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25/10/2021 | BELGIQUE | N°C.20.0422.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 octobre 2021, C.20.0422.F


N° C.20.0422.F
1. J. B.,
2. G. D.,
3. G. L.,
agissant en qualité de curateurs à la faillite de la société anonyme Forges de Clabecq,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassati

on, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile....

N° C.20.0422.F
1. J. B.,
2. G. D.,
3. G. L.,
agissant en qualité de curateurs à la faillite de la société anonyme Forges de Clabecq,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 6 mars 2020 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le 17 août 2021, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Par ordonnance du 17 août 2021, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l’avocat général
Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Les demandeurs présentent trois moyens libellés dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions légales violées
- article 149 de la Constitution ;
- articles 17 – alinéa unique avant la modification de cet article par l’article 137 de la loi du 21 décembre 2018 portant des dispositions diverses en matière de justice, alinéa 1er après cette modification –, 744, alinéa 1er, 780, alinéa 1er, 3°, et 1042 du Code judiciaire ;
- en tant que de besoin, notion légale d’intérêt légitime à agir.
Décision et motifs critiqués
Saisi de l’appel principal des demandeurs contre le jugement entrepris, qui avait en substance dit pour droit que le défendeur, après mise en œuvre des garanties qu’il avait originairement émises en faveur de la banque S.N.C.I. pour des prêt octroyés par celle-ci à la société Forges de Clabecq, est désormais seul titulaire de la créance initialement admise par l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 19 octobre 2012 au passif privilégié de cette société au profit de la société anonyme BNP Paribas Fortis, l’arrêt attaqué, après avoir jugé les appels principaux et incidents recevables, juge l’action originaire du défendeur recevable par les motifs suivants :
« 3. La demande [du défendeur] est recevable
9. Les [demandeurs] soutiennent que, ‘puisque les arrêtés royaux et ministériels rendant possibles les garanties sont manifestement illégaux, que les garanties sont elles-mêmes illégales à l'égard du droit européen et que [le défendeur] entend uniquement profiter des effets de ces actes illégaux, il y a lieu de constater que la demande [du défendeur] est irrecevable’ à défaut d'intérêt légitime ;
10. En vertu de l'article 17 du Code judiciaire, l'action ne peut être admise si le demandeur n'a pas qualité et intérêt pour la former ;
L'intérêt à agir désigne ‘tout avantage matériel ou moral – effectif mais non théorique – que le demandeur peut retirer de la demande qu'il intente au moment où il la forme, dussent la reconnaissance du droit, l'analyse ou la gravité du dommage n'être établis qu'à la prononciation du jugement’ (Rapport Van Reepinghen, Doc. parl., Sénat, sess. ord. 1963-1964, n° 60, p. 23). L'intérêt se confond ainsi largement ‘avec l'objet de la demande, entendu comme « ce qui est réclamé par le demandeur ; c'est le résultat économique, social ou moral qui est recherché et que l'on demande au juge de consacrer dans sa décision », indépendamment de toute qualification juridique’ (R. Jafferali, ‘L'intérêt légitime à agir en réparation – Une exigence... illégitime ?’, J.T., 2012, pp. 253 et s., n° 43) ;
Un demandeur n'a pas d'intérêt légitime si l'objet de sa demande, c'est-à-dire le résultat matériel, moral ou psychologique qu'il espère obtenir au moyen de la procédure, tend à maintenir une situation contraire à l'ordre public ou à obtenir un avantage illicite (Cass., 8 mars 2018, C.17.0390.N ; 10 octobre 2013, C.12.0274.N ; 14 décembre 2012, C.12.0232.N, et 20 février 2009, Pas., n° 142) ;
11. Tel n'est pas le cas en l'espèce. La demande [du demandeur] ne tend pas au maintien d'une situation contraire à l'ordre public ou à un avantage illicite ; elle tend à ce qu’il soit reconnu comme le désormais seul titulaire d'une créance qui a été précédemment admise par une décision judiciaire ;
La fin de non-recevoir ne peut être suivie ».
Griefs
L’article 17 du Code judiciaire visé au moyen dispose que l'action ne peut être admise si le demandeur n'a pas qualité et intérêt pour la former.
En vertu de cette disposition, l’action ne peut être admise que si le demandeur a un intérêt légitime pour la former.
L’intérêt légitime est d’ordre processuel et, dans une certaine mesure, substantiel.
L’intérêt légitime d’ordre processuel présuppose l’existence d’un intérêt sérieux empêchant qu’une partie agisse par esprit de chicane et ne fasse un usage abusif de l’action en justice.
Mais l’intérêt légitime doit aussi s’apprécier en fonction de l’objet de la demande, c’est-à-dire du résultat recherché. En ce sens, l’intérêt est, au regard du droit subjectif substantiel, illégitime – et la demande mue par cet intérêt est irrecevable – lorsque la demande en justice tend au maintien d’une situation illicite ou à l’obtention d’un avantage illicite.
Devant la cour d’appel, les demandeurs soutenaient que les garanties du défendeur pour les prêts consentis par la banque S.N.C.I. à la société Forges de Clabecq, qui étaient le fondement ultime par lequel le défendeur avait fini par prétendre venir aux droits de ladite banque, étaient nulles. C’était l’objet de leur premier moyen intitulé « Premier moyen (à titre principal) : les garanties [du demandeur] sont illégales, tant à l’égard du droit belge que du droit européen, et absolument nulles ».
Dans un deuxième moyen – intitulé « La demande originaire et l’appel incident [du défendeur] sont irrecevables à défaut d’intérêt légitime » –, les demandeurs prolongeaient la réflexion commencée dans le premier moyen : puisque les garanties litigieuses étaient nulles en raison d’une cause illicite, ce qui constituait une contrariété à l’ordre public, l’action originaire du défendeur était irrecevable à défaut d’intérêt légitime.
L’arrêt attaqué, statuant sur le fond de la demande du défendeur, c’est-à-dire bien en aval de la question de la recevabilité, déclare explicitement ne pas vouloir entrer dans l’examen de la licéité ou de la conformité à l’ordre public des garanties litigieuses émises par le défendeur : « À défaut de justifier d'un intérêt, les [demandeurs] — qu'ils soient représentants du failli ou des créanciers de la masse — ne peuvent dès lors invoquer la nullité de la convention du 15 décembre 2015 pour contrariété à l'ordre public. Il est par conséquent inutile d'entrer dans l'examen de la prétendue cause illicite et de l'excès de pouvoir allégués ou encore dans celui de l'illégalité invoquée des garanties accordées par [le défendeur] (premier moyen des [demandeurs]), du montant des paiements invoqués par [le défendeur], de la réalité d'une demande de paiement par la banque, ou encore de la succession des communautés et régions aux droits et obligations de l'État fédéral, à supposer que tout ou partie de ces questions touchent l'ordre public ».
La cour d’appel a cependant perdu de vue que cette question se posait aussi au niveau de la recevabilité de la demande.
En statuant sur cette recevabilité, l’arrêt attaqué relève d’abord que « [les demandeurs] soutiennent que, ‘puisque les arrêtés royaux et ministériels rendant possible les garanties sont manifestement illégaux, que les garanties sont elles-mêmes illégales à l'égard du droit européen et que [le défendeur] entend uniquement profiter des effets de ces actes illégaux, il y a lieu de constater que la demande [du défendeur] est irrecevable’ à défaut d'intérêt légitime ».
Il donne ensuite sa définition de la notion légale d’intérêt pour en déduire qu’« [u]n demandeur n'a pas d'intérêt légitime si l'objet de sa demande, c'est-à-dire le résultat matériel, moral ou psychologique qu'il espère obtenir au moyen de la procédure, tend à maintenir une situation contraire à l'ordre public ou à obtenir un avantage illicite ».
Après tous ces rappels, l’arrêt attaqué énonce enfin de façon lapidaire : « Tel n'est pas le cas en l'espèce. La demande [du défendeur] ne tend pas au maintien d'une situation contraire à l'ordre public ou à un avantage illicite ; elle tend à ce qu’il soit reconnu comme le désormais seul titulaire d'une créance qui a été précédemment admise par une décision judiciaire ».
Or, ainsi qu’il a été vu, l’arrêt attaqué refuse expressément d’examiner la question de la licéité et de la contrariété à l’ordre public. Certes, il exprime ce refus dans le cadre du premier moyen soulevé par les défendeurs. Mais, à supposer que ce refus soit fondé dans le cadre dudit premier moyen, la cour d’appel ne pouvait cependant faire l’économie de cet examen dans le cadre du deuxième moyen. Celui-ci ne tendait pas à invoquer au fond une quelconque nullité mais arguait simplement que, par son action, le défendeur « entend uniquement profiter des effets de ces actes illégaux », de sorte que « la demande [du défendeur] est irrecevable ».
Première branche
En vertu de l’article 149 de la Constitution, tout jugement – et donc tout arrêt – doit être motivé.
L’article 780, alinéa 1er, 3°, du Code judiciaire, applicable en degré d’appel en vertu de l’article 1042 du même code, précise que le jugement (et donc l’arrêt) contient, à peine de nullité, outre les motifs et le dispositif, l'objet de la demande et la réponse aux moyens des parties exposés conformément à l'article 744, alinéa 1er, dont le 3° précise que les conclusions contiennent les moyens invoqués à l'appui de la demande ou de la défense, le cas échéant en numérotant les différents moyens et en indiquant leur caractère principal ou subsidiaire.
Il en résulte qu’en décidant de rejeter l’exception d’irrecevabilité de la demande principale en raison du simple fait que la demande du défendeur tendait à ce qu’il soit « reconnu comme le désormais seul titulaire d'une créance qui a été précédemment admise par une décision judiciaire », sans examiner si, comme le soutenaient les demandeurs, la demande du défendeur ne tendait pas à maintenir une situation contraire à l'ordre public ou à obtenir un avantage illicite – et en disant même ne pas vouloir procéder à cet examen –, l’arrêt attaqué n’est pas régulièrement motivé et, partant, viole l’article 149 de la Constitution et les articles 744, alinéa 1er, 3°, et 780, alinéa 1er, 3°, du Code judiciaire.
Seconde branche
En décidant ainsi, l’arrêt attaqué se cantonne manifestement à une conception erronément restrictive de l’intérêt à agir en le limitant à sa dimension purement processuelle et en estimant que le défendeur avait un intérêt sérieux à agir puisqu’il voulait être « reconnu comme le désormais seul titulaire d'une créance qui a été précédemment admise par une décision judiciaire ».
Or, il ne suffit pas qu’un intérêt soit sérieux pour qu’il soit légitime. Les demandeurs n’ont jamais contesté que le défendeur avait un intérêt économique à son action. Ils n’ont pas davantage soutenu que l’intérêt dont se prévalait le défendeur, tel que le retient l’arrêt attaqué – celui d’être « reconnu comme le désormais seul titulaire d'une créance qui a été précédemment admise par une décision judiciaire » –, n’était, en soi, par définition, pas légitime. Ce qu’ils soutenaient en revanche, c’est que cette demande, presque anodine en son libellé, avait pour but, en l’espèce – en raison de circonstances propres à la cause que l’arrêt attaqué refuse d’examiner –, l’obtention d’un avantage illicite.
Il en résulte qu’en décidant de rejeter l’exception d’irrecevabilité de la demande principale en raison du simple fait que la demande du défendeur tendait à ce qu’il soit « reconnu comme le désormais seul titulaire d'une créance qui a été précédemment admise par une décision judiciaire », sans examiner si, comme le soutenaient les demandeurs, eu égard aux circonstances de la cause, la demande du défendeur ne tendait pas à maintenir une situation contraire à l'ordre public ou à obtenir un avantage illicite – et en disant même ne pas vouloir procéder à cet examen –, l’arrêt attaqué viole l’article 17 du Code judiciaire et, en tant que de besoin, la notion légale d’intérêt légitime à agir, avec cette conséquence que, l’intérêt à agir du demandeur n’ayant pas été légalement justifié, c’est l’ensemble de la décision attaquée qui doit être cassée.
