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23/04/2018 | BELGIQUE | N°S.16.0044.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 avril 2018, S.16.0044.F


N° S.16.0044.F
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

D. V. H.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de dom

icile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt re...

N° S.16.0044.F
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

D. V. H.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 avril 2016 par la cour du travail de Bruxelles.
Le 19 mars 2018, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la troisième branche :

En vertu de l'article 114, §§ 1er à 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, dans la version applicable jusqu'au 31 octobre 2012 avant sa modification par l'arrêté royal du 23 juillet 2012, le montant journalier de l'allocation de chômage décroît en fonction de la durée du chômage exprimée en périodes.
L'article 116, § 5, dans la même version, dispose toutefois que, en règle, il n'est pas tenu compte de la durée du chômage du travailleur qui est occupé exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée ; l'allocation journalière de ce travailleur est, à l'expiration de la première période de douze mois de chômage, calculée conformément aux articles 114 et 116, §§ 1er à 4 et 6, fixée en prenant en considération le montant limite A visé à l'article 111.
Il résulte de cette disposition que le montant de l'allocation de chômage est calculé sans tenir compte de la durée du chômage pendant laquelle le travailleur est occupé exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée, quelle que soit la période de chômage au cours de laquelle se produit cette occupation.
L'arrêt constate que, du 19 août 2010 au 18 août 2011, le défendeur a bénéficié des allocations de chômage en première période de chômage tout en travaillant dans les liens de contrats de travail de musicien de très courte durée et, en outre, d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel ; que, du 19 août 2011 au 18 août 2012, le défendeur a continué à bénéficier des allocations de chômage en deuxième période en travaillant exclusivement dans les liens de tels contrats de très courte durée et que, pour le calcul du montant des allocations du 19 août 2012 au 18 août 2014, il demandait sur la base de l'article 116, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 qu'il ne soit pas tenu compte de la durée du chômage du 19 août 2011 au 18 août 2012 pendant laquelle il avait été occupé exclusivement dans les contrats de très courte durée.
L'arrêt décide légalement que l'article 116, § 5, précité « ne limite pas la non-dégressivité de l'allocation aux travailleurs en première période d'indemnisation » et que le défendeur « bénéficie de l'article 116, § 5, et [est] dès lors maintenu en deuxième période d'indemnisation [...] du 19 août 2012 [au 31 octobre 2012] ».
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la deuxième branche :

Les conclusions du défendeur faisaient valoir que l'article 116, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, dans la version en vigueur du 1er novembre 2012 au 31 mars 2014, a pour but de « restaurer l'égalité entre [les travailleurs occupés dans des métiers intermittents dans les liens de contrats de très courte durée et] les autres travailleurs qui peuvent accéder à l'emploi de plus longue durée » et d'« apporter une solution à la situation particulière [de ces] travailleurs », spécialement les artistes de spectacle payés au cachet, afin de leur permettre « de poursuivre une carrière artistique », qu'il constitue « un régime adapté à des situations de fait particulières rencontrées par [ces] travailleurs [...] pour leur assurer une indemnisation [du chômage] appropriée », que « cette disposition est considérée comme essentielle pour respecter le principe d'égalité entre des travailleurs [intermittents et ceux qui ne le sont pas, qui sont] placés dans des situations de fait différentes » ; ces conclusions citaient la note de politique générale du ministre de l'Emploi du 22 décembre 2011 annonçant que « les conditions pour accéder aux allocations de chômage et revenir en première ou deuxième période [d'indemnisation seront] assouplies et simplifiées pour mieux tenir compte [de la situation du travail] en courte durée » par rapport à celle des travailleurs qui ont accès à l'emploi de plus longue durée.
En fondant sa décision sur le motif que « la différence de traitement subie par les [travailleurs occupés exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée] en seconde période d'indemnisation » est discriminatoire « à l'égard des autres travailleurs en seconde période d'indemnisation », l'arrêt ne méconnaît pas, compte tenu des termes du débat, le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la première branche :

La considération, vainement critiquée par la deuxième branche du moyen, que la différence de traitement résultant de l'article 116, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, dans sa version en vigueur du 1er novembre 2012 au 31 mars 2014, pour les travailleurs occupés exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée en seconde période d'indemnisation est discriminatoire « à l'égard des autres travailleurs en seconde période d'indemnisation », constitue un fondement distinct et suffisant de la décision de l'arrêt d'écarter, sur la base de l'article 159 de la Constitution, l'application de cet article 116, § 5, et d'appliquer à la contestation la version précédente de cette disposition.
Le moyen, qui, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation, est irrecevable à défaut d'intérêt.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent trente euros onze centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du vingt-trois avril deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
L. Body S. Geubel M. Lemal
M. Delange D. Batselé Chr. Storck


