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05/03/2018 | BELGIQUE | N°S.16.0027.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 mars 2018, S.16.0027.F


N° S.16.0027.F
CENTRE DE PROMOTION SOCIALE POUR ÉDUCATEURS, association sans but lucratif, dont le siège est établi à Liège (Grivegnée), rue des Fortifications, 25,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,

contre

1. M. T.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, o

ù il est fait élection de domicile,
2. COMMUNAUTÉ FRANÇAISE, représentée par son gouvernement, ...

N° S.16.0027.F
CENTRE DE PROMOTION SOCIALE POUR ÉDUCATEURS, association sans but lucratif, dont le siège est établi à Liège (Grivegnée), rue des Fortifications, 25,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,

contre

1. M. T.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
2. COMMUNAUTÉ FRANÇAISE, représentée par son gouvernement, en la personne du ministre-président, dont le cabinet est établi à Bruxelles, place Surlet de Chokier, 15-17,
défenderesse en cassation ou, à tout le moins, partie appelée en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2015 par la cour du travail de Liège.
Le 1er février 2018, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

En vertu de l'article 8 du décret de la Communauté française du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné, les actions naissant du contrat sont prescrites un an après la cessation de celui-ci ou cinq ans après le fait qui a donné naissance à l'action sans que ce dernier délai puisse excéder un an après la cessation du contrat.
Cette disposition s'applique aux actions tendant à l'exécution d'obligations qui prennent leur source dans le contrat de travail, telles que l'action du membre du personnel en paiement des sommes dues en raison de l'irrégularité du licenciement.
L'arrêt attaqué constate que le défendeur, membre du personnel de l'enseignement libre subventionné nommé à titre définitif auprès de la demanderesse, a introduit une action contre cette dernière parce qu'elle avait mis fin à sa charge de cours par une décision qu'un arrêt de la cour du travail de Liège du 21 janvier 2010 a jugée contraire aux dispositions du décret du 1er février 1993.
Il constate encore que le défendeur a fondé cette action sur l'article 36, § 3, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, introduit dans cette loi par l'article 105 du décret précité.
Suivant cette disposition, lorsque la décision du pouvoir organisateur d'un établissement d'enseignement libre subventionné mettant fin à la charge d'un membre du personnel engagé à titre définitif est déclarée contraire audit décret par un jugement ou un arrêt définitif d'une juridiction du travail et jusqu'au rétablissement du membre du personnel dans ses fonctions ou à la réalisation d'une autre condition, la subvention-traitement correspondant à la charge retirée est versée à ce membre du personnel ; celui-ci reçoit donc la subvention-traitement à laquelle il aurait eu droit s'il était resté en activité de service et, à partir de la notification du jugement ou de l'arrêt à l'administration, cette dernière la lui paie directement.
En décidant que cette action du défendeur fondée sur la contrariété du licenciement aux dispositions du décret, « n'est pas soumise au délai annal de prescription de l'article 8 de ce décret du 1er février 1993 », l'arrêt attaqué viole cette dernière disposition.
Le moyen est fondé.

Sur le surplus des griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner le second moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.

Sur la demande en déclaration d'arrêt commun :

La demanderesse a intérêt à ce que l'arrêt soit déclaré commun à la partie appelée à la cause devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur l'action du défendeur contre la demanderesse ;
Déclare l'arrêt commun à la Communauté française ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Mons.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte, Eric de Formanoir et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du cinq mars deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin E. de Formanoir
M.-Cl. Ernotte M. Delange Chr. Storck


Requête
POURVOI EN CASSATION

POUR : L'association sans but lucratif Centre de Promotion Sociale pour Educateurs, en abrégé CPSE, dont le siège est établi à 4030 Grivegnée (Liège), rue des Fortifications, 25, inscrite à la Banque-Carrefour des entreprises sous le numéro 0424.467.941,

Demanderesse en cassation, assistée et représentée par Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de Cassation soussignée, ayant son cabinet à 1000 Bruxelles, rue des Quatre-Bras, 6, chez qui il est fait élection de domicile,

CONTRE : 1. Monsieur M. T.,

2. La Communauté Française, représentée par son Gouverne¬ment, en la personne de son Ministre-Président, dont les bureaux sont établis à 1000 Bruxelles, Place Surlet de Chokier, 15/17, aux poursuites et diligences de Madame le Ministre de l'Enseignement de promotion sociale, de la jeunesse, des Droits des femmes et de l'Egalité des chances, dont les bureaux sont établis à 1000 Bruxelles, Place Surlet de Chokier, 15/17,

Défendeurs en cassation, la seconde à tout le moins appelée en déclaration d'arrêt commun,

* * *

A Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers,

Messieurs,
Mesdames,

La demanderesse a l'honneur de déférer à la censure de Votre Cour l'arrêt, rendu le 23 octobre 2015 par la sixième chambre de la Cour du travail de Liège, division Liège (R.G. 2014/AL/492).