Deuxième moyen
Dispositions légales violées
- article 149 de la Constitution ;
- articles 1129, 1156, 1134, 1319, 1320, 1322, 1582, alinéa 1er, 1583, 1585, 1591 et 1650 du Code civil.
Décision et motifs critiqués
Saisi de l’appel principal des demandeurs contre le jugement entrepris, qui avait en substance dit pour droit que le défendeur, après mise en œuvre des garanties qu’il avait originairement émises en faveur de la banque S.N.C.I. pour des prêt octroyés par celle-ci à la société Forges de Clabecq, est désormais seul titulaire de la créance initialement admise par l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 19 octobre 2012 au passif privilégié de cette société au profit de la société anonyme BNP Paribas Fortis, l’arrêt attaqué, après avoir jugé les appels principaux et incidents recevables et l’action originaire du défendeur recevable, juge cette action fondée par les motifs suivants :
« 4. Subrogation ou cession de créance
12. Dans son arrêt du 19 octobre 2012, la cour [d’appel] a admis ‘complémentairement [la] créance [de la banque] au passif privilégié de la faillite de la société Forges de Clabecq à raison de 36.713.340 euros, imputation faite du produit de la réalisation du gage Forgenerg et sous réserve des intérêts conventionnels échus depuis le 3 janvier 2000 jusqu'au paiement effectif du produit de la réalisation des sûretés réelles ainsi qu'à raison d'un euro à titre provisionnel au passif chirographaire’ ;
[Le défendeur] soutient venir aux droits de la banque sur cette créance hypothécaire par l'effet de la subrogation ou d'une cession de créance, constatée dans un acte authentique du 15 décembre 2015 ;
13. En vertu de l'article 2029 du Code civil, la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur.
Cette disposition applique au cautionnement le principe énoncé à l'article 1251, 3°, du même code, suivant lequel la subrogation a lieu de plein droit au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au payement de la dette, avait intérêt de l'acquitter ;
‘« Par l'effet de la subrogation », soulignait le premier avocat général Mahaux, « le subrogé est mis à la place de celui qui a payé ; il se substitue à lui de telle manière que la situation juridique du subrogeant devient la situation propre du subrogé, qu'il peut exercer les droits de celui-ci comme ce dernier aurait pu les exercer et que, par conséquent, le débiteur peut lui opposer les objections et les exceptions qu'il eût pu opposer à son créancier primitif ».
Le paiement subrogatoire combine deux techniques juridiques – le paiement et la subrogation – dont il cumule les effets : l'effet extinctif du paiement et l'effet translatif relevant de la subrogation.
L'effet translatif du paiement subrogatoire est analogue à celui qui existe pour la cession de créance. Le subrogé endosse la situation juridique du subrogeant à l'égard de la créance. Le subrogé remplace le subrogeant dans son rapport de créance avec le débiteur jusqu’à concurrence du montant qui a été payé. Le créancier change mais la créance reste la même avec ses caractéristiques et ses avantages, ce qui englobe ses accessoires au sens défini par la Cour de cassation à propos de la cession de créance. À l'instar de la cession de créance, la subrogation ne peut aggraver la situation du débiteur.
Quant à l'effet extinctif, il se manifeste dans le fait que le paiement subrogatoire éteint la dette vis-à-vis du créancier primitif jusqu’à concurrence du paiement effectué par le subrogé.
[…] Dans le régime actuel, c'est le paiement de la créance par le subrogé au subrogeant qui cristallise la situation. Dès ce moment, la créance quitte le patrimoine du subrogeant et ne peut plus subir de modification tendant à affaiblir les prérogatives du subrogé. La date du paiement qui fait naître la subrogation est donc cruciale’ (Fl. George et X. Thunis, ‘La subrogation : un mécanisme hybride, une institution polymorphe’, in Métamorphoses de la subrogation, CUP, 2018, vol.181, Anthémis, p. 25) ;
La subrogation peut être légale ou conventionnelle. Le tiers qui ne bénéficie pas de la subrogation légale peut bénéficier de la subrogation conventionnelle (Cass., 21 janvier 2008, C.07.0078.F) ;
La cession de créance est, quant à elle, une convention par laquelle une partie, le créancier cédant, cède à une autre partie, le créancier cessionnaire, la créance qu'elle a contre un tiers, le débiteur cédé, et ce, sans que le consentement de ce dernier soit requis (P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, Bruylant, 2010, t. III, p. 1812, n° 1282). Par l'effet de la convention, le cessionnaire acquiert la créance telle qu'elle existait dans le patrimoine du cédant ; c'est la même créance qui glisse d'un patrimoine à l'autre (Chr. Biquet-Mathieu, ‘La cession de créance en droit commun : validité et opposabilité en droit belge’, in La transmission des obligations en droit français et en droit belge. Approches de droit comparé, Larcier, 2019, p. 59) ;
Comme la subrogation, la cession de créance ne peut avoir pour effet d'aggraver de quelque manière que ce soit la situation juridique du débiteur cédé ;
Le paiement subrogatoire, traité dans le Code civil au chapitre de l'extinction des obligations, et la cession de créance, traitée au titre de la vente, sont des institutions distinctes mais aux effets analogues. ‘Le paiement avec subrogation a des effets analogues à la cession de créance. Le subrogeant désintéressé par le tiers se présente comme un cédant et le tiers payeur, qui lui est subrogé légalement ou conventionnellement, a un statut juridique comparable à celui d'un cessionnaire. Cela ne suffit pas à les assimiler. […] L'organisation du paiement subrogatoire gravite autour du paiement fait par le subrogé au subrogeant. La subrogation suppose un paiement par un tiers. C'est jusqu’à concurrence de ce paiement que la subrogation, conventionnelle ou légale, intervient. La subrogation conventionnelle doit être convenue au moment du paiement quand elle est consentie par le créancier. Une fois que les conditions légales de la subrogation (légale ou conventionnelle) sont réunies, le tiers qui a effectué le paiement de la dette concernée acquiert celle-ci avec tous ses accessoires et ses garanties. La subrogation, même conventionnelle, n'échappe pas à la contrainte résultant du paiement, qui est la condition et la mesure de la subrogation. La cession de créance peut, quant à elle, se négocier pour un prix inférieur à la valeur nominale de la créance. Le transfert de valeur au cessionnaire peut donc être supérieur au montant effectivement payé par le cessionnaire. […] En cas de paiement partiel de la créance, la subrogation n'a lieu que jusqu’à concurrence de ce montant’ (Fl. George et X. Thunis, op. cit.,
p. 28 ; cf. également X. Thunis et B. Fosséprez, ‘Un autre mode de transfert des créances : le paiement subrogatoire en droit belge’, in La transmission des obligations en droit français et en droit belge. Approches de droit comparé, Larcier, 2019, pp. 512-516) ;
14. Dans les circonstances spécifiques de la cause, où [le défendeur] revendique la titularité de la créance admise par l’arrêt de la cour d'appel du
19 octobre 2012, c'est-à-dire une créance privilégiée de 36.713.340 euros, imputation faite du produit de la réalisation du gage Forgenerg et sous réserve des intérêts conventionnels échus depuis le 3 janvier 2000 jusqu'au paiement effectif du produit de la réalisation des sûretés réelles, et où il ressort de l'acte authentique du 15 décembre 2015 que [le défendeur] n'a versé qu'un montant total de 30.958.595,76 euros à la banque, ce qui ne correspond pas à celui qui a été fixé par l'arrêt du 19 octobre 2012, la différence entre les montants précités fait obstacle à retenir le fondement légal de la subrogation (légale ou conventionnelle), pour laquelle le paiement est la condition mais également la mesure de la subrogation ;
Le mécanisme de la cession de créance justifie en revanche que [le défendeur] vienne aux droits de la banque déterminés par l’arrêt de la cour d'appel du 19 octobre 2012, sans qu'il soit utile d'examiner davantage si [le défendeur] a bénéficié de subrogations successives par l'effet de ses versements à la banque (cf. quatrième moyen des [demandeurs]) et ensuite d'une cession de créance pour le surplus ;
La convention du 15 décembre 2015 contient, en effet, une cession [au défendeur] par la banque de la créance hypothécaire qu'elle détient sur la société Forges de Clabecq en faillite telle qu’elle a été déterminée par l’arrêt de la cour d'appel du 19 octobre 2012, dans la mesure où [le défendeur] n'en serait pas encore titulaire du fait de la subrogation. Elle indique explicitement que la société ‘BNP Paribas Fortis déclare, en outre, en tant que de besoin, céder, moyennant le paiement ci-avant constaté, [au défendeur], qui accepte, la totalité de ses droits résultant de la créance hypothécaire à l'égard du débiteur, dans la mesure où [le défendeur] n'en serait pas encore titulaire du fait de la subrogation ci-avant’ ;
Même à suivre l'hypothèse, défendue par les [demandeurs], de l'inexistence d'une subrogation [au défendeur] dans les droits de la banque sur la société Forges de Clabecq en faillite jusqu’à concurrence des versements opérés par [le défendeur] en faveur de la banque, il demeure que la banque a cédé [au défendeur] la créance hypothécaire qu'elle détient sur cette société telle qu’elle a été déterminée par l’arrêt de la cour d'appel du 19 octobre 2012 ».
L’arrêt attaqué y revient encore incidemment au moment où il se prononce sur le montant de la demande :
« 6. La créance cédée [au défendeur] est la créance admise en principal par l’arrêt de la cour d'appel du 19 octobre 2012, avec ses accessoires (hypothèques et intérêts échus et à échoir)
22. Vainement les [demandeurs] écrivent-ils encore – et ce, quelle que soit la qualité en laquelle ils interviennent – que, la banque ayant été partiellement désintéressée par [le défendeur] dès 1999, elle n'avait pas droit à ‘plus que le montant de sa créance’, ou qu'elle n'a pu céder aucun droit de créance [au défendeur] ou, à tout le moins, qu'elle n'a pas pu céder une créance supérieure à 219.798,70 euros, ou encore qu'elle aurait admis dans l'acte authentique du
15 décembre 2015 qu'elle n'aurait plus aucun droit à l'égard de la faillite ;
Ces assertions se heurtent au principe de l'irrévocabilité de l'admission de la créance de la banque au passif privilégié et à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 19 octobre 2012. Par cet arrêt - auxquels étaient parties les [demandeurs], la banque mais également [le défendeur] et contre lequel le pourvoi en cassation formé par les [demandeurs] a été rejeté –, l'existence, le quantum (en principal et intérêts), le caractère privilégié de la créance de la banque et son admission au passif de la faillite des Forges de Clabecq ont été définitivement réglés par la cour [d’appel] ;
La position défendue par les [demandeurs] repose également sur une lecture erronée de la convention du 15 décembre 2015 dont le contenu a été rappelé précédemment. Dans celle-ci, la banque ne reconnaît pas n'avoir aucun droit à l'égard de la faillite des Forges de Clabecq. Elle reconnaît uniquement ne plus avoir de droits à l'égard de la faillite à raison de la créance hypothécaire transmise au défendeur par l'effet, notamment, de la cession de créance ;
De même, si l'allégation des [demandeurs] selon laquelle ‘le litige qui fait l'objet de la présente procédure ne porte pas sur les droits de créance de la banque envers la société Forges de Clabecq mais bien sur les droits éventuels [du défendeur] envers la faillite de cette société en raison des prétendues subrogations légales et conventionnelles et cession de créance dont [il] entend se prévaloir’ n'est pas inexacte, elle ne permet pas de faire obstacle à la demande [du défendeur] ;
23. Vainement également, les [demandeurs] soutiennent-ils que [le défendeur] ne peut recevoir plus que ce qu'il a payé. Comme indiqué précédemment, dans le cadre de la cession de créance, le transfert de valeur au cessionnaire peut être supérieur au montant effectivement payé par lui ;
