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05/03/2018 | BELGIQUE | N°S.16.0033.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 mars 2018, S.16.0033.F


N° S.16.0033.F
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

C. L.-G.,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de d

omicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt r...

N° S.16.0033.F
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

C. L.-G.,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 10 février 2016 par la cour du travail de Liège.
Le 1er février 2018, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

1. L'article 23 de la Constitution implique, en matière de droit au travail et de droit à la sécurité sociale, une obligation de standstill qui s'oppose à ce que le législateur et l'autorité réglementaire compétents réduisent sensiblement le niveau de protection offert par la norme applicable sans qu'existent pour ce faire de motifs liés à l'intérêt général.
2. L'article 63, § 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, inséré par l'article 9 de l'arrêté royal du 28 décembre 2011, limite le droit aux allocations d'insertion à une période de 36 mois à partir du jour où le droit a été accordé pour la première fois et, au plus tôt, du 1er janvier 2012 ainsi que, en règle, du premier jour du mois qui suit le trentième anniversaire du jeune travailleur.
Jusqu'à l'entrée en vigueur de cette disposition, le droit aux allocations d'insertion, alors dénommées allocations d'attente, n'était pas limité dans le temps.
3. L'article 79ter, § 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 autorise des autorités locales à faire appel aux chômeurs inscrits à l'agence locale pour l'emploi pour effectuer des activités non rencontrées par les circuits de travail régulier afin de soutenir la politique de sécurité ; le chômeur qui est occupé dans ce cadre est appelé « assistant de prévention et de sécurité ».
En vertu de l'article 79ter, § 3, alinéa 2, de l'arrêté royal, la priorité est donnée aux candidats âgés d'au moins 40 ans. L'article 79ter, §§ 3, alinéa 3, et 4, alinéa 1er, fixe par mois l'horaire de l'assistant de prévention et de sécurité à 53 heures d'activité en moyenne et le salaire à un forfait de 374,18 euros. Suivant l'article 79ter, § 5, au cours des mois pendant lesquels il exerce cette activité, l'assistant de prévention et de sécurité est dispensé des obligations, prévues par les articles 51, § 1er, alinéa 2, 3° à 5°, 56 et 58, de se présenter auprès d'un employeur ou du service de l'emploi et de participer à un plan d'action individuel proposé par ce service de l'emploi, d'être disponible pour le marché de l'emploi, de rechercher activement un emploi et de rester inscrit comme demandeur d'emploi.
Ces dispositions des paragraphes 3 à 5 de l'article 79ter dérogent aux règles prévues par les articles 79 et 79bis de l'arrêté royal pour les activités en général effectuées par des chômeurs dans le cadre d'une agence locale pour l'emploi. En particulier, le Roi a maintenu au profit des seuls assistants de prévention et de sécurité la dispense des obligations de demander, rechercher et être disponible pour un autre emploi, supprimée pour les autres activités par l'arrêté royal du 16 février 2004.
Jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article 63, § 2, précité, les chômeurs bénéficiant d'allocations d'insertion, par priorité ceux âgés d'au moins 40 ans, avaient ainsi la possibilité d'exercer au profit des autorités locales, et étaient incités à le faire, des activités de prévention et de sécurité non rencontrées par les circuits de travail régulier, pendant un certain nombre d'heures et en contrepartie d'un salaire et ce, pour une durée indéterminée puisque ces activités dispensaient le chômeur de demander, rechercher et être disponible pour un autre emploi.
Ledit article 63, § 2, retire cette possibilité aux chômeurs dont le droit aux allocations d'insertion est épuisé et qui, par ailleurs, ne remplissent pas les conditions du droit aux autres allocations ou aides sociales prévues par l'article 8 de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, sachant que les journées d'activité comme assistant de prévention et de sécurité ne sont, en vertu de l'article 40 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, pas prises en considération pour le stage ouvrant le droit aux allocations de chômage proprement dites et que le revenu d'intégration et l'aide sociale dépendent d'autres conditions.
4. L'arrêt constate que la défenderesse, née le 24 janvier 1966, a bénéficié des allocations d'attente puis d'insertion et exercé, à partir de 1998 des activités d'assistante de prévention et de sécurité auprès de la police d'Arlon à raison de trois heures par jour, qu'une décision du 16 octobre 2013 de l'Office national de l'emploi l'a informée que son droit à ces allocations prendrait fin au 1er janvier 2015, sous réserve des prorogations éventuelles visées par la réglementation, et qu'à cette dernière date ont pris fin son droit aux allocations d'insertion et simultanément son emploi.
5. Il décide de « mesurer l'écart existant », quant à la « protection des droits de [la défenderesse] » au travail et à la sécurité sociale que consacre l'article 23 de la Constitution, « entre, d'une part, l'article 63, § 2, [précité] et, d'autre part, le dispositif régissant l'octroi des allocations d'attente tel qu'il était antérieurement conçu par [les] articles 36 et 63 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 [...] et de vérifier ensuite si le recul prétendu dans [cette protection] est ‘sensible' ou ‘significatif' et se trouve, ou non, justifié [par un motif d'intérêt général invoqué et démontré proportionnel à] l'objectif poursuivi » par ledit article 63, § 2.

