bail : ‘le contrat initial ne peut jamais être l'instrument qui permet d'échapper à une législation impérative’ », que « le preneur, ‘partie protégée’, ne peut renoncer à une nullité frappant une stipulation de la convention conclue entre les parties qui découle des dispositions impératives de la loi sur les baux de résidence principale au moment de conclure une convention que moyennant la connaissance du droit auquel il était renoncé : ‘Certes, le fait qu'une partie a exécuté en tout ou en partie une stipulation conventionnelle méconnaissant le caractère impératif de la loi n'implique pas, à lui seul, une renonciation à se prévaloir, quant à cette exécution, de la nullité de la stipulation ; il faut encore que cette exécution ait eu lieu avec la connaissance du droit auquel il était renoncé’ ».
Il considère que, « dès la signature du bail, [la demanderesse] a nécessairement eu connaissance de la nature du droit auquel elle renonçait ; la circonstance qu'un droit de passage par sa partie louée (la cuisine) était expressément consenti impliquait, à l'évidence, un amoindrissement du caractère privatif de sa location », qu’ « alors que le bail prenait cours le 1er avril 2018, [la demanderesse] ne s'est pas plainte de cet état de fait avant le 27 août 2018, et uniquement en termes très peu marqués (‘A priori les passages par la cuisine ne sont pas un problème pour nous, le seul hic c'est la porte laissée ouverte durant votre présence au studio […], je trouve mieux qu'une porte soit installée surtout pour la nuit durant laquelle je me sens plus sécurisée de savoir l'espace clos’) », et que « la lecture des e-mails des 26 et 28 août 2018 indique que [la demanderesse] souhaitait le placement d'une porte entre la cuisine et le salon, et non l'arrêt du passage convenu, pointant le besoin de délimiter l'espace et de créer ‘un semblant d'intimité et de sécurité’».
Le jugement attaqué n’a pu, sans violer le principe général du droit précité, déduire de ces considérations que la demanderesse avait renoncé en connaissance de cause à invoquer la nullité du bail de sous-location, ni, partant, décider qu’elle « ne rapporte pas suffisamment d'éléments probants pour fonder sa demande en nullité du bail de sous-location sur cette base ».
Le moyen, en cette branche, est fondé.
La cassation de la décision qui statue sur la demande de nullité du bail de la demanderesse s’étend aux décisions, qui en sont la suite, relatives à l’existence de troubles de jouissance, à la demande de résolution du bail, de paiement d’arriérés de loyers et de charge, et d’une indemnité de résolution.
Et il n’y a pas lieu d’examiner la première branche du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué, sauf en tant qu’il reçoit l’appel de l’auteur des défendeurs ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance du Brabant wallon, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, président, le président de section
Michel Lemal, les conseillers Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-deux par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3f - troisième chambre
Numéro d'arrêt : C.22.0144.F
Date de la décision : 14/11/2022
Type d'affaire : Autres

Composition du Tribunal
Président : DELANGE MIREILLE
Greffier : BODY LUTGARDE
Ministère public : MORMONT HUGO
Assesseurs : LEMAL MICHEL, JACQUEMIN ARIANE, MARCHANDISE MAXIME, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-11-14;c.22.0144.f ?

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