24. Du fait de la cession de créance entre la banque et [le défendeur] contenue dans la convention du 15 décembre 2015, la créance admise par l’arrêt de la cour d'appel du 19 octobre 2012 est entrée, depuis le 15 décembre 2015, dans le patrimoine [du défendeur], lequel est devenu le créancier des Forges de Clabecq ;
Il découle des considérations qui précèdent que l'appel incident de l'État belge est fondé quant au quantum de la créance dont il est devenu titulaire par l'effet de la cession de créance ».
Griefs
En vertu de l’article 149 de la Constitution, tout jugement – et donc tout arrêt – doit être motivé. Une décision qui ne contient pas les constatations de fait qui doivent permettre à la Cour d’exercer le contrôle de légalité qui lui est confié n’est pas légalement motivée et viole l’article 149 de la Constitution.
En vertu de l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise et doivent être exécutées de bonne foi.
En matière d'interprétation de contrats, l'article 1156 du même code oblige le juge à rechercher dans les conventions quelle a été la commune intention des parties.
Le juge est d’ailleurs tenu de respecter la foi due aux actes, tels des contrats : il a l’obligation de leur donner une interprétation qui ne soit pas inconciliable avec leurs termes (articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).
Le juge qui donne à une convention une portée qu’elle n’a pas méconnaît la force obligatoire de cette convention (article 1134, alinéa 1er, du Code civil) ou, si l’interprétation qu’il entend donner de la convention est inconciliable avec les termes mêmes de celle-ci, viole à tout le moins la foi qui lui est due (articles 1319, 1320 et 1321 du Code civil).
L’article 1582, alinéa 1er, du Code civil définit la vente – catégorie juridique dont relève la cession de créance – comme la convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose et l'autre à la payer. Suivant l’article 1591 de ce code, le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties. D’après l’article 1650 du même code, la principale obligation de l'acheteur est de payer le prix au jour et au lieu réglés par la vente.
L’acte authentique du 15 décembre 2015, intitulé « Paiement, quittance et subrogation », porte :
« 1. BNP Paribas Fortis reconnaît avoir reçu [du défendeur], payant en sa qualité de caution solidaire du débiteur, la somme de trente millions neuf cent cinquante-huit mille cinq cent nonante-cinq euros septante-six centimes (30.958.595,76 euros) se décomposant comme suit : un milliard cent millions de francs (1.100.000.000 francs) payés le 6 avril 1998 ; cent quarante millions de francs (140.000.000 francs) payés le 5 février 1999, et deux cent dix-neuf mille sept cent nonante-huit euros septante centimes (219.798,70 euros) payés ce jour.
Le notaire atteste que le paiement a été effectué par le débit du compte de l’étude […], lequel avait été préalablement crédité de ce montant par
[le défendeur].
2. BNP Paribas Fortis donne quittance pure et simple [au défendeur] de la somme ainsi payée. BNP Paribas Fortis déclare ainsi être complètement désintéressée de ses droits tant vis-à-vis [du défendeur] que du débiteur à raison de la créance hypothécaire.
3. En conséquence, [le défendeur] est subrogé de plein droit dans tous les droits de BNP Paribas Fortis résultant de la créance hypothécaire à l’égard du débiteur, ce que reconnaît BNP Paribas Fortis en tant que de besoin. BNP Paribas Fortis déclare, en outre, en tant que de besoin, céder, moyennant le paiement ci-avant constaté, [au défendeur], qui accepte, la totalité de ses droits résultant de la créance hypothécaire à l'égard du débiteur, dans la mesure où
[le défendeur] n'en serait pas encore titulaire du fait de la subrogation ci-avant. Cette cession intervient sans autre garantie que celle de l’existence et de la légitimité de la créance hypothécaire ».
Cet acte authentique prétendait donc prendre acte de trois payements du défendeur « payant en sa qualité de caution solidaire » (donc nullement au titre de cession de créance) ; prendre acte de la quittance de la banque en faveur du défendeur ; prendre acte du désintéressement de la banque tant vis-à-vis du défendeur que des Forges de Clabecq, et prendre acte de la subrogation de plein droit du défendeur dans tous les droits de BNP Paribas Fortis, et, « dans la mesure où [le défendeur] ne serait pas encore titulaire [de la créance hypothécaire] du fait de la subrogation ci-avant », organiser une cession de créance « moyennant le paiement ci-avant constaté » [c’est-à-dire le troisième paiement, le seul que le notaire a pu effectivement constater].
On observera d’emblée que l’arrêt attaqué louvoie en ce qui concerne la nature du mécanisme juridique qui a permis, selon lui, au défendeur d’être désormais titulaire de l’ensemble de la créance initialement détenue par la banque contre la société Forges de Clabecq.
A priori, il fait l’impasse sur la subrogation (« la différence entre les montants précités fait obstacle à retenir le fondement légal de la subrogation légale ou conventionnelle »), mais ailleurs il sème le doute : « Même à suivre l'hypothèse, défendue par les [demandeurs], de l'inexistence d'une subrogation [du défendeur] » (cette façon de s’exprimer laisse généralement entendre qu’on adhère plutôt à la thèse inverse) ; « La position défendue par les [demandeurs] repose également sur une lecture erronée de la convention du
15 décembre 2015 dont le contenu a été rappelé précédemment. Dans celle-ci, la banque ne reconnaît pas n'avoir aucun droit à l'égard de la faillite des Forges de Clabecq. Elle reconnaît uniquement ne plus avoir de droits à l'égard de la faillite à raison de la créance hypothécaire transmise au défendeur par l'effet, notamment, de la cession de créance » (les demandeurs soulignent que le mot « notamment », isolé entre deux virgules, signifie que la transmission de la créance de la banque a – au moins en partie – une autre cause que la cession, la seule autre cause étant précisément la subrogation).
La première branche retient l’interprétation d’une cession pure et simple, sans subrogation.
La seconde branche retient l’interprétation d’une cession partielle (le solde de la créance initialement détenue par la banque étant transférée au défendeur par voie de subrogation.
Première branche
S’il faut comprendre qu’en décidant que « la différence entre les montants précités fait obstacle à retenir le fondement légal de la subrogation (légale ou conventionnelle) pour laquelle le paiement est la condition mais également la mesure de la subrogation » et que « le mécanisme de la cession de créance justifie en revanche que [le défendeur] vient aux droits de la banque tels qu’ils ont été déterminés par l’arrêt de la cour d'appel du 19 octobre 2012, sans qu'il soit utile d'examiner davantage si [le défendeur] a bénéficié de subrogations successives par l'effet de ses versements à la banque (cf. quatrième moyen des [demandeurs]) et ensuite d'une cession de créance pour le surplus », l’arrêt attaqué juge que le transfert au défendeur de la créance initialement détenue par la banque repose intégralement sur une cession de créance, cet arrêt viole la force obligatoire de l’acte du 15 décembre 2015 (violation de l’article 1134 du Code civil) et, à tout le moins, la foi qui lui est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil) en interprétant cette convention comme si celle-ci pouvait justifier à elle seule la cession pure et simple (sans subrogation donc) de la créance de 36.713.340 euros (montant retenu par le dispositif de l’arrêt attaqué), alors que telle n’avait jamais été ni pu être la commune intention des parties (violation de l’article 1156 du Code civil).
L’interprétation retenue par l’arrêt attaqué est en effet insoutenable.
La convention litigieuse du 15 décembre 2015 note explicitement que le défendeur n’a procédé à trois payements que parce qu’il y était tenu en « qualité de caution solidaire ». À tout le moins, il ne ressort ni de la convention litigieuse ni d’aucune pièce à laquelle la Cour puisse avoir égard que les deux premiers payements, les plus considérables, aient à quelque moment que ce soit pu être considérés comme étant le payement du prix d’une cession de créance. Et la convention du 15 décembre 2015 ne peut en aucun cas se lire en ce sens que le troisième payement justifierait par son seul montant la cession de l’intégralité de la créance de 36.713.340 euros.
Le fait que, en son principe, comme le dit l’arrêt attaqué, le montant payé par un cessionnaire au cédant puisse être inférieur à la créance cédée n’y change rien. Le seul montant qui, dans l’acte du 15 décembre 2015, puisse recevoir la qualification de « prix de cession » – c’est-à-dire la contrepartie qu’un acheteur fixe de commun accord avec le vendeur et qu’il doit payer à ce dernier conformément aux articles 1582, alinéa 1er, 1591 et 1650 du Code civil – est le troisième payement, celui de 219.798,70 euros (les deux premiers payements ayant été opérés en dehors de toute hypothèse de cession conventionnelle). Et ni le texte de la convention litigieuse ni aucune pièce à laquelle la Cour puisse avoir égard ne permet une lecture de ladite convention suivant laquelle la banque cède pour ledit montant sa créance alléguée de 36.713.340 euros.
Il en résulte qu’ en décidant – dans l’interprétation retenue dans cette première branche, c’est-à-dire celle d’un transfert intégral [au défendeur] de la créance initialement détenue par la banque par voie de cession (à l’exclusion de toute subrogation) – que, « [m]ême à suivre l'hypothèse, défendue par les [demandeurs], de l'inexistence d'une subrogation [du défendeur] dans les droits de la banque sur la société Forges de Clabecq en faillite jusqu’à concurrence des versements opérés par [le défendeur] en faveur de la banque, il demeure que la banque a cédé [au défendeur] la créance hypothécaire qu'elle détient sur cette société telle qu’elle a été déterminée par l’arrêt de la cour d’appel du 19 octobre 2012 », l’arrêt attaqué viole
1° la force obligatoire de l’acte du 15 décembre 2015 (violation de l’article 1134 du Code civil) et, à tout le moins, la foi qui lui est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil), en interprétant cette convention comme si elle suffisait à justifier un transfert de l’intégralité de la créance de 36.713.340 euros, en dehors de toute idée de subrogation, alors que tel n’avait jamais été ni pu être la commune intention des parties (violation de l’article 1156 du Code civil) ;
2° l’article 149 de la Constitution, en ce qu’il ne met pas la Cour en mesure d’exercer son contrôle de légalité consistant à vérifier s’il y a bien eu cession, c’est-à-dire vente, ce qui, au regard des articles 1582, alinéa 1er, 1591 et 1650 du Code civil, suppose qu’on puisse identifier un prix de vente, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;
3° à tout le moins, les articles 1582, alinéa 1er, 1591 et 1650 du Code civil, dès lors qu’il conclut à l’existence d’une vente sans vérifier si un prix a été payé, et lequel, étant entendu que :
- s’il faut comprendre que ce prix correspond à des payements autres que le seul troisième payement (celui de 219.798,70 euros), l’arrêt attaqué viole alors la foi due à l’acte authentique du 15 décembre 2015 et, partant, les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil, dès lors que cet acte ne dit rien de tel ;
- s’il faut comprendre que ce prix correspond au seul troisième payement (celui de 219.798,70 euros), l’arrêt attaqué viole alors la force obligatoire de l’acte du 15 décembre 2015 (violation de l’article 1134 du Code civil) et, à tout le moins, la foi qui lui est due en y lisant quelque chose qui ne s’y trouve pas (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil) ou, à tout le moins, en méconnaissant la commune intention des parties (violation de l’article 1156 du Code civil).
Il s’ensuit que, le dispositif de l’arrêt attaqué étant fondé sur cette lecture erronée de la convention litigieuse, c’est l’ensemble de la décision attaquée qui doit être cassée (les demandeurs ayant contesté tant la subrogation que la cession).
Seconde branche