Il considère que la « mesure spécifique de mise à l'emploi » que constitue le dispositif des assistants de prévention et de sécurité, « principalement axée sur des chômeurs de longue durée faisant partie d'un groupe d'âge rencontrant de plus grandes difficultés d'insertion sur le marché de l'emploi » et « adoptée par le [Roi] dans l'objectif de concrétiser, dans le chef de ces assurés sociaux, le droit au travail et à la sécurité sociale que consacre l'article 23 de la Constitution », « qui avait jusqu'alors été conçu[e] à durée indéterminée [...] et constituait la base de [l'] indemnisation [de la défenderesse] » « a, depuis le 1er janvier 2015, entièrement disparu par l'effet de la norme litigieuse, entraînant pour [la défenderesse] simultanément la perte de ses allocations et de son emploi » ainsi que « de la rémunération qui y était attachée ».
Par ces considérations, l'arrêt justifie légalement sa décision que l'article 63, § 2, précité réduit sensiblement le niveau de protection offert par la norme applicable aux droits de la défenderesse au travail et à la sécurité sociale.
6. Il considère ensuite que « la norme litigieuse a été dictée par des considérations budgétaires résultant de la nécessité de réaliser des économies, de sorte qu'elle répond à un motif d'intérêt général dont l'appréciation échappe au pouvoir judiciaire et reste la prérogative du [Roi] en charge de déterminer les options de la politique en matière de sécurité sociale », mais que :
- l'occupation de la défenderesse « pendant près de dix-sept ans, à hauteur d'un temps partiel avoisinant le mi-temps » constitue « une insertion durable sur le marché de l'emploi » ;
- la défenderesse a « rempli une mission dans l'intérêt de la collectivité » ;
- l'absence de cotisations de sécurité sociale et donc de contribution au financement de l'assurance-chômage est « inhérente au système conçu [par le Roi] dans l'objectif de mettre à l'emploi des chômeurs inscrits en agence locale pour l'emploi qui font partie du groupe-cible » sans que l'autorité locale « soit tenue au paiement des charges sociales qu'elle aurait dû régler si elle avait recouru [...] à l'engagement de travailleurs dans le circuit de travail régulier », ce qui constitue « une économie pour le budget fédéral » ;

- « le préambule de l'arrêté royal du 28 décembre 2011 vise expressément un programme de relance de l'emploi concernant en particulier les jeunes avec pour objectif de favoriser leur insertion plus rapide sur le marché de l'emploi, par le biais de mesures d'accompagnement et d'une transformation du stage d'attente en stage d'insertion professionnelle » mais non « la catégorie des assistants de prévention et de sécurité », qui concerne spécialement les chômeurs âgés comme la défenderesse d'au moins 40 ans, catégorie dont la mesure litigieuse « n'a aucunement pris en considération [la] situation spécifique » ;
- cette mesure cause aux assistants de prévention et de sécurité qui bénéficiaient des allocations d'insertion « un préjudice considérable consistant en la perte [...] de l'allocation [et] de l'emploi que son octroi conditionnait », « sans [...] compensation ou alternative » ;
- la perte de cet emploi « est [...] en contradiction frontale avec l'objectif affiché de mise à l'emploi » ;
- « vu le nombre restreint de chômeurs occupés en qualité d'assistants de prévention et de sécurité, l'impact budgétaire d'une prorogation de leur régime d'indemnisation par le biais des allocations [...] d'insertion aurait été relativement réduit ».
Par ces considérations, l'arrêt décide légalement que le motif d'intérêt général d'ordre budgétaire invoqué par le demandeur pour justifier le recul sensible du niveau de protection des droits de la défenderesse au travail et à la sécurité sociale est « sans aucun rapport de proportionnalité avec l'objectif poursuivi par la mesure ».
7. Par l'ensemble des énonciations précitées, l'arrêt décide légalement que l'article 63, § 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 appliqué à la défenderesse est contraire à l'article 23 de la Constitution.
En procédant ainsi au contrôle du respect de l'obligation de standstill imposée au Roi par cette disposition constitutionnelle, l'arrêt ne viole ni l'article 7, § 1er, alinéa 3, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944, qui charge le Roi de déterminer les conditions du droit aux allocations de chômage ni le principe général du droit de la séparation des pouvoirs.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :

Le moyen, en cette branche, reproche à l'arrêt d'apprécier le rapport de proportionnalité entre la mesure nouvelle et son objectif budgétaire sans prendre en considération la circonstance que les chômeurs dont le droit aux allocations d'insertion a pris fin peuvent continuer d'exercer des activités dans le cadre de l'agence locale pour l'emploi s'ils bénéficient du revenu d'intégration.
L'arrêt examine la réduction du niveau de protection des droits au travail et à la sécurité sociale de la défenderesse et non des chômeurs en général, sans être critiqué à cet égard par la première branche du moyen. Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la défenderesse ait rempli les conditions du droit au revenu d'intégration depuis la perte des allocations d'insertion le 1er janvier 2015. Il n'est pas au pouvoir de la Cour de rechercher ce fait.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de sept cent quatre-vingt-huit euros cinq centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte, Eric de Formanoir et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du cinq mars deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin E. de Formanoir
M.-Cl. Ernotte M. Delange Chr. Storck