FAITS ET RETROACTES

Le premier défendeur était à l'époque employé comme enseignant dans le réseau d'enseignement libre subventionné, fourni par l'asbl Centre de Promotion sociale pour éducateurs (CPSE).

Il travaillait dans cette école depuis 1981 et y disposait depuis 1993 jusqu'au 3 février 2005 d'une nomination à titre définitive pour 416 pé¬riodes sur un total de 800 périodes. Il était également chargé à titre temporaire de 161 périodes de cours.

Il était encore investi, en qualité d'enseignement temporaire, de charges de cours complémentaires auprès de l'Institut provincial d'enseignement de promotion sociale de Liège (IPEPS) et de l'Ecole PLURI-ELLES.

Le 4 mars 2002 il a été victime d'un premier accident du travail, lui causant d'importantes séquelles au pied droit, entraînant une incapacité de travail temporaire, total jusqu'au 31 août 2003 et à raison de 50 % de son temps de travail à partir du 1er septembre 2003.

A la fin du mois de décembre 2004 des pourparlers eurent lieu entre parties afin de déterminer s'il était ou non apte à reprendre son travail en janvier 2005 au CPSE.

Ceux-ci se sont prolongés au-delà de janvier 2005.

La demanderesse a considéré par courrier du 3 février 2005 que le premier défendeur, s'étant absenté pendant plus de 10 jours sans justifica¬tion, devait se voir appliquer l'article 72, § 1er, 2° du décret du 1er février 1993, fixant le statut des membres du personnel subsidié de l'enseignement libre subventionné, applicable au litige. La demanderesse a mis fin d'office, pour ce motif, au contrat de travail de l'intéressé avec effet au 1er janvier 2005. Le premier défendeur s'est donc vu privé de la charge de cours pour laquelle il avait été nommé définitivement.
Le premier défendeur a contesté la légalité de ce licenciement de¬vant les juridictions du travail.

Par citation du 26 décembre 2005 il a sollicité la condamnation de la demanderesse au paiement d'une somme de 25.000 euros à titre de dom¬mages et intérêts, à majorer des intérêts au taux légal depuis la date de la rup¬ture contractuelle. Il a ensuite portée sa demande à la somme de 275.189,05 euro. Le premier défendeur a complété cette demande par voie de conclu¬sions de synthèse, déposées en cours d'instance aux fins d'introduire une demande nouvelle fondée sur l'article 105, § 3 du décret du 1er février 1993.

Par jugement du 17 juin 2008 le Tribunal du travail de Liège a constaté le caractère irrégulier de la rupture en reconnaissant que le premier défendeur faisait valoir un motif médicalement justifié de son absence de re¬prise du travail en janvier 2005. Il a ensuite fait droit à la demande originaire, telle qu'étendue en cours d'instance en considérant que le préjudice découlant de cette rupture irrégulière devait être réparé par des dommages et intérêts fixés en équité à une somme de 55.000 euros.

Par contre, le tribunal a considéré que la demande nouvelle invi¬tant le tribunal à faire application du mécanisme spécifique de protection dont question était irrecevable au motif qu'elle avait été introduite de façon préma¬turée du fait qu'aucune décision judiciaire définitive n'était encore intervenue à la date à laquelle le tribunal avait pris la cause en délibéré et prononcé son jugement.

La demanderesse a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 21 janvier 2010 la Cour du travail de Liège, division Liège, a confirmé la décision en toutes ses dispositions, et ce après avoir constaté que la faute de la demanderesse a causé un dommage au premier défendeur, qui ne peut être évalué qu'ex aequo et bono et a fixé ensuite l'indemnité à la somme de 55.000 euros.

Cet arrêt est devenu définitif.

Entre-temps le premier défendeur qui avait repris un cours à temps partiel en qualité de temporaire auprès de deux autres pouvoirs organi¬sateurs, a été victime le 15 novembre 2006 d'un second accident survenu sur le chemin du travail, alors qu'il se rendait à Namur pour y remplir sa charge de cours. Il en résultera une nouvelle période d'incapacité temporaire totale cou¬rant jusqu'au 28 février 2013.

