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11/02/2022 | BELGIQUE | N°C.21.0036.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 février 2022, C.21.0036.F


N° C.21.0036.F
CRELAN, société anonyme, dont le siège est établi à Anderlecht, boulevard Sylvain Dupuis, 251, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0205.764.318,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
SERVIGEL, société anonyme, dont le siège est établi à Marche-en-Famenne, rue Béverée, 7, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0447.585.120,<

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représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Co...

N° C.21.0036.F
CRELAN, société anonyme, dont le siège est établi à Anderlecht, boulevard Sylvain Dupuis, 251, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0205.764.318,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
SERVIGEL, société anonyme, dont le siège est établi à Marche-en-Famenne, rue Béverée, 7, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0447.585.120,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 453, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 22 avril 2020 par la cour d’appel de Liège.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen, qui, en cette branche, fait grief à l’arrêt attaqué, qui n'en reproduit que partiellement les termes, de violer la foi due à la lettre du 23 mars 2016 dont la copie jointe à la requête en cassation porte la mention « copie certifiée conforme» mais n’est pas revêtue de la mention de sa conformité à la pièce produite devant la cour d’appel, est irrecevable.
Quant à la seconde branche :
L’arrêt considère que, dans la lettre du 23 mars 2016, « la question du versement de l’indemnité de remploi […] n’est abordée que comme la conséquence [du] remboursement anticipé, et non comme une condition préalable à celui-ci », et que le « seul examen des termes ‘nous pouvons vous reconfirmer que [la demanderesse] a marqué son accord pour ce remboursement anticipatif [et elle] est en droit de réclamer ce funding loss étant donné qu’il s’agit d’un remboursement anticipé hors période prévue contractuellement’ » révèle « son accord non conditionnel sur le principe du remboursement anticipé, […] par ailleurs confirmé par l’attitude de [la demanderesse] dans le décompte adressé au notaire, lequel ne reprend nullement le montant […] présenté comme étant le préjudice restant dû complémentaire à l’indemnité de remploi, suite au prétendu non-respect par [la défenderesse] de l’interdiction contractuelle de remboursement anticipé, montant qu’elle n’a réclamé pour la première fois qu’en instance ».
Par ces considérations, l’arrêt donne à connaître que, nonobstant les stipulations contractuelles, la demanderesse a marqué son accord sur un remboursement anticipé du crédit sans le conditionner à l’acceptation préalable par la défenderesse du paiement d’une indemnité de remploi.
Il reconnaît ainsi à la convention l’effet, que, dans l’interprétation, vainement critiquée par le moyen, en sa première branche, qu’il en donne, elle a légalement entre les parties.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
Aux termes de l’article 1892 de l’ancien Code civil, le prêt de consommation est un contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité.
Le caractère réel du contrat de prêt ne fait pas obstacle à ce que les parties s’engagent préalablement par une promesse réciproque à livrer la chose et à l’accepter, laquelle se dénoue en un prêt par la remise de la chose.
Lorsque la promesse réciproque porte sur une certaine quantité de choses, il ne s’oppose pas davantage à ce que la remise de ces choses soit échelonnée et modifie au fur et à mesure l’objet du prêt.
Le moyen, qui, en cette branche, est tout entier fondé sur le soutènement contraire, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
L’arrêt constate qu’« en date du 6 novembre 2007, [la demanderesse] et [la défenderesse] ont conclu une convention d’ouverture de crédit pour un montant de 600.000 euros ».
Examinant les « critères traditionnellement avancés pour distinguer la convention d’ouverture de crédit du prêt », dont « l’immédiateté de la mise à disposition des fonds », « l’unicité ou la pluralité de la ou des remises de fonds » et « le caractère non réutilisable de l’ouverture de crédit » qu’il ne retient pas comme déterminants, l’arrêt considère en revanche que « la seule véritable caractéristique de l’ouverture de crédit tient […] à la liberté du crédité de prélever ou non le crédit, en tout ou en partie, et de choisir le moment du prélèvement », ce qui constitue « le critère essentiel de la définition de l’ouverture de crédit, voire son seul véritable trait caractéristique ». Il relève à cet égard que, « là où cette liberté devait être totale pour la doctrine classique, la pratique bancaire a démontré qu’elle pouvait, dans certaines circonstances, être très encadrée », ce qui a conduit des juges à « requalifier une ouverture de crédit en un contrat de prêt après avoir constaté in concreto que la liberté de prélèvement était par trop restreinte, voire inexistante ».
Il relève, d’une part, qu’aux termes de l’article 2 de la convention, « ce crédit d’investissement, utilisable par les crédités, est destiné à financer l’achat et la rénovation [d’un] immeuble d’habitation et commercial ; les crédités sont tenus d’utiliser le crédit dans un délai de 9 mois […] à partir de la date de signature du présent contrat de crédit ; une commission de réservation de 0,1000 p.c. par mois est portée en compte pour le montant non utilisé », d’autre part, que « l’article 20 des conditions générales des crédits […] énonce [que, au point] ‘20.2., le crédit doit être utilisé aux fins pour lesquelles il a été octroyé, [que, au point] 20.4., les crédités ont la faculté d’utiliser ou de ne pas utiliser le crédit d’investissement [et que], dans chacun des cas suivants, une indemnité égale à six mois d’intérêts, calculée au taux du crédit d’investissement, sur le montant non prélevé du crédit, sera due : pendant la période de prélèvement convenue du crédit, dès le moment où les crédités font part de leur intention de ne plus utiliser le crédit, en tout ou en partie ; ou, même si la période de prélèvement n’est pas écoulée, lorsqu’il apparaît que les crédités ne pourront honorer en temps voulu les conditions convenues pour la mise à disposition du crédit ; ou, si le crédit n’a pas été prélevé, en tout ou en partie et pour quelque raison que ce soit, à l’expiration de la période de prélèvement convenue entre les parties, même si cette situation est imputable à des liens ou à des faits étrangers à la volonté des crédités’ ».
Il en déduit que la défenderesse était « tenue contractuellement d’utiliser le crédit endéans les neuf mois », celui-ci étant « destiné à financer uniquement l’acquisition et la rénovation d’un immeuble, […] formant une opération unique […] qui doit être considérée comme le seul objet du crédit ».
En considérant, sur la base de ces énonciations, que « le crédit d’investissement consenti doit être qualifié de contrat de prêt », « cette qualification [s’imposant] à toute autre compte tenu des caractéristiques observées in concreto » dès lors que la défenderesse était en réalité tenue de prélever l’intégralité des fonds, l’arrêt reconnaît à la convention l’effet qu’elle a légalement entre les parties.
Et la violation prétendue des autres dispositions légales visées au moyen, en cette branche, est tout entière déduite de celle vainement alléguée de l’article 1134 de l’ancien Code civil.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent vingt-trois euros vingt-neuf centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du onze février deux mille vingt-deux par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.21.0036.F
Date de la décision : 11/02/2022
Type d'affaire : Droit civil

