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27/05/2022 | BELGIQUE | N°F.21.0090.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 mai 2022, F.21.0090.F


N° F.21.0090.F
1. N. D., agissant tant en nom personnel qu’en qualité d’héritière de B. N.,
2. N. N., agissant en qualité d’héritier de B. N.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Bonté, 5, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à l

a Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élec...

N° F.21.0090.F
1. N. D., agissant tant en nom personnel qu’en qualité d’héritière de B. N.,
2. N. N., agissant en qualité d’héritier de B. N.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Bonté, 5, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 21 octobre 2020 par la cour d’appel de Mons.
Par un acte remis au greffe de la Cour le 19 mai 2022, les demandeurs déclarent reprendre l’instance mue par B. N., décédé le …
Le 9 mai 2022, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Suivant l’article 46, § 1er, alinéa 1er, 2°, du Code des impôts sur les revenus 1992, dans sa version applicable, les plus-values obtenues ou constatées en raison ou à l’occasion de la cessation complète et définitive d’une ou de plusieurs branches d’activité sont entièrement mais temporairement exonérées lorsqu'elles sont obtenues ou constatées à l'occasion de l'apport de ces branches d'activité à une société moyennant la remise d'actions ou parts représentatives du capital social de cette société.
En vertu de l’alinéa 3, 2°, de cette disposition, applicable au litige, ce régime d’exception n’est applicable que pour autant que l’opération soit réalisée conformément aux dispositions du Code des sociétés en la matière et, le cas échéant, conformément aux dispositions du droit des sociétés analogues dans un autre État membre de l’Union européenne qui s’appliquent à la société intra-européenne apporteuse ou bénéficiaire.
Aux termes de l’article 679 du Code des sociétés, alors applicable, l'apport d'une branche d'activité est l'opération par laquelle une société transfère, sans dissolution, à une autre société une branche de ses activités ainsi que les passifs et les actifs qui s'y rattachent, moyennant une rémunération consistant exclusivement en actions ou parts de la société bénéficiaire de l'apport.
L’article 680 de ce code définit la branche d'activité comme un ensemble qui, du point du vue technique et sous l'angle de l'organisation, exerce une activité autonome et est susceptible de fonctionner par ses propres moyens.
L’apport d’une branche d’activité a pour effet, conformément à l’article 763, alinéa 2, du même code, le transfert de plein droit à la société bénéficiaire des actifs et passifs s’y rattachant à moins que, dans le cas où l’apporteur est une société, les sociétés concernées renoncent, comme l’article 759, alinéa 2, les y autorise, à soumettre l’opération au régime organisé par les articles 760, 762, 764 à 767 ou que, dans le cas d’un apporteur personne physique, les parties concernées n’optent pas, en dépit de la faculté qui leur est offerte par l’article 768 dudit code, pour le régime précité.
S’il n’est pas fait choix de ce régime, l’apport de branche d’activité n’en sera pas moins réalisé conformément aux autres dispositions du Code des sociétés, notamment celles qui sont relatives aux apports en nature, avec application des règles du droit commun pour l’opposabilité des transferts.
Il suffit en conséquence que l’apport d’une branche d’activité à une société réponde aux critères des articles 679 et 680 du Code des sociétés pour qu’il remplisse la condition d’exonération prévue à l’article 46, § 1er, alinéa 3, 2°, du Code des impôts sur les revenus 1992.
L’arrêt constate que, « dans l’acte de constitution de la [société bénéficiaire de l’apport de branche d’activité], dont les [demandeurs] sont les principaux associés, ceux-ci ont décidé de ne pas soumettre l’apport au régime défini par les articles 759 à 764 du Code des sociétés ».
En considérant que « le fait d’avoir opté pour la procédure ordinaire d’apport en nature des éléments d’actif constituant l’intégralité de l’activité de maison de repos que [la demanderesse] exploitait en personne physique et de ne pas avoir soumis leur apport aux dispositions des articles 759 à 764 du Code des sociétés, a fait perdre aux [demandeurs] le bénéfice de l’exonération prévue à l’article 46, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 », l’arrêt viole cette disposition légale.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Quant à la seconde branche :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, en cette branche, par le défendeur et déduite du défaut d’intérêt :
L’accueil de la première branche du moyen ôte aux motifs que critique le moyen, en cette branche, tout caractère surabondant.
Sur le fondement du moyen, en cette branche :
Aux termes de l’article 46, § 2, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, dans sa version applicable au litige, les amortissements, déductions pour investissement, crédits d’impôt pour recherche et développement, moins-values ou plus-values, à prendre en considération dans le chef du nouveau contribuable, sur les actifs délaissés par l'ancien contribuable, sont déterminés comme si ces actifs n'avaient pas changé de propriétaire, sauf dans les cas où il est fait application de l'article 90, 8°.
Cette disposition organise, pour le cas où les plus-values résultant d’un apport de branche d’activité sont exonérées chez l’apporteur en vertu de l’article 46, § 1er, de ce code, un régime de neutralité fiscale chez la société bénéficiaire de l’apport, qui l’oblige à tenir son bilan fiscal comme si elle continuait la personne de l’apporteur.
Il ne s’ensuit pas que, si la société bénéficiaire de l’apport de branche d’activité s’expose à une régularisation fiscale pour violation de l’article 46, § 2, alinéa 1er, l’apporteur puisse être privé du droit à l’exonération de la plus-value de cessation qu’il a réalisée dans le respect de l’article 46, § 1er, alinéa 1er, 2°, et alinéa 3.
L’arrêt, qui considère que l’amortissement par la société bénéficiaire des actifs de la branche d’activité sur la base de leur valeur d’apport et non sur la base de celle pour laquelle ils étaient inscrits dans les comptes de l’apporteur implique que « les conditions d’exonération de la plus-value de cessation ne sont plus réunies », viole les dispositions légales précitées.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.

