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27/06/2022 | BELGIQUE | N°S.21.0066.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 juin 2022, S.21.0066.F


N° S.21.0066.F
J. G.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Gand, Drie Koningenstraat, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
OFFICE NATIONAL DE L’EMPLOI, établissement public, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 7,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.
I.

La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 1er juin ...

N° S.21.0066.F
J. G.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Gand, Drie Koningenstraat, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
OFFICE NATIONAL DE L’EMPLOI, établissement public, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 7,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 1er juin 2021 par la cour du travail de Bruxelles.
Le 31 mai 2022, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l’avocat général
Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- articles 65, spécialement §§ 2, alinéa 1er, et 3, et 130, spécialement §§ 1er, 4°, et 4, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage ;
- articles 1er et 2 du Traité de l’Atlantique Nord, signé à Washington le 4 avril 1949 et approuvé par la loi du 2 juin 1949 ;
- article IV de la convention sur le statut de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, des représentants nationaux et du personnel international, signée à Ottawa le 20 septembre 1951 et approuvée par la loi du 1er février 1955 ;
- article unique de la loi du 1er février 1955 portant approbation de la convention sur le statut de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, des représentants nationaux et du personnel international, signée à Ottawa le 20 septembre 1951, ainsi que de la déclaration des gouvernements belge, luxembourgeois et néerlandais.
Décisions et motifs critiqués
L’arrêt, statuant sur la demande de la demanderesse tendant à entendre réformer la décision du défendeur du 20 juin 2018 et condamner celui-ci au paiement des allocations de chômage à partir du 2 janvier 2018 sans tenir compte de la règle de limite de cumul découlant de l’article 130 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, dit l’appel du défendeur fondé et rétablit ladite décision du 20 juin 2018, par tous ses motifs, réputés ici intégralement reproduits, et spécialement par les motifs suivants :
« 16. Le litige concerne le cumul des allocations de chômage et de la pension de survie que [la demanderesse] perçoit de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ;
17. En vertu de l'article 65, § 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, le chômeur qui bénéficie d'une pension incomplète ou d'une pension de survie peut, aux conditions édictées par cet article, bénéficier des allocations dans les limites de l'article 130 de cet arrêté, qui prévoit que le montant journalier de l'allocation de chômage est diminué de la partie du montant journalier de la pension qui excède le montant prévu (indexé) ;
18. L'article 65, § 3, du même arrêté précise qu'il y a lieu de considérer comme pension les pensions de vieillesse, de retraite, d'ancienneté ou de survie et tous autres avantages en tenant lieu, accordés 1° par ou en vertu d'une loi belge ou étrangère ; 2° par un organisme de sécurité sociale, un pouvoir public, un établissement public ou d'utilité publique, belges ou étrangers ;
19. Le litige se focalise sur les conditions de l'article 65, § 3, sur lesquelles les parties sont en désaccord. Le respect des autres conditions n'est pas discuté ;
20. [Le défendeur] soutient, en substance, que l'avantage est accordé à la suite du décès de l'époux de [la demanderesse] et constitue à ce titre une pension de survie et que cette pension est accordée par l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, qui est un établissement public ou d'utilité publique au sens de l'article 65, ce texte ayant une visée large et n'instituant pas de distinction entre les différents types d'établissements public. Il en conclut que la pension perçue par [la demanderesse] est une pension au sens de l'article 65, § 3, de sorte que la règle de limite de cumul prévue à l'article 130, § 2, trouve à s'appliquer ;
21. [La demanderesse] défend, au contraire, que la prestation versée par l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord l'est, non en vertu d'une loi, mais sur la base du Règlement du personnel civil de cette organisation, qui institue un régime privé complémentaire aux régimes de pensions étatiques, comparable à une assurance de groupe privée ou à une pension extralégale, et que cette prestation est accordée par l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, qui est une organisation internationale de droit public, dotée de la personnalité juridique, ne relevant pas du champ d'application de l'article 65, qui vise des acteurs étatiques. Elle conclut au cumul, sans application de la règle de limite de cumul, de la pension de survie et des allocations de chômage ;
