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19/04/2021 | BELGIQUE | N°C.20.0338.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 avril 2021, C.20.0338.F


N° C.20.0338.F
INSTITUT BELGE DES SERVICES POSTAUX ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, dont le siège est établi à Schaerbeek, boulevard du Roi Albert II, 35,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
contre

SKYPE COMMUNICATIONS, société de droit luxembourgeois, dont le siège est établi à Luxembourg (Grand-Duché de Luxembourg), Rives de Clausen,
23-29,
défenderesse en cassation,
représentée par Maît

re Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue ...

N° C.20.0338.F
INSTITUT BELGE DES SERVICES POSTAUX ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, dont le siège est établi à Schaerbeek, boulevard du Roi Albert II, 35,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
contre

SKYPE COMMUNICATIONS, société de droit luxembourgeois, dont le siège est établi à Luxembourg (Grand-Duché de Luxembourg), Rives de Clausen,
23-29,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 2 octobre 2019 par la cour d'appel de Bruxelles.
Par ordonnance du 16 février 2021, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Bénédicte Inghels a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
L'examen du grief de contradiction dénoncé par le moyen, en cette branche, suppose l'interprétation des dispositions légales dont l'arrêt attaqué fait application.
Ce grief n'équivaut pas à une absence de motifs et est étranger à la règle de forme prescrite par l'article 149 de la Constitution.
Le moyen, en cette branche, est, comme le soutient la défenderesse, irrecevable.
Quant à la deuxième et à la troisième branche :
Dans la mesure où le moyen, en sa troisième branche, n'indique pas en quoi l'arrêt attaqué ne respecterait pas l'exigence de neutralité technologique, il est imprécis, partant, irrecevable.
Pour le surplus, l'arrêt attaqué constate que la défenderesse se limite à fonder sa demande d'annulation ou de réduction de l'amende sur l'absence de justification du choix d'une amende comme sanction et sur le caractère disproportionné de son montant.
Il décide que ce choix « se justifiait [et était] suffisamment motivé dans la décision », le demandeur invoquant, d'une part, « la gravité de l'infraction » car « il fallait tout d'abord réprimer [la défenderesse] pour avoir refusé de se soumettre à la loi sur les communications électroniques, [et] il fallait en même temps convaincre [cette dernière] et tout autre fournisseur [...] de se conformer à la loi », d'autre part, « l'atteinte objective causée à la poursuite des objectifs de protection du consommateur et de promotion d'une concurrence non faussée, et au fonctionnement des autorités publiques ».
En ce qui concerne « le montant de l'amende », il relève que « chaque décision doit être [prise] sur la base du contexte factuel spécifique au cas d'espèce » et considère qu' « au regard des éléments qui vont suivre, [le demandeur] a commis une erreur d'appréciation en jugeant l'infraction comme étant grave et en imposant à [la défenderesse] une amende [égale au montant maximum] ».
Il relève d'abord, en ce qui concerne la « durée de l'infraction », que, si le demandeur « énonce que la violation a duré deux ans et demi [...], la durée relativement longue de la procédure d'infraction, notamment le laps de temps que [le demandeur] aurait laissé écouler en cours d'instruction, n'est pas un élément pertinent ».
Il souligne ensuite, à propos du « degré de gravité de l'infraction », que le demandeur indique avoir « estimé que l'infraction était d'une gravité élevée, [non] pas tant en raison du contenu de l'obligation enfreinte, [mais en raison] des obligations qui découlent de cette notification, auxquelles le contrevenant essaie d'échapper » et considère que « ce n'est pas parce qu'une infraction est évidente [...] qu'elle est grave » et que le demandeur « ne clarifie pas pourquoi le même élément ‘aggravant' est utilisé à la fois pour déterminer le montant de base et [...] pour augmenter l'amende ». Il ajoute que « la distinction revendiquée n'existe pas [et que], dans les deux cas (imposer l'amende et la quantifier), [le demandeur] mentionne essentiellement le comportement [de la défenderesse], à savoir le ‘comportement d'enfreindre', le ‘comportement personnel intentionnel' et [le fait que la défenderesse] ‘essaie d'échapper' ».
Il déduit de ces « différents éléments » que « la gravité de l'infraction commise par [la défenderesse] doit être qualifiée de moyenne ».
L'arrêt attaqué rejette pour le surplus les « circonstances aggravantes » retenues par le demandeur dès lors que « le simple fait que [la défenderesse] ait été en désaccord avec la position adoptée par [le demandeur] ne peut pas en lui-même être considéré comme une circonstance aggravante (la soi-disant ‘infraction intentionnelle') », qu'il ne peut « être raisonnablement reproché à [la défenderesse] d'avoir sciemment continué à ‘violer' la loi aussi longtemps que cette loi n'était pas claire ou clarifiée, [...] la controverse » ayant justifié de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne, et qu'enfin, « la décision ne démontre [...] aucune intention [de la défenderesse] de ne pas faire preuve de coopération, la seule exception [concernant] les demandes d'informations financières hautement sensibles concernant SkypeOut ».
S'attachant à déterminer le montant de l'amende, l'arrêt attaqué part du constat que le demandeur fait preuve d'un « manque total de cohérence dans l'application des amendes » à l'égard des différents opérateurs, alors que celle-ci « devrait résulter [...] de lignes directrices ou, à tout le moins, se fonder sur des ‘précédents' » et reposer sur une décision « motivée de manière adéquate et correcte ». Il relève, à propos de la décision litigieuse, que le demandeur « n'évalue pas la nature proportionnelle ou adéquate de l'amende maximale [et] ne justifie aucunement [...] le choix du pourcentage », lequel ne repose « sur aucune décision antérieure, ni sur aucune grille officielle ou autre élément objectif ». Il conclut qu'en l'absence de tels éléments, « le montant de l'amende administrative [doit être diminué et fixé] ex aequo et bono à [...] 50.000 euros ».
Il ressort de ces énonciations que l'arrêt attaqué considère, d'une part, que le demandeur n'avance en définitive pas d'autres éléments justifiant la gravité de l'infraction que ceux déjà retenus pour le choix d'infliger une amende, si ce n'est la durée de la période infractionnelle, inexacte à ses yeux, d'autre part, que les circonstances aggravantes invoquées par le demandeur ne sont pas pertinentes ou établies, et conclut qu'en l'absence de lignes directrices, de cohérence dans les décisions prises envers les opérateurs et de tout autre élément objectif, le montant de l'amende ne peut être fixé qu'ex aequo et bono.
L'arrêt attaqué fonde ainsi sa décision, non sur des considérations d'opportunité ou subjectives, mais sur une recherche en fait et en droit prenant en compte l'ensemble des circonstances de la cause au regard des critères de proportionnalité, d'objectivité, de transparence et de non-discrimination.
Dans la mesure où il est recevable, le moyen, en ces branches, manque en fait.
Quant à la quatrième branche :
Il ressort des énonciations reproduites dans la réponse aux deuxième et troisième branches du moyen que, loin de dénier au demandeur le pouvoir discrétionnaire de fixer, sur la base des circonstances concrètes de la cause, l'amende à un montant qui ne s'inscrirait pas dans le prolongement de lignes directrices préalables ou de précédents, l'arrêt attaqué relève l'absence de principes directeurs pour, d'une part, dénoncer le manque de cohérence dans les décisions prises par le demandeur sur la base de circonstances de fait similaires, d'autre part, justifier le recours à une évaluation ex aequo et bono du montant de l'amende.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent trente-huit euros trente-sept centimes, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l'État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt et un par le président de section Mireille Delange, en présence de l'avocat général Bénédicte Inghels, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3f - troisième chambre
Numéro d'arrêt : C.20.0338.F
Date de la décision : 19/04/2021
Type d'affaire : Droit administratif - Autres