Requête

1er feuillet

00160263
REQUÊTE EN CASSATION
POUR : L'OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, en abrégé ONEm, établissement public ayant son siège social à 1000 Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7, inscrit à la BCE sous le n° 0206.737.484,
demandeur en cassation,
assisté et représenté par Me Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation soussigné, dont le cabinet est établi à 1050 Bruxelles, avenue Louise, 149 (bte 20), où il est fait élection de domicile,
CONTRE : Madame C. L.-G.,
défenderesse en cassation.
* *
*
A Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation,
Messieurs,
Mesdames,
Le demandeur en cassation a l'honneur de soumettre à votre censure l'arrêt rendu contradictoirement entre les parties le 10 février 2016 par la cour du travail de Liège, division de Neufchâteau (8ème chambre, R.G. n° 2015/AU/48). 2ème feuillet

À l'encontre de cet arrêt, le demandeur fait valoir le moyen de cassation suivant.
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Dispositions légales et principes généraux du droit violés
- articles 23, 33, 36, 37, 40,105, 108 et 159 de la Constitution ;
- article 12 de la Charte sociale européenne faite à Turin le 18 octobre 1961 et approuvée par la loi du 11 juillet 1990 ;
- articles 2 et 9 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels fait à New York le 16 décembre 1966, signé et ratifié par la Belgique respectivement les 10 décembre 1968 et 21 avril 1983 ;
- articles 7, § 1er, alinéa 3, et 8, § 3, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs,
- article 20 de la loi du 7 avril 1999 relative au contrat ALE ;
- articles 36, § 1er, alinéa 1er, et 63, § 2, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, tels que modifiés par l'arrêté royal du 28 décembre 2011 modifiant les articles 27, 36, 36ter, 36quater, 36sexies, 40, 59quinquies, 59sexies, 63, 79, 92, 93, 94, 97, 124 et 131septies de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage ;
- article 1er de l'arrêté royal du 17 décembre 1999 relatif aux travailleurs ALE dont la rémunération est payée par les centres publics d'aide sociale ;
- principe général du droit de la séparation des pouvoirs ;
- principe général du droit de proportionnalité contenu dans l'article 23 de la Constitution.

Décision et motifs critiqués
I. Les faits et les antécédents constatés par l'arrêt attaqué peuvent être résumés comme suit :
La défenderesse, née en 1966, ayant terminé un cycle d'études et accompli un stage d'attente, a été admise au bénéfice des allocations d'attente en 1987 sur pied de l'article 36 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation 3ème feuillet

du chômage qui permettait l'octroi d'allocations d'attente sans limitation dans le temps. Depuis 1998, elle a travaillé en qualité d'assistante de prévention et de sécurité auprès de la police de la ville d'Arlon, à raison de 70 heures par mois, dans le cadre des activités organisées par une agence locale pour l'emploi (ALE), en application de l'article 79ter dudit arrêté royal. Elle bénéficiait d'une rémunération payée sous la forme de chèques ALE et d'une allocation de garantie de revenus ALE correspondant à l'allocation à laquelle elle avait droit pour le mois considéré diminué du montant des chèques ALE auquel elle pouvait prétendre, en vertu de 79, § 8, de ce même arrêté royal.
Compte tenu de la limitation à un maximum de trente six mois du droit aux allocations d'insertion qui ont remplacé les allocations d'attente depuis l'entrée en vigueur le 1er janvier 2012 de l'arrêté royal du 28 décembre 2011 modifiant notamment les articles 36 et 63 de l'arrêté royal précité du 25 novembre 1991, la défenderesse fut informée, le 16 octobre 2013, par son organisme de paiement, que son droit aux allocations d'insertion allait prendre fin le 1er janvier 2015.
La défenderesse contesta cette décision devant le tribunal du travail de Liège, division d'Arlon, par une requête du 16 janvier 2014, en faisant notamment valoir que la perte de son allocation d'insertion entraînera la perte de son contrat ALE, car elle ne serait plus alors dans les conditions pour travailler en ALE.
Par jugement du 12 mai 2015, le tribunal du travail « dit la demande recevable et fondée ; dit pour droit qu'à dater du 1er janvier 2015, (la défenderesse) n'est pas dans les conditions de fin de droit ses allocations d'insertion eu égard à la prolongation de son droit ; annule la décision litigieuse qui met un terme au paiement des allocations dues à partir du 1er janvier 2015 ».
Le demandeur interjeta appel.
II. Par l'arrêt attaqué, la cour du travail de Liège, division de Neufchâteau, « dit l'appel recevable mais non fondé ; annule la décision administrative litigieuse et rétablit (la défenderesse) dans ses droits aux allocations d'insertion à partir du 1er janvier 2015, quoique sur la base d'une motivation partiellement différente de celle développée dans le jugement dont appel ; condamne par conséquent (le demandeur) à payer à (la défenderesse) les allocations d'insertion dont elle a été illégalement privée depuis la date précitée ; réservant à statuer pour le surplus, [...] ordonne [...] la réouverture des débats » concernant le dommage matériel et moral complémentaire que la défenderesse déclare avoir subi en suite de la perte de son emploi et des primes ALE qui y étaient attachées. 4ème feuillet

