N° C.21.0300.F
L. S., assistée par son administrateur des biens, Maître A. D. B., avocat,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
1. B. V.,
défenderesse en cassation,
2. ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus le 28 février 2020 et le 17 novembre 2020 par la cour d’appel de Liège.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le second moyen :
L’arrêt attaqué du 17 novembre 2020 décide que la défenderesse n’a pas la qualité requise aux motifs, d’une part, que « l’action dirigée contre l’administrateur provisoire en cette qualité est une action dirigée contre le représentant de la personne sous administration provisoire, c’est-à-dire contre la personne sous administration provisoire elle-même », de sorte que « l’action formée contre [la défenderesse] en qualité d’administrateur provisoire ne peut […] aboutir à [s]a condamnation personnelle », d’autre part, que, « lorsque la signification de la citation introductive d’instance est intervenue, sa mission avait pris fin, de sorte que [la défenderesse] n’avait plus cette qualité [d’administrateur provisoire] ».
Le moyen, qui suppose que cet arrêt décide que la demande de la demanderesse est irrecevable au seul motif qu’au moment de la citation, le mandat judiciaire de la défenderesse avait pris fin, manque en fait.
Sur le premier moyen :
En tant qu’il est dirigé contre la défenderesse :
Quant aux deux branches réunies :
Dès lors que l’arrêt vainement attaqué du 17 novembre 2020 décide que la demande de la demanderesse contre la défenderesse est irrecevable, le moyen, en ses deux branches, est dénué d’intérêt dans la mesure où il est dirigé contre la décision de l’arrêt attaqué du 28 février 2020 qu’est irrecevable son appel contre le jugement du tribunal de première instance de Namur du 21 décembre 2016 décidant que cette demande n’est que partiellement fondée.
En tant qu’il est dirigé contre la défenderesse, le moyen est irrecevable.
En tant qu’il est dirigé contre le défendeur :
Quant à la première branche :
Quant au premier rameau :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, en ce rameau, par le défendeur et déduite de ce qu’il serait étranger à la décision attaquée :
Le moyen, en ce rameau, est dirigé, non contre la décision de l’arrêt non attaqué du 3 septembre 2019 d’examiner les pouvoirs de la demanderesse, mais contre celle de l’arrêt attaqué du 28 février 2020 que son appel est irrecevable.
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, en ce rameau, par le défendeur et déduite de sa nouveauté :
N'est, en principe, pas nouveau le moyen qui critique un motif que le juge a donné pour justifier sa décision.
Les fins de non-recevoir ne peuvent être accueillies.
Sur le fondement du moyen, en ce rameau :
Suivant l’article 493, § 3, de l’ancien Code civil, la nullité des actes accomplis par la personne protégée en violation de son incapacité à l’égard de ses biens ne peut être invoquée que par la personne protégée et son administrateur.
Il suit de cette disposition que l’appel interjeté par la personne protégée en violation de cette incapacité est, en règle, recevable.
Après avoir constaté que, par le jugement du 18 novembre 2014 du juge du paix du canton de ..., « [la demanderesse] a été dite incapable […] d’ester en justice en demandant ou en défendant, sauf avec l’assistance de son administrateur », l’arrêt attaqué du 28 février 2020 décide que son appel « est irrecevable » par les motifs que, « si la nullité relative peut être couverte par l’intervention ultérieure de l’administrateur provisoire, il y a lieu de constater que [celui-ci] n’est pas intervenu […] dans la présente procédure » et que « les règles relatives à la recevabilité de l’appel sont d’ordre public ».
En déduisant ainsi l’irrecevabilité de l’appel de ce que l’acte a été accompli par la demanderesse seule, sans constater qu’elle-même ou son administrateur en invoque la nullité, l’arrêt attaqué viole l’article 493, § 3, de l’ancien Code civil.
Le moyen, en ce rameau, est fondé.
Et il n’y a lieu d’examiner ni le second rameau de la première branche ni la seconde branche, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué du 28 février 2020 en tant qu’il statue entre la demanderesse et le défendeur ;
Casse l’arrêt attaqué du 17 novembre 2020 en tant qu’il statue sur les dépens entre ces parties ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge des arrêts partiellement cassés ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section
Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du treize octobre deux mille vingt-deux par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.