N° C.20.0019.F
1. P. W., et
2. M.-F. B.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, rue Jourdan, 31, où il est fait élection de domicile,
contre
COMMUNE D'ESTINNES, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Estinnes (Estinnes-au-Mont), en la maison communale, chaussée Brunehault, 232,
défenderesse en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 17 octobre 2017 par le tribunal de première instance du Hainaut, statuant en degré d'appel.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
L'article 144, alinéa 1er, de la Constitution dispose que les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux.
L'article 556, alinéa 1er, du Code judiciaire dispose que les cours et tribunaux connaissent de toutes les demandes, sauf celles qui sont soustraites par la loi à leur juridiction.
Conformément à l'article 12 de la loi du 10 avril 1841 sur les chemins vicinaux, avant sa modification par le décret de la Région wallonne du 3 juin 2011 entré en vigueur le 1er septembre 2012, les chemins vicinaux, tels qu'ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d'alignement et de délimitation, sont imprescriptibles aussi longtemps qu'ils servent à l'usage public.
Conformément à cet article, après ladite modification et avant son abrogation pour cette région par le décret de la Région wallonne du 6 février 2014 relatif à la voirie communale, les chemins vicinaux, tels qu'ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d'alignement et de délimitation, sont imprescriptibles.
L'article 30 du décret du 6 février 2014 dispose que les voiries communales ne peuvent pas être supprimées par prescription.
Aux termes de l'article 2 de l'ancien Code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif.
Il suit de ces dispositions que les cours et tribunaux connaissent de la demande de constater la prescription d'un sentier vicinal en raison de son non-usage public pendant trente années avant le 1er septembre 2012.
Le jugement attaqué n'a pu, sans violer les articles 144 de la Constitution et 556 du Code judiciaire, décider que la demande des demandeurs de constater la disparition du sentier vicinal litigieux en raison du non-usage public depuis l'année 1972 « sort de la compétence du pouvoir judiciaire ».
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant le tribunal de première instance du Brabant wallon, siégeant en degré d'appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Sabine Geubel et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.