Requête

1er feuillet

00160377
REQUÊTE EN CASSATION
POUR : L'OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, en abrégé ONEm, établissement public ayant son siège social à 1000 Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7, inscrit à la BCE sous le n° 0206.737.484,
demandeur en cassation,
assisté et représenté par Me Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation soussigné, dont le cabinet est établi à 1050 Bruxelles, avenue Louise, 149 (bte 20), où il est fait élection de domicile,
CONTRE :
Monsieur D. V. H.,
défendeur en cassation.
* *
*
A Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation,
Messieurs,
Mesdames,
Le demandeur en cassation a l'honneur de soumettre à votre censure l'arrêt rendu contradictoirement entre les parties le 7 avril 2016 par la cour du travail de Bruxelles (8ème chambre, R.G. n° 2014/AB/942). 2ème feuillet

À l'encontre de cet arrêt, le demandeur fait valoir le moyen de cassation suivant.
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Dispositions légales et principe général du droit violés
- articles 10, 11 et 159 de la Constitution ;
- articles 114, §§ 1er, 2 et 3, et 116, §§ 1er, 2 et 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, tels qu'ils étaient rédigés tant avant leur modification par l'arrêté royal du 23 juillet 2012 entré en vigueur le 1er novembre 2012 qu'après leur modification par ledit arrêté royal (mais pour l'article 114 avant sa modification par l'arrêté royal du 20 juillet 2015 et pour l'article 116 avant sa modification par l'arrêté royal du 7 février 2014) ;
- principe général du droit relatif aux droits de la défense.

Décision et motifs critiqués
I. L'arrêt attaqué constate les faits et les antécédents suivants :
« (Le défendeur) est occupé à temps partiel (depuis 2004), comme enseignant à titre temporaire tout en exerçant une activité comme artiste musicien amateur dans le cadre du système dit ‘petites indemnités'.
Il a été réadmis au bénéfice des allocations de chômage à partir du 19 août 2007 en application de l'article 42, §1er,1 de l'arrêté royal [du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage] [...]. Son activité comme enseignant prend fin le 30 juin 2011.
1 Article situé sous le titre « Dispense de stage ».
A partir du 1er juillet 2011, il présente une occupation exclusivement dans le cadre de contrats de très courte durée en qualité d'artiste musicien de scène. (Le défendeur) admet que son activité artistique était exercée, au départ, comme ‘amateur' [...] et qu'il a réorienté sa carrière dans le courant de l'année 2011.
Il déclare pour la première fois une activité artistique à l'ONEM au moyen du formulaire C1 Artiste qu'il introduit auprès de son organisme de paiement le 27 septembre 2011 [...].
Le 4 novembre 2011, l'organisme de paiement interpelle l'ONEM afin que (le défendeur) puisse bénéficier du statut d'artiste.

3ème feuillet
L'ONEM refuse d'appliquer la règle de non-dégressivité de l'allocation (arrêté royal du 25 novembre 1991, art. 116, § 5), au motif que (le défendeur) a travaillé toute l'année comme enseignant [...]. L'organisme de paiement insiste, au motif que (le défendeur) a une profession principale de musicien [...].
[Par décision du 15 février 2012], l'ONEM refuse d'accorder (au défendeur) le bénéfice de l'article 116, § 5, de l'arrêté royal au motif que son travail dans l'enseignement à raison de 12 heures par semaine constitue sa profession principale ; l'Office précise que pour autant que ses activités artistiques ont été déclarées à la sécurité sociale des travailleurs salariés, elles seront prises en compte selon les règles ordinaires en application de l'article 114, § 4, de l'arrêté royal [...].
(Le défendeur) a introduit un recours contre cette décision devant le tribunal du travail [...] » (arrêt, p. 3-4), lequel a fait droit à ce recours.
II. L'arrêt attaqué expose ce qui suit quant à la règle précitée de la non-dégressivité de l'allocation de chômage prévue par l'article 116, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage :
« La réglementation relative au chômage réduit le taux de l'allocation notamment en fonction de la durée du chômage (arrêté royal du 25 novembre 1991, article 114). Elle prévoit également les conditions auxquelles cette dégressivité peut être freinée ou neutralisée.
L'article 116, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage prévoit une règle spécifique de non-dégressivité de l'allocation pour certains travailleurs occupés exclusivement dans le cadre des contrats de très courte durée. Cette disposition a subi plusieurs modifications, dont celle introduite par l'arrêté royal du 23 juillet 2012.
Que ce soit dans sa version antérieure ou postérieure à l'entrée en vigueur de l'arrêté royal du 23 juillet 2012, l'article 116, § 5, précité prévoit, à certaines conditions, pour les travailleurs occupés exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée, que l'allocation journalière de chômage ne subit pas la dégressivité normalement applicable. Dans les deux cas, cette dérogation exige que soient simultanément remplies les conditions d'une occupation exclusive, dans les liens de contrats de très courte durée, lors d'une période de référence de douze mois. L'existence de ces conditions doit être vérifiée sur une période de référence de douze mois précédant - en fonction de la version de l'article 116, § 5, modifié par l'arrêté royal du 23 juillet 2012 - soit la date d'expiration de la première période d'indemnisation soit la date d'expiration de la troisième phase de la première période d'indemnisation.
[...] la période de référence initiale prend cours à la date d'admissibilité du travailleur au bénéfice des allocations » » (arrêt, p.8)

