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15/03/2021 | BELGIQUE | N°S.18.0090.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 mars 2021, S.18.0090.F


N° S.18.0090.F
ÉTAT BELGE, représenté par le secrétaire d'État à l'Asile et à la Migration, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, et par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
M. T.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt r

endu le 5 septembre 2018 par la cour du travail de Liège.
Le 17 février 2021, l'avocat général B...

N° S.18.0090.F
ÉTAT BELGE, représenté par le secrétaire d'État à l'Asile et à la Migration, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, et par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
M. T.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2018 par la cour du travail de Liège.
Le 17 février 2021, l'avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Mireille Delange a fait rapport et l'avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
La demande en déclaration d'une décision judiciaire commune a pour seul objet d'empêcher que le défendeur à cette demande puisse éventuellement objecter, dans un autre litige l'opposant au demandeur, que cette décision ne lui est pas opposable.
Il suffit que cette possibilité existe pour que le demandeur démontre qu'il a intérêt à entendre déclarer la décision à intervenir commune au défendeur.
La demande en déclaration de décision judiciaire commune a un caractère purement conservatoire ; il n'appartient pas au juge qui se prononce sur cette demande de trancher des contestations que les parties pourraient éventuellement débattre au cours d'une autre procédure, même si la solution donnée à ces contestations devait faire apparaître que le demandeur est sans intérêt à entendre déclarer la décision judiciaire commune.
L'arrêt constate que le défendeur, qui demandait aux juges du travail de condamner un centre public d'action sociale à lui fournir une aide sociale en raison de son état de santé, a appelé le demandeur, l'État belge, devant ces juges en déclaration de jugement commun en vue de se prévaloir contre lui de l'autorité de la chose jugée du jugement sur la question litigieuse de cet état de santé dans une procédure devant le conseil du contentieux des étrangers concernant son droit de séjour, et que le demandeur contestait que le jugement eût un tel effet dans une telle procédure.
Il énonce que « l'intérêt lié à [l']effet positif de l'autorité de la chose jugée [...] repose sur le concept de question litigieuse ou de point litigieux », qu' « il s'agit d'une question de fond, du reste controversée quant à ses critères d'appréciation, qu'il appartiendra à la juridiction saisie de trancher », que la cour du travail « doit [...] statuer sur la recevabilité de la demande en intervention conservatoire qui doit reposer sur un intérêt au sens de l'article 17 du Code judiciaire et non statuer sur le bien-fondé de cet intérêt », que « l'argumentation développée par [le demandeur] relève de cette appréciation de fond notamment sur les éléments de preuve d'ordre médical admissibles ou non devant l'Office des étrangers et devant le conseil du contentieux des étrangers » et qu' « il appartiendra à la juridiction compétente de dire si une question litigieuse s'impose à elle en tant que règle de preuve au sens de l'article 1350, 3°, du Code civil c'est-à-dire à titre de présomption légale irréfragable attachée à l'autorité de la chose jugée ».
Il considère que « la mission d'expertise porte sur l'appréciation de l'état de santé [du défendeur] tel qu'il est défini par le tribunal, [à savoir] dire si [le défendeur] est atteint du syndrome de PTSD ou de toute autre pathologie majeure, dans l'affirmative, [...] dire si l'enfant (?) peut être transporté au Sierra Leone sans risque ou péril grave pour sa santé et peut y recevoir des soins adaptés à sa condition ; dans la négative, [...] dire si son état est curable ou améliorable sur le territoire belge », qu' « il appartiendra [...] à la juridiction saisie de dire si cela correspond ou non, en tout ou en partie, à la définition contenue dans l'article 9ter [de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, soit] une maladie telle qu'elle entraîne un risque réel pour sa vie ou son intégrité physique ou un risque réel de traitement inhumain ou dégradant lorsqu'il n'existe aucun traitement adéquat dans son pays d'origine ou dans le pays où il séjourne » et que « la décision de la cour [du travail] d'admettre cette demande incidente n'emporte aucune conséquence quant à l'appréciation, par définition ultérieure, dans le cadre de la nouvelle procédure, de l'autorité de la chose jugée mais permet seulement [au défendeur] de tenter de s'en prévaloir ultérieurement ».
Par ces motifs, dont il résulte que, pour la cour du travail, la possibilité pour le défendeur de se prévaloir de l'autorité de la chose jugée du jugement sur la question litigieuse de son état de santé dans une procédure devant le conseil du contentieux des étrangers existe et qu'elle n'est pas purement théorique mais dépend de l'appréciation que portera cette juridiction sur la question de savoir si une décision judiciaire a l'effet positif de l'autorité de la chose jugée à l'égard d'une juridiction administrative et si la pathologie du défendeur telle qu'elle serait reconnue par les juridictions du travail et selon les critères retenus par ces juridictions correspond à la définition de l'article 9ter de la loi du 15 décembre 1980, l'arrêt décide légalement que le défendeur justifie d'un intérêt à entendre déclarer la décision à intervenir commune au demandeur.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Il ne ressort pas des pièces de la procédure que, devant la cour du travail, le demandeur ait fait valoir une méconnaissance de son droit de défense déduite de ce qu'il n'a pu faire valoir ses moyens, ni sur la recevabilité ou le fondement de la demande principale du défendeur, ni sur la décision d'accorder au défendeur une aide provisionnelle équivalente au revenu d'intégration sociale.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est nouveau.
Pour le surplus, l'arrêt, qui, après avoir relevé que le défendeur demandait aux juges du travail de condamner un centre public d'action sociale à lui fournir une aide sociale en raison de son état de santé, que, dans le cadre de cette procédure, un jugement a ordonné une expertise, que, postérieurement à ce jugement, le défendeur a appelé le demandeur devant le premier juge en déclaration de jugement commun en vue de se prévaloir contre lui de l'autorité de la chose jugée du jugement sur la question litigieuse de son état de santé dans une procédure devant le conseil du contentieux des étrangers concernant son droit de séjour et que le demandeur a opposé à cette demande que « l'expertise médicale a déjà débuté et ne pourra donc [lui] être rendue contradictoire [...] sous peine de violer son droit de défense », considère que le demandeur « pourra faire valoir tous les arguments utiles dans le cadre contradictoire de la mise en œuvre de la mesure d'expertise qui n'est pas encore entamée en première instance et dans le cadre contradictoire de la discussion judiciaire qui suivra cette expertise devant le tribunal », justifie légalement sa décision que « dire la demande en intervention forcée conservatoire recevable ne viole pas le droit de défense [du demandeur] ».
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de huit cent quatre-vingts euros nonante-quatre centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du quinze mars deux mille vingt et un par le président de section Mireille Delange, en présence de l'avocat général Bénédicte Inghels, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3f - troisième chambre
Numéro d'arrêt : S.18.0090.F
Date de la décision : 15/03/2021
Type d'affaire : Autres

