N° S.20.0035.F
HR RAIL, société anonyme de droit public, dont le siège est établi à Saint-Gilles, rue de France, 85, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0541.691.352,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Gand, Drie Koningenstraat, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
J. H.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 18 décembre 2013, 15 février 2016, 17 octobre 2016, 3 décembre 2018 et 16 juillet 2019 par la cour du travail de Bruxelles.
Le 7 juin 2022, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Mireille Delange a fait rapport et l’avocat général
Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
L’article 13 de la loi du 23 juillet 1926 relative à la SNCB Holding et à ses sociétés liées, dans la version applicable au litige, confère à la commission paritaire nationale le pouvoir d’examiner les règles concernant la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles et, en général, toutes les questions intéressant directement le personnel et dispose que, une fois les statuts du personnel arrêtés, aucune modification ne pourra y être apportée sans
le consentement de la commission paritaire, statuant à la majorité des deux tiers.
En vertu de l’article 1er, alinéa 2, du chapitre XVII, relatif aux accidents du travail, accidents sur le chemin du travail et maladies professionnelles, du statut du personnel de la SNCB Holding, adopté par la commission paritaire nationale, dans la version applicable au litige, les principes en matière de définitions, preuves, procédures et indemnisations sont définis par le règlement général du personnel et des services sociaux, fascicule 572, en abrégé RGPS 572.
Les paragraphes 1er, 2 et 10 du règlement général des accidents du travail, des accidents sur le chemin du travail et des maladies professionnelles, constituant ce fascicule 572, ont été adoptés par la commission paritaire nationale à laquelle l’article 13 de la loi du 23 juillet 1926 attribue un pouvoir normatif en matière de réparation des dommages résultant des accidents du travail, comportent des règles de droit abstraites revêtant le caractère de généralité propre à la loi, ont été édictés et approuvés conformément aux dispositions légales applicables et ont été portés à la connaissance du défendeur, qui s’en prévalait devant le juge du fond.
Ces dispositions constituent des lois au sens de l’article 608 du Code judiciaire, dont la violation ne constitue pas une méconnaissance de la foi due aux actes au sens des articles 1319, 1320 et 1322 de l’ancien Code civil.
Le moyen, qui, en cette branche, est tout entier déduit de la violation de ces dernières dispositions, est irrecevable.
Quant à la première branche :
En vertu de l'article 1er, alinéa 1er, 2°, de la loi du 3 juillet 1967 sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public, le régime institué par cette loi pour la réparation des dommages résultant des accidents du travail est, par arrêté délibéré en conseil des ministres, rendu applicable par le Roi, aux conditions et dans les limites qu'il fixe, aux membres du personnel définitif, stagiaire, temporaire, auxiliaire ou engagés par contrat de travail qui appartiennent aux entreprises publiques autonomes classées à l'article 1er, § 4, de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques.
Les membres du personnel de la SNCB Holding ont été transférés à la demanderesse le 1er janvier 2014, sans modification de leur statut juridique, en vertu de l’article 2, § 1er, de l’arrêté royal du 11 décembre 2013 relatif au personnel des chemins de fer belges.
Ils ne sont pas soumis au régime de réparation des dommages résultant des accidents du travail institué par la loi du 3 juillet 1967, qu’aucun arrêté ne leur rend applicable, mais à celui du RGPS 572, conformément à l’article 13 de la loi du 23 juillet 1926.
Aux termes du paragraphe 3 du RGPS 572, le cours de l’exécution du service comprend le temps consacré par l’agent qui accomplit une mission syndicale comme délégué permanent ou occasionnel.
L’arrêt attaqué du 18 décembre 2013 constate que le défendeur a subi une « lésion (hémorragie cérébrale ou rupture d’anévrisme crânien) » et que « l’impact qu’aurait pu avoir une situation de stress », constituant « un événement soudain », est survenu « le 22 juin 2009 sur l’heure de midi », alors que le défendeur accomplissait « une mission syndicale comme délégué […] ou comme représentant du personnel reconnu en cette qualité par l’autorité ».
Il décide par ces motifs que l’événement soudain est survenu « dans le cours […] de l’exercice des fonctions [du défendeur] ».
