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17/05/2021 | BELGIQUE | N°F.17.0030.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 mai 2021, F.17.0030.F


N° F.17.0030.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du conseiller général du centre des petites et moyennes entreprises à Mons, dont les bureaux sont établis à Mons, rue des Trois Boudins, 10, faisant élection de domicile à cette dernière adresse,
demandeur en cassation,
contre
QUALITY MEAT RENMANS, société anonyme, dont le siège est établi à Mons (Saint-Symphorien), place de Saint-Symphorien, 2,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Daniel

Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue d...

N° F.17.0030.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du conseiller général du centre des petites et moyennes entreprises à Mons, dont les bureaux sont établis à Mons, rue des Trois Boudins, 10, faisant élection de domicile à cette dernière adresse,
demandeur en cassation,
contre
QUALITY MEAT RENMANS, société anonyme, dont le siège est établi à Mons (Saint-Symphorien), place de Saint-Symphorien, 2,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Bonté, 5, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2016 par la cour d'appel de Mons.
Le 26 avril 2021, l'avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Par ordonnance du 27 avril 2021, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et l'avocat général
Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
L'article 1er, alinéa 1er, du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
En prévoyant que ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions, le second alinéa de cet article exige que l'ingérence de l'autorité publique dans la jouissance du droit au respect des biens que constitue l'imposition fiscale soit légale, c'est-à-dire qu'elle repose sur des normes juridiques suffisamment accessibles, précises et prévisibles dans leur application.
En vertu de l'article 11, § 1er, de la Convention du 29 août 1977 entre le royaume de Belgique et la République de Corée tendant à éviter la double imposition et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, les intérêts provenant de Corée et payés à un résident belge sont imposables en Belgique.
Toutefois, suivant l'article 11, § 2, dans sa version applicable au litige, ces intérêts peuvent être imposés dans l'État de la source coréen et selon la législation de cet État mais, si le résident belge qui les perçoit en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 p.c. de leur montant.
L'article 22, § 1er, b), de la convention préventive, dans cette même version, prévoit que, lorsqu'un résident belge recueille des intérêts de source coréenne visés à l'article 11, § 2, la Belgique accorde sur son impôt afférent auxdits revenus une réduction égale à 20 p.c. du montant brut des intérêts qui est compris dans la base imposable dudit résident.
L'arrêt déduit du libellé des articles 11 et 22 précités que « le bénéfice de l'octroi d'un crédit d'impôt étranger suppose une retenue effective à la source en Corée » mais considère qu' « au moment de la conclusion des opérations litigieuses, l'article 22, § 1er, b), de la convention préventive [...] était interprété de manière unanime en ce sens que l'imputation du crédit conventionnel n'était pas subordonnée à une retenue à la source » et que « cette interprétation unanime se fondait sur les travaux préparatoires de la loi d'approbation de la convention, sur le commentaire administratif des conventions, sur les circulaires administratives et était confirmée par la jurisprudence des cours et tribunaux de l'ordre judiciaire en charge du contentieux fiscal jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 2015 », de sorte qu'il convient d'y avoir égard pour déterminer la norme applicable au litige dans le respect de l'article 1er du premier protocole.
Suivant l'exposé des motifs du projet de la loi du 20 juillet 1979 portant approbation de la convention préventive, il est remédié à la double imposition en Belgique des intérêts imposables en Corée qui ne se rattachent pas à un établissement stable coréen du bénéficiaire par l'octroi d'un crédit d'impôt de 20 p.c., dont l'imputation « à un taux supérieur à celui que l'État de la source peut prélever sur les revenus mobiliers (système du matching credit) est la formule habituelle pour rencontrer les besoins économiques des pays en voie de développement ».
Il ne ressort ni de cet exposé des motifs dont l'arrêt fait état ni des autres documents parlementaires relatifs à la loi d'approbation qu'à l'époque des faits, la convention préventive ainsi approuvée devait être interprétée en ce sens que le crédit d'impôt prévu à l'article 22, § 1er, b), de cette convention préventive, fût-il calculé sur le montant brut des intérêts de source coréenne à un taux favorable de 20 p.c., est également accordé à leur bénéficiaire effectif résidant en Belgique lorsque ces intérêts n'ont subi aucun impôt en Corée.
L'arrêt n'a pu, sans violer l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, décider, sur la base d'une unanimité d'interprétation qui ne s'avère pas telle, que les normes juridiques internes conduisant au refus d'imputation d'un crédit d'impôt de 20 p.c. pour les intérêts d'origine coréenne exemptés d'impôt à la source en Corée ne sont pas « suffisamment accessibles, précises et prévisibles dans leur application au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du dix-sept mai deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Bénédicte Inghels, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3f - troisième chambre
Numéro d'arrêt : F.17.0030.F
Date de la décision : 17/05/2021
Type d'affaire : Droit international public - Droit fiscal

Analyses

L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales exige que l'ingérence de l'autorité publique dans la jouissance du droit au respect des biens que constitue l'imposition fiscale soit légale, c'est-à-dire qu'elle repose sur des normes juridiques suffisamment accessibles, précises et prévisibles dans leur application; il ne peut être décidé que des normes juridiques internes, conduisant au refus d'imputation d'un crédit d'impôt de 20 p.c. pour les intérêts d'origine coréenne exemptés d'impôt à la source en Corée, ne sont pas « suffisamment accessibles, précises et prévisibles dans leur application au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales », sur la base d'une unanimité d'interprétation qui n'existe pas (1). (1) Voir les concl. du MP.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Divers - IMPOTS SUR LES REVENUS - CONVENTIONS INTERNATIONALES [notice1]


Références :

[notice1]

Traité ou Convention internationale - 29-08-1977 - Art. 11, § 1er et 2, et 22, § 1er, (b) - 31


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : BODY LUTGARDE
Ministère public : INGHELS BENEDICTE
Assesseurs : DELANGE MIREILLE, ERNOTTE MARIE-CLAIRE, GEUBEL SABINE, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-05-17;f.17.0030.f ?

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