4ème feuillet
III. L'arrêt admet que :
« (Le défendeur) ne peut bénéficier, à la date du 19 août 2011 de la non-dégressivité des allocations prévue par l'article 116, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 ; (qu') au cours de la période du 19 août 2010 au 18 août 2011, il n'était pas occupé exclusivement dans le cadre de contrats de très courte durée ; (que) la contestation en appel porte sur la période ultérieure » (arrêt, p. 8-9), soit la période allant du 19 août 2012 au 18 août 2014, « et se situe dans la circonstance particulière où (le défendeur) se trouvait en seconde période d'indemnisation au cours de cette période » (arrêt, p. 8).
IV. L'arrêt attaqué déclare l'appel de l'ONEM non fondé et, dès lors, confirme le jugement dont appel, dont le dispositif était le suivant :
- déclare fondé le recours du défendeur contre la décision de l'ONEM du 15 février 2012 ;
- confirme la décision de l'ONEM du 15 février 2012, uniquement pour la période du 19 août 2011 au 18 août 2012 ;
- dit pour droit que l'article 116 , § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, tel que modifié par l'arrêté royal du 23 juillet 2012, viole les articles 10 et 11 de la Constitution ;
- écarte en conséquence, en application de l'article 159 de la Constitution, la disposition précitée dans ladite version et fait application de la disposition dans sa version antérieure ;
- dit pour droit que le défendeur sera dès lors maintenu en deuxième période d'indemnisation, pour les périodes du 19 août 2012 au 18 août 2013 et du 19 août 2013 au 18 août 2014 ;
- condamne l'ONEM à payer au défendeur les allocations de chômage « résultant de l'application des dispositions réglementaires précitées », sous déduction des allocations déjà payées, et compte tenu des jours travaillés, majorées des intérêts courant au taux légal depuis la date d'exigibilité de chacune des allocations jusqu'à complet paiement ;

5ème feuillet
- condamne l'ONEM à remettre au défendeur le décompte des arriérés d'allocations de chômage dues, en principal et intérêts de retard, dans un délai de deux mois à partir de la notification par le greffe du présent jugement, sous peine d'une astreinte de 25 euro par jour de retard, commençant à courir au plus tôt un mois après la signification dudit jugement.
V. L'arrêt attaqué fonde cette décision sur tous les motifs de ses pages 9 à 17 censés littéralement reproduits et spécialement sur les motifs suivants :
« 4. Selon la version en vigueur avant sa modification par l'arrêté royal précité du 23 juillet 2012, l'article 116, § 5, dispose :
‘[...]
Pour le calcul des périodes de chômage visées à l'article 114, il n'est pas tenu compte de la durée du chômage du travailleur non visé à l'article 28, § 3 ( [le défendeur] n'entre pas dans le champ de cette disposition), qui est occupé exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée. L'allocation journalière de ce travailleur est, à l'expiration des douze premiers mois de chômage calculés conformément aux articles 114 et 116, §§ 1 à 4 et 6, fixée en prenant en considération le montant limite A visé à l'article 111, alinéa 4.
[...]'
5. (Le défendeur) établit être occupé exclusivement dans des contrats de très courte durée au cours de la période de référence qui précède le 19 août 2012 et avoir informé l'ONEM de son activité artistique exercée, à titre principal, depuis le 1er juillet 2011.
L'article 116, § 5, n'exige pas, comme condition de son application, que le travailleur ait une occupation exclusive dans des contrats de courte durée dès le début de son admissibilité au chômage. Par ce constat, la cour applique strictement les conditions prévues par la réglementation ; il ne revient ni à l'administration, ni au juge saisi d'une contestation quant à l'application de cette disposition, d'y ajouter des conditions qu'elle ne contient pas.
6. L'article 116, § 5, a été modifié par l'arrêté royal du 23 juillet 2012, entré en vigueur le 1er novembre 2012. Dans cette version, il dispose :
‘Sans préjudice de l'application des §§ 1er et 2, le travailleur qui est occupé exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée, a droit, à l'expiration de la troisième phase de la première période d'indemnisation, pour une période de douze mois, à l'allocation journalière prévue pour cette troisième phase, calculée toutefois en fonction du montant limite A visé à l'article 111, s'il prouve que, dans une période de référence de douze mois précédant l'expiration de cette troisième phase, il était toujours occupé exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée.
[...]