III. L'arrêt attaqué fonde cette décision sur tous ses motifs de ses pages 12 à 26 censés littéralement reproduits et spécialement sur les motifs résumés comme suit :
Certes les articles 12 de la Charte sociale européenne, 2 et 9 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels sont dépourvus d'effet direct, mais ils « fixent un objectif à atteindre que le destinataire de la norme - l'État - ne doit pas réaliser immédiatement mais vers lequel il doit tendre progressivement » et « constituent le fondement supranational actuel des obligations de standstill plus correctement définies par l'expression française de ‘l'effet cliquet' laissant entendre qu'une fois acquis un certain seuil de protection, le retour en arrière n'est pas possible sans engendrer une atteinte aux obligations internationales de l'État ». « [...] à tout le moins, ces dispositions supranationales constituent le fond interprétatif des la consécration constitutionnelle du droit au travail et à la sécurité sociale » (arrêt, p. 14).
L'article 23 de la Constitution qui consacre le droit au travail et à la sécurité sociale « comporte [...] une obligation de maintien des normes, ‘standstill' » (arrêt, p. 15), consacrée par la doctrine et la jurisprudence, sans toutefois que la Cour de cassation ait reconnu en l'obligation de standstill un principe général du droit (arrêt, p. 16). « [...] l'article 23 de la Constitution est bien assorti d'une obligation de non-régression faisant interdiction au législateur de légiférer à rebours de droits qu'il a antérieurement consacrés, sans qu'il ait préalablement veillé à démontrer l'existence d'un intérêt général justifiant le recul sensible ou significatif opéré de la sorte. La mise en oeuvre de cet effet cliquet nécessite dès lors une analyse rigoureuse des textes légaux et réglementaires servant de base à la comparaison et des motifs invoqués au titre de l'intérêt général ainsi que de leur rapport de proportionnalité à l'objectif poursuivi » (arrêt, p. 18).
« [...] la limitation à trois ans de la durée d'octroi des allocations d'attente désormais converties en allocations d'insertion a constitué, dans la situation spécifique de (la défenderesse), un recul significatif dans la consistance de ses droits : ce qui avait jusqu'alors été conçu comme à durée indéterminée par la norme de base et constituait la base de son indemnisation lui ayant permis l'accès à la fonction d'assistante de prévention et de sécurité a, depuis le 1er janvier 2015, entièrement disparu par l'effet de la norme litigieuse, entraînant pour elle simultanément la perte de ses allocations et de son emploi » (arrêt, p. 21). 5ème feuillet

« (Le demandeur) justifie ce recul par la considération qu'il concerne des assurés sociaux qui sont indemnisés sans avoir jamais travaillé et versé la moindre cotisation de sécurité sociale. Ce constat ne trouve en réalité pas à s'appliquer à la situation de (la défenderesse). En effet, celle-ci [...] a occupé pendant près de 17 ans, à hauteur d'un temps partiel avoisinant le mi-temps, un poste d'assistante de prévention et de sécurité auprès de la police d'Arlon. [...] ce faisant, elle a rempli une mission dans l'intérêt de la collectivité, tâche pour laquelle il a été considéré par l'autorité locale, conformément à l'article 79ter de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, qu'elle ne pouvait être rencontrée par les circuits de travail réguliers. S'il est en revanche exact que ses prestations de travail n'ont pas donné lieu au paiement de cotisations de sécurité sociale, cette absence de contribution au financement de l'assurance-chômage est inhérente au système conçu de la sorte par le législateur, dans l'objectif de mettre à l'emploi des chômeurs inscrits en agence locale pour l'emploi qui font partie du groupe cible des chômeurs de plus de 40 ans privilégiés par ledit article 79ter, §3, alinéa 2. Cette mesure de promotion de l'emploi implique la mise à disposition de ces assistants de prévention et de sécurité auprès d'une autorité locale sans que celle-ci soit tenue au paiement des charges sociales qu'elle aurait dû régler si elle avait recouru, pour remplir ces missions, à l'engagement de travailleurs dans le circuit de travail régulier. Il y a là, de toute évidence, une économie pour le budget fédéral » (arrêt, p. 22).
« Certes, (le demandeur) soulève à raison que la norme litigieuse a été dictée par des considérations budgétaires résultant de la nécessité de réaliser des économies de sorte qu'elle répond à un motif d'intérêt général dont l'appréciation échappe au pouvoir judiciaire et reste la prérogative du législateur en charge de déterminer les options de la politique en matière de sécurité sociale » (arrêt, p. 22). « [...] il peut être admis que la référence faite dans ce préambule [préambule de l'arrêté royal du 28 décembre 2011] ‘au cadre des efforts budgétaires devant être livrés par la Belgique pour justifier ces mesures structurelles contribuant à la réalisation de l'objectif budgétaire' constitue, dans l'absolu, un motif d'intérêt général » (arrêt, p. 23).
« Le débat ne porte cependant pas sur une appréciation in abstracto de l'intérêt général pouvant justifier la rétrogression des droits de tout bénéficiaire d'allocations d'attente converties en allocation d'insertion, mais bien d'examiner concrètement, dans la situation spécifique de (la défenderesse), si cette restriction significative pouvait frapper indistinctement deux groupes fondamentalement distincts d'assurés sociaux bénéficiaires de ces allocations d'insertion : d'une part, les jeunes chômeurs, admis dans le cadre de l'assurance-6ème feuillet