Analyses

Le caractère réel du contrat de prêt ne fait pas obstacle à ce que les parties s’engagent préalablement par une promesse réciproque à livrer la chose et à l’accepter, laquelle se dénoue en un prêt par la remise de la chose (1). (1) Cass. 11 mars 2021, RG C.18.0552.F, Pas. 2021, n° 179 avec concl. MP.

PRET [notice1]

Lorsque la promesse réciproque porte sur une certaine quantité de choses, il ne s’oppose pas davantage à ce que la remise de ces choses soit échelonnée et modifie au fur et à mesure l’objet du prêt.

PRET [notice2]

La décision, qui considère que le crédit d’investissement consenti doit être qualifié de contrat de prêt, dès lors que le crédité était en réalité tenu de prélever l’intégralité des fonds, reconnait à la convention l’effet qu’elle a légalement entre les parties (1). (1) Cass. 11 mars 2021, RG C.18.0552.F, Pas. 2021, n° 179 avec concl. MP.

PRET


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1892 - 30 / No pub 1804032150

[notice2]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1892 - 30 / No pub 1804032150


Composition du Tribunal
Président : LEMAL MICHEL
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : WERQUIN THIERRY
Assesseurs : ERNOTTE MARIE-CLAIRE, GEUBEL SABINE, JACQUEMIN ARIANE, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-02-11;c.21.0036.f ?

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