6ème feuillet
L'avantage de l'alinéa 1er est à nouveau octroyé pour douze mois, si le travailleur prouve qu'il était, dans une période de référence de douze mois qui précède l'expiration de l'avantage précédemment octroyé, exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée.'
7. Cette version de l'article 116, § 5, en vigueur à partir du 1er novembre 2012, outre qu'elle adapte le texte pour tenir compte de la création de trois phases en première période d'indemnisation, limite explicitement la non-dégressivité de l'allocation en première période d'indemnisation [...].
8. (Le défendeur) soutient que l'article 116, § 5, tel que modifié par l'arrêté royal du 23 juillet 2012, viole les articles 10 et 11 de la Constitution car il instaure une discrimination entre les travailleurs selon qu'il se trouvent dans une première ou une seconde période d'indemnisation. [...]
a) Quant à l'existence d'une discrimination
9. La règle de l'égalité des Belges devant la loi contenue dans l'article 10 de la Constitution et celle de la non-discrimination dans la jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges contenue dans l'article 11 de la Constitution impliquent que tous ceux qui se trouvent dans la même situation soient traités de la même manière mais n'excluent pas qu'une distinction soit faite entre différentes catégories de personnes pour autant que le critère de distinction soit susceptible de justification objective et raisonnable. L'existence d'une telle justification doit s'apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure prise.
10. L'article 116, § 5, vise à remédier à la situation spécifique des travailleurs dont l'occupation est constituée exclusivement de contrats de très courte durée ; cette spécificité entraîne pour les travailleurs concernés, en cas d'application des règles normales de dégressivité de l'allocation fondées sur la durée du chômage, une accélération de cette dégressivité en raison même du type d'occupation. C'est une spécificité à laquelle l'auteur de la norme a voulu remédier.
[...]
11. [...] Qu'il soit en première ou en seconde période d'indemnisation, un travailleur occupé exclusivement dans des contrats de très courte durée comme visé par l'article 116, § 5, de l'arrêté royal, se retrouve dans une situation comparable au regard de l'objectif voulu par cette disposition et rappelé ci-dessus.
Ainsi, les deux catégories de travailleurs se trouvent dans une situation de travail intermittent dans un secteur professionnel où il est d'usage de travailler dans des contrats de très courte durée. Les deux catégories de travailleurs se trouvent confrontées à la même difficulté de réunir les conditions prévues par les règles d'application générale pour pouvoir soit maintenir le niveau de leur allocation, soit revenir à un taux supérieur d'allocation.
La cour partage sur ce point le constat du premier juge selon lequel :
‘Les chômeurs qui se prévalent de l'article 116, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 ont la caractéristique commune d'être des travailleurs

7ème feuillet
intermittents qui se trouvent dans une situation plus précaire que d'autres travailleurs, à raison des conditions d'embauche dans leur secteur professionnel. Ils se trouvent dans un schéma professionnel identique au regard du marché de l'emploi'.
Ainsi, face aux règles normales de dégressivité des allocations, ces travailleurs se retrouvent, au regard du risque d'une réduction de leur allocation, dans des situations analogues, quelle que soient la durée de leur chômage et la période d'indemnisation dans laquelle ils se trouvent. Tout comme le travailleur intermittent en première période d'indemnisation, le travailleur intermittent se trouvant en deuxième période d'indemnisation se retrouve confronté à la même difficulté particulière face aux conditions de droit commun pour maintenir le taux d'allocations, que ce soit la difficulté (une impossibilité) d'acquérir le passé professionnel requis par l'article 114, § 1er, de l'arrêté royal ou, a fortiori, la difficulté de remplir les conditions d'occupation pour bénéficier à nouveau d'une période plus favorable d'indemnisation.
La seule différence dans la période d'indemnisation ne permet pas de conclure que ces deux catégories d'intermittents ne sont pas comparables.
12. L'arrêté royal du 23 juillet 2012 limite l'avantage d'une non-dégressivité de l'allocation aux travailleurs en première période d'indemnisation. Le critère de la période d'indemnisation est objectif. Ce critère est-il raisonnable au regard du but et des effets de la mesure prise ?
13. [...]
14. L'article 116, § 5, instaure une règle de dégressivité adaptée à la situation du travail de tout intermittent. [...] ce travail de l'intermittent se caractérise par une occupation exclusivement dans le cadre de contrats de très courte durée confrontant les travailleurs concernés à l'impossibilité de fait de réunir les conditions imposées par les règles normales pour ne pas encourir la non dégressivité des allocations.
[...] s'agissant de préoccupations générales exprimées par le gouvernement concernant la spécificité de la situation des travailleurs (artistes) intermittents, en particulier les artistes, par rapport à la réglementation du chômage, il y a, d'une part, la volonté d'éviter que la réglementation relative au chômage soit une source d'exclusion pour les intermittents et, d'autre part, la volonté de maintenir le principe que l'assurance chômage reste une assurance contre le chômage volontaire et que ses principes fondamentaux restent applicables à cette catégorie de travailleurs.
15. [...] à l'occasion de l'élaboration de l'arrêté royal du 23 juillet 2012, l'exécutif [...] ne motive pas formellement la mesure de limite dans le temps de la neutralisation de la dégressivité des allocations de chômage pour cette catégorie précise de travailleurs. Ni rapport au Roi, ni même un préambule pour éclairer l'objectif de la mesure.
Le titre de l'arrêté royal du 23 juillet 2012 permet de constater l'objectif général de renforcer la dégressivité des allocations, ce qui, selon l'ONEM, et outre l'effet

