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13/12/2021 | BELGIQUE | N°S.19.0014.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 décembre 2021, S.19.0014.F


N° S.19.0014.F
LA RÉSIDENCE CHARLEMAGNE, société anonyme, dont le siège est établi à Liège (Jupille-sur-Meuse), rue de Bois-de-Breux, 53, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0870.962.307,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, et par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
Z. N. C., ,
défenderesse en cassation.
I. La procédure d

evant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 30 mars et ...

N° S.19.0014.F
LA RÉSIDENCE CHARLEMAGNE, société anonyme, dont le siège est établi à Liège (Jupille-sur-Meuse), rue de Bois-de-Breux, 53, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0870.962.307,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, et par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
Z. N. C., ,
défenderesse en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 30 mars et 25 juin 2018 par la cour du travail de Liège.
Le 28 octobre 2021, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Mireille Delange a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
1. La convention collective de travail n° 46 relative aux mesures d’encadrement du travail en équipes comportant des prestations de nuit ainsi que d’autres formes de travail comportant des prestations de nuit, conclue le 23 mars 1990 au sein du Conseil national du travail et rendue obligatoire par l’arrêté royal du 10 mai 1990, s’applique en vertu de son article 1er aux employeurs et aux travailleurs qu'ils occupent habituellement dans des régimes de travail comportant des prestations entre 20 heures et 6 heures à l'exclusion, en règle, des travailleurs dont les prestations, soit se situent exclusivement entre 6 heures et 24 heures, soit débutent habituellement à partir de 5 heures.
En vertu de l’article 13 de la même convention collective de travail, une indemnité financière spécifique est garantie à ces travailleurs et il appartient à la commission paritaire ou à l'entreprise de régler, par convention collective de travail, les modalités de mise en œuvre de cette disposition.
Conformément à l’article 14 de la convention collective de travail n° 46, à défaut d’une telle convention collective de travail au niveau de la commission paritaire ou de l’entreprise, l’article 2 de la convention collective de travail n° 49 relative à la garantie d’une indemnité financière spécifique aux travailleurs occupés dans le cadre d’un travail en équipes comportant des prestations de nuit ou dans d’autres formes de travail comportant des prestations de nuit, conclue le 21 mai 1991 au sein du Conseil national du travail et rendue obligatoire par l’arrêté royal du 4 juillet 1991, garantit aux travailleurs auxquels s’applique la convention collective de travail n° 46 une indemnité financière, que cet article précise, venant s’ajouter au salaire horaire du travailleur.
L’article 35 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail, remplacé par la loi du 17 février 1997 relative au travail de nuit, dispose, au paragraphe 1er, que les travailleurs ne peuvent exécuter un travail de nuit et, au paragraphe 2, que, par travail de nuit, il faut entendre le travail exécuté entre 20 heures et 6 heures. Aux termes de l’article 36, 9°, de la même loi, par dérogation à l’article 35, il peut être travaillé la nuit, pour autant que la nature des travaux ou de l’activité le justifie, dans les établissements ou par des personnes dispensant des soins de santé.
L’article 38 de la loi du 16 mars 1971, remplacé par la même loi du 17 février 1997, règle l’introduction d’un régime de travail comportant des prestations de nuit. Sur la base du paragraphe 4 de cet article 38, l’article 1er de l’arrêté royal du 16 avril 1998 d’exécution de la loi du 17 février 1997 relative au travail de nuit dispose qu’il faut entendre par régime de travail comportant des prestations de nuit, un régime de travail comportant des prestations entre 20 heures et 6 heures, à l’exclusion des régimes de travail dans lesquels ne sont occupés que des travailleurs dont les prestations, soit se situent exclusivement entre 6 heures et 24 heures, soit débutent habituellement à partir de 5 heures.
2. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 17 février 1997 que, pour l’application de cet article 38, l’intention du législateur était de reprendre la notion de travail de nuit figurant dans la convention collective de travail n° 46.
3. En vertu de l’article 8, intitulé « sursalaire pour travail de nuit », de la convention collective de travail relative aux suppléments pour des prestations irrégulières, conclue le 7 décembre 2000 au sein de la commission paritaire des services de santé, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 14 janvier 2002 et donnant, selon son article 2, exécution au point 1er du plan pluriannuel du 1er mars 2000, un supplément au salaire barémique, que cet article détermine, au prorata de la durée des prestations de travail irrégulières effectivement prestées, est octroyé au personnel travaillant la nuit. Après sa modification par la convention collective de travail du 30 juin 2006, conclue au sein de la même commission paritaire, rendue obligatoire par l’arrêté royal du 1er octobre 2008 et donnant, en vertu de son article 2, exécution à l’accord social concernant les secteurs de santé fédéraux privés du 26 avril 2005, le paragraphe 2 de cet article 8 prévoit qu’au personnel effectuant des prestations de nuit est accordé un supplément sur la rémunération barémique, que ce paragraphe détermine, au prorata de la durée des prestations de travail irrégulières effectivement prestées un dimanche ou un jour férié.
