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11/02/2022 | BELGIQUE | N°C.20.0251.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 février 2022, C.20.0251.F


N° C.20.0251.F
PROXIMUS, société anonyme de droit public, dont le siège est établi à Schaerbeek, boulevard du Roi Albert II, 27, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0202.239.951,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
INSTITUT BELGE DES SERVICES POSTAUX ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, dont le siège est établi à Schaerbeek, boulevard du Roi Albert II, 35, inscrite

à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0243.405.860,
défendeur en ca...

N° C.20.0251.F
PROXIMUS, société anonyme de droit public, dont le siège est établi à Schaerbeek, boulevard du Roi Albert II, 27, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0202.239.951,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
INSTITUT BELGE DES SERVICES POSTAUX ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, dont le siège est établi à Schaerbeek, boulevard du Roi Albert II, 35, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0243.405.860,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 4 septembre 2019 par la cour d’appel de Bruxelles, cour des marchés.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente cinq moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le deuxième moyen :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par le défendeur et déduite du défaut d’intérêt :
Le défendeur soutient que les motifs de l’arrêt que critique le moyen justifieraient de dire irrecevable rationae temporis le recours de la demanderesse que l’arrêt déclare irrecevable rationae materiae, ce qui prive d’intérêt le moyen.
S’il est en son pouvoir de substituer à un motif erroné de la décision attaquée un motif de droit par lequel cette décision se trouve légalement justifiée, la Cour ne saurait en revanche, sans excéder ses pouvoirs, modifier cette décision elle-même.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen :
Conformément à l’article 14, § 1er, de la loi du 17 janvier 2003 relative au statut du régulateur des secteurs des postes et des télécommunications belges, les missions de l’Institut sont notamment la prise de décisions administratives et le contrôle du respect de la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques et de leurs arrêtés d’exécution.
Suivant l’article 30, § 1er, de la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques, les droits d’utilisation visés aux articles 11 et 18 peuvent être soumis à des redevances afin de garantir une utilisation optimale de ces moyens et les redevances sont recouvrées par l’Institut.
En vertu de l’article 30, § 4, le Roi fixe le montant et les modalités concernant ces redevances.
En vertu de l’article 24, § 1er, de l’arrêté royal du 18 juin 2001 (lire: 18 janvier 2001) fixant le cahier des charges et la procédure relative à l’octroi d’autorisations pour les systèmes de télécommunications mobiles de la troisième génération, l’opérateur 3G acquitte une redevance appelée redevance annuelle de mise à disposition des fréquences, pour la mise à disposition et la coordination des fréquences radio-électriques, ainsi que les frais de contrôle y afférents ; cette redevance s’élève à 125.000 euros par mega-Hertz de largeur de bande, en mode simplex ou duplex, et son montant est indépendant du nombre d’assignations exploitant la fréquence en question ; la redevance annuelle de mise à disposition de chaque fréquence est payée dans les trente jours suivant la mise en service de cette fréquence, au prorata du nombre de mois restant jusqu’au 31 décembre de l’année en cours.
L’article 13, § 1er, du même arrêté dispose que l’Institut contrôle le respect, par l’opérateur 3G, des conditions de l’arrêté et de l’autorisation.
Il suit de l’ensemble de ces dispositions que, lorsque l’Institut fixe, sur la base des conditions de la loi précitée du 13 juin 2005 et de son arrêté royal d’exécution du 18 juin 2001 (lire: 18 janvier 2001), le montant de la redevance annuelle due par l’opérateur, il prend une décision produisant des effets juridiques obligatoires à l’égard de cet opérateur de nature à affecter ses intérêts.
Conformément à l’article 2, § 1er, de la loi du 17 janvier 2003 concernant les recours et le traitement des litiges à l’occasion de la loi du 17 janvier 2003 relative au statut du régulateur des secteurs des postes et télécommunications belges, les décisions de l’Institut belge des services postaux et des télécommunications peuvent faire l’objet d’un recours en pleine juridiction devant la Cour des marchés statuant comme en référé.
L’arrêt constate que :
- « par un courriel du 20 décembre 2018, [la demanderesse] a notifié [au défendeur] les fréquences dont elle ferait usage pour l’année 2019 […] dans le cadre de ses différentes autorisations », ce qui « impliquait concrètement la notification de la mise hors service, en comparaison avec les fréquences utilisées en 2018, de 16 canaux précédemment utilisés dans la bande 1800 MHz [et de] 1 canal UMTS de 5 MHz précédemment utilisé dans la bande 2,1 GHz » ;
- « par un courriel du 21 décembre 2018, [le défendeur] a accusé réception des demandes de mise hors service de fréquences […], a sollicité de [la demanderesse] qu’elle identifie le canal UMTS qui sera mis hors service et a fait valoir […] que l’arrêté royal du 18 janvier 2001 ne prévoit pas la mise hors service de fréquence de sorte que les redevances prévues par cet arrêté continueraient à être dues pour l’ensemble des fréquences faisant l’objet de cette autorisation » ;
- « par un courriel du 26 décembre 2018, [le défendeur] a communiqué [à la demanderesse], ‘pour information (ou remarque éventuelle)’, le calcul des redevances [qu’il] avait l’intention de lui facturer pour l’année civile 2019 » ;
- « par un courriel du 4 janvier 2019, [la demanderesse] a confirmé [au défendeur] qu’elle considérait correct le calcul des redevances liées aux autorisations 900 MHz, 1800 MHz et 2,6 GHz [mais que] la redevance visée à l’article 24 de l’arrêté royal du 18 janvier 2001 n’était due que pour les canaux de fréquence maintenus en service, soit 10 MHz, et non pour l’ensemble des canaux faisant l’objet de l’autorisation, y compris les canaux mis hors service, soit
15 MHz » ;
- par un courriel du même jour, le défendeur « a fait valoir […] que l’article 24 de l’arrêté royal du 18 janvier 2001 ne prévoit pas expressément la diminution de la redevance en fonction de l’utilisation effective en cas de mise hors service de certains canaux, alors que pareille possibilité est explicitement prévue concernant les redevances régies [par d’autres arrêtés royaux] » et, « suite à une demande supplémentaire de [la demanderesse, il a précisé], par un courriel du 8 janvier 2019, [qu’il] considérait que la redevance visée à l’article 24 [précité] serait due en toute hypothèse pour toutes les fréquences visées pour l’autorisation 2,1 GHz, et ce même dans l’hypothèse où le canal querellé n’était pas désactivé mais bien affecté à la technologie 4G » ;
- « par une lettre du 15 janvier 2019, [le défendeur] a adressé à [la demanderesse] quatre factures, à acquitter pour le 31 janvier 2019, relatives aux redevances respectivement dues pour l’année au titre [des différentes autorisations], accompagnées d’un décompte figurant dans [cette lettre] ».
L’arrêt relève que « le recours est dirigé par [la demanderesse] contre une ‘décision implicite’ [du défendeur] formulée dans sa lettre du 15 janvier 2019 » et que, même si « d’un point de vue purement formel, [cette lettre] ne s’annonce pas comme une décision prise par le conseil [du défendeur] », « une lettre émanant [du défendeur] peut […] être considérée comme une décision implicite, et donc un acte attaquable, en ce qu’elle produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de [la demanderesse] ».
Il considère toutefois que la lettre du défendeur du 15 janvier 2019 « ne constitue rien de plus qu’une mesure d’information, ou un acte purement confirmatif, dans un souci de transparence, du montant dû par [la demanderesse] » aux motifs que « la réglementation applicable n’accorde [au défendeur] aucune compétence pour déterminer ou calculer les montants dus par les opérateurs », que « ce sont […] les différents arrêtés royaux […] qui fixent eux-mêmes les montants à payer ainsi que les modalités de paiement » et que « le montant de la redevance est imposé par l’article 24 de l’arrêté royal du 18 janvier 2001 », lequel « renvoie à l’article 11, §§ 2 et 3, du même arrêté royal qui ne confie aucun rôle [au défendeur] quant à l’exigibilité de la redevance », le défendeur ne disposant « d’aucune marge de manœuvre, d’aucun pouvoir d’appréciation ou d’interprétation à ce sujet [et] son intervention n’éta[n]t d’ailleurs même pas indispensable ».
L’arrêt, qui déduit de ces énonciations que « les factures envoyées [à la demanderesse] par une lettre du [défendeur] du 15 janvier 2019 ne reflètent aucune décision [de ce dernier] », alors que cet acte crée une situation juridique nouvelle pour l’opérateur dont celui-ci entend obtenir l’anéantissement, ne justifie pas légalement sa décision que « le recours est irrecevable rationae materiae ».
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel de Bruxelles, cour des marchés, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du onze février deux mille vingt-deux par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.20.0251.F
Date de la décision : 11/02/2022
Type d'affaire : Autres - Droit administratif