8ème feuillet
budgétaire, répondait à la préoccupation particulière du gouvernement d'inciter les bénéficiaires d'allocations à reprendre plus facilement le travail [...].
Le seul énoncé du titre de cet arrêté royal ne suffit pas pour légitimer la différence de traitement incriminée. Il donne par contre une indication sur le cadre dans lequel la mesure doit être examinée pour en vérifier le caractère discriminatoire.
16. Selon le régime de dégressivité généralement applicable à l'ensemble des travailleurs, tel qu'en vigueur suite à l'arrêté royal du 23 juillet 2012, des périodes de travail d'une durée minimale (trois mois) durant la période de chômage permettent de retarder le moment où l'allocation est réduite au taux forfaitaire ; cette condition est raisonnablement impossible à remplir par un travailleur intermittent. Il en va de même de la condition d'occupation (12 mois) pour retrouver un taux plus élevé d'allocations.
Ainsi que le relève (le défendeur) [...],‘le travailleur intermittent qui entre dans la deuxième période d'indemnisation est soumis aux conditions de droit commun que, généralement, il lui est impossible de réunir. En effet, en raison du caractère intermittent et de très courte durée de son occupation professionnelle, il peut difficilement comptabiliser un passé professionnel en termes d'années comme le prévoit l'article 114, § 1er, alinéas 5 et 6, de l'arrêté royal. Soumis au droit commun de la dégressivité, il entre très rapidement, c'est-à-dire, à l'issue des deux mois de la première phase de la deuxième période, dans la troisième période et l'indemnisation forfaitaire. Il n'a en outre généralement pas de possibilité d'un retour en deuxième ou en première période, ce retour étant, dans le droit commun, soumis à la condition d'une occupation de douze mois pendant une période de référence de 18 mois (article 116, § 1er, de l'arrêté royal)'.
L'ONEM soulève que le travailleur intermittent qui se trouve en deuxième période d'indemnisation présente une première période de chômage de douze mois pendant laquelle il n'a pas pu établir qu'il était exclusivement occupé dans des contrats de très courte durée.
La cour constate toutefois que le critère limitant l'application du système dérogatoire à la première période d'indemnisation a pour effet que le travailleur intermittent se trouvant en deuxième période d'indemnisation se verra dans l'impossibilité raisonnable d'éviter une dégressivité rapide plus ample de ses allocations ou de retrouver un montant d'allocations plus élevé, sauf s'il change d'activité professionnelle.
Pour ces travailleurs, limiter la non-dégressivité à la première période d'indemnisation dans les conditions prévues par l'article 116, § 5, emporte des effets disproportionnés.
Les textes invoqués par l'ONEM (accord du gouvernement, note de politique générale de la ministre de l'Emploi) permettent aussi de retenir [...] que le renforcement (général) de la dégressivité des allocations de chômage devait, dans l'optique du gouvernement, s'accompagner de mesures d'assouplissement et de simplification pour mieux tenir compte de situations particulières (travail à temps partiel, intérim, courte durée, contrats à durée déterminée). Cette précaution indique que le gouvernement était conscient de la situation spécifique de ces travailleurs face au renforcement de la dégressivité des allocations. Exclure d'office les travailleurs intermittents ne se trouvant plus en première période d'indemnisation les expose à la discrimination dénoncée.

9ème feuillet
Dans ces circonstances, le contexte général d'une volonté d'assainissement budgétaire ne suffit pas pour écarter le caractère discriminatoire de la différence de traitement subie par les intermittents en seconde période d'indemnisation, que ce soit à l'égard des intermittents en première période d'indemnisation ou (cf. les moyens soulevés) à l'égard des autres travailleurs en seconde période d'indemnisation.
[...]
La différence de traitement repose sur un critère de distinction qui n'est pas raisonnablement justifié par rapport au but et aux effets de la mesure prise. En conséquence, par application de l'article 159 de la Constitution, il y a lieu d'écarter, dans la mesure de cette discrimination à l'égard des travailleurs intermittents ne se trouvant plus en première période d'indemnisation, l'application de l'article 116, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 dans sa version en vigueur depuis le 1er novembre 2012 et d'appliquer à la présente contestation la version précédente de cette disposition.
b) Portée du texte en vigueur avant le 1er novembre 2012
17. [...] l'ONEM conteste que la version de l'article 116, § 5 telle qu'en vigueur jusqu'au 1er novembre 2012 permettait le maintien de l'indemnisation pour les travailleurs indemnisés en première période.
18. La cour ne partage pas cette [...] position de l'ONEM. La version de l'article 165, § 5, d'application avant le 1er novembre 2012 ne limite pas la non-dégressivité de l'allocation aux travailleurs en première période d'indemnisation.
19. L'historique de la disposition est le suivant : [...].
20. Comme dans sa version antérieur, le libellé du texte de l'article 116, § 5, tel que modifié par l'arrêté royal du 11 janvier 2009 et confirmé par l'arrêté royal du 19 mai 2009 a pour effet que, lorsqu'il y a lieu de déterminer le montant de l'allocation en fonction de la durée du chômage, les périodes de chômage d'un travailleur occupé exclusivement dans des contrats de très courte durée sont neutralisées. La lecture de ce libellé ne permet pas de constater que le bénéfice de la non-dégressivité serait désormais limité aux seuls travailleurs se trouvant en première période d'indemnisation.
Une telle limitation n'est pas non plus implicite ou, en tout cas, aucun élément auquel la cour peut avoir égard ne lui permet de retenir une telle interprétation consistant à décréter la volonté de l'auteur de la norme de réduire les droits des travailleurs concernés. L'arrêté royal n'est pas précédé d'un rapport au Roi. Le préambule de l'arrêté royal justifie l'urgence de la mesure en se référant à la volonté d'exécuter au plus tôt des propositions menant à une augmentation des allocations de certains chômeurs, et à un soutien de la consommation. Ces quelques explications ne confortent certainement pas, à partir de la volonté de l'auteur de la norme, une interprétation de la modification apportée par cet arrêté royal de 2009 dans le sens d'une limitation des avantages octroyés aux travailleurs occupés dans des contrats de très courte durée.

