N° C.22.0177.F
LE PETIT PARIS, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Liège, place du Marché, 31, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0456.231.283,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Bonté, 5, où il est fait élection de domicile,
contre
P. S.,
défenderesse en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 14 juillet 2021 par la cour d’appel de Liège.
Le président de section Michel Lemal a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
En vertu de l'article 1289 de l’ancien Code civil, lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une de l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les dettes.
Aux termes de l'article 1290 de ce code, la compensation légale s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs, et les deux dettes s'éteignent réciproquement à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives.
La compensation légale apparaît comme un double paiement abrégé.
Tendant à faire constater l'extinction de dettes réciproques, la demande au juge de constater l'existence de la compensation légale est une défense par laquelle celui qui l’invoque oppose l’extinction de sa dette jusqu’à concurrence des paiements considérés comme opérés de plein droit antérieurement à cette demande.
L’arrêt attaqué constate que la demanderesse « produit un arrêt de la cour d’appel de Liège du 16 décembre 2014, condamnant [la défenderesse] à lui payer une somme de 18 236,41 euros à majorer des intérêts aux taux légaux depuis le 27 février 2012 ainsi que les dépens, liquidés à la somme de 4 702,18 euros », et qu’« elle conclut à la compensation entre les sommes qui lui sont dues en exécution de cet arrêt suivant un décompte de l’huissier C. du 18 septembre 2018 et le solde du compte-courant créditeur de [la défenderesse] ».
L’arrêt attaqué, qui rejette la demande de compensation de la demanderesse au motif qu’« il s’agit d’une question qui ressortit à l’exécution des décisions et sur laquelle il n’appartient pas à la cour [d’appel] de se prononcer dans le cadre de la présente instance », viole les dispositions légales précitées.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.
Quant à la seconde branche :
En vertu de l’article 1291 de l’ancien Code civil, la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles.
Une dette facilement et promptement liquidable doit être considérée comme dès à présent liquide.
En l'absence de liquidité quant à la quotité, une dette peut être admise jusqu’à concurrence d'un chiffre jugé minimum, lorsque le montant ainsi déterminé est certain.
Du seul constat qu’une dette est contestée, il ne se déduit pas qu’elle n’est pas liquide ni qu’elle ne peut être admise jusqu’à concurrence d'un chiffre jugé minimum.
L’arrêt attaqué, qui, après avoir procédé aux constatations reproduites dans la réponse à la première branche du moyen, rejette la demande de compensation de la demanderesse au motif que la défenderesse « conteste le décompte de l’huissier », viole les articles 1289 à 1291 de l’ancien Code civil.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.
La cassation de la décision qui statue sur la demande de compensation de la demanderesse s’étend au dispositif, qui en est la suite, qui condamne la demanderesse à payer la somme de 24 262,15 euros, à majorer des intérêts moratoires au taux légal depuis le 23 juillet 2018.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur la demande de compensation de la demanderesse, qu’il condamne la demanderesse à payer la somme de 24 262,15 euros, à majorer des intérêts moratoires au taux légal depuis le 23 juillet 2018, et qu’il statue sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt-deux par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.