N° C.18.0490.N
ÉTAT BELGE,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
S. G., s.comm.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 3 mai 2018 par la cour d'appel de Gand.
Le premier avocat général Ria Mortier a déposé des conclusions le 12 décembre 2019.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport.
L'avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
1. En vertu de l'article 3, alinéa 1er, de la loi-programme (II) du 27 décembre 2006, le magistrat requérant prescrit au prestataire de service sa mission, détermine sa portée et fixe le délai dans lequel elle doit être achevée.
En vertu de l'alinéa 2 de cette disposition légale, après accomplissement de la mission, le magistrat requérant vérifie la qualité de la prestation, contrôle sa conformité à la tarification et taxe l'état de frais.
En vertu de l'alinéa 3 de ladite disposition, en cas, notamment, de retard dans l'exécution de la prestation, de sa mauvaise exécution ou de facturation exagérée par le prestataire de service, quelle que soit la nature de la mission, le magistrat peut réduire l'état de frais par décision motivée.
En vertu de l'article 4, § 1er, alinéa 1er, de la loi-programme (II) du 27 décembre 2006, après taxation, les états de frais sont mis en paiement.
2. Il s'ensuit que les états de frais ne sont recouvrables qu'après la taxation faite par le magistrat requérant, par laquelle la qualité de la prestation et sa conformité à la tarification sont vérifiées.
Toutefois, si le magistrat requérant ne procède pas à la taxation de l'état de frais dans un délai raisonnable, de sorte qu'il y a faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, le juge peut condamner l'autorité à payer l'état de frais.
Les juges d'appel ont constaté que, selon le premier juge :
- en tout état de cause, le parquet requérant devait approuver ou réduire l'état d'honoraires de la défenderesse dans un délai raisonnable de deux mois maximum à compter de la prise de connaissance de l'état d'honoraires ;
- le demandeur devait ensuite, dans un nouveau délai raisonnable d'un mois maximum à compter de l'expiration du premier délai de deux mois, soit contester l'état d'honoraires, soit le payer ;
- le demandeur ne pouvait invoquer sa propre négligence pour se soustraire à son obligation de paiement.
Ils ont ensuite considéré que :
- compte tenu de la réglementation applicable, en particulier la circulaire n° 22/2010, et de la défense de l'intérêt général invoquée par le demandeur et de la continuité de son fonctionnement, l'interprétation concrète de ces délais raisonnables par la première juridiction est correcte ;
- « dans ces circonstances, une autorité normalement diligente est en effet [censée] s'organiser de manière à être en mesure de supporter, dans ces délais, les conséquences de la méthode de travail concoctée par elle-même, telle que définie dans la circulaire n° 22/2010 ».
4. Les juges d'appel, qui ont ainsi donné à connaître qu'en violation des articles 1382 et 1383 du Code civil, le demandeur a négligé de procéder à la taxation et au paiement de l'état de frais du défendeur dans un délai raisonnable, et ont condamné par ce motif le demandeur au paiement de cet état, ont légalement justifié leur décision.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
5. En vertu de l'article 1153, alinéa 1er, du Code civil, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans les intérêts légaux, sauf les exceptions établies par la loi.
L'obligation incombant à l'État de payer l'état de frais d'un huissier de justice requis par le ministère public d'exécuter certaines missions tend au paiement d'une somme d'argent, sur laquelle des intérêts moratoires sont dus si le paiement n'est pas effectué dans un délai raisonnable et après mise en demeure.
La circonstance que les missions se rapportent à des tâches auxquelles l'huissier de justice est tenu sur la base de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement général sur les frais de justice en matière répressive n'y change rien.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement contraire, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, les présidents de section Alain Smetryns et Koen Mestdagh, les conseillers Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du seize janvier deux mille vingt par le président de section Eric Dirix, en présence du premier avocat général Ria Mortier, avec l'assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Christian Storck et transcrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.