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16/05/2022 | BELGIQUE | N°F.20.0141.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 mai 2022, F.20.0141.F


N° F.20.0141.F
MAISON DESPRIET, société anonyme, dont le siège est établi à Seraing, rue des Six Bonniers, 104, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0465.770.343,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Xavier Thiebaut, avocat au barreau de Liège, dont le cabinet est établi à Liège, rue Simonon, 13, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffro

y de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue ...

N° F.20.0141.F
MAISON DESPRIET, société anonyme, dont le siège est établi à Seraing, rue des Six Bonniers, 104, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0465.770.343,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Xavier Thiebaut, avocat au barreau de Liège, dont le cabinet est établi à Liège, rue Simonon, 13, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 8 janvier 2020 par la cour d’appel de Liège.
Le 29 mars 2022, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Par ordonnance du 29 mars 2022, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Marielle Moris a fait rapport et l’avocat général
Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par le défendeur et déduite de son imprécision :
Le moyen fait avec une suffisante précision grief à l’arrêt de refuser de tenir compte de la collaboration de la demanderesse avec l’administration pour l’exercice de son contrôle de proportionnalité de l’amende fiscale.
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par le défendeur et déduite de ce qu’il est dirigé contre une appréciation qui gît en fait :
Le moyen fait grief à l’arrêt de décider, non que la collaboration de la demanderesse au cours du contrôle fiscal « est une circonstance propre à la personne du contribuable », mais que cette circonstance sort du cadre de l’exercice du contrôle de proportionnalité de l’amende fiscale.
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par le défendeur et déduite du défaut d’intérêt :
L’examen de la fin de non-recevoir est indissociable de celui du moyen.
Les fins de non-recevoir ne peuvent être accueillies.
Sur le fondement du moyen :
En vertu de l’article 70, § 2, alinéa 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsque la facture ou le document en tenant lieu, dont l’émission ou l’établissement est prescrit par les articles 53, 53decies et 54, ou par les arrêtés pris en exécution de ces articles, n’a pas été émis ou établi ou qu’il contient des indications inexactes quant au numéro d’identification, au nom ou à l’adresse des parties intéressées à l’opération, à la nature ou à la quantité des biens livrés ou des services fournis, au prix ou à ses accessoires, il est encouru une amende égale à deux fois la taxe due sur l’opération, avec un minimum de cinquante euros.
Suivant l’article 84, alinéa 3, de ce code, dans les limites prévues par la loi, le montant des amendes fiscales proportionnelles prévues par ce code ou par les arrêtés pris pour son exécution, est fixé selon une échelle dont les graduations sont déterminées par le Roi.
L’article 1er, dernier alinéa, de l’arrêté royal n° 41 du 30 janvier 1987 fixant le montant des amendes fiscales proportionnelles en matière de taxe sur la valeur ajoutée dispose que l’échelle de réduction des amendes fiscales proportionnelles n’est pas applicable en cas d’infractions commises dans l’intention d’éluder ou de permettre d’éluder la taxe.
Aux termes de l’article 9 de l’arrêté du Régent n° 78 du 18 mars 1831 organique de l’administration des Finances, le ministre des Finances statue sur les réclamations ayant pour objet la remise d’amendes et d’augmentations de droits à titre d’amendes, autres que celles prononcées par le juge.
Dans l’arrêt n° 79/2008 du 15 mai 2008, la Cour constitutionnelle a dit pour droit que « l’article 70 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme », s’il est interprété en ce sens qu’il autorise le juge, « saisi d’un recours contre la décision prise, en vertu de l’article 9 de l’arrêté du Régent du 18 mars 1831, par le ministre des Finances ou son délégué, [à] exerce[r] une compétence de pleine juridiction lui permettant de contrôler tout ce qui relève de l’appréciation de l’administration ».
