N° C.19.0613.N
KELTS, s.a.,
Me Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. D. B.,
2. W. V. D.,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 26 juin 2019 par la cour d’appel de Gand.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport.
L’avocat général Els Herregodts a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
1. L’article 2 du Code civil, tel qu’il s’applique au litige, dispose qu’on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs. Par conséquent, le juge ne peut donner aucun effet à une convention dont l’objet est contraire à l’ordre public.
2. La nullité d’une convention la privant de ses effets, les parties sont tenues à la restitution de ce qu’elles ont obtenu en vertu de la convention.
3. Le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit examiner la nature juridique des faits et actes allégués par les parties et peut, quelle que soit la qualification juridique que celles-ci leur ont donnée, suppléer d’office aux motifs invoqués par elles, pourvu qu’il n’élève pas de contestation dont elles ont exclu l’existence dans leurs conclusions, qu’il se fonde uniquement sur des éléments qui ont été régulièrement soumis à son appréciation, qu’il ne modifie pas l’objet de la demande et que, ce faisant, il ne viole pas le droit de défense des parties.
4. Il suit de ce qui précède que le juge qui soulève d’office la nullité de la convention en raison de sa contrariété à l’ordre public peut, après réouverture des débats, déclarer la convention nulle et ordonner la restitution de ce qui a été obtenu en vertu de celle-ci, même si la nullité n’a été poursuivie par aucune des parties. Toutefois, il ne peut statuer sur l’étendue de ces restitutions sans soumettre cette question à la contradiction des parties.
5. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que :
- une convention a été formée entre l’auteur de la demanderesse et la s.p.r.l. Gumares, d’une part, et les défendeurs d’autre part, concernant la vente d’un terrain avec villa en construction, aux termes de laquelle l’auteur de la demanderesse et la s.p.r.l. Gumares se sont, en tant que promoteur, engagés envers les défendeurs à construire et à livrer la villa ;
- la contestation entre les parties porte sur l’exécution défectueuse de la convention par l’auteur de la demanderesse ;
- le juge d’appel a soulevé d’office la question si la convention est conforme aux articles 4 et 6 de la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d’architecte et quelles en sont les conséquences sur la validité de la convention ;
- dans leurs conclusions d’appel subséquentes, les défendeurs n’ont pas demandé la nullité de la convention mais l’exécution par équivalent et, plus précisément, des dommages et intérêts d’un montant de 18.253,39 euros ;
- la demanderesse n’a pas davantage poursuivi la nullité de la convention dans ses conclusions d’appel mais le paiement d’une facture non réglée d’un montant de 863,38 euros.
6. Le juge d’appel qui, dans ces circonstances, ne s’est pas borné à constater la nullité de la convention, à rejeter les demandes tendant à son exécution et à appliquer les conséquences de la nullité en considérant qu’il faut replacer les parties dans la situation qui serait la leur si la convention n’avait jamais été conclue, mais a également jugé qu’il y a lieu d’opérer la restitution par équivalent, ce qui entraîne l’obligation d’établir une compensation sur la base des principes de l’enrichissement sans cause, et qui a, sur ce fondement, condamné la demanderesse à payer un montant de 18.253,39 euros sans soumettre l’étendue de la restitution à la contradiction, a méconnu le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense et violé l’article 1138, 2°, du Code judiciaire.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, les présidents de section Koen Mestdagh et Geert Jocqué, et les conseillers Koenraad Moens et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du quatre septembre deux mille vingt par le président de section Eric Dirix, en présence de l’avocat général Els Herregodts, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.