En vertu de l’article 1129 du Code civil, il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce ; la quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu'elle puisse être déterminée.
L‘article 1583 de ce code dispose que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
L’article 1585 du même code précise que, lorsque des marchandises ne sont pas vendues en bloc, mais au poids, au compte ou à la mesure, la vente n'est point parfaite, en ce sens que les choses vendues sont aux risques du vendeur jusqu'à ce qu'elles soient pesées, comptées ou mesurées; mais l'acheteur peut en demander ou la délivrance ou des dommages-intérêts, s'il y a lieu, en cas d'inexécution de l'engagement.
S’il faut comprendre qu’en décidant que « la différence entre les montants précités fait obstacle à retenir le fondement légal de la subrogation (légale ou conventionnelle) pour laquelle le paiement est la condition mais également la mesure de la subrogation » et que « le mécanisme de la cession de créance justifie en revanche que [le défendeur] vienne aux droits de la banque déterminés par l’arrêt de la cour d'appel du 19 octobre 2012, sans qu'il soit utile d'examiner davantage si [le défendeur] a bénéficié de subrogations successives par l'effet de ses versements à la banque (cf. quatrième moyen des [demandeurs]) et ensuite d'une cession de créance pour le surplus », l’arrêt attaqué juge que le transfert au défendeur de la créance initialement détenue par la banque ne repose que partiellement sur une cession de créance (le reste étant alors nécessairement transféré par voie de subrogation), il viole
1° l’article 149 de la Constitution, en ce qu’il ne met pas la Cour en mesure d’exercer son contrôle de légalité consistant à vérifier s’il y a bien eu cession, c’est-à-dire vente, ce qui, par application des articles 1129, 1582, alinéa 1er, 1583, 1591 et 1650 du Code civil, suppose que les motifs de la décision identifient une chose vendue et son prix, ce que ne fait pas l’arrêt attaqué (il n’identifie aucun prix et si on sait que la cession porte sur un « morceau » de la créance originaire détenue par la banque contre la société Forges de Clabecq, on ne sait pas lequel) ;
2° les articles 1129, 1583 et 1585 du Code civil, qui, pour qu’on puisse conclure à l’existence d’une vente, supposent que l’objet de cette vente soit déterminé ou déterminable, ce qui par hypothèse est impossible en l’espèce puisque la cour d’appel refuse explicitement d’isoler, dans la créance transférée par la banque au défendeur, la quotité transférée par l’effet de la subrogation et celle qui a été transférée par l’effet de la cession (« sans qu'il soit utile d'examiner davantage si [le défendeur] a bénéficié de subrogations successives ») ;
3° les articles 1582, alinéa 1er, 1591 et 1650 du Code civil, qui, pour qu’on puisse conclure à l’existence d’une vente, supposent que le prix de vente soit déterminé ou déterminable, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, étant entendu que :
- s’il faut comprendre que ce prix correspond à des payements autres que le seul troisième payement (celui de 219.798,70 euros), l’arrêt attaqué viole alors la foi due à l’acte authentique du 15 décembre 2015 et, partant, les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil, dès lors cet acte énonce clairement que ces payements ont eu lieu plus de quinze ans avant la cession alléguée, au seul titre de caution solidaire ;
- s’il faut comprendre que ce prix correspond au seul troisième payement (celui de 219.798,70 euros), l’arrêt attaqué viole alors la force obligatoire de l’acte du 15 décembre 2015 (violation de l’article 1134 du Code civil) et, à tout le moins la foi qui lui est due, en y lisant quelque chose qui ne s’y trouve pas (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil), dès lors que rien dans cette convention n’énonce que les parties à cet acte auraient conclu pour un tel prix la vente d’une créance de 36.713.340 euros, alors que tel n’avait jamais été ni pu être la commune intention des parties (violation de l’article 1156 du Code civil).
Il en résulte qu’en décidant – dans l’interprétation retenue dans cette seconde branche, c’est-à-dire celle d’une cession partielle (le reste étant transféré par subrogation) – que, « [m]ême à suivre l'hypothèse, défendue par les [demandeurs], de l'inexistence d'une subrogation [du défendeur] dans les droits de la banque sur la société Forges de Clabecq en faillite jusqu’à concurrence des versements opérés par [le défendeur] en faveur de la banque, il demeure que la banque a cédé [au défendeur] la créance hypothécaire qu'elle détient sur cette société telle qu’elle a été déterminée par l’arrêt de la cour d’appel du 19 octobre 2012 », l’arrêt attaqué viole
1° l’article 149 de la Constitution, en ce qu’il ne met pas la Cour en mesure d’exercer son contrôle de légalité consistant à vérifier s’il y a bien eu cession, c’est-à-dire vente, ce qui, par application des articles 1129, 1582, alinéa 1er, 1583, 1591 et 1650 du Code civil, suppose que les motifs de la décision identifient une chose vendue et son prix ;
2° les articles 1129, 1583 et 1585 du Code civil, qui, pour qu’on puisse conclure à l’existence d’une vente, supposent que l’objet de cette vente soit déterminé ou déterminable, ce qui par hypothèse est impossible en l’espèce ;
3° les articles 1582, alinéa 1er, 1591 et 1650 du Code civil, qui, pour qu’on puisse conclure à l’existence d’une vente, supposent que le prix de vente soit déterminé ou déterminable, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, étant entendu que :
- s’il faut comprendre que ce prix correspond à des payements autres que le seul troisième payement (celui de 219.798,70 euros), l’arrêt attaqué viole alors la foi due à l’acte authentique du 15 décembre 2015 et, partant, les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil, dès lors que cet acte ne dit rien de tel ;
- s’il faut comprendre que ce prix correspond au seul troisième payement (celui de 219.798,70 euros), l’arrêt attaqué viole alors la force obligatoire de l’acte du 15 décembre 2015 (violation de l’article 1134 du Code civil) et, à tout le moins, la foi qui lui est due en y lisant quelque chose qui ne s’y trouve pas (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil) ou, à tout le moins, en méconnaissant la commune intention des parties (violation de l’article 1156 du Code civil).
Il s’ensuit que, le dispositif de l’arrêt attaqué étant fondé sur cette lecture erronée de la convention litigieuse, c’est l’ensemble de la décision attaquée qui doit être cassée (les demandeurs ayant contesté tant la subrogation que la cession).
Troisième moyen
Dispositions légales violées
- article 149 de la Constitution ;
- articles 14, 17 (alinéa unique avant la modification de cet article par l’article 137 de la loi du 21 décembre 2018 portant des dispositions diverses en matière de justice, alinéa 1er après cette modification) et 23 (ce dernier article tant avant qu’après sa modification par l’article 199 de la loi du 21 décembre 2018 portant des dispositions diverses en matière de justice) du Code judiciaire ;
- principe général du droit suivant lequel le juge est tenu de trancher le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable ;
- articles 2 (précédemment 6, jusqu’à sa renumérotation par l’article 2, 2°, de la loi du 18 juin 2018 portant des dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges], 1134, 1165, 1319, 1320 et 1322 du Code civil.
Décision et motifs critiqués
Saisi de l’appel principal des demandeurs contre le jugement entrepris, qui avait en substance dit pour droit que le défendeur, après mise en œuvre des garanties qu’il avait originairement émises en faveur de la banque S.N.C.I. pour des prêt octroyés par celle-ci à la société Forges de Clabecq, est désormais seul titulaire de la créance initialement admise par l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 19 octobre 2012 au passif privilégié de cette société au profit de la société anonyme BNP Paribas Fortis, et après avoir jugé que les appels principaux et incidents étaient recevables, que l’action originaire du défendeur était recevable, et que, « [m]ême à suivre l'hypothèse, défendue par les [demandeurs], de l'inexistence d'une subrogation [du défendeur] dans les droits de la banque sur la société Forges de Clabecq en faillite jusqu’à concurrence des versements opérés par [le défendeur] en faveur de la banque, il demeure que la banque a cédé [au défendeur par la convention du 15 décembre 2015] la créance hypothécaire qu'elle détient sur cette société telle qu’elle est déterminée par l’arrêt de la cour d'appel du 19 octobre 2012 », l’arrêt attaqué, pour en définitive déclarer fondée l’action originaire du défendeur, estime ne pas devoir examiner l’exception de nullité que les demandeurs opposaient à la convention du 15 décembre 2015 dont se prévalait le défendeur, par les motifs suivants :
« 15. Les [demandeurs] soutiennent ensuite que la convention du 15 décembre 2015 est nulle en raison de
- sa cause illicite : ils soutiennent que ‘le but [du défendeur] était manifestement de pouvoir demander [aux demandeurs] le paiement des sommes qu'il avait versées à la banque’ mais, les garanties [du défendeur] étant illégales et nulles et leurs paiements illicites, [il] poursuit un but manifestement illicite’ ;
- l'excès de pouvoir commis par le ministre des Finances, seul signataire de la convention du 15 décembre 2015 ;
16. À ce stade de l'analyse, une observation s'impose d'emblée. Les [demandeurs] exposent défendre les intérêts de la masse des créanciers et, à cet égard, avoir pour seul objectif de s'assurer que les distributions à venir échoiront aux ‘créanciers légitimes’, tout en affirmant concomitamment que leur attitude a consisté et consiste encore à contester être débiteurs d'un quelconque remboursement d'aide d'État ;
Le statut du curateur de faillite suscitant encore nombres de discussions (cf. Fl. George, Le droit des contrats à l'épreuve de la faillite, Larcier, 2018, pp. 139 et suivantes) et la qualité en laquelle les [demandeurs] développent leur argumentation pour contrer la demande [du défendeur] étant incertaine, il s'impose d'examiner le moyen de nullité qu'ils soulèvent à la lumière de leur qualité de représentants tant du failli – débiteur cédé – que des créanciers de la masse ;
17. Etant tiers à la convention du 15 décembre 2015 en l'une et l'autre qualités, les [demandeurs] ne peuvent invoquer la nullité relative de celle-ci en raison d'un vice qui affecterait sa validité pour résister à l'action en paiement [du défendeur] ;
Demeure la question s'ils peuvent en invoquer la nullité pour contrariété à l'ordre public ;
Ainsi que l'écrivait le professeur Van Ommeslaghe, la nullité touche en règle les relations entre les parties alors que l'inopposabilité se rapporte aux effets externes des contrats envers les tiers. La nullité atteint la validité du contrat dans la mesure où il produit des effets internes : c'est-à-dire que le contrat nul ne peut produire aucun effet dans les rapports entre les parties, ni envers les tiers dans les cas exceptionnels où ils subissent ou profitent des effets internes d'une convention par dérogation à l'article 1165 du Code civil. Bien entendu, un contrat annulé ayant perdu tout effet interne ne saurait produire des effets externes envers les tiers (sous réserve éventuellement de l'application de la théorie de l'apparence). L'opposabilité a trait au contraire à l'efficacité des effets externes des contrats, qui ne concerne que les rapports avec les tiers et ne concerne pas en règle les relations entre les parties contractantes (P. Van Ommeslaghe, op. cit., t. Il, p. 947) ;
Comme la nullité absolue sanctionne la violation d'une règle d'ordre public, établie dans l'intérêt général, elle peut être demandée par tout tiers, pour autant que celui-ci dispose de l'intérêt requis par l'article 17 du Code judiciaire ; cet intérêt doit donc être personnel et direct, propre au demandeur. L'action populaire n'est pas reconnue dans notre droit et un tiers ne pourrait donc agir en nullité dans le seul but de faire respecter une règle d'ordre public. Le tiers dispose de l'intérêt nécessaire pour agir en nullité dans la mesure où sa situation personnelle est affectée par la subsistance de l'acte incriminé (P. Van Ommeslaghe, op. cit., t. Il, p. 955 ; voir également, M. von Kuegelgen, ‘Réflexions sur le régime des nullités et des inopposabilités’, in Les obligations contractuelles, Éditions du Jeune Barreau., 2000, pp. 591-595 ; Chr. Biquet-Mathieu, op. cit., p. 100) ;