10ème feuillet
21. La Cour constate que la pratique administrative de l'ONEM allait dans le sens retenu ci-dessus. Toutefois, la conclusion de la cour ne se fonde pas sur cette pratique administrative ; elle se fonde sur des considérations autres.
c) Conséquences
22. Le fait que (le défendeur) était en seconde période d'indemnisation ne lui fait pas perdre le bénéficie de la non-dégressivité prévu dans l'article 116, § 5, que ce soit avant ou après le 1er novembre 2012.
(Le défendeur) répond aux conditions d'une occupation exclusive sous contrats de très courte durée au cours de la période de référence allant du 19 août 2011 au 18 août 2012, puis du 19 août 2012 au 18 août 2013.
23. L'article 115, § 5, a été à nouveau modifié par l'arrêté royal du 7 février 2004 entré en vigueur le 1er avril 2014. [...] la durée de l'avantage acquise avant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, le 31 mars 2014, reste acquise après ladite entrée en vigueur jusqu'à son terme.
(Le défendeur) a en conséquence droit au bénéfice de la non-dégressivité de l'allocation du 19 août 2012 au 18 août 2014 ».
Griefs
Première branche
D'une part, la règle de l'égalité des Belges devant la loi, contenue dans l'article 10 de la Constitution, et celle de la non-discrimination dans la jouissance des droits et des libertés reconnus aux Belges, contenue dans l'article 11 de la Constitution, impliquent que tous ceux qui se trouvent dans la même situation soient traités de la même manière, mais n'excluent pas qu'une distinction soit faite entre différentes catégories de personnes pour autant que le critère de distinction soit susceptible de justification objective et raisonnable. L'existence d'une telle justification doit s'apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure prise. Le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
D'autre part, en vertu de l'article 159 de la Constitution, le juge ne peut refuser d'appliquer un arrêté royal que pour autant qu'il ne soit pas « conforme aux lois ».

11ème feuillet
Premier rameau
Certes, tous les travailleurs qui effectuent du travail intermittent dans le secteur professionnel artistique où il est d'usage de ne travailler que dans les liens de contrats de très courte durée, « se trouvent dans un schéma professionnel identique au regard du marché de l'emploi » et ils sont confrontés à une difficulté particulière à remplir les conditions d'occupation requises par l'article 116, §§ 1er et 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage pour échapper à la dégressivité dans le temps du montant des allocations de chômage prévue à l'article 114, §§ 1er, 2 et 3, dudit arrêté royal (arrêt, point 11). Toutefois, au regard de l'article 116, § 5, dudit arrêté royal, ces travailleurs ne se trouvent pas dans une même situation selon qu'ils se trouvent dans la première période d'indemnisation du chômage au cours de laquelle, conformément à l'article 114, § 1er, ils ont droit au montant maximum de l'indemnité, ou dans deuxième période d'indemnisation au cours de laquelle ils ont droit à un montant réduit conformément à l'article 114, § 2.
L'article 116, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, tel que modifié par l'arrêté royal du 23 juillet 2012, mais avant sa modification par l'arrêté royal du 7 février 2014, dispose :
« Sans préjudice de l'application des §§ 1er et 2, le travailleur qui est occupé exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée, a droit, à l'expiration de la troisième phase de la première période d'indemnisation, pour une période de douze mois, à l'allocation journalière prévue pour cette troisième phase, calculée toutefois en fonction du montant limite A visé à l'article 111, s'il prouve que, dans une période de référence de douze mois précédant l'expiration de cette troisième phase, il était toujours occupé exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée.
La disposition de l'alinéa précédent n'est pas applicable au travailleur occupé dans l'industrie hôtelière.
L'avantage de l'alinéa 1er est à nouveau octroyé pour douze mois, si le travailleur prouve qu'il était, dans une période de référence de douze mois qui précède l'expiration de l'avantage précédemment octroyé, exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée ».
Dès lors que, à l'expiration de ses douze premiers mois de chômage, le travailleur visé à la disposition précitée établit qu'il a été, pendant cette période, exclusivement occupé dans les liens de contrats de très courte durée, il conserve ses allocations de chômage au taux qui y est indiqué, échappant ainsi au principe de la dégressivité dans le temps des allocations de chômage prévu aux articles

