N° C.20.0039.N
H. D. L.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. R. D. L.,
2. A. D. L.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 22 février 2018 par la cour d'appel de Gand.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
1. En vertu de l’article 922 du Code civil, tel qu’applicable, la réduction est calculée sur la masse fictive composée de la valeur des biens de la succession, après déduction des dettes et ajout des donations.
La valeur des libéralités est estimée en fonction de leur état au moment de la donation et de leur valeur au moment du décès.
Il peut donc être tenu compte des possibilités de développement futur du bien à condition qu'elles soient suffisamment certaines et non hypothétiques.
2. Les juges d'appel ont considéré que :
- pour constituer la masse fictive, la ferme donnée au demandeur est réputée ne pas être sortie du patrimoine du testateur ;
- cela implique que, d’une part, les variations de valeur imputables au donataire lui-même ne peuvent pas être prises en compte lors de la détermination de la valeur, mais, d’autre part, que les plus-values ou moins-values fortuites ou non qui ne proviennent pas du donataire lui-même doivent être prises en compte parce qu'elles se seraient également produites si le bien n'était pas sorti du patrimoine du donateur ;
- dans ce sens, il faut tenir compte du fait qu’en l’espèce, la ferme peut faire l'objet d'un lotissement en terrains à bâtir ;
- le fait que la ferme puisse faire l'objet d'un lotissement après la démolition des bâtiments et qu'un certain nombre de lots de terrains à bâtir puissent ainsi être réalisés est formellement confirmé dans le rapport d'expertise et n'est d'ailleurs pas contesté par le demandeur ;
- le premier juge a à juste titre considéré que la valeur de ce terrain à bâtir, moyennant imputation des coûts de démolition et de la demande de lotissement, est une valeur intrinsèque au bien immobilier, car « elle se serait également produite si le bien était simplement resté dans le patrimoine du donateur » ;
- l'évaluation de la ferme au moment du décès, conformément à l’avis de l'expert, ne concerne en aucun cas une prétendue valeur virtuelle ou potentielle que le bien pourrait éventuellement avoir ou acquérir dans le futur, mais une valeur réelle intrinsèque que le bien immobilier possède.
3. Les juges d'appel, qui, par ces motifs, considèrent que la plus-value ainsi créée doit être prise en compte, ont légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé.
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Gand.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Koen Mestdagh, les conseillers Antoine Lievens, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt et un par le président de section Eric Dirix, en présence du premier avocat général Ria Mortier, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Marie-Claire Ernotte et transcrite avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.