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14/12/2020 | BELGIQUE | N°S.19.0034.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 décembre 2020, S.19.0034.F


N° S.19.0034.F
T. M. T. T.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.
I.

La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 6 mar...

N° S.19.0034.F
T. M. T. T.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 6 mars 2019 par la cour du travail de Bruxelles.
Le 7 octobre 2020, l'avocat général Henri Vanderlinden a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport et l'avocat général Henri Vanderlinden a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Après avoir relevé que l'acte constitutif de la société T. mentionne que le mandat de l'administrateur est gratuit, que l'exercice d'un mandat dans une société commerciale constitue, en principe, une activité pour son propre compte qui dépasse la gestion normale des biens propres et que, en règle, l'activité liée à ce mandat est exercée dans un but lucratif même si elle ne procure pas de revenus, l'arrêt énonce que, « lorsque [la demanderesse] demande, le 28 novembre 1997, le bénéfice des allocations de chômage, elle a démissionné trois jours avant de son mandat d'administrateur-gérant de la société T. », qu'« elle n'explique pas ce qui justifie à ce moment précis une telle démission », que « ce n'est pas sans raison que, dans ce contexte, le premier juge a mis cette démission en rapport étroit avec la demande [d'allocations à cette] date », que, « lorsqu'elle remplit le 28 novembre 1997 le formulaire de chômage C1, diverses questions précises lui sont posées », que, « tant par sa formation que par son expérience professionnelle ou celles de son conjoint, la demanderesse ne peut ignorer la portée des questions posées », que « la discussion [qu'elle] initie à l'égard du document de chômage C1 qu'elle a rempli le 28 novembre 1997 est sans pertinence », que « ce document n'a été produit à la procédure devant le premier juge que sur la demande du 11 août 2016 de l'auditorat », qu'« il est peu probable que ce soit dès lors en fonction des indications portées sur ce formulaire treize ans plus tôt que [la demanderesse] n'a pas déclaré le 1er juillet 2010 son mandat auprès de la société T. », et que, « même si tel a été le cas, ce que la cour [du travail] ne retient pas, ces indications ne pouvaient qu'alerter [la demanderesse], vu sa formation, son expérience professionnelle ou celles de son conjoint, qui par la plus élémentaire des prudences aurait dû, elle-même et spontanément, au moins s'enquérir auprès de son organisme de paiement des conséquences d'être administrateur-gérant d'une société ».
Par ces motifs, qui reviennent à considérer que, dans les circonstances de la cause, et notamment au regard de la formation et de l'expérience professionnelle de la demanderesse ou de son conjoint, le défendeur l'a utilement informée, par les questions posées et les indications portées dans le formulaire de demande d'allocations du 28 novembre 1997, quant aux conséquences de l'exercice d'un mandat d'administrateur de société, l'arrêt répond, en lui opposant une appréciation contraire, au moyen qui soutenait que le défendeur avait méconnu son obligation d'information en ne communiquant pas d'initiative à la demanderesse, en 1997 dans les documents relatifs à la demande d'allocations de chômage, les informations utiles quant à la situation du titulaire d'un mandat d'administrateur à titre gratuit.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la deuxième branche :
En vertu de l'article 3 de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la charte de l'assuré social, les institutions de sécurité sociale sont tenues de fournir à l'assuré social qui en fait la demande écrite toute information utile concernant ses droits et obligations et de communiquer d'initiative à l'assuré social tout complément d'information nécessaire à l'examen de sa demande ou au maintien de ses droits.
Aux termes de l'article 24, § 1er, alinéa 1er, 3°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, les organismes de paiement ont, en exécution de l'article 7, § 1er, alinéa 3, i) et m) et § 2, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs et des articles 3, 4 et 14, alinéa 1er, 6°, de la charte, la mission de conseiller gratuitement le travailleur et de lui fournir toutes informations utiles concernant ses droits et ses devoirs à l'égard de l'assurance contre le chômage.
En vertu de l'article 24, § 1er, alinéa 3, 3°, de l'arrêté royal précité du 25 novembre 1991, les informations utiles mentionnées à l'alinéa 1er, 3°, concernent notamment les formalités à respecter par le chômeur concernant l'introduction en temps utile d'un dossier complet, l'inscription comme demandeur d'emploi, la déclaration de la situation personnelle et familiale et le contrôle des périodes de chômage complet.