chômage sur la seule base de leurs études, sans jamais avoir travaillé ; et, d'autre part, les chômeurs âgés de 40 ans au moins qui, parce qu'ils sont inscrits en agence locale pour l'emploi, et répondent aux critères de l'article 79ter, précité, ont pu se voir confier par priorité la mission d'assistant de prévention et de sécurité [...] » (arrêt, p. 23).
« [...] la restriction opérée dans l'octroi des allocations d'attente converties en allocations d'insertion n'enfreindrait pas l'effet de standstill qu'à la seule condition que le recul significatif qu'elle engendre soit nécessaire, justifié et proportionnel. Or, [...] le préambule de l'arrêté royal du 28 décembre 2011 vise expressément un programme de relance de l'emploi concernant en particulier les jeunes avec pour objectif de favoriser leur insertion plus rapide sur le marché de l'emploi, par le biais de mesures d'accompagnement et d'une transformation du stage d'attente en stage d'insertion professionnelle » (arrêt, p. 23).
« L'invocation de l'intérêt général paraît pouvoir se justifier par rapport à ce groupe cible des jeunes chômeurs visés par cette réforme. De la catégorie des assistants de prévention et de sécurité, il n'est en revanche nullement question dans ce préambule de l'arrêté royal. [...] En revanche, ne peut se revendiquer de l'intérêt général [...] l'application indifférenciée de ce recul significatif au groupe spécifique de chômeurs antérieurement bénéficiaires d'allocations d'attente qui, comme (la défenderesse), établissent leur insertion durable sur le marché du travail en accomplissant la mission d'assistant de prévention et de sécurité auprès d'une autorité locale. En effet, la mesure adoptée à leur encontre par l'article 63, §2, précité n'a aucunement pris en considération leur situation spécifique et engendre dans leur chef un préjudice considérable consistant en la perte non seulement de l'allocation, mais encore de l'emploi que son octroi conditionnait, ce qui est [...] en contradiction frontale avec l'objectif affiché de mise à l'emploi visé dans le préambule de l'arrêté royal de 28 décembre 2001 » (arrêt, p. 24).
« [...] en effet le système d'indemnisation consistant à mettre des chômeurs inscrits en agence locale pour l'emploi à la disposition d'autorités locales aux fins de remplir des missions d'intérêt public constitue une forme de mise à l'emploi qui a été précisément adoptée par le législateur dans l'objectif de concrétiser, dans le chef de ces assurés sociaux, le droit au travail et à la sécurité sociale que consacre l'article 23 de la Constitution lu en cohérence avec les engagements internationaux de la Belgique consignés dans la Charte sociale européenne et le Pacte international concernant les droits économiques sociaux et culturels. Il ne pouvait par conséquent y être mis fin sans que soit invoqué et 7ème feuillet

démontré un motif d'intérêt général proportionnel à l'objectif poursuivi » (arrêt, p. 25).
« A tout le moins, eût-il fallu que soit examiné avec soin par le législateur, lors de l'adoption de cette disposition réglementaire impliquant un recul significatif pour ce groupe de chômeurs, si l'objectif d'intérêt général poursuivi ne pouvait pas être atteint en ce qui les concerne par d'autres mesures qui leur soient moins préjudiciables voire par des mesures compensatoires assurant le respect de leur droit constitutionnel au travail et à la sécurité sociale. [...] Or, en l'espèce, (la défenderesse) se voit quant à elle privée par l'application de la disposition litigieuse, sans la moindre compensation ou alternative, du travail qu'elle accomplissait depuis près de 17 ans et de la rémunération qui y était attachée » (arrêt, p. 25).
« [...] vu le nombre restreint de chômeurs occupés en qualité d'assistant de prévention et de sécurité, l'impact budgétaire d'une prorogation de leur régime d'indemnisation par le biais des allocations d'attente converties en allocation d'insertion aurait été relativement réduit » (arrêt, p. 25).
« En conclusion, [...] en n'assortissant pas la mesure de limitation dans le temps des allocations d'insertion visée par l'article 63, § 2, précité, d'une dérogation visant la catégorie des assistants de prévention et de sécurité mis à la disposition d'une autorité locale par une agence locale pour l'emploi, l'arrêté royal du 28 décembre 2011 a créé, au préjudice de (la défenderesse), un recul significatif portant atteinte à l'essence même de son droit constitutionnel au travail et à la sécurité sociale, régression que ne justifie pas l'intérêt général aujourd'hui invoqué par (le demandeur) sans aucun rapport de proportionnalité avec l'objectif poursuivi par ladite mesure » (arrêt, p. 25).
« Le constat d'inconstitutionnalité qui frappe la décision litigieuse appliquée à (la défenderesse) doit conduire, conformément à l'article 159 de la Constitution, à écarter l'application à sa situation particulière de l'article 63, § 2, introduit dans l'arrêté royal du 25 novembre 1991 par celui du 28 décembre 2011. L'écartement de l'application de cet arrêté royal du 28 décembre 2011 aux faits de la présente cause a pour conséquence que trouve à s'appliquer au litige l'article 63 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 tel qu'en vigueur jusqu'à sa modification, le 1er janvier 2012, lequel ne fixait aucune limitation dans le temps à l'octroi des allocations d'attente/allocations d'insertion » (arrêt, p. 26). 8ème feuillet

