N° C.21.0343.F
H. D.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
M. V. D. B.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 9 juin 2020 par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, statuant en degré d’appel.
Le président de section Michel Lemal a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
En vertu de l'article 10, § 1er, alinéas 1er à 3, des règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur contenues dans l'article 2 de la loi du 20 février 1991, lorsque, pour assurer le respect de ses obligations, le preneur opte pour la forme de garantie consistant dans un compte individualisé ouvert à son nom auprès d'une institution financière, les intérêts produits sont capitalisés au profit du preneur.
Le paragraphe 2 dudit article 10 dispose que, lorsque le bailleur est en possession de la garantie et s'abstient de la placer de la manière prévue au paragraphe 1er, alinéa 3, il est tenu de payer au preneur des intérêts au taux moyen du marché financier sur le montant de la garantie, à partir de la remise de celle-ci, que ces intérêts sont capitalisés et que, toutefois, à dater du jour où le preneur met en demeure le bailleur de satisfaire à l'obligation qui lui est imposée par le paragraphe 1er, alinéa 3, les intérêts dus sont les intérêts légaux sur le montant de la garantie.
Les articles 248, §§ 1er à 3, et 249, § 1er, de l’ordonnance du 17 juillet 2003 portant le Code bruxellois du logement, applicables aux baux en cours à la date de leur entrée en vigueur, le 1er janvier 2018, prévoient des règles identiques.
Il suit de ces dispositions, qui, en vertu des articles 12 des règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur et 216 de l’ordonnance du 17 juillet 2003, sont impératives, que, nonobstant toute stipulation contractuelle contraire, l’obligation de placer la somme remise en garantie du respect par le preneur de ses obligations sur un compte individualisé ouvert au nom du preneur auprès d'une institution financière incombe au bailleur lorsqu’il est en possession de ladite somme et qu’à défaut de satisfaire à cette obligation, il est tenu de payer au preneur les intérêts déterminés par ces dispositions.
Le jugement attaqué, qui, après avoir constaté que la somme de
1 270 euros au titre de garantie locative a été remise par la demanderesse au défendeur le 16 août 2015, considère que, « si le bail est muet sur la question des intérêts moratoires, il est admis que la garantie locative constituée en espèces s’analyse traditionnellement comme un gage d’espèces », qu’« en vertu des règles applicables au gage, le montant remis en espèces n’est pas porteur d’intérêts pendant la durée du gage », que « c’est d’autant plus vrai que [la demanderesse] s’était engagée à placer cette somme (article 9 du bail) conformément aux dispositions légales » et qu’« elle n’a jamais pris la moindre initiative pour ouvrir un compte bancaire afin d’y déposer ladite garantie », ne justifie pas légalement sa décision de dire non fondée la demande de la demanderesse de condamner le défendeur aux intérêts sur ladite somme à dater de sa remise au défendeur.
La cassation de la décision qui statue sur la demande de la demanderesse de condamner le défendeur aux intérêts sur la somme de 1 270 euros s’étend à la décision d’autoriser le défendeur à conserver cette somme en compensation des sommes dues par la demanderesse, en raison du lien nécessaire entre ces décisions.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué en tant qu’il statue sur la demande de la demanderesse de condamner le défendeur aux intérêts sur la somme de
1 270 euros, qu’il autorise le défendeur à conserver cette somme et qu’il statue sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance du Brabant wallon, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt et un janvier deux mille vingt-deux par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.