Contrairement à ce qu'affirment les [demandeurs], il est indifférent à cet égard qu'ils soient assermentés et doivent agir dans l'intérêt des créanciers et de l'entreprise elle-même ; c'est l'intérêt des Forges de Clabecq et celui des créanciers de la masse qui est à prendre en considération et non celui des curateurs ;
Force est de constater qu'en l'occurrence, ni les Forges de Clabecq comme débiteur cédé ni les créanciers de la masse ne voient leur situation personnelle modifiée par la convention du 15 décembre 2015 et la demande [du défendeur] ; en tous cas, l'inverse n'est pas démontré. La conséquence de la nullité invoquée, à la supposer établie, serait que la convention du 15 décembre 2015 perdrait tout effet interne entre [le défendeur] et la banque mais également tout effet externe vis-à-vis des tiers (y compris les clauses par lesquelles la banque donne quittance [au défendeur] et se déclare complètement désintéressée de ses droits vis-à-vis du failli), en sorte que les Forges de Clabecq, débiteur cédé, ainsi que les créanciers de la masse se retrouveraient dans une situation identique à celle dans laquelle ils se trouvaient à la suite de l'arrêt de la cour d'appel du 19 octobre 2012 qui admet ‘complémentairement [la] créance [de la banque] au passif privilégié de la faillite de la société Forges de Clabecq à raison de 36.713.340,00 euros, imputation faite du produit de la réalisation du gage Forgenerg et sous réserve des intérêts conventionnels échus depuis le 3 janvier 2000 jusqu'au paiement effectif du produit de la réalisation des sûretés réelles ainsi qu'à raison d'un euro à titre provisionnel au passif chirographaire’ ;
À défaut de justifier d'un intérêt, les [demandeurs] – qu'ils soient représentants du failli ou des créanciers de la masse – ne peuvent dès lors invoquer la nullité de la convention du 15 décembre 2015 pour contrariété à l'ordre public. Il est par conséquent inutile d'entrer dans l'examen de la prétendue cause illicite et de l'excès de pouvoir allégués ou encore dans celui de l'illégalité invoquée des garanties accordées par [le défendeur] (premier moyen des [demandeurs]), du montant des paiements invoqués par [le défendeur], de la réalité d'une demande de paiement par la banque, ou encore de la succession des communautés et régions aux droits et obligations [du défendeur], à supposer que tout ou partie de ces questions touchent l'ordre public ».
Griefs
En vertu de l’article 149 de la Constitution, tout jugement – et donc tout arrêt – doit être motivé. Une décision qui ne contient pas les constatations de fait qui doivent permettre à la Cour d’exercer le contrôle de légalité qui lui est confié n’est pas légalement motivée et viole l’article 149 de la Constitution.
En vertu du principe général du droit visé au moyen, le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il est tenu d'examiner la nature juridique des faits et actes allégués par les parties et peut, quelle que soit la qualification juridique donnée par les parties, suppléer d'office aux motifs qu'elles ont invoqués à la condition qu'il ne soulève pas de contestation dont les parties ont exclu l'existence dans leurs conclusions, qu'il se fonde exclusivement sur des éléments qui lui ont été régulièrement soumis, qu'il ne modifie pas l'objet de la demande et qu'il ne viole pas les droits de défense des parties. Il a le devoir de soulever d'office les moyens dont l'application est requise par les faits invoqués spécialement par les parties à l'appui de leurs demandes, à plus forte raison quand ces moyens sont d’ordre public.
En vertu de l’article 2 du Code civil, tel qu’il est visé au moyen, on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs.
Suivant l’article 1131 de ce code, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet, l’article 1133 précisant que la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public.
Conformément à l’article 1165 du même code, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121. L'article 1165 n'interdit pas à un tiers d'invoquer l'existence d'un contrat et ses effets entre les parties contractantes comme moyen de défense contre une demande dirigée contre lui par l'une de ces parties.
L’article 14 du Code judicaire dispose que la demande reconventionnelle est la demande incidente formée par le défendeur et qui tend à faire prononcer une condamnation à charge du demandeur, tandis que l’article 17 du même code, tel qu’il est visé au moyen, dispose que l’action ne peut être admise si le demandeur n'a pas qualité et intérêt pour la former.
En vertu des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil, viole la foi due à un acte, le juge qui donne de cet acte une interprétation inconciliable avec ses termes, singulièrement lorsqu’il considère que la pièce de référence – par exemples les conclusions d’une partie – contient une affirmation qui ne s'y trouve pas ou ne contient pas une énonciation qui y figure. Et on observera que les secondes conclusions additionnelles et de synthèse d’appel des demandeurs, déposées le 12 août 2019, ne contiennent pas la demande de prononcer la nullité de l’acte authentique du 15 décembre 2015.
Devant la cour d’appel, les demandeurs soutenaient que la convention du 15 décembre 2015 était nulle en raison de
- sa cause illicite : « le but [du défendeur] était manifestement de pouvoir demander [aux demandeurs] le paiement des sommes qu'il avait versées à la banque », mais, les garanties du défendeur étant illégales et nulles et leurs paiements illicites pour violation tant du droit belge que du droit européen […], « [le défendeur] poursuivait un but manifestement illicite » ; l’illicéité des garanties – dont la convention du 15 décembre 2015 devait permettre au défendeur de poursuivre la récupération – faisait l’objet du premier moyen des demandeurs devant la cour d’appel (la cour d’appel a refusé d’examiner ce moyen ; les demandeurs soutenaient que la convention du 15 décembre 2015 était nulle de nullité absolue ;
- l'excès de pouvoir commis par le ministre des Finances, seul signataire de la convention du 15 décembre 2015.
Par les motifs rappelés au moyen, l’arrêt attaqué décide qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les motifs de nullité absolue de la convention du
15 décembre 2015 soulevés par les demandeurs au motif que ceux-ci ne disposeraient pas de l’intérêt requis pour agir. Il ne veut pas même se prononcer sur la nature (ordre public ou non) des nullités invoquées (« à supposer que tout ou partie de ces questions touchent l'ordre public »).
Première branche
Bien que les demandeurs soient appelants au principal, ils étaient défendeurs originaires devant les premiers juges.
L’exception de nullité de la cession de créance qu’ils ont soulevé devant les juges du fond n’est donc pas une action au sens de l’article 17 du Code judiciaire tel qu’il est visé au moyen.
Il ne s’agit pas davantage d’une demande reconventionnelle, les demandeurs ne demandant pas que la nullité de l’acte authentique soit prononcée judiciairement mais s’opposant simplement à ce que des effets lui soient reconnus.
Il s’agit donc d’une simple défense purement passive.
Il en résulte qu’en décidant que les demandeurs n’avaient pas l’intérêt requis pour soulever une exception de défense consistant en la nullité absolue par eux alléguée de l’acte authentique du 15 décembre 2015, l’arrêt attaqué viole les articles 14 et 17, tel qu’il est visé au moyen, du Code judiciaire, 2, tel qu’il est visé au moyen, 1131, 1133 et 1165 du Code civil, en privant les demandeurs du droit de soulever une exception de nullité de la convention du 15 décembre 2015 dont on voulait leur opposer les effets externes, violation d’autant plus grave que les nullités alléguées touchaient l’ordre public.
S’il faut le lire en ce sens qu’il considère que les demandeurs ont demandé que la cour d’appel prononce la nullité dudit acte authentique, l’arrêt attaqué viole en outre les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil pour avoir lu dans les conclusions additionnelles et de synthèse des demandeurs, remises au greffe de la cour d’appel le 12 août 2019, quelque chose qui ne s’y trouve pas.
L’arrêt attaqué viole en tout cas le principe général du droit suivant lequel le juge est tenu de trancher le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable, ce qui implique notamment l’obligation de relever lui-même, même en dehors de toute demande des parties, les moyens d’ordre public induits comme en l’espèce par les faits spécialement invoqués devant lui (cause illicite et excès de pouvoir).
S’il faut le lire en ce sens que les nullités alléguées ne touchent pas à l’ordre public, l’arrêt attaqué viole l’article 149 de la Constitution dès lors qu’il ne contient aucun élément permettant à la Cour d’exercer son contrôle de légalité sur cette décision de ne pas considérer les nullités alléguées de la convention du 15 décembre 2015 comme étant d’ordre public.
Il s’ensuit que, le dispositif de l’arrêt attaqué étant notamment fondé sur le refus d’examiner l’exception de nullité soulevée par les demandeurs, c’est l’ensemble de la décision attaquée qui doit être cassée.
Deuxième branche (subsidiaire)
À supposer même que l’exception de nullité requière un intérêt à agir au sens de l’article 17 du Code judiciaire tel qu’il est visé au moyen, force est de constater que les défendeurs avaient l’intérêt requis pour soulever la nullité de l’acte du 15 décembre 2015.
Une cause de nullité d’ordre public peut être soulevée par tout tiers intéressé et doit du reste être élevée d’office par le juge sans possibilité de confirmation par les parties.
Un débiteur cédé, comme les demandeurs, peut en conséquence également s’en prévaloir afin de critiquer la cession et, ainsi, refuser de payer le cessionnaire.
La considération, combattue par la troisième branche, selon laquelle les demandeurs n’auraient pas d’intérêt économique à soulever la nullité de la convention du 15 décembre 2015 est inopérante eu égard à l’obligation qu’avait la cour d’appel de soulever elle-même ce moyen de nullité, d’autant plus qu’il s’agit d’un moyen d’ordre public.
Il en résulte que, en décidant que les demandeurs n’avaient pas l’intérêt requis pour soulever une exception de défense consistant en la nullité absolue par eux alléguée de l’acte authentique du 15 décembre 2015, l’arrêt attaqué viole les articles 14 et 17, tel qu’il est visé au moyen, du Code judiciaire, 2, tel qu’il est visé au moyen, 1131, 1133 et 1165 du Code civil, en privant les demandeurs du droit de soulever une exception de nullité de la convention du 15 décembre 2015 dont on voulait leur opposer les effets externes, violation d’autant plus grave que les nullités alléguées touchaient l’ordre public.
S’il faut le lire en ce sens qu’il considère que les demandeurs ont demandé que la cour d’appel prononce la nullité dudit acte authentique, l’arrêt attaqué viole en outre les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil pour avoir lu dans les conclusions additionnelles et de synthèse des demandeurs, remises au greffe de la cour d’appel le 12 août 2019, quelque chose qui ne s’y trouve pas.
L’arrêt attaqué viole en tout cas le principe général du droit suivant lequel le juge est tenu de trancher le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable, ce qui implique notamment l’obligation de relever lui-même, même en dehors de toute demande des parties, les moyens d’ordre public induits comme en l’espèce par les faits spécialement invoqués devant lui (cause illicite et excès de pouvoir).
S’il faut le lire en ce sens que les nullités alléguées ne touchent pas à l’ordre public, l’arrêt attaqué viole l’article 149 de la Constitution dès lors qu’il ne contient aucun élément permettant à la Cour d’exercer son contrôle de légalité sur cette décision de ne pas considérer les nullités alléguées de la convention du 15 décembre 2015 comme étant d’ordre public.