Le premier défendeur mettra son ex-employeur dans les trois se¬maines qui ont suivi le prononcé de l'arrêt du 21 janvier 2010, en demeure, par courrier du 19 février 2010, de le réintégrer, conformément à l'article 105, § 3, du décret du 1er février 1993, tant dans sa charge pour laquelle il bénéficiait d'une nomination définitive que pour les heures de cours à donner à titre tem¬poraire prioritaire, dont il considérait qu'elles auraient dû lui être conservées depuis son premier accident du travail.

Cette même revendication sera portée à la connaissance de la Communauté française par courrier du 20 février 2010, dont il sera accusé ré¬ception, par courrier du 12 mars 2010 du ministère de l'enseignement obliga¬toire et de promotion sociale, l'informant que son dossier était transféré à la direction des personnels de l'enseignement subventionné pour suite utile en vue d'une éventuelle régularisation de sa situation administrative et pécu¬niaire.

Cette demande de réintégration restera sans suite.

Par requête du 25 janvier 2013 le premier défendeur y demandait au Tribunal du travail de Liège de condamner la demanderesse à se pronon¬cer sur sa réintégration dans la charge de cours, dont il avait été irrégulière¬ment évincé, et de condamner solidairement la demanderesse et de la Com¬munauté française au paiement de la subvention-traitement qu'il postulait sur le fondement de l'article 105, § 3, du décret du 1er février 1993, pour la période courant depuis le retrait irrégulier de cette charge de cours jusqu'à son réinté¬gration.

Par jugement du 19 juin 2014 le Tribunal du travail de Liège a dé¬claré prescrits tous les chefs de la demande et a débouté le premier défendeur de l'intégralité de son action en le condamnant aux dépens.

Le premier défendeur a interjeté appel de cette décision.

Par l'arrêt du 23 octobre 2015 la Cour du travail de Liège a décla¬ré l'appel recevable et fondé, dit pour droit que l'action n'est ni prescrite, ni couverte par l'autorité de chose jugée, condamné solidairement les parties in¬timées au paiement à ce titre de la somme d'un euro provisionnel sur la somme évaluée sous toutes réserves à la somme de 228.661,14 euros, telle qu'arrêtée au 30 juin 2015, outre les intérêts, et jusqu'à ce que la demande¬resse se prononce sur la réintégration du premier défendeur, ou que survienne une cause de cessation définitive de ses fonctions pour des raisons indépen¬dantes du litige, dit pour droit qu'en cas de réintégration du premier défendeur la demanderesse sera tenue de le réintégrer également dans les charges de cours exercées à titre temporaire prioritaire, condamné à cet effet les deux parties intimées à produire les documents permettant de valoriser les charges de cours exercées en cette qualité par le premier défendeur, condamné les parties intimées solidairement à hauteur d'un euro provisionnel au titre de la régularisation de la situation du premier défendeur à l'égard de l'ONSS.

L'action incidente en intervention et garantie dirigée par la Com¬munauté française contre la demanderesse est déclarée recevable et fondée en son principe, la cour réservant à statuer sur le montant définitif des subven¬tions-traitements auquel peut prétendre l'intéressé, dans l'attente que les par¬ties établissent un décompte contradictoire compte tenu notamment du mon¬tant de celles auxquelles le premier défendeur pouvait prétendre postérieure¬ment à son accident du travail du 15 novembre 2006 jusqu'au 1er mars 2013, date de la consolidation des lésions, et ensuite tant que s'appliquera à mon¬sieur T. la protection consacrée par l'article 105, § 3, du décret du 1 février 1993. La cour remet ensuite la cause sine die à cet effet à charge de la partie la plus diligente d'en redemander fixation.

La demanderesse estime pouvoir présenter les moyens dévelop¬pés ci-après contre l'arrêt précité.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

- articles 2257 et 2262bis, § 1er, du Code civil,
- article 36, § 3, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement,
- articles 8, 72, § 1er, 2°, et 105 du décret du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subven¬tionné,