Analyses

S’il est en son pouvoir de substituer à un motif erroné de la décision attaquée un motif de droit par lequel cette décision se trouve légalement justifiée, la Cour ne saurait en revanche, sans excéder ses pouvoirs, modifier cette décision elle-même (1). (1) Cass. 2 octobre 2008, RG C.07.0104.F, Pas. 2008, n° 520 ; Cass. 11 avril 2014, RG C.12.0242.F, Pas. 2014, n° 285.

MOYEN DE CASSATION - MATIERE CIVILE - Intérêt

Lorsque l’Institut fixe, sur la base des conditions de la loi du 13 juin 2005 et de son arrêté royal d’exécution du 18 juin 2001, le montant de la redevance annuelle due par l’opérateur, il prend une décision produisant des effets juridiques obligatoires à l’égard de cet opérateur de nature à affecter ses intérêts.

COMMUNICATIONS. TELECOMMUNICATIONS - TELEGRAPHES ET TELEPHONES [notice2]


Références :

[notice2]

L. du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques - 13-06-2005 - Art. 30, § 1er et 4 - 32 / No pub 2005011238 ;

L. du 17 janvier 2003 - 17-01-2003 - Art. 14, § 1er - 30 / No pub 2003014009 ;

A.R. du 18 janvier 2001 - 18-01-2001 - Art. 13, § 1er, et 24, § 1er - 32 / No pub 2001014004


Composition du Tribunal
Président : LEMAL MICHEL
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : WERQUIN THIERRY
Assesseurs : ERNOTTE MARIE-CLAIRE, GEUBEL SABINE, JACQUEMIN ARIANE, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-02-11;c.20.0251.f ?

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