Griefs
Première branche
I. L'article 23 de la Constitution implique en matière de droit au travail et à la sécurité sociale une obligation de standstill qui s'oppose à ce que le législateur ou l'autorité réglementaire compétents réduisent sensiblement le niveau de protection de la norme applicable sans qu'existent pour ce faire des motifs liés à l'intérêt général.
Lorsque le Roi s'est vu déléguer par le législateur fédéral le pouvoir de réglementer une matière, il lui appartient d'apprécier si une réduction de la protection sociale qu'il envisage d'adopter se justifie dans l'intérêt général et n'est pas disproportionnée par rapport à ce dernier. Les cours et tribunaux ne peuvent à cet égard se substituer au Roi pour procéder à cette appréciation ; ils ne peuvent que vérifier si le Roi n'a pas manifestement violé la notion légale d'intérêt général, en imposant une réduction sensible des droits protégés sans aucun rapport de proportion avec l'intérêt général.
Ces principes découlent :
- du principe général du droit de la séparation des pouvoirs déduit notamment de l'article 33 de la Constitution (« Tous les pouvoirs émanent de la Nation. Ils sont exercés de la manière établie par la Constitution ») ;
- de l'article 36 de la Constitution relatif au pouvoir législatif fédéral (« Le pouvoir législatif fédéral s'exerce collectivement par le Roi, la Chambre des représentants et le Sénat ») ;
- des articles de la Constitution relatifs au pouvoir exécutif fédéral (article 37 : « Au Roi appartient le pouvoir exécutif fédéral, tel qu'il est réglé par la Constitution » ; article 105 : « Le Roi n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulières portées en vertu de la Constitution même » ; article 108 : « Le Roi fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des lois [...] » ;
- des articles de la Constitution relatifs au pouvoir judiciaire (article 40, alinéa 1er : « Le pouvoir judiciaire est exercé par les cours et tribunaux » ; article 159 : « Les 9ème feuillet

cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés généraux, provinciaux et locaux qu'autant qu'ils seront conformes aux lois »).
II. Dans la matière du chômage pour laquelle le législateur fédéral a chargé le Roi de faire la réglementation (arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, article 7, § 1er), c'est ce dernier qui apprécie si l'intérêt général justifie le cas échéant une réduction du niveau de protection accordée aux chômeurs, celle-ci fût-elle sensible ou significative.
III. L'arrêt attaqué constate que le préambule de l'arrêté royal du 28 décembre 2011 modifiant les articles 27, 36, 36ter, 36quater, 36sexies, 40, 59quinquies, 59sexies, 63, 79, 92, 93, 94, 97, 124 et 131septies de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, qui a converti les allocations d'attente en allocations d'insertion octroyées désormais pour une période limitée à trois ans, était le suivant :
« Vu la demande de l'urgence , motivée par la circonstance que dans le carde de son Programme national de réforme la Belgique s'est engagée à atteindre en 2020 un taux d'emploi de 73,2 % ; que par conséquent un programme de relance de l'emploi, en particulier pour les jeunes, doit être initié ; que dans l'accord du gouvernement il est notamment décidé, afin de favoriser une insertion plus rapide sur le marché de l'emploi et d'accompagner mieux les jeunes, de transformer le stage d'attente en stage d'insertion professionnelle et les allocations d'attente en allocations d'insertion ; qu'aussi dans le cadre des efforts budgétaires qui doivent être livrés par la Belgique, ces mesures structurelles contribuent à la réalisation de l'objectif budgétaire prévu ; que pour ces raisons le nouveau système doit être exécuté au plus vite possible et ceci déjà à partir du 1er janvier 2012 » (arrêt, p. 19).
L'arrêt attaqué admet que, en matière de sécurité sociale, l'appréciation de l'intérêt général « échappe au pouvoir judiciaire et reste la prérogative du législateur en charge de déterminer les options de la politique », que « la norme litigieuse a été dictée par des considérations budgétaires résultant de la nécessité de réaliser des économies de sorte qu'elle répond à un motif d'intérêt général » (arrêt, p. 22) et que « la référence faite dans ce préambule ‘au cadre des efforts budgétaires devant être livrés par la Belgique pour justifier ces mesures structurelles contribuant à la réalisation de l'objectif budgétaire' constitue, dans l'absolu, un motif d'intérêt général » (arrêt, p. 23). 10ème feuillet