Analyses

L'arrêt qui considère, d'une part, que l'Institut Belge des Services Postaux et des Télécommunications n'avance pas d'autres éléments justifiant la gravité de l'infraction que ceux déjà retenus pour le choix d'infliger une amende, si ce n'est la durée de la période infractionnelle, d'autre part, que les circonstances aggravantes invoquées par lui ne sont pas pertinentes ou établies, et conclut qu'en l'absence de lignes directrices, de cohérence dans les décisions prises envers les opérateurs et de tout autre élément objectif, le montant de l'amende ne peut être fixé qu'ex aequo et bono, fonde sa décision, non sur des considérations d'opportunité ou subjectives, mais sur une recherche en fait et en droit prenant en compte l'ensemble des circonstances de la cause au regard des critères de proportionnalité, d'objectivité, de transparence et de non-discrimination.

COMMUNICATIONS. TELECOMMUNICATIONS - TELEGRAPHES ET TELEPHONES - ORGANISATION JUDICIAIRE - GENERALITES - TRIBUNAUX - MATIERE CIVILE - Généralités [notice1]


Références :

[notice1]

Loi - 17-01-2003 - Art. 2, § 1, et 21, § 5 - 30 / No pub 2003014009 ;

Loi - 13-06-2005 - Art. 5 - 32 / No pub 2005011238


Composition du Tribunal
Président : DELANGE MIREILLE
Greffier : BODY LUTGARDE
Ministère public : INGHELS BENEDICTE
Assesseurs : ERNOTTE MARIE-CLAIRE, GEUBEL SABINE, JACQUEMIN ARIANE, LEMAL MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-04-19;c.20.0338.f ?

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