Dès lors que cette décision demeure légalement justifiée au regard du paragraphe 3 du RGPS 572 qui aurait dû être appliqué, le moyen, qui, en cette branche, fait grief à cet arrêt d’appliquer les dispositions de la loi du 3 juillet 1967, ne saurait entraîner la cassation, partant, est irrecevable à défaut d’intérêt.
Le motif, vainement critiqué par la seconde branche du moyen, que les dispositions du RGPS 572 ne dérogent pas à la définition de l’accident de travail donnée par l’article 2 de la loi du 3 juillet 1967 suffit à fonder la décision que « l’accident du travail […] se définit comme l’accident survenu dans le cours et par le fait de l’exercice des fonctions et qui produit une lésion », que « la loi présume, jusqu’à la preuve du contraire, que l’accident survenu dans le cours de l’exercice des fonctions l’est par le fait de cet exercice », que, « lorsque la victime ou ses ayant droit établissent, outre l’existence d’une lésion, celle d’un événement soudain, la loi présume, jusqu’à la preuve du contraire, que la lésion trouve son origine dans l’accident » et, « en conclusion », que le défendeur a la charge de prouver « l’événement soudain, que cet événement soudain est survenu dans le cours de l’exécution du contrat de travail, et la lésion », mais non que cet « événement [a] une cause extérieure à l’organisme ».
Dans la mesure où il critique le motif surabondant, relatif à la hiérarchie entre ces normes, le moyen, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation, partant, est irrecevable à défaut d’intérêt.
Les motifs vainement critiqués précités suffisent à fonder les décisions de l’arrêt attaqué du 18 décembre 2013, que « l’accident du travail est présumé » et que la demanderesse « peut apporter la preuve du contraire, notamment au moyen d’une expertise », qu’il ordonne, et les décisions prises après l’expertise par l’arrêt attaqué du 15 février 2016 qu’« il n’est pas exclu, avec le plus haut degré de vraisemblance, que la rupture d’anévrisme subie par [le défendeur] ait été déclenchée par la situation de stress […] retenue par [l’arrêt du 18 décembre 2013] comme événement soudain », que la demanderesse ne renverse pas « la présomption légale de causalité », que le défendeur a « été victime d’un accident du travail le 22 juin 2009 », que la demanderesse doit l’ « indemnis[er] des conséquences de la rupture d’anévrisme », que le rapport d’expertise est entériné, que « les séquelles de l’accident du travail [sont une] hémiparésie gauche spastique, des troubles sphinctériens, des troubles cognitifs marqués et des troubles comportementaux », que cet accident du travail « a entraîné une incapacité de travail totale et définitive » et que « les orthèses nécessaires sont une chaise roulante électrique à renouveler tous les dix ans, une chaise roulante mécanique à renouveler tous les quatre ans, une canne quadripode adaptée et des protections urinaires (Penniflow) à changer quotidiennement ».
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation, partant, est irrecevable à défaut d’intérêt.
Pour le surplus, l'arrêt attaqué du 15 février 2016 ne condamne pas légalement la demanderesse à indemniser sur la base de la loi du 3 juillet 1967 le défendeur des dommages résultant de l’accident du travail.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.
Et la cassation partielle de l’arrêt attaqué du 15 février 2016 entraîne l’annulation des arrêts des 17 octobre 2016, 3 décembre 2018, 4 avril 2019 et 16 juillet 2019, qui en sont la suite.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué du 15 février 2016 en tant qu’il décide que l’indemnisation du défendeur des dommages résultant de l’accident du travail du 22 juin 2009 à laquelle il condamne la demanderesse doit être effectuée conformément à la loi du 3 juillet 1967 et à ses mesures d’exécution, et qu’il condamne la demanderesse à prendre en charge les frais médicaux exposés dans le cadre du traitement des séquelles, évalués provisionnellement à 12.071,10 euros en date du 9 décembre 2014 ;
Annule les arrêts des 17 octobre 2016, 3 décembre 2018, 4 avril 2019 et 16 juillet 2019 ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Vu le paragraphe 91 du règlement des accidents du travail, des accidents sur le chemin du travail et des maladies professionnelles constituant le fascicule 572 du statut du personnel, condamne la demanderesse aux dépens ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Bruxelles, autrement composée.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent vingt euros dix centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Koen Mestdagh et Mireille Delange, les conseillers Antoine Lievens et Eric de Formanoir, et prononcé en audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-deux par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.