IV. L'arrêt attaqué estime toutefois que cet objectif budgétaire ne permet pas de justifier que la nouvelle norme prise pour réaliser cet objectif (l'article 63, § 2, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, tel que modifié par l'arrêté royal du 28 décembre 2011, qui limite à 36 mois l'octroi des allocations d'insertion visées à l'article 36, § 1er) s'applique à la situation spécifique des chômeurs âgés de plus de 40 ans qui, inscrits en agence locale pour l'emploi, se sont vu confier par priorité la mission d'assistant de prévention et de sécurité auprès d'une autorité locale, aux motifs qui ceux-ci remplissent une mission dans l'intérêt de la collectivité qui ne peut être rencontrée par les circuits de travail réguliers ; que certes, leurs prestations ne donnent pas lieu à des cotisations de sécurité sociale, mais leur mise à disposition d'une autorité locale qui n'est pas tenue de payer des charges sociales, permet « une économie pour le budget fédéral » (arrêt, pp. 22) ; que ces chômeurs établissent leur insertion durable sur le marché de l'emploi, ce qui concrétise « le droit au travail et à la sécurité sociale que consacre l'article 23 de la Constitution lu en cohérence avec les engagements internationaux de la Belgique consignés dans la Charte sociale européenne et le Pacte international concernant les droits économiques sociaux et culturels » (arrêt, p. 24) et que l'impact budgétaire de leur indemnisation est relativement réduit (arrêt, p. 25), en sorte que, selon l'arrêt, il y a eu « un recul significatif portant atteinte à l'essence même [du] droit constitutionnel au travail et à la sécurité sociale, régression que ne justifie pas l'intérêt général [...] sans aucun rapport de proportionnalité avec l'objectif poursuivi par ladite mesure » (arrêt, p. 25)
En statuant de la sorte, sans pour autant constater que le Roi aurait manifestement méconnu la notion légale d'intérêt général et le principe de proportionnalité pouvant justifier, au regard de l'intérêt général, un recul sensible du niveau de protection accordée à un chômeur par la réglementation du chômage, alors que, en vertu de l'article 7, § 1er, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, c'est le Roi, chargé de faire cette réglementation, qui, en règle, est seul compétent pour apprécier ledit intérêt général, de même que les équilibres budgétaires à réaliser en vue de cet intérêt général par le biais de cette réglementation, l'arrêt attaqué viole tant l'article 7, § 1er, alinéa 3, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 que le principe général du droit de la séparation des pouvoirs, déduit notamment de l'article 33 de la Constitution, les articles de la Constitution relatifs au pouvoir législatif fédéral (article 36), au pouvoir exécutif fédéral (articles 37, 105 et 108) et au pouvoir judiciaire (articles 40, alinéa 1er, et 159), et le principe général de droit de proportionnalité contenu dans l'article 23 de la Constitution. 11ème feuillet

En refusant d'appliquer à la défenderesse les articles 36, § 1er, alinéa 1er, et 63, § 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, tels qu'ils ont été modifiés par l'arrêté royal du 28 décembre 2011, au motif que cette application viendrait en contraction avec l'obligation de standstill consacrée par l'article 23 de la Constitution « lu en cohérence avec les engagements internationaux de la Belgique consignés dans la Charte sociale européenne et le Pacte international concernant les droits économiques sociaux et culturels », alors que tel n'est pas le cas, l'arrêt viole en outre tant lesdits articles 36, § 1er, alinéa 1er, 63, § 2, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, tel qu'ils ont été modifiés par l'arrêté royal du 28 décembre 2011 que les articles 23 et 159 de la Constitution (et, pour autant que de besoin, les articles 12 de la Charte sociale européenne, 2 et 9 du Pacte international relatif aux droits économiques).
Seconde branche (subsidiaire à la première)
I. Aux termes de l'article 8, § 3, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, « les activités effectuées dans le cadre de l'agence locale pour l'emploi ne peuvent être accomplies que par soit : 1° des chômeurs complets indemnisés de longue durée ; 2° des chômeurs complets qui sont inscrits comme demandeurs d'emploi auprès d'un office régional de l'emploi et qui, soit : a) bénéficient du minimum de moyens d'existence prévu par la loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d'existence ; [...] ». Aux termes de l'article 1er de l'arrêté royal du 17 décembre 1999 relatif aux travailleurs ALE dont la rémunération est payée par les centres publics d'aide sociale , « les chômeurs complets qui sont inscrits comme demandeurs d'emploi auprès d'un office régional pour l'emploi et qui bénéficient soit d'un revenu d'intégration conformément aux dispositions de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale [...] peuvent s'inscrire volontairement auprès d'une agence locale pour l'emploi ».
Selon l'article 20 de la loi du 7 avril 1999 relative aux contrats de travail ALE, « sans préjudice des modes généraux d'extinction des obligations, les engagements résultant des contrats régis par la présente loi prennent fin : [...] 4° lorsque le travailleur ne répond plus aux conditions légales et réglementaires pour effectuer des prestations de travail dans le cadre d'un contrat de travail ALE ». 12ème feuillet

Il s'ensuit que le chômeur complet de longue durée qui cesse d'avoir droit aux indemnités payées par l'Office national de l'emploi, peut continuer à effectuer des prestations de travail dans le cadre du contrat de travail ALE s'il bénéficie du revenu d'intégration sociale à charge du CPAS. Les chômeurs complets qui perdent leur droit aux allocations d'insertion en vertu des articles 36, § 1er, alinéa 1er, et 63, «§ 2, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, tels que modifiés par l'arrêté royal du 28 décembre 2011, mais qui se trouvent dans une situation précaire permettant l'intervention du CPAS, ne se voient donc pas privés de leur rémunération ALE.
II. En considérant que la régression du droit au travail et à la sécurité sociale résultant de la modification des articles 36, § 1er, alinéa 1er, et 63, § 2, alinéa 1er, de l'arrêté royal précité du 25 novembre 1991 par l'arrêté royal du 28 décembre 2011, était « sans aucun rapport de proportionnalité » avec l'objectif budgétaire poursuivi par cette modification, et, partant, était contraire à l'article 23 de la Constitution, aux motifs que les chômeurs âgés qui bénéficiaient auparavant d'allocations d'attente et étaient insérés sur le marché de l'emploi en accomplissant une mission de prévention et de sécurité auprès d'une autorité locale, perdaient en raison de cette modification réglementaire leur travail ALE et la rémunération qui y était attachée, l'arrêt attaqué ne prend pas en considération, pour apprécier le rapport de proportionnalité entre la mesure nouvelle et cet objectif budgétaire, la circonstance, résultant des dispositions précitées de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944, de l'arrêté royal du 17 décembre 1999 et de la loi du 7 avril 1999, que les chômeurs les plus précarisés ne perdaient pas leur emploi ALE.
L'arrêt attaqué viole dès lors tant les articles 8, § 3, de l'arrêté royal précité du 28 décembre 1944, 1er de l'arrêté royal précité du 17 décembre 1999 et 20 de la loi précitée du 7 avril 1999, dont il omet de tenir compte dans son appréciation de la proportionnalité entre la norme nouvelle et l'intérêt général réalisé par l'objectif budgétaire, que l'article 23 de la Constitution, en ce que cette disposition constitutionnelle ne s'oppose pas à ce que l'autorité réglementaire compétente réduise sensiblement le niveau de protection du droit au travail et à la sécurité sociale s'il existe pour ce faire des motifs d'intérêt général qui ne sont pas hors de toute proportion avec la mesure de réduction du niveau de protection de ces droits (violation en outre, pour autant que de besoin, du principe général de droit de proportionnalité contenu dans ledit article 23 de la Constitution). 13ème feuillet