22. La cour [du travail] observe d'emblée, concernant la mise en état de la cause par les parties, que, s'agissant du régime de pension en vertu duquel [la demanderesse] perçoit la pension de survie, seule est produite aux débats une note explicative sur le régime des pensions à cotisations définies de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ;
23. La cour [du travail] statue ainsi en l'état du dossier présenté, tenant compte de cette observation ;
24. L'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord est une organisation de droit international public ;
25. Certaines organisations internationales pourvoient elles-mêmes à un système de sécurité sociale pour leur personnel. Une exonération de l'assujettissement obligatoire à la sécurité sociale nationale (belge), elle-même sujette à dérogations, peut en effet être négociée aux termes d'un traité international, tel un accord multilatéral sur les privilèges et immunités ou un accord de siège bilatéral ;
26. Le statut de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, des représentants nationaux de l'organisation et de son personnel international est régi par les dispositions de la convention d'Ottawa, signée le 20 septembre 1951 et approuvée par la loi du 1er février 1955 ;
27. L'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord s'est dotée, sur cette base, d'un règlement intitulé Règlement du personnel civil. Ce règlement et les amendements qui y ont été apportés sont approuvés, par consensus, au niveau du conseil de l'organisation par les représentants permanents de tous les États membres de celle-ci ;
28. Le Règlement du personnel civil s'applique, suivant le point A (i) de son préambule, ‘à [l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord] dans son ensemble et régit l'administration du personnel de chacun des organismes de cette organisation appartenant aux catégories suivantes : personnel civil international, consultants, personnel (civil) temporaire’ ;
29. Le Règlement du personnel civil détermine, sous les chapitres VII, X, XI et XV de la partie 1, les règles applicables aux membres du personnel en matière d'allocations familiales, de sécurité sociale et d’assurances, de caisse de prévoyance et de régimes de pensions ;
30. En matière de sécurité sociale, l'article 48 du Règlement du personnel civil définit la méthode d'assurance, en l'occurrence, soit l'affiliation au système de sécurité sociale du pays de séjour, soit un système d'assurance de groupe, et laisse le choix au secrétaire général de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord de fixer la méthode choisie, sachant qu'elle est ensuite obligatoirement appliquée pour tous les agents concernés (ceux du pays de séjour compris). Le choix effectivement fait est celui d'une assurance de groupe ;
31. En matière de pensions, tous les agents relèvent soit du ‘régime de pensions coordonné’ visé aux articles A.63 à A.67 du Règlement du personnel civil, qui fait l'objet d'un règlement spécifique figurant en annexe IV, soit du ‘régime de pensions à cotisations définies’ visé aux articles B.63 à B.68 du règlement précité, qui fait l'objet d'un règlement spécifique figurant en annexe VI, selon qu'ils sont entrés en fonction avant ou à compter du 1er juillet 2005 (sauf ceux qui ont été recrutés avant le 1er juillet 1974 et ont choisi de rester affiliés à la caisse de prévoyance visée au chapitre XI) ;
32. Le Règlement du personnel civil règle le financement des prestations qu'il prévoit, notamment en précisant qu'à côté des contributions versées par l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, les agents sont redevables d'une cotisation à l'un des trois régimes de pensions et qu'ils contribuent au système de sécurité sociale et d'assurance défini au chapitre X, outre des dispositions spécifiques à chaque matière (articles 25, 50, 52, A.67 et B.65) ;
33. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord a fait le choix de pourvoir elle-même à un système de sécurité sociale pour son personnel civil. Il s'agit en effet du seul régime disponible et tant l'affiliation à ce régime que le paiement de cotisations sont obligatoires. Les membres du personnel civil de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ne doivent dès lors pas être assujettis à un système de sécurité sociale national et n'ont pas d'obligation de cotiser aux systèmes de sécurité sociale nationaux ;
34. Bien qu'elle concerne un régime de pensions inapplicable en l'espèce (infra, point 36), il est relevé que l'article 1.1 de la note explicative produite aux débats expose en ce sens, expressément et de manière générale, que, ‘pour ce qui concerne les prestations sociales, l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord n'est pas soumise au régime de sécurité sociale en vigueur au niveau national. L'organisation dispose donc de son propre système d'assurance médicale — qui fait l'objet d'une brochure distincte — et de ses propres régimes de pensions’ ;
35. La thèse d'un régime privé complémentaire aux régimes de pensions étatiques défendue par [la demanderesse] ne peut ainsi être suivie. [La demanderesse] reste d'ailleurs en défaut de démontrer l'assujettissement de son époux à un système de sécurité sociale national (belge) durant son occupation au sein de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, et en particulier qu’il aurait cotisé à un régime (de pensions) étatique, auquel le régime dont question ici aurait, comme elle le soutient, été complémentaire ;