Il s’ensuit que, le dispositif de l’arrêt attaqué étant notamment fondé sur le refus d’examiner l’exception de nullité soulevée par les demandeurs, c’est l’ensemble de la décision attaquée qui doit être cassée.
Troisième branche (plus subsidiaire)
En vertu de l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, et doivent être exécutées de bonne foi. Il en résulte que la convention garde son effet contraignant entre les cocontractants tant que le lien contractuel n’a pas été formellement dissous.
Tant avant qu’après sa modification par l’article 199 de la loi du
21 décembre 2018 portant des dispositions diverses en matière de justice, l’article 23 du Code judiciaire dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet de la décision. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande repose sur la même cause, quel que soit le fondement juridique invoqué ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
L’arrêt attaqué juge que « force est de constater qu'en l'occurrence, ni les Forges de Clabecq comme débiteur cédé, ni les créanciers de la masse ne voient leur situation personnelle modifiée par la convention du 15 décembre 2015 et la demande [du défendeur] ; qu’en tous cas, l'inverse n'est pas démontré ; que la conséquence de la nullité invoquée, à la supposer établie, serait que la convention du 15 décembre 2015 perdrait tout effet interne entre [le défendeur] et la banque mais également tout effet externe vis-à-vis des tiers (y compris les clauses par lesquelles la banque donne quittance [au défendeur] et se déclare complètement désintéressée de ses droits vis-à-vis du failli), en sorte que les Forges de Clabecq, débiteur cédé, ainsi que les créanciers de la masse se retrouveraient dans une situation identique à celle dans laquelle ils se trouvaient à la suite de l'arrêt de la cour d'appel du 19 octobre 2012, qui admet ‘complémentairement [la] créance [de la banque] au passif privilégié de la faillite de la société anonyme Forges de Clabecq à raison de 36.713.340 euros, imputation faite du produit de la réalisation du gage Forgenerg et sous réserve des intérêts conventionnels échus depuis le 3 janvier 2000 jusqu'au paiement effectif du produit de la réalisation des sûretés réelles ainsi qu'à raison d'un euro à titre provisionnel au passif chirographaire’, et qu’à défaut de justifier d'un intérêt, les [demandeurs] – qu'ils soient représentants du failli ou des créanciers de la masse – ne peuvent dès lors invoquer la nullité de la convention du 15 décembre 2015 pour contrariété à l'ordre public ; qu’il est par conséquent inutile d'entrer dans l'examen de la prétendue cause illicite et de l'excès de pouvoir allégué ».
Comme on le voit, l’arrêt attaqué juge que soulever une exception de nullité requiert un intérêt à agir au sens de l’article 17 du Code judiciaire, que le débiteur cédé n’a pas, par principe, l’intérêt requis pour exciper de la nullité (absolue) de la convention de cession et que les demandeurs n’ont pas intérêt à invoquer la nullité de la convention du 15 décembre 2015 car ils ne démontreraient pas que l’exception de nullité soulevée soit de nature à « modifi[er] » la « situation personnelle » des Forges de Clabecq ou de la masse faillie ; l’arrêt attaqué considère en effet que, même si la nullité était avérée, la seule conséquence en serait que la banque redeviendrait titulaire de la créance, pour le même montant.
Ce raisonnement méconnaît la distinction, pourtant essentielle, entre exception de nullité et demande reconventionnelle en nullité.
La demande reconventionnelle en nullité est une demande reconventionnelle classique par laquelle le défendeur demande à ce que soit constatée la nullité d’un acte juridique dont prétend faire usage le demandeur.
L’exception de nullité, au contraire de l’action (ou de la demande reconventionnelle) en nullité, est une défense purement passive. Son seul objet est de faire obstacle à ce qu’un acte nul ait des effets juridiques.
Couronnée de succès, l’exception de nullité aurait eu pour effet de rendre inopposable aux demandeurs la convention conclue entre la banque et le défendeur, sans pour autant autoriser la banque à réclamer son ancienne créance.
C’est d’ailleurs ce que les demandeurs avaient expliqué devant la cour d’appel : « On notera également que, contrairement à ce que soutient [le défendeur] pour contester une fois encore l’intérêt à agir [des demandeurs], la nullité des garanties ne rendrait pas la banque à nouveau créancière de la société anonyme Forges de Clabecq : il faudrait notamment pour cela que la nullité de l’acte authentique du 15 décembre 2015 soit prononcée par voie judiciaire. […] En effet, la banque s’est déclarée intégralement désintéressée envers la faillite par l’acte authentique du 15 décembre 2015. […] Il faudrait donc que [le défendeur] poursuive et obtienne la nullité de cet acte authentique et soit admis à répéter l’indu pour que la banque puisse envisager de demander quoique ce soit à la masse. […] [Les demandeurs] doute[nt] que [le défendeur] introduise, le cas échéant, une telle procédure ».
Il en résulte que, en décidant que les demandeurs n’avaient pas l’intérêt requis pour soulever une exception de défense consistant en la nullité absolue par eux alléguée de l’acte authentique du 15 décembre 2015, l’arrêt attaqué viole
- l’article 1134 du Code civil dès lors qu’il considère que, s’il accueillait l’exception de nullité soulevée par les demandeurs, la convention du 15 décembre 2015 cesserait d’avoir tout effet interne ou externe, alors que pareille exception de nullité laisse intacte les effets internes de cette convention tant qu’elle n’est pas dissoute entre les parties qui l’ont signée ;
- l’article 1165 du Code civil, en disant qu’une exception soulevée par un tiers à la convention du 15 décembre 2015 pourrait ôter tout effet interne à celle-ci ;
- l’articles 14 du Code judiciaire, en jugeant – de façon implicite mais certaine – que l’exception de nullité soulevée par les demandeurs devait avoir les effets d’une action reconventionnelle en nullité de la convention litigieuse ;
- les articles 17 et 23, tel qu’ils sont visés au moyen, du Code judiciaire, en estimant que les demandeurs n’avaient pas l’intérêt légitime requis pour soulever l’exception de nullité au motif que, si celle-ci était accueillie, « [l]a conséquence […] serait que la convention du 15 décembre 2015 perdrait tout effet interne entre [le défendeur] et la banque mais également tout effet externe vis-à-vis des tiers (y compris les clauses par lesquelles la banque donne quittance [au défendeur] et se déclare complètement désintéressée de ses droits vis-à-vis du failli) », alors que l’arrêt attaqué n’aurait jamais pu avoir pareil effet dès lors que personne ne demandait la nullité de la convention en question et qu’il n’aurait de tout façon d’effet qu’entre les demandeurs et le défendeur.
S’il faut le lire en ce sens qu’il considère que les demandeurs ont demandé que la cour d’appel prononce la nullité dudit acte authentique, l’arrêt attaqué viole en outre les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil pour avoir lu dans les conclusions additionnelles et de synthèse des demandeurs, remises au greffe de la cour d’appel le 12 août 2019, quelque chose qui ne s’y trouve pas.
À tout le moins, l’arrêt attaqué ne répond pas au moyen de droit des demandeurs énoncé dans le passage de leurs conclusions additionnelles et de synthèse, remises au greffe de la cour d’appel le 12 août 2019, cité dans la présente branche, soutenant qu’ « [i]l faudrait donc que [le défendeur] poursuive et obtienne la nullité de cet acte authentique et soit admis à répéter l’indu pour que la banque puisse envisager de demander quoi que ce soit à la masse » (violation de l’article 149 de la Constitution).
Il en résulte que, le dispositif de l’arrêt attaqué étant notamment fondé sur le refus d’examiner l’exception de nullité soulevée par les demandeurs, c’est l’ensemble de la décision attaquée qui doit être cassée.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
L’obligation de motiver les jugements et arrêts est une règle de forme.
Le moyen, qui, en cette branche, se borne à faire grief à l’arrêt attaqué de rejeter l’exception d’irrecevabilité de la demande du défendeur en raison de son illicéité, au motif qu’il refuse d’examiner si cette demande tendait à maintenir une situation contraire à l’ordre public ou à obtenir un avantage illicite, est étranger à l’article 149 de la Constitution, partant, irrecevable.
Quant à la seconde branche :
L’arrêt attaqué énonce que le défendeur « demande de ‘dire pour droit qu’[il] est désormais seul titulaire de la créance admise par la cour d’appel de Bruxelles dans son arrêt du 19 octobre 2012 au passif privilégié de la société Forges de Clabecq au profit de la société BNP Paribas Fortis à raison de 36.713.340 euros en principal, imputation faite du produit de la réalisation du gage Forgenerg et sous réserve des intérêts conventionnels échus depuis le 3 janvier 2000 jusqu’au paiement effectif du produit de la réalisation des sûretés réelles’ », et qu’il « expose que, par les trois paiements intervenus en 1998, 1999 et 2015, il a honoré les garanties accordées à la banque et l’a ainsi intégralement désintéressée et que, ce faisant, il a acquis par subrogation la créance privilégiée de celle-ci admise au passif de la faillite, [et] ajoute que, [en] tant que de besoin, cette créance lui a également été cédée aux termes de l’acte authentique du 15 décembre 2015 ».
L’arrêt attaqué relève que les demandeurs « soutiennent que [cette demande] est irrecevable à défaut d’intérêt légitime » au motif que « les arrêtés royaux et ministériels rendant possible les garanties sont manifestement illégaux, que les garanties sont elles-mêmes illégales à l’égard du droit européen et que [le défendeur] entend uniquement profiter des effets de ces actes illégaux ».
Après avoir rappelé que « l’intérêt à agir désigne ‘tout avantage matériel ou moral, effectif mais non théorique, que le demandeur peut retirer de la demande qu’il intente au moment où il la forme, dussent la reconnaissance du droit, l’analyse ou la gravité du dommage n’être établis qu’à la prononciation du jugement’ », l’arrêt attaqué considère que, l’intérêt se confondant « avec l’objet de la demande, entendu comme ce qui est réclamé par le demandeur », celui-ci « n’a pas d’intérêt légitime si l’objet de sa demande, c’est-à-dire le résultat matériel, moral ou psychologique qu’il espère obtenir au moyen de la procédure, tend à maintenir une situation contraire à l’ordre public ou à obtenir un avantage illicite » et que « la demande [du défendeur] ne tend pas au maintien d’une situation contraire à l’ordre public ou à un avantage illicite » dès lors qu’ « elle tend à [ce que le défendeur soit] reconnu comme le désormais seul titulaire d’une créance qui a été précédemment admise par une décision judiciaire ».
L’arrêt attaqué décide ensuite que, par la convention du 15 décembre 2015, « la banque a cédé [au défendeur] la créance hypothécaire qu’elle détient sur la société Forges de Clabecq en faillite » et, rencontrant le moyen des demandeurs que la convention précitée « est nulle en raison de sa cause illicite », il considère que les demandeurs, tiers à cette convention, ne peuvent « justifier d’un intérêt » à en invoquer la nullité dès lors que « ni la société Forges de Clabecq comme débiteur cédé ni les créanciers de la masse ne voient leur situation personnelle modifiée par la convention du 15 décembre 2015 et la demande [du défendeur] », en sorte qu’ « il est inutile d’entrer dans l’examen de la prétendue cause illicite [de cette convention] ou encore dans celui de l’illégalité des garanties accordées par [le défendeur] ».
Il ressort de ces énonciations, d’une part, que l’arrêt attaqué considère que le défendeur a un intérêt légitime à agir, non au motif qu’il a un intérêt économique ou sérieux à son action, mais parce que l’objet de son action, qui tend à la reconnaissance de la titularité d’une créance d’ores et déjà consacrée judiciairement, ne vise pas au maintien d’une situation contraire à l’ordre public ou à l’obtention d’un avantage illicite, d’autre part, que, l’arrêt ne refuse pas d’examiner si la convention a une cause illicite pour déterminer si le défendeur a un intérêt légitime à agir.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