L'article 26bis, § 1er, alinéa 1er, de cet arrêté royal dispose que, pour autant que la réponse à la demande d'information n'incombe pas à l'organisme de paiement en application de l'article 24, l'Office national de l'emploi a, en exécution des articles 3 et 4 de la charte et de l'article 7, § 1er, alinéa 3, i) et m), et § 2, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944, la mission de fournir au travailleur toutes informations utiles, notamment celles qui sont visées à l'article 24, § 1er, alinéa 3, concernant ses droits et ses devoirs à l'égard de l'assurance-chômage. L'article 26bis, § 1er, alinéa 2, dudit arrêté énonce que cette mission incombe à l'Office notamment si le travailleur n'a pas encore fait le choix d'un organisme de paiement, s'il est en litige avec son organisme de paiement ou si la réponse requiert une appréciation du directeur auquel un pouvoir d'appréciation discrétionnaire a été attribué.
En considérant qu'« en vertu de l'article 26bis, § 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, l'obligation d'information repose à titre principal sur l'organisme de paiement (qui n'est pas à la cause) » et qu'« elle ne repose qu'à titre subsidiaire sur [le défendeur] si ‘la réponse à la demande d'information n'incombe pas à l'organisme de paiement' », l'arrêt ne viole pas les dispositions précitées.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :
Contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, l'arrêt ne considère pas que la discussion relative au document C1 rempli le 28 novembre 1997 est sans pertinence parce que la demanderesse aurait dû elle-même s'enquérir auprès de son organisme de paiement des conséquences de sa désignation, en 2010, au mandat d'administrateur-gérant de la société T. et qu'elle ne pouvait les ignorer.
Ainsi qu'il ressort des motifs énoncés dans la réponse à la première branche du moyen, l'arrêt considère, d'abord, que cette discussion est sans pertinence parce que le document C1 a été produit devant le premier juge à la demande de l'auditorat et qu'il est peu probable que ce soit en fonction des indications de ce formulaire complété treize ans plus tôt que la demanderesse a décidé de ne pas déclarer sa nomination intervenue en 2010, et, ensuite, qu'à supposer que tel était le cas, les questions posées et les indications dudit formulaire, compte tenu notamment de la formation et de l'expérience professionnelle de la demanderesse ou de son conjoint, n'ont pu que l'alerter et auraient dû l'inciter à se renseigner quant aux conséquences de cette nomination sur son droit à des allocations de chômage.
Entièrement fondé sur une prémisse erronée, le moyen, en cette branche, manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
Les présomptions constituent un mode de preuve d'un fait inconnu.
Le moyen, qui critique l'appréciation par la cour du travail de la notion de bonne foi au sens de l'article 169, alinéa 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, est étranger aux articles 1349 et 1353 de l'ancien Code civil, qui règlent ce mode de preuve.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
Pour le surplus, en vertu de l'article 169, alinéa 2, précité, lorsque le chômeur prouve qu'il a perçu de bonne foi des allocations auxquelles il n'avait pas droit, la récupération est limitée aux cent cinquante derniers jours d'indemnisation indue.
L'arrêt constate que la demanderesse est titulaire d'une licence en sciences commerciales, qu'elle a travaillé de 1977 à 1997 dans le secteur bancaire, que son époux a été nommé expert-comptable en 1986, qu'ils ont constitué ensemble, le 20 août 1989, la société T. dont elle détient trente-cinq pour cent des parts, que l'acte constitutif énonce que le mandat de l'administrateur est gratuit et que, le même jour, elle a été nommée administrateur-gérant de la société.
Sur la base de ces constatations et des énonciations reproduites dans la réponse à la première branche du premier moyen, l'arrêt a pu, sans violer l'article 169 précité, considérer que « l'ignorance de la réglementation, du moins dans ses règles de base (comme en l'espèce), ne suffit pas à établir la bonne foi » et que la demanderesse ne prouve pas avoir perçu de bonne foi les allocations auxquelles elle n'avait pas droit.
Dans la mesure où il est recevable, le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Vu l'article 1017, alinéa 2, du Code judiciaire, condamne le défendeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de quatre cent cinquante-sept euros nonante-huit centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Koen Mestdagh, les conseillers Antoine Lievens, Sabine Geubel et Eric de Formanoir, et prononcé en audience publique du quatorze décembre deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Henri Vanderlinden, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3f - troisième chambre
Numéro d'arrêt : S.19.0034.F
Date de la décision : 14/12/2020
Type d'affaire : Droit de la sécurité sociale

Analyses

En vertu de l'article 26bis, § 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, l'obligation d'information repose à titre principal sur l'organisme de paiement et elle ne repose qu'à titre subsidiaire sur l'Office National de l'emploi si la réponse à la demande d'information n'incombe pas à l'organisme de paiement (1). (1) Voir les concl. du MP.

CHOMAGE - DROIT AUX ALLOCATIONS DE CHOMAGE - Obligation d'information - Répartition - Organisme de paiement - ONEm


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : BODY LUTGARDE
Ministère public : VANDERLINDEN HENRI
Assesseurs : MESTDAGH KOEN, LIEVENS ANTOINE, GEUBEL SABINE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-12-14;s.19.0034.f ?

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