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29/04/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0378.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 avril 2020, P.20.0378.F


N° P.20.0378.F
ETAT BELGE, représenté par le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, et de l'Asile et la Migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, boulevard Pachéco, 44, demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Elisabeth Derricks, Konstantin De Haes et Gregory Van Witzenburg, avocats au barreau de Bruxelles,
contre

N. N. C., étrangère, privée de liberté, défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 mars 2020 par la cour d'appel de Bruxelles, cham

bre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au p...

N° P.20.0378.F
ETAT BELGE, représenté par le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, et de l'Asile et la Migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, boulevard Pachéco, 44, demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Elisabeth Derricks, Konstantin De Haes et Gregory Van Witzenburg, avocats au barreau de Bruxelles,
contre

N. N. C., étrangère, privée de liberté, défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 mars 2020 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 62, § 2, et 74/5, § 1er, 1°, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs et 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

La défenderesse est privée de liberté en exécution d'une décision de maintien dans un lieu déterminé situé à la frontière, prise le 1er mars 2020 en application de l'article 74/5, § 1er, 1°, de la loi précitée.

Le moyen reproche à l'arrêt de donner à l'obligation de motivation une portée que les dispositions précitées ne comportent pas. Il relève que la décision administrative déférée au contrôle des juges d'appel s'appuie sur la décision de refoulement prise à la frontière et dont l'exécution ne peut avoir lieu immédiatement, de sorte que le maintien est nécessaire. Selon le demandeur, la décision de priver de liberté la défenderesse contient ainsi les motifs de fait et de droit requis pour justifier pareille mesure.

Le contrôle de légalité institué par l'article 72 de la loi du 15 décembre 1980 porte sur la validité formelle de cet acte, notamment quant à l'existence de sa motivation, quant à sa conformité tant aux règles de droit international ayant des effets directs dans l'ordre interne qu'à la loi du 15 décembre 1980, ainsi qu'au point de vue de la réalité et de l'exactitude des faits invoqués par l'autorité administrative.

D'une part, conformément à l'article 62, § 2, de la loi du 15 décembre 1980, les décisions administratives doivent être motivées.

D'autre part, l'article 74/5, § 1er, 1°, de la même loi dispose que peut être maintenu dans un lieu déterminé, situé aux frontières, en attendant l'autorisation d'entrer dans le Royaume ou son refoulement du territoire, l'étranger qui, en application des dispositions de cette loi, est susceptible d'être refoulé par les autorités chargées du contrôle aux frontières.

Il ressort de la lecture combinée de ces dispositions que le maintien d'un étranger dans un lieu déterminé est non seulement soumis aux conditions prévues à l'article 74/5, § 1er, 1°, précité, mais doit aussi avoir donné lieu à un examen individualisé de la situation de cette personne, examen dont la motivation de l'acte rend ensuite compte.

En tant qu'il repose sur l'affirmation que la décision de maintien peut se borner à constater que l'étranger s'est vu notifier une décision de refoulement aux frontières, le moyen manque en droit.

L'arrêt relève d'abord que la décision qui ordonne le maintien d'un étranger doit être motivée, indépendamment des motifs que contiendraient d'autres actes, au rang desquels la décision de refoulement. Il constate ensuite que cette motivation ne peut se résumer à une formule stéréotypée : elle doit énoncer les raisons de droit et de fait qui justifient le maintien, au regard des circonstances concrètes du cas d'espèce. Enfin, ayant eu égard à la motivation de la décision de maintien du 1er mars 2020, dont le moyen rappelle la teneur, les juges d'appel ont considéré qu'elle ne mentionnait pas les circonstances de fait propres à la défenderesse, mais qu'elle pourrait s'appliquer indistinctement à tout étranger se trouvant dans les conditions décrites à l'article 3, alinéa 1er, 3°, de la loi du 15 décembre 1980.

Par ces considérations qui n'exigent pas de l'administration une
motivation que la loi ne prévoit pas, l'arrêt justifie légalement sa décision que les motifs de la mesure de maintien ne rendent pas compte d'un examen individualisé de la situation de la défenderesse.

À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Pour le surplus, un grief de violation de la foi due à un acte consiste à désigner une pièce à laquelle la décision attaquée se réfère et à reprocher à celleci, soit d'attribuer à cette pièce une affirmation qu'elle ne comporte pas, soit de déclarer qu'elle ne contient pas une mention qui y figure, autrement dit de donner de cette pièce une interprétation inconciliable avec ses termes.

Reprochant à l'arrêt de considérer que la décision administrative de maintien ne contient pas une motivation concrète au regard des circonstances de la cause alors que, selon le demandeur, cet acte serait motivé conformément à l'article 62, § 2, de la loi du 15 décembre 1980, le moyen ne constitue pas un tel grief.

Partant, dans cette mesure, le moyen manque en droit.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de soixante-quatre euros quarante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-neuf avril deux mille vingt par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.20.0378.F
Date de la décision : 29/04/2020
Type d'affaire : Droit administratif

Analyses

Il ressort de la lecture combinée des articles 62, § 2, et 74/5, § 1er, 1°, de la loi du 15 décembre 1980 que le maintien d'un étranger dans un lieu déterminé est non seulement soumis aux conditions prévues à l'article 74/5, § 1er, 1°, précité, mais doit aussi avoir donné lieu à un examen individualisé de la situation de cette personne, examen dont la motivation de l'acte rend ensuite compte; la décision de maintien ne peut se borner à constater que l'étranger s'est vu notifier une décision de refoulement aux frontières (1). (1) Voir les concl. contraires « dit en substance » du MP.

ETRANGERS - Étranger susceptible d'être refoulé - Privation de liberté - Maintien dans un lieu déterminé situé aux frontières - Conditions - Motivation - Examen individualisé - Notion [notice1]


Références :

[notice1]

Loi - 15-12-1980 - Art. 62, § 2, et 74/5, § 1er, 1° - 30 / No pub 1980121550


Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-04-29;p.20.0378.f ?

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