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17/12/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0334.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 décembre 2020, C.19.0334.F


N° C.19.0334.F
ETHIAS, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, rue des Croisiers, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.484.654,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
FOYER ASSURANCES, société de droit luxembourgeois, dont le siège est établi à Leudelange (Grand-Duché de Luxembourg), rue Léon Laval, 12, inscrite en Belgique à la banque-carrefour

des entreprises sous le numéro 0823.448.143,
défenderesse en cassation,
représentée par...

N° C.19.0334.F
ETHIAS, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, rue des Croisiers, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.484.654,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
FOYER ASSURANCES, société de droit luxembourgeois, dont le siège est établi à Leudelange (Grand-Duché de Luxembourg), rue Léon Laval, 12, inscrite en Belgique à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0823.448.143,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 30 janvier 2019 par le tribunal de première instance de Liège, statuant en degré d'appel.
Le président de section Christian Storck a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- articles 1382 et 1383 du Code civil ;
- articles 2, 3, 4, 5 et 8 de l'arrêté royal du 23 octobre 1979 accordant une allocation de fin d'année à certains titulaires d'une fonction rémunérée à charge du trésor public ;
- article 11.3.4, 4°, de l'arrêté royal du 30 mars 2001 portant la position juridique du personnel des services de police ;
- articles 1er, 2, 3, 4 et 8 de l'arrêté royal du 28 novembre 2008 remplaçant, pour le personnel de certains services publics, l'arrêté royal du 23 octobre 1979 accordant une allocation de fin d'année à certains titulaires d'une fonction rémunérée à charge du trésor public, modifié par l'arrêté royal du 9 décembre 2009, tel que celui-ci était applicable avant l'entrée en vigueur de l'arrêté royal du 13 juillet 2017 fixant les allocations et indemnités des membres du personnel de la fonction publique fédérale.
Décisions et motifs critiqués
Le jugement attaqué admet que la demanderesse peut exercer contre la défenderesse un recours direct fondé sur l'article 1382 du Code civil mais dit pour droit que ce recours ne peut inclure la prime de programmation sociale, aux motifs que
« En ce qui concerne la prime de programmation sociale, [la défenderesse] fait valoir qu'il s'agit d'un avantage que, même en l'absence de l'accident, l'employeur aurait versé à monsieur F. sans bénéficier de prestations de travail en contrepartie ;
[La demanderesse] conteste l'assimilation que fait [la défenderesse] entre la prime de programmation sociale et le pécule de vacances. Elle fait valoir que cette prime n'est pas versée pour une période pendant laquelle aucune prestation de travail n'est accomplie, qu'elle présente un caractère rémunératoire et qu'elle est afférente à l'année prestée, peu importe que le paiement soit réalisé en une fois plutôt qu'en douzièmes ;
La prime de programmation sociale étant la prime de fin d'année, il ne peut être considéré qu'elle constituerait la contrepartie de prestations de travail. S'agissant d'un treizième mois, elle ne correspond pas à une période pendant laquelle des prestations de travail sont accomplies, même si elle est afférente à l'année prestée ;
Il ne se justifie dès lors pas de réserver un sort différent à la prime de programmation sociale qu'au pécule de vacances, lesquels ne peuvent être intégrés par l'employeur public à la réclamation formulée dans le cadre d'un recours direct ».
Le jugement attaqué fonde ainsi l'exclusion de la prime de programmation sociale sur ce que cette prime ne constituerait pas la contrepartie de prestations de travail.
Griefs
1. D'une part, l'employeur public qui, en vertu de ses obligations légales et réglementaires, est tenu de verser une rémunération à son agent sans recevoir de prestations de travail en contrepartie a droit à une indemnité dans la mesure où il subit ainsi un dommage, sauf s'il résulte de la loi ou du règlement que ces décaissements doivent rester définitivement à sa charge (articles 1382 et 1383 du Code civil).
2. D'autre part, il suit de sa nature que la prime de programmation sociale, due sous la forme d'une allocation de fin d'année au personnel tant statutaire que contractuel des services de police en vertu des dispositions réglementaires visées au moyen, constitue la contrepartie des prestations de travail pendant l'année au cours de laquelle elle est versée. Elle est au demeurant calculée sur la base de la rémunération effectivement versée à l'intéressé, une rémunération versée pour une année entière donnant droit à une allocation entière (article 4 de l'arrêté royal du 28 novembre 2008 et article 4 de l'arrêté royal du 23 octobre 1979 visés au moyen).
3. Il suit de ces principes que l'employeur public qui, en vertu des dispositions légales et réglementaires qui s'imposent à lui, paie à un de ses agents une allocation de fin d'année complète pour une année entière sans avoir reçu en contrepartie des prestations de travail pendant une année entière subit, jusqu'à due concurrence, un dommage dont il peut réclamer réparation à l'auteur de la faute qui a causé l'interruption de travail ou à l'assureur de sa responsabilité civile.
4. Ayant admis que la demanderesse, subrogée dans les droits de la zone de police ..., son assurée, pouvait exercer une action fondée sur l'article 1382 du Code civil contre la défenderesse, assurant la responsabilité civile automobile de l'auteur de l'accident qui, par sa faute, a entraîné, du 25 mai 2011 au 15 novembre 2012, une incapacité de travail de monsieur F., inspecteur à ladite zone de police, et que la rémunération de celui-ci avait continué à lui être payée en vertu des dispositions légales et réglementaires applicables pendant la période d'incapacité, le jugement attaqué n'a pu légalement considérer que la demanderesse ne pouvait pas inclure dans sa demande de dommages-intérêts un montant correspondant à une quote-part de la prime de programmation sociale au motif que « la prime de programmation sociale étant la prime de fin d'année, il ne peut être considéré qu'elle constituerait la contrepartie des prestations de travail » et que, « s'agissant d'un treizième mois, elle ne correspond pas à une période pendant laquelle des prestations de travail sont accomplies, même si elle est afférente à l'année prestée ».
Ce faisant, en effet, le jugement attaqué méconnaît tant la nature de cette prime (violation des dispositions réglementaires visées au moyen et plus spécialement de l'article 4 de l'arrêté royal du 28 novembre 2008 et de l'article 4 de l'arrêté royal du 23 octobre 1979) que les articles 1382 et 1383 du Code civil (violation desdits articles 1382 et 1383 du Code civil).
Il n'est, dès lors, pas légalement justifié (violation de toutes les dispositions visées au moyen).
III. La décision de la Cour
En vertu des articles 1382 et 1383 de l'ancien Code civil, celui qui, par sa faute, a causé à autrui un dommage est tenu de le réparer intégralement, ce qui implique que le préjudicié soit rétabli dans l'état où il serait demeuré si l'acte dont il se plaint n'avait pas été commis.
L'employeur public qui, ensuite de la faute d'un tiers, doit, en vertu de ses obligations légales ou réglementaires, continuer à payer à l'un de ses agents sa rémunération et les charges qui la grèvent sans recevoir de prestations de travail en contrepartie a droit à une indemnité dans la mesure où il subit ainsi un dommage, sauf s'il résulte de la loi ou du règlement que ces décaissements doivent rester définitivement à sa charge.
La rémunération est la contrepartie du travail effectué en exécution du contrat de travail.
Une prime qui, telle la prime de programmation sociale litigieuse, est allouée au travailleur en contrepartie du travail effectué au long de l'année à la fin de laquelle elle lui est payée constitue la contrepartie de ce travail et, dès lors, une rémunération dont le paiement est, pour l'employeur tenu de la payer alors qu'il a été privé par la faute d'un tiers des prestations de travail qui y correspondent, un dommage réparable.
Le jugement attaqué, qui en décide autrement, viole les dispositions légales et réglementaires visées au moyen.
Celui-ci est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué en tant qu'il dit pour droit que le recours direct de la demanderesse ne peut inclure la prime de programmation sociale ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance du Luxembourg, siégeant en degré d'appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal, Sabine Geubel, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du dix-sept décembre deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.19.0334.F
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Droit civil - Droit du travail