Décision attaquée

Par l'arrêt entrepris du 23 octobre 2015 la Cour du travail de Liège déclare l'appel du premier défendeur recevable et fondé, dit pour droit que l'action n'est ni prescrite, ni couverte par l'autorité de chose jugée, condamne solidairement la demanderesse et la seconde défenderesse au paiement à ce titre de la somme d'un euro provisionnel sur la somme évaluée sous toutes réserves à la somme de 228.661,14 euros, telle qu'arrêtée au 30 juin 2015, outre les intérêts, et jusqu'à ce que la demanderesse se prononce sur la réin-tégration du premier défendeur ou que survienne une cause de cessation dé¬finitive de ses fonctions pour des raisons indépendantes du litige, dit pour droit qu'en cas de réintégration du premier défendeur la demanderesse sera tenue de le réintégrer également dans les charges de cours exercées à titre tempo¬raire prioritaire, condamne à cet effet les deux parties intimées à produire les documents permettant de valoriser les charges de cours exercées en cette qualité par le premier défendeur, condamne les parties intimées solidairement à hauteur d'un euro provisionnel au titre de la régularisation de la situation du premier défendeur à l'égard de l'ONSS, déclare l'action incidente en interven¬tion et garantie dirigée par la Communauté française contre la demanderesse recevable et fondée en son principe, et réserve à statuer sur le montant défini¬tif des subventions-traitements auquel peut prétendre l'intéressé, dans l'attente que les parties établissent un décompte contradictoire compte tenu notamment du montant de celles auxquelles le premier défendeur pouvait pré¬tendre postérieurement à son accident du travail du 15 novembre 2006 jusqu'au 1er mars 2013, date de la consolidation des lésions, et ensuite tant que s'appliquera au premier défendeur la protection consacrée par l'article 105, § 3, du décret du 1 février 1993. La cour remet ensuite la cause sine die à cet effet à charge de la partie la plus diligente d'en redemander fixation.

Après avoir exposé aux pages 15 à 19 les principes gouvernant la prescription, tels qu'interprétés par la doctrine et la jurisprudence, elle consi¬dère :

"3.2.4. Dans le présent litige, il ne s'agit toutefois pas d'engagements souscrits par l'employeur durant l'exécution du contrat de travail, mais de l'application d'un mécanisme protecteur spécifique puisant sa source dans le décret et ne pouvant être mis en œuvre qu'après que le contrat eut été rompu et que le ca¬ractère irrégulier du retrait de la charge de cours d'un enseignant nommé à titre définitif eut été constaté par une décision judiciaire coulée en force de chose jugée.

3.3. La recherche de la cause de l'action

Cette question du lien direct, voire indirect, que doit entretenir l'action avec le contrat de travail pour être soumise au délai annal de prescription doit con¬duire à s'intéresser en l'espèce sur la cause de l'action faisant l'objet du pré¬sent litige.

(...)

3.4. Si l'on se penche maintenant sur l'action introduite par (le premier défen¬deur) dans le contexte spécifique du « statut » des membres du personnel en¬seignant subsidiés du réseau libre subventionné, il doit être admis que la cause de ladite action ne trouve pas sa source dans le contrat de travail qui le liait au pouvoir organisateur (de la demanderesse).

En effet, force est tout d'abord de constater que dans le droit fil de l'arrêt qui vient d'être cité, celle-ci porte sur le droit subjectif aux subventions-traitement auxquelles il peut prétendre sur la base de l'article 105, § 3 du décret précité du 1er février 1993, postérieurement à la cessation du contrat de travail, et, de surcroît, après qu'une décision judiciaire coulée en force de chose jugée eut consacré le caractère irrégulier du retrait de la charge de cours pour laquelle l'intéressé bénéficiait d'une nomination à titre définitif.

Ensuite, le droit subjectif ouvert de la sorte à l'intéressé a pour objet, non pas l'octroi d'une indemnité de licenciement - ce qui le distingue de l'action en paiement d'une indemnité compensatoire de préavis fondée sur la loi du 3 juil¬let 1978 - mais bien le paiement avec effet rétroactif de toutes les subventions-traitement, auxquelles il eût pu prétendre si le bénéfice de sa nomination à titre définitif ne lui avait pas été irrégulièrement retiré.

Il doit être souligné ici que ce droit est reconnu par l'article 105, § 3, dudit dé¬cret, alors même que les prestations de travail n'ont pas été effectuées et ce, dans l'objectif de replacer l'intéressé dans la position d'activité de service dans laquelle il aurait dû se trouver s'il n'avait été illégalement privé de ses fonc¬tions.

Ce qui a par ailleurs pour conséquence que ces subventions-traitement ne constituant pas la contrepartie du travail fourni, elles ne revêtent pas de carac¬tère rémunératoire de sorte que la prescription quinquennale de l'action pé¬nale issue de l'infraction ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce.