Quant à la première branche :
Il ne ressort pas des pièces de la procédure que les demandeurs soutenaient que la convention du 15 décembre 2015 entre la banque et le défendeur ne pouvait être qualifiée de vente à défaut d’identifier un prix et son paiement.
Fondé sur les articles 1582, alinéa 1er, 1591 et 1650 de l’ancien Code civil, qui ne sont ni d’ordre public ni impératifs, le moyen, qui, en cette branche, n’a pas été soumis au juge du fond, dont celui-ci ne s’est pas saisi de sa propre initiative et dont il n’était pas tenu de se saisir, est nouveau.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Pour le surplus, l’interprétation que le juge donne d’un acte est souveraine pourvu qu’elle ne soit pas inconciliable avec ses termes.
L’arrêt attaqué relève que l’acte authentique passé le 15 décembre 2015 entre la banque et le défendeur prévoit que « 1. [la banque] reconnaît avoir reçu [du défendeur], payant en sa qualité de caution solidaire du débiteur, la somme de 30.958.595,76 euros se décomposant comme suit : - 1.100.000.000 francs payés le 6 avril 1998 ; - 140.000.000 francs payés le 5 février 1999 ; - 219.798,70 euros payés ce jour. Le notaire atteste que le paiement a été effectué par le débit du compte de l’étude […] ; 2. [la banque] donne quittance pure et simple [au défendeur] de la somme ainsi payée [et elle] déclare ainsi être complètement désintéressée de ses droits tant vis-à-vis [du défendeur] que du débiteur à raison de la créance hypothécaire ; 3. en conséquence, [le défendeur] est subrogé de plein droit dans tous les droits de [la banque] résultant de la créance hypothécaire à l’égard du débiteur, ce que reconnaît [la banque], [en] tant que de besoin. [Elle] déclare, en outre, [en] tant que de besoin, céder, moyennant le paiement ci-avant constaté, [au défendeur], qui accepte, la totalité de ses droits résultant de la créance hypothécaire à l’égard du débiteur, dans la mesure où [le défendeur] n’en serait pas encore titulaire du fait de la subrogation ci-avant. Cette cession intervient sans autre garantie que celle de l’existence et de la légitimité de la créance hypothécaire ».
Après avoir souligné que « la subrogation, même conventionnelle, n’échappe pas à la contrainte résultant du paiement qui est la condition et la mesure de la subrogation » alors que « la cession de créance peut, quant à elle, se négocier pour un prix inférieur à la valeur nominale de la créance », l’arrêt attaqué relève que le défendeur « revendique la titularité de la créance telle [qu’elle est] admise par la cour d’appel de Bruxelles dans son arrêt du 19 octobre 2012, c’est-à-dire la créance privilégiée de 36.713.340 euros », alors qu’ « il ressort de l’acte authentique du 15 décembre 2015 que [le défendeur] n’a versé qu’un montant total de 30.958.595,76 euros à la banque, ce qui ne correspond pas à celui [qui est] fixé par l’arrêt [précité] ». Il en déduit que, « dans [ces] circonstances spécifiques, […] la différence entre les montants précités fait obstacle à retenir le fondement légal de la subrogation (légale ou conventionnelle) pour laquelle le paiement est la condition mais également la mesure de la subrogation ».
Il considère ensuite que « le mécanisme de la cession de créance justifie en revanche que [le défendeur] vienne aux droits de la banque tels [qu’ils sont] déterminés par la cour d’appel de Bruxelles dans son arrêt du 19 octobre 2012, sans qu’il soit utile d’examiner davantage si [le défendeur] a bénéficié de subrogations successives par l’effet de ses versements à la banque […] et ensuite d’une cession de créance pour le surplus », que « la convention du 15 décembre 2015 contient […] une cession [au défendeur] par la banque de la créance hypothécaire qu’elle détient sur la société Forges de Clabecq en faillite, telle [qu’elle est] déterminée par la cour d’appel de Bruxelles dans son arrêt du 19 octobre 2012, dans la mesure où [le défendeur] n’en serait pas encore titulaire du fait de la subrogation », et que les demandeurs soutiennent d’ailleurs la thèse « de l’inexistence d’une subrogation [du défendeur] dans les droits de la banque sur la société Forges de Clabecq en faillite jusqu’à concurrence des versements opérés par [le défendeur] en faveur de la banque ».
L’arrêt attaqué, qui, en raison des versements effectués par le défendeur pour un montant inférieur à celui de la créance hypothécaire admise au passif de la faillite, exclut que l’opération litigieuse puisse réaliser une subrogation et considère que la banque a cédé sa créance au défendeur dès lors que, dans la convention du 15 décembre 2015, les parties ont prévu, pour le cas où le défendeur ne serait pas titulaire de la créance par subrogation, une cession de créance subsidiaire portant sur la totalité de la créance hypothécaire, ne donne pas de ladite convention une interprétation inconciliable avec ses termes, partant, ne viole pas la foi due à l’acte qui la contient.
Il reconnaît ainsi à cette convention les effets que, dans l’interprétation qu’il en donne, elle a légalement entre les parties.
Dans la mesure où il est recevable, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Ainsi qu’il a été dit en réponse à la première branche du moyen, l’arrêt attaqué considère que la banque a cédé la totalité de sa créance hypothécaire au défendeur.
Le moyen, qui, en cette branche, est fondé sur une interprétation différente de l’arrêt attaqué, manque en fait.
Sur le troisième moyen :
Quant à la première branche :
D’une part, en vertu de l’article 17 du Code judiciaire, l’action ne peut être admise si le demandeur n’a pas qualité et intérêt pour la former.
L’intérêt est une condition de recevabilité de l’action comme de la défense au fond.
Il s’ensuit qu’un défendeur ne justifie de l’intérêt requis pour invoquer en défense la nullité d’une convention qu’un demandeur lui oppose que s’il eût pu agir par la voie d’une action en nullité de cette convention.
D’autre part, le juge est tenu de trancher le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable.
Il ne s’ensuit en revanche pas qu’il doive suppléer aux motifs des parties en relevant les moyens d’ordre public que celles-ci n’auraient pu, à défaut d’intérêt, soulever elles-mêmes.
Dans la mesure où il repose sur le double soutènement contraire, le moyen, en cette branche, manque en droit.
Et la violation prétendue des articles 1131, 1133 et 1165 de l’ancien Code civil est tout entière déduite de la violation vainement alléguée de l’article 17 précité.
Enfin, il ressort de ses énonciations que l’arrêt attaqué ne considère ni que les demandeurs demandaient de prononcer la nullité de la convention du
15 décembre 2015 ni que la nullité invoquée « en raison de sa cause illicite [et] l’excès de pouvoir commis » ne touche pas à l’ordre public.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
Ainsi qu’il a été dit en réponse à la première branche du moyen, la défense ne peut être admise si celui qui l’invoque n’a pas intérêt pour la former.
Cet intérêt doit être personnel et direct.
Le fait qu’un défendeur ait la qualité de débiteur cédé ne suffit pas à justifier d’un intérêt personnel et direct à invoquer la nullité de la cession de créance.
Dans la mesure où il repose sur le soutènement contraire, le moyen, en cette branche, manque en droit.
Et la violation prétendue des articles 2, 1131, 1133 et 1165 de l’ancien Code civil est tout entière déduite de la violation vainement alléguée de l’article 17 précité.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Enfin, pour les motifs reproduits en réponse à la première branche du moyen fondée sur la violation des articles 149 de la Constitution, 1319, 1320 et 1322 de l’ancien Code civil et sur la méconnaissance du principe général du droit de l’office du juge, le moyen, en cette branche, similaire à celle-là, ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :
En vertu de l’article 23 du Code judiciaire, un jugement ne produit d’effets qu’entre les parties.
Si, en matière civile, l’autorité de la chose jugée est relative et n’a lieu qu’entre les parties, la force probante de la décision peut, à titre de présomption valant jusqu’à preuve contraire, être opposée aux tiers qui n’ont pas exercé de tierce opposition.
Les tiers peuvent de même se prévaloir de la force probante d’un jugement à l’égard des parties à cette décision.
Dans la mesure où le moyen, en cette branche, revient à soutenir le contraire, il manque en droit.
Pour le surplus, en vertu de l’article 1165 de l’ancien Code civil, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que dans le cas prévu à l’article 1221.
Un tiers est tenu de reconnaître l’existence et les effets d’une convention que lui oppose l’une des parties contractantes et cette opposabilité est indivisible.
Il s’ensuit que, lorsque, pour y faire échec, le tiers invoque la nullité de cette convention, l’inopposabilité qui en résulte porte sur l’intégralité des effets de la convention.
L’arrêt attaqué relève que les demandeurs, qui sont « tiers à la convention du 15 décembre 2015 », soutiennent que cette convention « est nulle en raison de sa cause illicite, [le défendeur poursuivant] un but manifestement illicite ».
Il considère que, « comme la nullité absolue sanctionne la violation d’une règle d’ordre public, établie dans l’intérêt général, elle peut être demandée par tout tiers, pour autant que celui-ci dispose de l’intérêt requis par l’article 17 du Code judiciaire », que « cet intérêt doit […] être personnel et direct, propre au demandeur », car « l’action populaire n’est pas reconnue dans notre droit et un tiers ne pourrait donc agir en nullité dans le seul but de faire respecter une règle d’ordre public », qu’un « tiers dispose de l’intérêt nécessaire pour agir en nullité dans la mesure où sa situation personnelle est affectée par la subsistance de l’acte incriminé », que, dès lors que les demandeurs agissent en « leur qualité de représentants tant du failli, débiteur cédé, que des créanciers de la masse », « c’est l’intérêt [de ces derniers] qui est à prendre en considération et non celui des [demandeurs] » et que « ni la société Forges de Clabecq comme débiteur cédé ni les créanciers de la masse ne voient leur situation personnelle modifiée par la convention du 15 décembre 2015 et la demande [du défendeur, et qu’] en tout cas, l’inverse n’est pas démontré » dès lors que « la conséquence de la nullité invoquée, à la supposer établie, serait que la convention du 15 décembre 2015 perdrait […] tout effet externe vis-à-vis des tiers (y compris les clauses par lesquelles la banque donne quittance [au défendeur] et se déclare complètement désintéressée de ses droits vis-à-vis du failli), en sorte que la société Forges de Clabecq, débiteur cédé, ainsi que les créanciers de la masse se retrouveraient dans une situation identique à celle dans laquelle ils se trouvaient à la suite de l’arrêt de la cour d’appel du 19 octobre 2012 qui admet ‘[…] la créance [de la banque] au passif privilégié de la faillite de la société Forges de Clabecq à raison de 36.713.340 euros’ ».
L’arrêt attaqué, qui considère ainsi que l’exception de nullité invoquée par les demandeurs, en leur qualité de représentants du débiteur cédé, aurait pour effet de leur rendre inopposable la convention de cession intervenue entre la banque et le défendeur dans son intégralité, y compris en ce qu’elle prévoit une quittance de la banque ensuite de cette opération, justifie légalement sa décision que les demandeurs n’établissent pas leur intérêt à soulever ce moyen.
Il répond ainsi, en les contredisant, aux conclusions des demandeurs qui soutenaient que seul l’aboutissement d’une demande d’annulation de la cession de créance par le défendeur permettrait à la banque de réclamer son ancienne créance.
Enfin, dirigé contre des considérations surabondantes relatives aux effets internes de la convention entre la banque et le défendeur, le moyen, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de quatre cent quatre-vingt-huit euros soixante-six centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3f - troisième chambre
Numéro d'arrêt : C.20.0422.F
Date de la décision : 25/10/2021
Type d'affaire : Autres - Droit constitutionnel - Droit civil