Analyses

La demande en déclaration d'une décision judiciaire commune a pour seul objet d'empêcher que le défendeur à cette demande puisse éventuellement objecter, dans un autre litige l'opposant au demandeur, que cette décision ne lui est pas opposable; il suffit que cette possibilité existe pour que le demandeur démontre qu'il a intérêt à entendre déclarer la décision à intervenir commune au défendeur (1). (1) Voir les concl. du MP.

INTERVENTION - Matière civile (y compris les matières commerciale et sociale) - Demande en déclaration d'une décision judiciaire commune - Objet - Recevabilité [notice1]

La demande en déclaration de décision judiciaire commune a un caractère purement conservatoire; il n'appartient pas au juge qui se prononce sur cette demande de trancher des contestations que les parties pourraient éventuellement débattre au cours d'une autre procédure, même si la solution donnée à ces contestations devait faire apparaître que le demandeur est sans intérêt à entendre déclarer la décision judiciaire commune (1). (1) Voir les concl. du MP.

INTERVENTION - Matière civile (y compris les matières commerciale et sociale) - Demande en déclaration d'une décision judiciaire commune - Caractère - Pouvoir du juge [notice2]

Le droit de défense de la partie appelée en déclaration de jugement commun n'est pas méconnu lorsqu'elle peut faire valoir ses arguments dans le cadre contradictoire de la mise en œuvre d'une expertise qui n'est pas encore entamée et de la discussion judiciaire ultérieure (1). (1) Voir les concl. du MP.

DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE CIVILE - Jugement ordonnant une expertise - Appel en déclaration de jugement commun - Recevabilité - Effet - PRINCIPES GENERAUX DU DROIT - Droits de la défense - Matière civile (y compris les matières commerciale et sociale) - Jugement ordonnant une expertise - Appel en déclaration de jugement commun - Recevabilité - Effet [notice3]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 15, 16, 17, 18 et 812 - 01 / No pub 1967101052

[notice2]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 812 - 01 / No pub 1967101052

[notice3]

Principe général du droit relatif au respect des droits de la défense


Composition du Tribunal
Président : DELANGE MIREILLE
Greffier : BODY LUTGARDE
Ministère public : INGHELS BENEDICTE
Assesseurs : ERNOTTE MARIE-CLAIRE, GEUBEL SABINE, JACQUEMIN ARIANE, LEMAL MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-03-15;s.18.0090.f ?

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