N° C.21.0084.F
1. A. L., et
2. P. G.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile,
contre
1. F. G., et
2. C. R.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 17 novembre 2020 par la cour d’appel de Mons.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
L’article 1116 de l’ancien Code civil dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté, et que le dol, qui ne se présume pas, doit être prouvé.
Il suit de cette disposition que l’intention de tromper ne peut être déduite de ce que l’auteur du dol allégué devait connaître ses obligations légales.
L’arrêt énonce que « la réalisation de travaux sans autorisation préalable ainsi que le maintien de ces travaux constituent des infractions pénales », que « le droit pénal repose sur une présomption de connaissance de la loi par ses sujets », que, « si cette présomption est réfragable, seule l’ignorance invincible ou la force majeure constitue une cause de justification », que la vente s’inscrit « dans la perspective d’un investissement immobilier », que « l’obligation de bénéficier d’un permis d’urbanisme pour la division d’un immeuble en plusieurs logements et pour la réalisation de travaux importants (comme la démolition d’une annexe sans étage et son remplacement par une maison d’habitation à un étage) est fort ancienne (plus de cinquante ans) et fait l’objet d’une publicité notable et régulière de la part des autorités publiques », que « tout investisseur immobilier normalement prudent et diligent est supposé se renseigner sur le cadre légal de l’opération qu’il réalise », que « tant le compromis que l’acte authentique de vente intervenus entre les parties mentionnaient que les [demandeurs] garantissaient aux [défendeurs] la conformité des actes et travaux qu’ils avaient personnellement effectués sur le bien avec les prescriptions urbanistiques » et que les demandeurs « ne pouvaient […] pas ignorer la portée de cet engagement », de sorte qu’ils « devaient savoir que les opérations juridiques (division de l’immeuble) et techniques (agrandissement) qu’ils ont réalisées nécessitaient l’obtention d’autorisations urbanistiques préalables ».
Dès lors qu’il ne ressort pas de ces énonciations que les demandeurs connaissaient leurs obligations légales en matière d’urbanisme, l’arrêt viole l’article 1116 de l’ancien Code civil en leur imputant un dol.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué, sauf en tant qu’il déclare l’appel incident recevable ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du quinze octobre deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.