3.5. L'on voit bien que s'il ne peut être aucunement contesté que les relations entre cet enseignant et son pouvoir organisateur sont de nature contractuelle durant sa période d'activité de service, le mécanisme protecteur dont il reven¬dique aujourd'hui l'application a quant à lui un fondement exclusivement extra¬contractuel destiné à sanctionner et réparer l'illégalité commise par le retrait de sa charge de cours effectué en violation des dispositions du décret (en l'espèce, de l'article 72, § 1er, 2°, de ce décret), dont il a été dit par un arrêt coulé en force de chose jugée que ses conditions d'application n'étaient pas réunies en ce qui concerne Monsieur T., du fait que celui-ci justifiait son ab¬sence pour des raisons médicales.

Il doit être conclu de cette analyse que l'action dont la cour est saisie dans le cadre du présent litige, à la différence de celle qui avait été initialement intro¬duite devant elle et qui a fait l'objet de l'arrêt du 21 janvier 2010, ne trouve ni directement sa source dans le contrat de travail, ni même indirectement dans l'existence du contrat de travail qui a lié les parties jusqu'au 3 février 2005, mais bien dans l'article 105, § 3, du décret précité.

En effet, elle ne naît pas du contrat de travail qui a lié les parties, mais de l'illégalité commise par le retrait de la charge de cours pour laquelle l'enseignant bénéficiait d'une nomination à titre définitif, illégalité qui, une fois constatée par une décision judiciaire définitive, donne lieu à la mise en œuvre du mécanisme protecteur spécifique consacré par l'article 105, § 3, du décret du 1er février 1993 destiné à y mettre fin par l'incitation à la réintégration qu'il constitue par le biais d'un droit subjectif à la subvention-traitement afférent à toute la période durant laquelle l'intéressé a été irrégulièrement privé de ses fonctions.

L'action se fonde donc exclusivement sur la faute que constitue l'illégalité commise par le pouvoir organisateur à laquelle cette disposition du décret en¬tend, si possible, mettre fin par la réparation en nature via la réintégration de l'enseignant illégalement évincé de ses fonctions pour lesquelles il bénéficie d'une nomination définitive et, à défaut, réparer par équivalent par l'octroi des subventions-traitement dont il aurait pu bénéficier sans cet acte fautif.

3.6. Il s'ensuit que l'action n'est pas soumise au délai annal de prescription de l'article 8 du décret du 1er février 1993, mais bien au régime de droit commun de prescription des actions extracontractuelles visées par l'article 2262bis du Code civil.

Elle n'est donc pas prescrite et le jugement dont appel doit être reformé. » (pages 19 à 21 de l'arrêt entrepris)

Griefs

Aux termes de l'article 2262bis, § 1er, du Code civil toutes les ac¬tions personnelles sont prescrites par dix ans. Par dérogation à l'alinéa 1er du¬dit article, toute action en réparation d'un dommage fondée sur une responsa¬bilité extracontractuelle se prescrit par cinq ans à partir du jour qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage ou de son aggravation et de l'identité de la personne responsable.

Dérogeant à l'article 2262bis, § 1er du Code civil, l'article 8 du dé¬cret du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subven¬tionné dispose que les actions naissant du contrat sont prescrites un an après la cessation de celui-ci ou cinq ans après le fait qui a donné naissance à l'action sans que ce dernier délai puisse excéder un an après la cessation du contrat.

La prescription annuelle de l'article 8 du décret précité s'applique à toutes les actions « naissant du contrat », que ce soit directement ou indirec¬tement. Il suffit que l'action n'a pas pu naître sans ledit contrat.

L'article 2257 du Code civil dispose que la prescription ne court point à l'égard d'une créance à jour fixe, jusqu'à ce que ce jour soit arrivé.

Il suit du rapprochement de ces dispositions légales que les de¬mandes qui visent l'exécution d'obligations nées du contrat, dont question dans le décret du 1er février 1993, dont l'échéance est postérieure à la cessa¬tion du contrat, sont soumises au délai de prescription d'un an prévu à l'article 8. Toutefois, ce délai ne prend cours qu'à l'échéance de ladite obligation.

En l'occurrence, la demanderesse avait mis un terme au contrat du premier défendeur en application de l'article 72, § 1er, 2°, du décret du 1er février 1993, lequel dispose que les contrats conclus avec les membres du personnel engagés à titre définitif prennent fin sans préavis lorsque ceux-ci, après une absence autorisée, négligent, sans motif valable, de reprendre leur service et restent absents pendant une période ininterrompue de plus de dix jours.

Par arrêt du 21 janvier 2010 la Cour du travail de Liège, section de Liège, confirmant la décision du premier juge, a considéré que cette rupture était irrégulière.