Observations
Première branche du moyen
Sans avoir reconnu en l'obligation de standstill un principe général du droit (Cass. 14 janvier 2004, Pas., 2004, n°19, avec les conclusions de M. l'avocat général Spreutels, dans une espèce qui concernait une importante régression dans la protection des victimes de violations graves du droit international humanitaire), votre Cour a cependant admis que « l'article 23 de la Constitution implique en matière de droit au travail et à la sécurité sociale une obligation de standstill qui s'oppose à ce que le législateur ou l'autorité réglementaire compétents réduisent sensiblement le niveau de protection de la norme applicable sans qu'existent pour ce faire des motifs liés à l'intérêt général » (Cass. 15 décembre 2014, R.G.,n° S.14.0011.F, avec les conclusions de. M. l'avocat général Genicot ; voir aussi Cass. 18 mai 2015, R.G., n° S.14.0042.F, avec les conclusions de. M. l'avocat général Genicot, dans une espèce qui concernait une réduction de la rémunération des agents d'une intercommunale). M. l'avocat général Genicot se référait à cet égard, dans les premières conclusions précitées, à un arrêt de la Cour constitutionnelle du 17 juillet 2014 (arrêt n° 107/2014) selon lequel « l'article 23 de la Constitution implique une obligation de standstill qui fait obstacle à ce que le législateur compétent réduise de manière sensible le niveau de protection qu'offre la législation applicable sans qu'existent pour ce faire des motifs liés à l'intérêt général » (considérant B.23).
En vertu du principe de la séparation des pouvoirs, l'appréciation de l'intérêt général justifiant la réduction du niveau de protection offert soit par une norme législative soit par une norme réglementaire appartient soit au législateur soit à l'auteur de cette norme réglementaire, mais non au pouvoir judiciaire qui ne peut exercer à cet égard qu'un contrôle marginal dans l'hypothèse où cette autorité réglementaire aurait manifestement méconnu la notion légale d'intérêt général.
En l'espèce, l'arrêt attaqué a constaté que la nouvelle norme en matière de chômage avait été justifiée par un objectif budgétaire selon les termes mêmes du préambule de l'arrêté royal modificatif, et a admis qu'un tel objectif relève de l'intérêt général. Il refuse toutefois d'appliquer la norme nouvelle à la défenderesse en vertu de l'obligation de standstill que comporte l'article 23 de la Constitution, au terme d'une analyse selon laquelle l'intérêt général ne justifie pas cette application. L'appréciation de l'intérêt général en matière de réglementation du chômage ne relève cependant du pouvoir judiciaire que d'une manière 14ème feuillet

marginale, en cas de méconnaissance manifeste de la notion légale d'intérêt général que l'arrêt n'a pas constatée.
Seconde branche du moyen
Dans l'appréciation du rapport de la proportionnalité entre la norme nouvelle, qui réduit le niveau de protection du droit au travail et à la sécurité sociale, et l'intérêt général réalisé par l'objectif budgétaire qui a présidé à cette norme nouvelle, l'arrêt omet de tenir compte de l'existence de dispositions protégeant les chômeurs se trouvant dans une situation précaire.
PAR CE MOYEN ET CES CONSIDÉRATIONS,
l'avocat à la Cour de cassation soussigné, pour le demandeur en cassation, conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt attaqué ; ordonner que mention de votre arrêt soit faite en marge de la décision annulée ; renvoyer la cause et les parties devant une autre cour du travail ; statuer sur les dépens comme de droit.
Bruxelles, le 12 mai 2016
Pour le demandeur en cassation,
son conseil,
Paul Alain Foriers
Pièce jointe :
Il sera joint à la présente requête en cassation, lors de son dépôt au greffe de la Cour, l'original de l'exploit constatant sa signification à la défenderesse en cassation.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : S.16.0033.F
Date de la décision : 05/03/2018

Analyses

CONSTITUTION ; CONSTITUTION 1994 (ART. 1 A 99) ; Article 23


Parties
Demandeurs : Office national de l'emploi
Défendeurs : C.L.G.

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-03-05;s.16.0033.f ?

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