36. De l'examen des dispositions du Règlement du personnel civil et du dossier, il apparaît du reste que
- l'époux de [la demanderesse] faisait partie du personnel international de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et que, entré en service en 1985 et décédé en 1998, il relevait du régime de pensions coordonné. Les dispositions de la note explicative sur le Régime de pensions à cotisations définies de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, qui est versée aux débats, ne sont donc pas pertinentes ;
- le droit à la pension de survie de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord découle, pour [la demanderesse], de ce régime de pensions coordonné, et en particulier des articles 18 à 23 constituant le chapitre IV du règlement spécifique à ce régime, ce que confirme le renvoi exprès à l'article 42 de ce règlement contenu dans le relevé individuel concernant la déclaration de [sa] pension que lui délivre l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ;
- la pension de survie est, conformément à l'article 31 de ce même règlement spécifique, liquidée à [la demanderesse] par l'unité des pensions de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ;
37. La pension de survie que celle-ci octroie à [la demanderesse] constitue donc bien une prestation accordée dans le cadre du système de sécurité sociale instauré pour le personnel civil de cette organisation pour le risque couvert par le régime de pensions ;
38. Les termes de l'article 65, § 3, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 fondent une acception large de la notion de pension à prendre en compte : ils visent tous les avantages accordés à titre de pension, quelle que soit l'origine, belge ou autre, de ceux-ci. Cette disposition vise tant les pensions nationales que les pensions étrangères ;
39. La généralité des termes de l'article 65, § 3, commande ainsi d'assimiler une pension accordée par une institution supranationale, telle l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, à une pension accordée par un organisme de sécurité sociale ou un établissement public ou d'utilité publique étranger ;
40. Il s'ensuit que la pension de survie perçue par [la demanderesse] est une pension au sens de l'article 65, § 3, de sorte que la règle de limite de cumul prévue à l'article 130, § 2, trouve à s'appliquer ;
41. En tant que de besoin, il est relevé que la pertinence, pour le cas d'espèce, de la jurisprudence citée par [la demanderesse] n'apparaît pas d'évidence, dans la mesure où l'applicabilité des textes qu'elle met en œuvre aux membres du personnel civil de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord n'est pas démontrée ;
42. Par ailleurs, la réglementation du chômage est d'ordre public. La cour [du travail] est tenue d'appliquer le texte réglementaire en vigueur. Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions propres à la réglementation des pensions en matière de chômage ;
43. L'appel est fondé ».
Griefs
1.1. La section 2, intitulée « Montant de l'allocation journalière », du chapitre IV, « Calcul des allocations », du titre II, « Indemnisation du chômage », de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage détermine dans les articles 110 à 129quater le calcul du montant des allocations de chômage.
La sous-section 6, « Réduction du montant de l'allocation en cas de cumul autorisé », de cet arrêté comprend comme disposition unique l'article 130, qui dispose, en son paragraphe 2, alinéa 1er, que le montant journalier de l'allocation de chômage est diminué de la partie du montant journalier de certains revenus qui excède un montant forfaitaire et, en son paragraphe 1er, alinéa 4, que relève de l’application de cette règle le chômeur qui bénéficie d'une pension au sens de l'article 65, § 2, de l'arrêté royal.
Ledit article 65, § 2, dispose que le chômeur qui bénéficie d'une pension incomplète ou d'une pension de survie peut bénéficier des allocations dans les limites de l'article 130 de cet arrêté.
D'après le paragraphe 3 de l'article 65 précité, sont considérés, pour l'application de cet article, comme pensions les pensions de vieillesse, de retraite, d'ancienneté ou de survie et tous autres avantages en tenant lieu, accordés 1° par ou en vertu d'une loi belge ou étrangère ; 2° par un organisme de sécurité sociale, un pouvoir public, un établissement public ou d'utilité publique, belges ou étrangers.
Les dispositions sur la réduction du montant de l'allocation de chômage étant une exception à la règle sur la base de laquelle ce montant est calculé, les conditions et modalités de cette réduction doivent être interprétées de manière restrictive.