Il ressort des constatations de l'arrêt entrepris que cet arrêt est devenu définitif le 30 juin 2010, l'arrêt ayant été signifié le 31 mars 2010 (page 24, deuxième alinéa).

L'article 36, § 3, alinéa 1er, de la loi du 29 mai 1959 modifiant cer¬taines dispositions de la législation de l'enseignement, tel que complété par l'article 105 du décret du 1er février 1993 fixant le statut des membres du per¬sonnel subsidiés de l'enseignement libre subven¬tionné, dispose que « Lorsque la décision du pouvoir organisateur d'un établissement d'enseignement libre subventionné, mettant fin totalement ou partiellement à la charge d'un membre du personnel engagé à titre définitif, a été déclarée contraire aux prescriptions du décret fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné, par un jugement ou un arrêt définitif d'une juridiction du travail, la subvention-traitement correspondant à la charge ou à la partie de la charge qui lui a été retirée est versée à ce membre du person¬nel et aucune subvention-traitement n'est accordée au pouvoir organisateur pour le ou les membres du personnel auxquels la charge a été indûment attri¬buée. »

Selon le troisième alinéa de cet article la subvention-traitement qui est attribuée au pouvoir organisateur pendant la période qui se situe entre le licenciement illégitime et la notification à l'administration compétente du juge¬ment ou de l'arrêt, est réclamée à ce pouvoir organisateur.

L'article 36, § 3, quatrième alinéa, de ladite loi dispose enfin que « le membre du personnel reçoit la subvention-traitement à laquelle il aurait eu droit s'il était resté en activité de service. A partir de la notification susmen¬tionnée, l'administration paie directement la subvention-traitement au membre du personnel licencié irrégulièrement jusqu'au moment où il a été satisfait à une des quatre conditions susmentionnées. »

Il s'ensuit que le membre du personnel, dont le contrat a été rom¬pu de manière irrégulière par le pouvoir organisateur, a droit à la subvention-traitement correspondant à la charge ou à la partie de la charge qui lui a été retirée. Il reçoit la subvention-traitement à laquelle il aurait eu droit s'il était res¬té en activité de service.

L'enseignant peut ainsi inciter le pouvoir organisateur à le réinté¬grer dans sa fonction, l'article 36, § 3, de la loi du 29 mai 1959, qui dispose qu'aucune sub¬vention n'est accordée au pouvoir organisateur pour le ou les membres du personnel auquel la charge a été indûment attribuée, visant à forcer le pouvoir organisateur, dont la décision est jugée irrégulière, à restituer son emploi à l'enseignant irrégulièrement évincé.

Cette disposition ne trouve dès lors à s'appliquer qu'en cas de rupture illégale du contrat de travail liant le pouvoir organisateur de l'enseignement subventionné à l'enseignant.

Il s'ensuit que l'action du membre du personnel, qui a été démis irrégulièrement de sa charge, en paiement des subventions-traitement corres¬pondant à la charge ou à la partie de la charge qui lui a été retirée, devant inci¬ter le pouvoir organisateur à le réintégrer dans sa charge, trouve sa naissance dans le contrat qui a été rompu irrégulièrement. Sans ledit contrat, jamais le membre du personnel ne pourrait obliger le pouvoir organisateur, serait-ce in¬directement, à le réintégrer dans sa charge en poursuivant sa condamnation au paiement des subventions-traitement, correspondant à la charge ou à la partie de la charge qui lui a été retirée.

S'agissant d'une action qui ne pouvait point naître sans le contrat de travail, rompue de manière illégale, il s'ensuit que l'action tendant à en¬tendre condamner le pouvoir organisateur solidairement avec la Communauté française au paiement des subventions-traitement, correspondant à la charge ou à la partie de la charge qui lui a été retirée et, le cas échéant, à le réinté¬grer dans sa charge, se prescrit par un an, à compter du jugement ou de l'arrêt définitif de la juridiction du travail, qui a déclaré la décision de mettre fin totalement ou partiellement à la charge d'un membre du personnel engagé à titre définitif, contraire aux prescriptions du décret fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné, jour où le droit auxdites subventions-traitement devient exigible.

Partant, la cour du travail qui conclut que « l'action n'est pas sou¬mise au délai annal de prescription de l'article 8 du décret du 1er février 1993, mais bien au régime de droit commun de prescription des actions extracon¬tractuelles visées par l'article 2262bis du Code civil », notamment au motif qu'elle « ne naît pas du contrat de travail qui a lié les parties, mais de l'illégalité commise par le retrait de la charge de cours pour laquelle l'enseignant bénéficiait d'une nomination à titre définitif », n'a pas légalement motivé en droit sa décision (violation des articles 8, 72, § 1, 2°, et 105 du dé¬cret du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subven¬tionné, 36, § 3, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, tel que complété par l'article 105 du décret du 1er février 1993 fixant le statut des membres du per¬sonnel subsidiés de l'enseignement libre subven¬tionné, 2257 et 2262bis, § 1er, du Code civil).