L’arrêt constate que « le litige concerne une contrainte T.V.A. […] décernée le 16 octobre 2015 […] en vertu de laquelle un montant de 1.540.955,56 euros est réclamé à titre d’amende proportionnelle à la [demanderesse] en application de l’article 70, § 2, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée pour des infractions en matière de facturation au cours des années 2008 à 2015 », que « la demanderesse a adressé une demande de remise de [cette amende] à l’administration par lettre du 12 novembre 2015 » et que c’est « en application de l’article 9 de l’arrêté du Régent du 18 mars 1831 » que l’administration « a fixé, par décision du 27 novembre 2015, […] en tenant compte notamment de la gravité des infractions et d’une intention de permettre d’éluder la taxe mais aussi du fait que ‘[la demanderesse] s’est montrée coopérati[ve] tout au long de l’enquête’ […], les amendes légales encourues en vertu de l’article 70, § 2, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée à 50 p.c. du montant des taxes dues […], soit à la somme de 385.690,60 euros ».
L’arrêt considère que le droit de contrôle de l’amende par le juge, saisi du litige après la décision du 27 novembre 2015, lui permet « d’examiner, en prenant en considération l’ensemble des circonstances de la cause, si la peine n’est pas disproportionnée par rapport à l’infraction, de sorte qu’il peut examiner si l’administration pouvait raisonnablement infliger une amende administrative de cette ampleur », qu’il « peut, à cet égard, tenir compte spécialement de la gravité de l’infraction, du taux des sanctions déjà infligées et de la manière dont il a été statué dans des causes similaires, mais doit tenir compte de la mesure dans laquelle l’administration était elle-même liée par cette sanction ».
L’arrêt qui, par ces énonciations, d’où il ressort qu’un délégué du ministre des Finances, saisi par la demanderesse d’un recours sur la base de l’article 9 de l’arrêté du Régent précité, a notamment tenu compte, pour l’appréciation de la proportionnalité de la sanction, de la coopération de la demanderesse tout au long de l’enquête, décide que cette coopération « est une circonstance propre à la personne du contribuable étrangère à l’appréciation d’une violation du principe de proportionnalité » et qu’elle échappe à ce titre à son contrôle, viole l’article 70, § 2, alinéa 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée.
Le moyen est fondé.
Sur l’étendue de la cassation :
La cassation de la décision de rejet de la demande de réduction de l’amende fiscale s’étend à la décision de rejet de la demande de sursis à l’exécution de cette amende, qui en est la suite.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt en tant qu’il statue sur la demande de réduction de l’amende due en vertu de l’article 70, § 2, alinéa 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, sur la demande de sursis à l’exécution de cette amende et sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du seize mai deux mille vingt-deux par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3f - troisième chambre
Numéro d'arrêt : F.20.0141.F
Date de la décision : 16/05/2022
Type d'affaire : Droit fiscal

Analyses

L'article 70, § 2 du Code de la Taxe sur la valeur ajoutée autorise le juge, saisi d'un recours contre le décision prise, en vertu de l'article 9 de l'arrêté du Régent du 18 mars 1831, par le ministre des Finances ou son délégué, à exercer une compétence de pleine juridiction lui permettant de contrôler tout ce qui relève de l'appréciation de l'administration (1). (1) Voir les concl. du MP.

TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - TRIBUNAUX - MATIERE FISCALE [notice1]


Références :

[notice1]

L. du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée - 03-07-1969 - Art. 70, § 2, al. 1er, et 84, al. 3 - 32 ;

A.R. n° 41 du 30 janvier 1987 - 41 - 30-01-1987 - Art. 1er, dernier al. - 32 ;

A. Rég. n° 78 du 18 mars 1831 - 18-03-1831 - Art. 9 - 01 / No pub 1831031801


Composition du Tribunal
Président : DELANGE MIREILLE
Greffier : BODY LUTGARDE
Ministère public : INGHELS BENEDICTE
Assesseurs : LEMAL MICHEL, ERNOTTE MARIE-CLAIRE, GEUBEL SABINE, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-05-16;f.20.0141.f ?

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