Suivant l’article 3, § 1er, de la convention collective du 7 décembre 2000, les « prestations irrégulières » comprennent les prestations effectuées pendant la nuit.
Aux termes de son article 12, les parties conviennent explicitement que les avantages obtenus dans cette convention collective ne seront effectivement octroyés aux travailleurs que pour autant que le gouvernement, en exécution de l’accord pluriannuel du 1er mars 2000, assure la prise en charge des coûts à partir de son entrée en vigueur.
En vertu de l’article 34, 11° et 12°, de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, les prestations de santé comprennent les prestations qui sont fournies par des maisons de repos et de soins et par des maisons de repos pour personnes âgées, agréées par l’autorité compétente.
Suivant l’article 1er de l’arrêté royal du 26 septembre 2002 portant exécution de l’article 35, § 3, de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, les maisons de repos et de soins et les maisons de repos pour les personnes âgées peuvent recevoir un financement supplémentaire pour les prestations visées à l’article 34, 11° et 12°, de la loi coordonnée lorsqu’elles appliquent au moins, pour les membres de leur personnel dont le coût est couvert par l’intervention visée à l’article 37, § 12, de la même loi, l’ensemble des dispositions reprises dans cet arrêté royal.
L’article 12 du même arrêté royal prévoit qu’un supplément au salaire barémique, que cet article détermine, au prorata de la durée des prestations de travail irrégulières effectivement prestées, est octroyé au personnel travaillant la nuit.
En vertu de l’article 6 de l’arrêté ministériel du 6 novembre 2003 fixant le montant et les conditions d’octroi de l’intervention visée à l’article 37, § 12, de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, dans les maisons de repos et de soins et dans les maisons de repos pour personnes âgées, avant sa modification par l’arrêté ministériel du 30 juin 2010, l’allocation forfaitaire complète est composée notamment de la partie A1 relative au financement du personnel normé qui, suivant l’article 7, b), de l’arrêté ministériel, couvre le salaire comprenant notamment l’élément « les prestations irrégulières » des praticiens de l’art infirmier, des membres du personnel soignant et des membres du personnel de réactivation. Selon l’article 30, 5°, de l’arrêté ministériel, pour pouvoir prétendre à l’allocation complète visée à l’article 6, les institutions doivent accorder au personnel infirmier, soignant et de réactivation au moins les avantages visés dans l’arrêté royal précité du 26 septembre 2002.
4. Il suit des articles 1er de l’arrêté royal du 26 septembre 2002 et 6, 7 et 30, 5°, de l’arrêté ministériel du 6 novembre 2003, précités, que l’assurance soins de santé et indemnités prend en charge le supplément de salaire octroyé au personnel infirmier, soignant et de réactivation travaillant la nuit, prévu par l’article 8 de la convention collective de travail du 7 décembre 2000.
5. Il suit de l’ensemble des dispositions précitées que ces travailleurs travaillant la nuit sont ceux auxquels s’appliquent la convention collective de travail n° 46 et l’article 38 de la loi du 16 mars 1971, c’est-à-dire les travailleurs occupés dans des régimes de travail comportant des prestations entre 20 heures et 6 heures et non ceux dont les prestations, soit se situent exclusivement entre 6 heures et 24 heures, soit débutent habituellement à partir de 5 heures.
L’arrêt attaqué du 30 mars 2018, qui considère que l’assurance soins de santé prend en charge, en application des dispositions précitées, avant 2010, un supplément de salaire pour toute heure de travail de nuit au sens de l’article 35 de la loi du 16 mars 1971, c’est-à-dire toute heure de travail exécutée entre 20 heures et 6 heures, viole les articles 1er de l’arrêté royal du 26 septembre 2002 et 6, 7 et 30, 5°, de l’arrêté ministériel du 6 novembre 2003.
Le moyen est fondé.
Et la cassation de l’arrêt attaqué du 30 mars 2018 entraîne l’annulation de l’arrêt du 25 juin 2018, qui en est la suite.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué du 30 mars 2018 ;
Annule l’arrêt du 25 juin 2018 ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé et de l’arrêt annulé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour du travail de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Koen Mestdagh et Mireille Delange, les conseillers Antoine Lievens et Eric de Formanoir, et prononcé en audience publique du treize décembre deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3f - troisième chambre
Numéro d'arrêt : S.19.0014.F
Date de la décision : 13/12/2021
Type d'affaire : Droit du travail - Droit de la sécurité sociale

Analyses

Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 17 février 1997 que, pour l’application de l’article 38 de la loi du 16 mars 1971, qui introduit un régime de travail comportant des prestations de nuit, l’intention du législateur était de reprendre la notion de travail de nuit figurant dans la convention collective de travail n° 46 relative aux mesures d’encadrement du travail en équipes comportant des prestations de nuit ainsi que d’autres formes de travail comportant des prestations de nuit (1) (2). (1) Voir les concl. du MP. (2) C.C.T. n° 46 du 23 mars 1990 au sein du C.N.T., rendue obligatoire par l’A.R. du 10 mai 1990, art. 1er, 13 et 14.