DEVELOPPEMENTS

L'article 8 du décret du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subven¬tionné dis¬pose que les actions naissant du contrat sont prescrites un an après la cessa¬tion de celui-ci ou cinq ans après le fait qui a donné naissance à l'action sans que ce dernier délai puisse excéder un an après la cessation du contrat.

Cette disposition est comparable à l'article 15, alinéa 1er, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, lequel dispose que les actions naissant du contrat sont prescrites un an après la cessation de celui-ci ou cinq ans après le fait qui a donné naissance à l'action, sans que ce dernier délai puisse excéder un an après la cessation du contrat.

Il est admis, tant par la jurisprudence que par la doctrine, que les termes « naissant du contrat » dans l'article 15 de la loi du 3 juillet 1978 en¬globent toute action qui ne peut naître sans le contrat de travail, que ce soit directement ou indirectement, tout en ayant un lien suffisant avec lui (O. Vlas¬sembrouck, Le travailleur salarié face à la prescription pendant, après et en marge du contrat, in B. Compagnion (dir.), La prescription, Limal, Anthemis, 2011, 183-184 ; J. Clesse et F. Kefer, La prescription extinctive en droit du tra¬vail, JTT 2001, 202 ; W. van Eeckhoutte, De verjaring van contractuele en ex¬tracontractuele vorderingen in het arbeidsrecht, in I. Claeys (éd.), Verjaring in het privaatrecht. Weet de avond wat de morgen brengt ?, Mechelen, Kluwer, 2005, 293-294, n° 10; M. Cassiers, Termijnen in het arbeidsrecht, in F. Judo (éd.), Kent u de termijn nog ? Termijnregelingen in en buiten de procedure, Bruxelles, Larcier, 2004, 214).

Le délai demeure applicable lorsque l'action du créancier est née après la dissolution du contrat, telle que l'action tendant au paiement d'une indemnité compensatoire de la clause de non-concurrence prévue par l'article 65 de la loi du 3 juillet 1978, d'une indemnité d'éviction (Cass. 14 avril 1976, Pas. 1976, I, 840 ; Cass. 5 décembre 1977, Pas. 1978, I, 387), d'une indemni¬té spéciale de protection (Cass. 29 février 1988, Pas. 1988, I, n° 394 ; Cass. 25 mars 1991, Pas. 1991, I, n° 394) ou d'une indemnité complémentaire de prépension (Cass. 21 juin 1993, Pas. 1993, I, 597, et JTT 1993, 325 ; Cass. 21 octobre 2002, Pas. 2002, n° 554, et Chr.dr.soc. 2002, 165).

Le délai ne commence dans ce cas à courir qu'à la cessation du contrat de travail (Cass. 21 juin 1993, Pas. 1993, I, 597, et JTT 1993, 325 ; Cass. 21 octobre 2002, pas. 2002, n° 554, et Chr.dr.soc. 2002, 165; F. Kefer et J. Clessen, La prescription extinctive en droit du travail, in Les prescriptions et les délais, Jeune barreau de Liège, 2007, 138-139, n° 17).

Les demandes qui visent l'exécution d'obligations nées d'un con¬trat de travail, dont l'échéance est postérieure à la cessation du contrat, sont soumises au délai de prescription d'un an prévu à l'article 15, alinéa 1er, préci¬té ; ce délai ne prend cours qu'à l'échéance (Cass. 11 décembre 2006, Pas. 2006, n° 636 ; W. Rauws, De verjaring in het arbeidsrecht, in CBR (éd.), De verjaring. Vierde Antwerps Juristencongres, Antwerpen-Oxford, 2007, 8-9).

Mutatis mutandis les mêmes principes s'appliquent à l'article 8 du décret du 1er février 1993, dont le texte est identique.

La problématique de l'indemnité spéciale de protection est d'ailleurs similaire à la problématique, qui fut soumise à la cour du travail.