Par ces motifs,
La Cour
Donne acte aux demandeurs de leur reprise d’instance ;
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Sabine Geubel et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt-deux par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : F.21.0090.F
Date de la décision : 27/05/2022
Type d'affaire : Droit fiscal

Analyses

S'il n'est pas fait choix du régime organisé par les articles 760, 762, 764 à 767 du Code des sociétés, l'apport de branche d'activité n'en sera pas moins réalisé conformément aux autres dispositions du Code des sociétés, notamment celles qui sont relatives aux apports en nature, avec application des règles du droit commun pour l'opposabilité des transferts; il suffit en conséquence que l'apport d'une branche d'activité à une société réponde aux critères des articles 679 et 680 du Code des sociétés pour qu'il remplisse la condition d'exonération prévue à l'article 46, § 1er, alinéa 3, 2°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (1). (1) Voir les concl. du MP.

IMPOTS SUR LES REVENUS - IMPOT DES PERSONNES PHYSIQUES - Revenus professionnels - Plus-values [notice1]

L'article 46, § 2, alinéa 1er du Code des impôts sur les revenus 1992 organise, pour le cas où les plus-values résultant d'un apport de branche d'activité sont exonérées chez l'apporteur en vertu de l'article 46, § 1er, de ce code, un régime de neutralité fiscale chez la société bénéficiaire de l'apport, qui l'oblige à tenir son bilan fiscal comme si elle continuait la personne de l'apporteur; il ne s'ensuit pas que, si la société bénéficiaire de l'apport de branche d'activité s'expose à une régularisation fiscale pour violation de l'article 46, § 2, alinéa 1er, l'apporteur puisse être privé du droit à l'exonération de la plus-value de cessation qu'il a réalisée dans le respect de l'article 46, § 1er, alinéa 1er, 2°, et alinéa 3 (1). (1) Voir les concl. du MP.

IMPOTS SUR LES REVENUS - IMPOT DES PERSONNES PHYSIQUES - Revenus professionnels - Plus-values [notice2]


Références :

[notice1]

Côde des impôts sur les revenus 1992 - 12-06-1992 - Art. 46, § 1er, al. 1er, 2), et 3, 2°) - 30 / No pub 1992003455 ;

Code des sociétés - 07-05-1999 - Art. 679, 680, 759, al. 2, 760, 762, 763, al. 2, 764 à 767 - 69 / No pub 1999A09646

[notice2]

Côde des impôts sur les revenus 1992 - 12-06-1992 - Art. 46, § 1er, al. 1er, 2°, et 3, et § 2, al. 1er - 30 / No pub 1992003455


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : INGHELS BENEDICTE
Assesseurs : DELANGE MIREILLE, LEMAL MICHEL, GEUBEL SABINE, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-05-27;f.21.0090.f ?

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