12ème feuillet
114, §§ 1er à 3, et 116, §§ 1er et 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991. Cette disposition de l'arrêté royal a ainsi tenu compte de la particularité résultant de ce que le travail dans le cadre de contrats de très courte durée constitue le mode habituel d'occupation de cette catégorie de travailleurs.
En revanche, si à l'expiration de ses douze premiers mois de chômage, le travailleur n'a pas pu se prévaloir d'une telle occupation exclusive, il ne bénéficie plus de ce régime particulier, à défaut pour lui d'établir que le travail dans un tel cadre constitue effectivement son mode habituel d'occupation.
Les travailleurs qui établissent ou non leur occupation exclusive dans les liens de contrats de très courte durée au cours de la période des douze premiers mois de chômage, ne se trouvent pas dans une même situation ou dans une situation comparable, les uns ayant fait la preuve que le travail dans le cadre de contrats de très courte durée constitue leur mode habituel d'occupation, les autres non.
En refusant d'appliquer au défendeur l'article 116, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, tel qu'il a été modifié par l'arrêté royal 23 juillet 2012, au motif « qu'il soit en première ou en seconde période d'indemnisation, un travailleur occupé exclusivement dans des contrats de très courte durée comme visé par l'article 116, § 5, de l'arrêté royal, se retrouve dans une situation comparable au regard de l'objectif voulu par cette disposition » (arrêt, point 11) et qu'il en résulte une discrimination ou une rupture d'égalité entre travailleurs se trouvant dans une situation comparable (arrêt, point 16), alors que tel n'est pas le cas, l'arrêt méconnaît : 1°) les articles 10 et 11 de la Constitution (violation desdits articles 10 et 11 de la Constitution), 2°) l'article 116, § 5, précité de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage en refusant de l'appliquer alors qu'il ne méconnaît pas les articles 10 et 11 de la Constitution (violation dudit article 116, § 5 et, pour autant que de besoin, des articles 114, §§ 1er, 2 et 3 et 116, §§ 1er et 2 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 dans leur version modifiée par l'arrêté royal du 23 juillet 2012) et l'article 159 de la Constitution en en faisant application à une disposition réglementaire qui est légale (violation de l'article 159 de la Constitution).
Second rameau (subsidiaire au premier)
Pour autant que les tous les travailleurs occupés exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée se trouvent dans une situation comparable au regard de la difficulté de remplir les conditions d'occupation requises par l'article

13ème feuillet
116, §§ 1er et 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage pour échapper à la dégressivité dans le temps du montant des allocations de chômage prévue à l'article 114, §§ 1er, 2 et 3, dudit arrêté royal, la distinction opérée entre ces travailleurs par l'article 116, § 5, dudit arrêté royal, tel qu'il a été modifié par l'arrêté royal 23 juillet 2012, selon qu'ils se trouvent ou non dans la première période d'indemnisation visée aux articles 114, § 1er, et 116, § 1er, de l'arrêté royal n'est pas dénuée de justification objective et raisonnable en sorte qu'elle ne peut constituer une violation des articles 10 et 11 de la Constitution.
En effet si le chômeur qui prétend à échapper à la dégressivité dans le temps du montant des allocations de chômage parce qu'il effectue son travail exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée, se trouve en deuxième période d'indemnisation, c'est parce qu'il n'a pas pu prouver cette occupation exclusive pendant les douze premiers mois de son chômage. Il n'est pas déraisonnable de ne pas accorder l'avantage de la non-dégressivité des allocations aux travailleurs qui, au départ, n'étaient pas dans les conditions d'en bénéficier à cause de leur occupation professionnelle, laquelle ne se déroulait pas exclusivement des liens de contrats de très courte durée, et qui, en cours de chômage, changent d'orientation professionnelle pour ne plus travailler désormais qu'en vertu de contrats de très courte durée.
En entendant ne faire bénéficier de l'avantage de la non-dégressivité dans le temps du montant des allocations de chômage que les seuls travailleurs qui dès le début de leur chômage avaient un occupation professionnelle exercée exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée, le Roi a pris une décision qui n'est pas dénuée de justification objective et raisonnable au regard du but et des effets de la mesure prise, à savoir, comme le constate l'arrêt, renforcer la dégressivité des allocations et tenir compte de la situation spécifique des travailleurs intermittents au regard de la règle générale de la dégressivité (voir arrêt, points 10, 14, 15 et 16).
En décidant qu'il n'y a pas de justification raisonnable à l'article 116, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, tel qu'il a été modifié par l'arrêté royal 23 juillet 2012, en tant que cette disposition ne s'applique pas aux travailleurs qui se trouvent en deuxième période d'indemnisation, et en refusant dès lors d'appliquer au défendeur ledit article 116, § 5, tel que modifié par l'arrêté royal 23 juillet 2012, l'arrêt méconnaît 1°) les articles 10 et 11 de la Constitution (violation desdits articles 10 et 11 de la Constitution), 2°) l'article 116, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation de chômage ainsi modifié en refusant d'en faire application alors