Analyses

L'employeur public qui, ensuite de la faute d'un tiers, doit, en vertu de ses obligations légales ou réglementaires, continuer à payer à l'un de ses agents sa rémunération et les charges qui la grèvent sans recevoir de prestations de travail en contrepartie a droit à une indemnité dans la mesure où il subit ainsi un dommage, sauf s'il résulte de la loi ou du règlement que ces décaissements doivent rester définitivement à sa charge (1). (1) Cass. 18 octobre 2018, RG C.17.0506.F, Pas. 2018, n° 567, avec les concl. du MP ; Cass. 26 janvier 2017, RG C.16.0179.F, Pas. 2017, n° 59.

RESPONSABILITE HORS CONTRAT - DOMMAGE - Généralités - Pouvoirs publics - Employeur - Obligations légales ou réglementaires - Paiement de la rémunération - Pas de prestations de travail - Indemnisation - Conditions [notice1]

La rémunération est la contrepartie du travail effectué en exécution du contrat de travail (1). (1) Cass. 20 mai 2019, RG S.18.0063.F, Pas. 2019, n° 301.

REMUNERATION - GENERALITES - Notion

Une prime qui, telle la prime de programmation sociale litigieuse, est allouée au travailleur en contrepartie du travail effectué au long de l'année à la fin de laquelle elle lui est payée constitue la contrepartie de ce travail et, dès lors, une rémunération dont le paiement est, pour l'employeur tenu de la payer alors qu'il a été privé par la faute d'un tiers des prestations de travail qui y correspondent, un dommage réparable (1). (1) Voir Cass. 26 janvier 2017, RG C.16.0179.F, Pas. 2017, n° 59 ; Cass. 9 septembre 1985, RG 7200, Pas. 1986, n° 9; Cass. 20 avril 1977 (Bull.et Pas., I, 854).

REMUNERATION - GENERALITES - Prime de programmation sociale - RESPONSABILITE HORS CONTRAT - DOMMAGE - Généralités - Pouvoirs publics - Employeur - Obligations légales ou réglementaires - Paiement de la rémunération - Pas de prestations de travail - Indemnisation - Conditions - Prime de programmation sociale [notice3]


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 et 1383 - 30 / No pub 1804032150

[notice3]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 et 1383 - 30 / No pub 1804032150


Composition du Tribunal
Président : DELANGE MIREILLE
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : WERQUIN THIERRY
Assesseurs : GEUBEL SABINE, JACQUEMIN ARIANE, MARCHANDISE MAXIME, LEMAL MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-12-17;c.19.0334.f ?

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