TRAVAIL - PROTECTION DU TRAVAIL - TRAVAIL - DUREE DU TRAVAIL ET REPOS - CONVENTION COLLECTIVE DE TRAVAIL [notice1]

L’assurance soins de santé et indemnités prend en charge le supplément de salaire octroyé au personnel infirmier, soignant et de réactivation travaillant la nuit, dans des maisons de repos et de soins et dans des maisons de repos pour personnes âgées, agréées par l’autorité compétente, prévu par l’article 8 de la convention collective de travail du 7 décembre 2000 relative aux suppléments pour des prestations irrégulières (1) (2). (1) Voir les concl. du MP. (2) C.C.T. du 7 décembre 2000 conclue le 7 décembre au sein de la C.P. des services de santé, rendue obligatoire par l’A.R. du 14 janvier 2002, art. 8.

ASSURANCE MALADIE-INVALIDITE - GENERALITES - TRAVAIL - DUREE DU TRAVAIL ET REPOS - REMUNERATION - DROIT A LA REMUNERATION [notice4]

Le personnel infirmier, soignant et de réactivation travaillant la nuit est celui auxquels s’appliquent la convention collective de travail n° 46 et l’article 38 de la loi du 16 mars 1971, c’est-à-dire les travailleurs occupés dans des régimes de travail comportant des prestations entre 20 heures et 6 heures et non ceux dont les prestations, soit se situent exclusivement entre 6 heures et 24 heures, soit débutent habituellement à partir de 5 heures (1) (2) (3). (1) Voir les concl. du MP. (2) C.C.T. n° 46 du 23 mars 1990 au sein du C.N.T., rendue obligatoire par l’A.R. du 10 mai 1990, art. 1er, 13, 14. (3) C.C.T. du 7 décembre 2000 conclue le 7 décembre 2000 au sein de la C.P. des services de santé, rendue obligatoire par l’A.R. du 14 janvier 2002, art. 3, § 3, 8 et 12.

TRAVAIL - DUREE DU TRAVAIL ET REPOS - REMUNERATION - DROIT A LA REMUNERATION [notice7]


Références :

[notice1]

L. sur le travail du 16 mars 1971 - 16-03-1971 - Art. 35 et 38 - 02 / No pub 1971031602 ;

C.C.T. n° 46 du 23 mars 1990 - 23-03-1990 - Art. 1er, 13 et 14 - 35 / Lien DB Justel 19900323-35

[notice4]

Loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994 - 14-07-1994 - Art. 34, 11° et 12°, 35, § 3, et 37, § 12 - 38 / No pub 1994071451 ;

A.R. du 26 septembre 2002 - 26-09-2002 - Art. 1er - 30 / No pub 2002022784 ;

A.R. du 6 novembre 2003 - 06-11-2003 - Art. 6, 7 et 30, 5° - 32 / No pub 2003023017 ;

C.C.T. du 7 décembre 2000 - 14-01-2002 - Art. 8 - 41 / No pub 2001013271

[notice7]

Loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994 - 14-07-1994 - Art. 34, 11° et 12°, 35, § 3, et 37, § 12 - 38 / No pub 1994071451 ;

L. sur le travail du 16 mars 1971 - 16-03-1971 - Art. 38 - 02 / No pub 1971031602 ;

A.R. du 26 septembre 2002 - 26-09-2002 - Art. 1er et 12 - 30 / No pub 2002022784 ;

A.R. du 6 novembre 2003 - 06-11-2003 - Art. 6, 7 et 30, 5° - 32 / No pub 2003023017 ;

C.C.T. n° 46 du 23 mars 1990 - 23-03-1990 - Art. 1er, 13 et 14 - 35 / Lien DB Justel 19900323-35 ;

C.C.T. du 7 décembre 2000 - 14-01-2002 - Art. 3, § 3, 8 et 12 - 41 / No pub 2001013271


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : BODY LUTGARDE
Ministère public : INGHELS BENEDICTE
Assesseurs : MESTDAGH KOEN, DELANGE MIREILLE, LIEVENS ANTOINE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-12-13;s.19.0014.f ?

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