14ème feuillet
qu'il est légal (violation dudit article 116, § 5, et pour autant que de besoin également des articles 114, §§ 1er, 2 et 3, et 116, §§ 1er et 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 dans leur version modifiée par l'arrêté royal du 23 juillet 2012) ainsi que l'article 159 de la Constitution en en faisant application à une disposition réglementaire qui est légale (violation desdits articles 159 de la Constitution).
Deuxième branche
Le défendeur, dans ses conclusions d'appel additionnelles et de synthèse, et le ministère public, dans son avis écrit donné à la cour du travail, s'étaient bornés à soutenir que l'article 116, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, tel que modifié par l'arrêté royal du 23 juillet 2012, avait pour les travailleurs intermittents en deuxième période d'indemnisation un caractère discriminatoire à l'égard des travailleurs intermittents en première période d'indemnisation, mais ils n'avaient pas soutenu que cette disposition aurait aussi un tel caractère à l'égard des autres travailleurs en deuxième période d'indemnisation.
L'arrêt attaqué énonce que « dans ces circonstances, le contexte général d'une volonté d'assainissement budgétaire ne suffit pas pour écarter le caractère discriminatoire de la différence de traitement subie par les intermittents en seconde période d'indemnisation, que ce soit à l'égard des intermittents en première période d'indemnisation ou (cf. les moyens soulevés) à l'égard des autres travailleurs en seconde période d'indemnisation » (arrêt, point 16). En ne donnant pas au demandeur la possibilité de faire valoir ses moyens de défense en ce qui concerne la prétendue discrimination entre « les intermittents en seconde période d'indemnisation » et « les autres travailleurs en seconde période d'indemnisation », élevée d'office par la cour du travail alors que le demandeur ne pouvait raisonnablement prévoir que cette question fût élevée, l'arrêt attaque viole principe général du droit relatif aux droits de la défense.
Troisième branche
Avant sa modification par l'arrêté royal 23 juillet 2012, l'article 116, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage disposait :

15ème feuillet
« Le travailleur visé à l'article 28, § 3,2 est considéré comme un travailleur qui se trouve dans la première période de six mois visée à l'article 114, § 2, alinéa 3. 2 Il s'agit des travailleurs portuaires, des travailleurs relevant de la sous-commission paritaire pour le commerce de combustibles de la Flandre orientale et des travailleurs relevant de la commission paritaire de la pêche maritime.
Pour le calcul des périodes de chômage visées à l'article 114, il n'est pas tenu compte de la durée du chômage du travailleur non visé à l'article 28, § 3, qui est occupé exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée. L'allocation journalière de ce travailleur est, à l'expiration des douze premiers mois de chômage calculés conformément aux articles 114 et 116, §§ 1 à 4 et 6, fixée en prenant en considération le montant limite A visé à l'article 111, alinéa 4.
La disposition de l'alinéa précédent n'est pas applicable au travailleur occupé dans l'industrie hôtelière ».
Les termes « à l'expiration des douze premiers mois de chômage » utilisés dans l'alinéa 2 de l'article 116,§ 5, précité ont pour portée que l'application de cette disposition est limitée aux travailleurs qui se trouvent dans la première période d'indemnisation de douze mois visée aux articles 114, § 1er, et 116, § 1er, avant leur modification par l'arrêté royal 23 juillet 2012, et ce quels que soient l'historique de la disposition précitée ou la pratique administrative, à laquelle l'arrêt ne se réfère d'ailleurs pas (voir arrêt, point 21).
L'arrêt attaqué estime que l'article 116, § 5, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, avant sa modification par l'arrêté royal 23 juillet 2012, « n'exige pas, comme condition de son application, que le travailleur ait une occupation exclusive dans des contrats de courte durée dès le début de son admissibilité au chômage » (arrêt, point 5) et décide que, par application de cette disposition dans cette version, le défendeur, qui se trouve en deuxième période d'indemnisation, ne perd pas le bénéfice de la non-dégressivité dans le temps des allocations de chômage (arrêt, point 20). L'arrêt viole ainsi ladite disposition, ainsi que les articles 114, §§ 1er, 2 et 3, et 116, §§ 1er et 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, tels qu'ils étaient rédigés avant leur modification par l'arrêté royal du 23 juillet 2012.

16ème feuillet
PAR CES CONSIDERATIONS,
l'avocat à la Cour de cassation soussigné, pour le demandeur en cassation, conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt attaqué ; ordonner que mention de votre arrêt soit faite en marge de la décision annulée ; renvoyer la cause et les parties devant une autre cour du travail et statuer sur les dépens comme de droit.

Bruxelles, le 8 juillet 2016

Pour le demandeur en cassation,
son conseil,
Paul Alain Foriers

Pièce jointe :
Il sera joint à la présente requête en cassation, lors de son dépôt au greffe de la Cour, l'original de l'exploit constatant sa signification au défendeur en cassation.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : S.16.0044.F
Date de la décision : 23/04/2018
Type d'affaire : arrêt

Analyses

Chomage ; allocation ; montant


Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-04-23;s.16.0044.f ?

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