Analyses

L’obligation de motiver les jugements et arrêts est une règle de forme (1). (1) Voir les concl. du MP.

MOYEN DE CASSATION - MATIERE CIVILE - Généralités - MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - EN CAS DE DEPOT DE CONCLUSIONS - Matière civile (y compris les matières commerciale et sociale) - CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 100 A FIN) - Article 149 [notice1]

Les articles 1582, alinéa 1er, 1591 et 1650 de l’ancien Code civil ne sont ni d’ordre public ni impératifs.

ORDRE PUBLIC [notice4]

Est nouveau, partant, irrecevable, le moyen fondé sur des dispositions, qui ne sont ni d’ordre public ni impératifs, qui n’a pas été soumis au juge du fond, dont celui-ci ne s’est pas saisi de sa propre initiative et dont il n’était pas tenu de se saisir (1). (1) Voir les concl. du MP.

MOYEN DE CASSATION - MATIERE CIVILE - Moyen nouveau

L’interprétation que le juge donne d’un acte est souveraine pourvu qu’elle ne soit pas inconciliable avec ses termes (1). (1) Voir les concl. du MP; voir Cass. 25 mars 2021, RG C.20.0413.F, Pas. 2021, n° 223.

APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - PREUVE - MATIERE CIVILE - Preuve littérale - Foi due aux actes - JUGEMENTS ET ARRETS - MATIERE CIVILE - Généralités [notice6]

Ne méconnaît pas la force obligatoire d'une convention, le juge qui reconnaît à la convention les effets que, dans l'interprétation qu'il en donne, cette convention a légalement entre les parties (1). (1) Cass. 4 janvier 2019, RG C.18.0045.N, Pas. 2019, n° 9, avec concl. de M. Van Ingelgem, avocat général publiées à leur date dans AC; Cass. 22 avril 2010, RG C.09.0253.N, Pas. 2010, n° 272; Cass. 23 octobre 2009, RG C.08.0010.F, Pas. 2009, n° 611; Cass. 29 mai 2008, RG C.07.0321.N, Pas. 2008, n° 332.

CONVENTION - FORCE OBLIGATOIRE (INEXECUTION) [notice9]

L’intérêt est une condition de recevabilité de l’action comme de la défense au fond; un défendeur ne justifie de l’intérêt requis pour invoquer en défense la nullité d’une convention qu’un demandeur lui oppose que s’il eût pu agir par la voie d’une action en nullité de cette convention (1). (1) Voir les concl. du MP. Voir Cass. 3 avril 2017, RG S.15.0009.N , Pas. 2017, n° 237.

DEMANDE EN JUSTICE - JUGEMENTS ET ARRETS - MATIERE CIVILE - Généralités - CONVENTION - DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES - Envers les tiers [notice10]

Le juge est tenu de trancher le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable; il ne s’ensuit en revanche pas qu’il doive suppléer aux motifs des parties en relevant les moyens d’ordre public que celles-ci n’auraient pu, à défaut d’intérêt, soulever elles-mêmes (1). (1) Voir les concl. du MP. Voir Cass. 3 janvier 2019, RG C.18.0141.F, Pas. 2019, n° 5; Cass. 23 février 2017, RG C.13.0129.F, Pas. 2017, n° 128.

PRINCIPES GENERAUX DU DROIT - JUGEMENTS ET ARRETS - MATIERE CIVILE - Généralités [notice13]

Celui qui invoque une défense au fond doit avoir un intérêt personnel et direct pour la former; le fait qu’un défendeur ait la qualité de débiteur cédé ne suffit pas à justifier d’un intérêt personnel et direct à invoquer la nullité de la cession de créance (1). (1) Voir les concl. du MP. Cass. 13 décembre 2018, RG C.15.0405.F, Pas. 2018, n° 709, avec concl. de M. de Koster, avocat général.

DEMANDE EN JUSTICE - JUGEMENTS ET ARRETS - MATIERE CIVILE - Généralités - CONVENTION - DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES - Envers les tiers [notice15]

Si, en matière civile, l’autorité de la chose jugée est relative et n’a lieu qu’entre les parties, la force probante de la décision peut, à titre de présomption valant jusqu’à preuve contraire, être opposée aux tiers qui n’ont pas exercé de tierce opposition; les tiers peuvent de même se prévaloir de la force probante d’un jugement à l’égard des parties à cette décision (1). (1) Voir les concl. du MP.

CHOSE JUGEE - AUTORITE DE CHOSE JUGEE - Matière civile - PREUVE - MATIERE CIVILE - Présomptions - TIERCE OPPOSITION [notice18]

Un tiers est tenu de reconnaître l’existence et les effets d’une convention que lui oppose l’une des parties contractantes et cette opposabilité est indivisible; il s’ensuit que, lorsque, pour y faire échec, le tiers invoque la nullité de cette convention, l’inopposabilité qui en résulte porte sur l’intégralité des effets de la convention (1). (1) Voir les concl. du MP.

CONVENTION - DROITS ET OBLIGATIONS DES PARTIES - Envers les tiers [notice21]


Références :

[notice1]

La Constitution coordonnée 1994 - 17-02-1994 - Art. 149 - 30 / No pub 1994021048

[notice4]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1582, al. 1er, 1591 et 1650 - 30 / No pub 1804032150

[notice6]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1319, 1320 et 1322 - 30 / No pub 1804032150

[notice9]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1134 - 30 / No pub 1804032150

[notice10]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 17 - 01 / No pub 1967101052

[notice13]

Principe général du droit dit principe dispositif

[notice15]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 17 - 01 / No pub 1967101052

[notice18]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 23 - 01 / No pub 1967101052

[notice21]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1165 et 1221 - 30 / No pub 1804032150


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : BODY LUTGARDE
Ministère public : INGHELS BENEDICTE
Assesseurs : DELANGE MIREILLE, ERNOTTE MARIE-CLAIRE, GEUBEL SABINE, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-10-25;c.20.0422.f ?

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