1.2. Selon l'article 1er du Traité de l'Atlantique Nord, signé à Washington le 4 avril 1949 par les douze membres fondateurs de l'organisation, dont la Belgique, les parties s'engagent, ainsi qu'il est prévu dans la Charte des Nations Unies, à régler par des moyens pacifiques tous différends internationaux dans lesquels elles pourraient être impliquées, de telle manière que la paix et la sécurité internationales, ainsi que la justice, ne soient pas mises en danger, et à s'abstenir dans leurs relations internationales de recourir à la menace ou à l'emploi de la force de toute manière incompatible avec les buts des Nations Unies.
L'article 2 de ce traité dispose que les parties contribueront au développement de relations internationales pacifiques et amicales en renforçant leurs libres institutions, en assurant une meilleure compréhension des principes sur lesquels ces institutions sont fondées et en développant les conditions propres à assurer la stabilité et le bien-être. Elles s'efforceront d'éliminer toute opposition dans leurs politiques économiques internationales et encourageront la collaboration économique entre chacune d'entre elles ou entre toutes.
Les buts de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord se situent donc dans le domaine de la coopération internationale.
D'après l'article IV de la convention sur le statut de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, des représentants nationaux et du personnel international, signée à Ottawa le 20 septembre 1951, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, dont le conseil a été créé par l'article 9 du Traité de l'Atlantique Nord, est une organisation internationale qui possède la personnalité juridique.
Il ressort de ces dispositions que l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord n'est ni un organisme de sécurité sociale ni un pouvoir public ou un établissement public ou d'utilité publique, n’a pas la nationalité belge ou une nationalité étrangère et n’est pas régie par le droit belge ou un droit étranger.
2. Il ressort de ces considérations que l’arrêt fonde sa décision sur le fait que le régime de pension en vertu duquel la demanderesse perçoit la pension de survie est le Règlement du personnel civil de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, comme cela a été affirmé par la demanderesse.
Par ces considérations, l’arrêt relève que la pension de survie que la demanderesse perçoit de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ne lui est pas accordée par ou en vertu d'une loi belge ou étrangère.
L’arrêt constate en outre que l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord est une organisation de droit international, que son statut, celui des représentants nationaux de l'organisation et son personnel international sont régis par les dispositions de la convention d'Ottawa précitée, et qu’elle est donc une institution supranationale.
L’arrêt constate ainsi que l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, organisation de droit international et institution supranationale, n'est ni un organisme de sécurité sociale ni un pouvoir public ou un établissement public ou d'utilité publique et, son statut étant réglé par un traité international, n'a pas la nationalité belge ou une nationalité étrangère et n'est pas régie par le droit belge ou par un droit étranger.
2.1. Mais l’arrêt considère que l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord a fait le choix de pourvoir elle-même à un système de sécurité sociale pour son personnel civil, étant le seul régime disponible, auquel les membres du personnel sont obligés de s'affilier et de payer des cotisations, de sorte qu'ils ne doivent pas être assujettis à un système de sécurité sociale national auquel ils seraient obligés de cotiser, et que la thèse d'un régime privé complémentaire aux régimes de pensions étatiques défendue par la demanderesse ne peut être suivie, la demanderesse restant d'ailleurs en défaut de démontrer l'assujettissement de son époux à un système de sécurité sociale national (belge) durant son occupation au sein de l'organisation et en particulier qu’il aurait cotisé à un régime de pensions étatique.
L’arrêt en conclut que la pension que l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord octroie à la demanderesse constitue bien une prestation accordée dans le cadre du système de sécurité sociale instauré pour le personnel civil de cette organisation pour le risque couvert par le régime de pensions.
2.2. En outre, l’arrêt considère que les termes de l'article 65, § 3, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 fondent une acception large de la notion de pension à prendre en compte et visent tous les avantages accordés à titre de pension, quelle que soit l'origine, belge ou autre, de ceux-ci, et tant les pensions nationales qu'étrangères.
2.3. Enfin, l’arrêt considère que la généralité des termes dudit
article 65, § 3, commande d'assimiler une pension accordée par une institution supranationale, telle l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, à une pension accordée par un organisme de sécurité sociale ou un établissement public ou d'utilité publique « étranger ».
3. En déclarant la réduction de l'allocation de chômage visée à l'article 130 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 applicable à la pension que la demanderesse perçoit de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord au motif que cette pension est accordée au titre d'un régime de sécurité sociale auquel le conjoint de la demanderesse était obligatoirement affilié et auquel il était obligatoirement tenu de cotiser, sans être affilié ni cotiser à un régime national (belge) de sécurité sociale, bien que les constatations de l’arrêt exposées au point 2 ci-dessus révèlent que ladite pension est accordée à la demanderesse en vertu d'un règlement de cette organisation, l’arrêt ajoute des cas supplémentaires de réduction à ceux que prévoit la disposition légale précitée.
La considération de l’arrêt, reprise ci-dessus au point 2.2, que l'article 130 précité donne une interprétation large à la notion de pension à prendre en compte pour l'application de la réduction prévue par cette disposition ne fait pas obstacle à ce que, d'après cet article, pour que la réduction soit appliquée, la pension doive être accordée par ou en vertu d'une loi belge ou étrangère ou par un organisme de sécurité sociale ou un établissement public ou d'utilité publique, belge ou étranger.
En assimilant enfin une organisation internationale créée par un traité international à un organisme de sécurité sociale ou un établissement public ou d'utilité publique étranger, l’arrêt donne de l'article 130 de l'arrêté royal du
25 novembre 1991 une interprétation (large) qu’il n'a pas et ne peut pas avoir, vu ses termes et son caractère d'exception, et l'interprétation restrictive qui en est la conséquence.
L’arrêt ne décide pas légalement que la pension de survie perçue par la demanderesse est une pension au sens de l'article 65, § 3, de l’arrêté royal du
25 novembre 1991, de sorte que la règle de limite de cumul prévue à l'article 130, § 2, de cet arrêté trouve à s'appliquer (violation de toutes les dispositions visées au moyen).
III. La décision de la Cour
L’article 65, § 1er, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage dispose que le chômeur qui peut prétendre à une pension complète ne peut bénéficier des allocations.
En vertu du paragraphe 2 de cet article, le chômeur qui bénéficie d’une pension incomplète ou d’une pension de survie peut bénéficier des allocations dans les limites de l’article 130, qui fixe les règles suivant lesquelles les allocations sont en pareil cas réduites.
Pour l’application de ces dispositions, sont, conformément à l’article 65,
§ 3, considérés comme pension, les pensions de vieillesse, de retraite, d’ancienneté ou de survie et tous autres avantages en tenant lieu accordés 1° par ou en vertu d’une loi belge ou étrangère, et 2° par un organisme de sécurité sociale, un pouvoir public, un établissement public ou d’utilité publique, belges ou étrangers.
Cette définition inclut dans le champ d’application de la règle anti-cumul qu’elle concerne tout avantage tenant lieu de pension accordé au chômeur par une institution publique, fût-elle internationale, en vertu d’une norme générale et impersonnelle.
En constatant que la demanderesse bénéficie d’une pension de survie qui lui est accordée par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord en vertu du Règlement du personnel civil de cette organisation internationale publique, qui s’applique sans distinction à tous les agents des catégories de personnel qu’il vise, l’arrêt justifie légalement sa décision que cette pension entre dans le champ d’application de la limitation de cumul prévue aux articles 65, § 2, et 130, §§ 1er, 4°, et 2, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Vu l’article 1017, alinéa 2, du Code judiciaire, condamne le défendeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de quatre cent cinquante-trois euros cinquante-trois centimes envers la partie demanderesse et à la somme de vingt-deux euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Koen Mestdagh et Mireille Delange, les conseillers Antoine Lievens et Eric de Formanoir, et prononcé en audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-deux par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3f - troisième chambre
Numéro d'arrêt : S.21.0066.F
Date de la décision : 27/06/2022
Type d'affaire : Droit de la sécurité sociale

Analyses

Constitue une pension, et entre dans le champ d'application de la limitation de cumul prévue aux articles 65, § 2, et 130, §§ 1er, 4°, et 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, la pension de survie accordée par l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord en vertu du Règlement du personnel civil de cette organisation internationale publique, qui s'applique sans distinction à tous les agents des catégories de personnel qu'il vise.

CHOMAGE - MONTANT DES ALLOCATIONS DE CHOMAGE [notice1]


Références :

[notice1]

A.R. du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage - 25-11-1991 - Art. 65, § 1er, 2 et 3, 1° et 2°, et 130, § 1er, 4°, et § 2 - 50 / No pub 1991013192


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : BODY LUTGARDE
Ministère public : INGHELS BENEDICTE
Assesseurs : MESTDAGH KOEN, DELANGE MIREILLE, LIEVENS ANTOINE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-06-27;s.21.0066.f ?

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