Ainsi, il fut décidé jadis que l'action exercée en raison du non-paiement de l'indemnité spéciale due, en cas de licenciement illégal, à l'ouvrier membre du comité de sécurité et d'hygiène est prescrite un an après la cessation du contrat de travail. Même si l'indemnité spéciale prévue par l'article 1er bis, alinéa 7, de la loi du 10 juin 1952 concernant la santé et la sé¬curité des travailleurs ainsi que la salubrité du travail et des lieux de travail n'est due que lorsque l'employeur n'a pas donné suite à la demande de réin¬tégration introduite par le travailleur illégalement licencié, cette indemnité est toutefois accordée en raison de l'irrégularité du licenciement et elle devient exigible au plus tard à l'expiration du délai pendant lequel l'employeur aurait dû accorder la réintégration demandée (Cass. 25 mars 1991, Pas. 1991, I, 699).

En l'occurrence, la demande vise à obtenir la condamnation de la demanderesse au paiement des subventions-traitement correspondant à la charge ou à la partie de la charge qui lui a été retirée et qu'il aurait reçues s'il était resté en activité de service, et par ce biais à obliger le pouvoir organisa¬teur à le réintégrer.

Cette demande trouve sa cause dans la rupture irrégulière du contrat, sans lequel cette action ne serait jamais née.

Il s'agit dès lors bel et bien d'une action, naissant du contrat, au sens de l'article 8 du décret du 1er février 1993, qui se prescrivait par l'écoulement du délai annal.

Partant, la cour du travail n'a pas pu décider légalement que cette demande, introduite par requête du 25 janvier 2013, soit plus de trois années après le prononcé de l'arrêt du 21 janvier 2010, qui a constaté de manière dé¬finitive le caractère irrégulier de la rupture, et près de trois années après que cet arrêt soit devenu définitif en l'absence de pourvoi en cassation à son en¬contre, n'était pas prescrite.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

- articles 20, 21, 23, tel que d'application avant sa modification par la loi du 19 octobre 2015, 25, 26, 27, 28, 608 et 1073 du Code judiciaire,
- articles 1146, 1147, 1149, 1150, 1151, 1382 et 1383 du Code civil,
- article 36, § 3, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement,
- articles 72, § 1er, 2°, et 105 du décret du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subven¬tionné,

Décision attaquée

Par l'arrêt entrepris du 23 octobre 2015 la Cour du travail de Liège déclare l'appel du premier défendeur recevable et fondé, dit pour droit que l'action n'est ni prescrite, ni couverte par l'autorité de chose jugée, condamne solidairement la demanderesse et la seconde défenderesse au paiement à ce titre de la somme d'un euro provisionnel sur la somme évaluée sous toutes réserves à la somme de 228.661,14 euros, telle qu'arrêtée au 30 juin 2015, outre les intérêts, et jusqu'à ce que la demanderesse se prononce sur la réin-tégration du premier défendeur ou que survienne une cause de cessation dé¬finitive de ses fonctions pour des raisons indépendantes du litige, dit pour droit qu'en cas de réintégration du premier défendeur la demanderesse sera tenue de le réintégrer également dans les charges de cours exercées à titre tempo¬raire prioritaire, condamne à cet effet les deux parties intimées à produire les documents permettant de valoriser les charges de cours exercées en cette qualité par le premier défendeur, condamne les parties intimées solidairement à hauteur d'un euro provisionnel au titre de la régularisation de la situation du premier défendeur à l'égard de l'ONSS, déclare l'action incidente en interven¬tion et garantie dirigée par la Communauté française contre la demanderesse recevable et fondée en son principe, et réserve à statuer sur le montant défini¬tif des subventions-traitements auquel peut prétendre l'intéressé, dans l'attente que les parties établissent un décompte contradictoire compte tenu notamment du montant de celles auxquelles le premier défendeur pouvait pré¬tendre postérieurement à son accident du travail du 15 novembre 2006 jusqu'au 1er mars 2013, date de la consolidation des lésions, et ensuite tant que s'appliquera au premier défendeur la protection consacrée par l'article 105, § 3, du décret du 1 février 1993. La cour remet ensuite la cause sine die à cet effet à charge de la partie la plus diligente d'en redemander fixation. Cette décision repose sur les considérations suivantes :

« 2.1. Par citation signifiée en date du 26 décembre 2005 à son ex-employeur, l'intéressé a sollicité du tribunal du travail de Liège la condamnation de (la demanderesse) au paiement d'une somme de 25.000 euro à titre de dommages et intérêts à majorer des intérêts au taux légal depuis la date de la rupture contractuelle.

2.2. En cours d'instance, cette demande a été portée à la somme de 275.189,05 euro , représentant le préjudice qu'il soutient avoir subi du fait de la rupture du contrat de travail, en fonction de son âge (né en 1952), de son an¬cienneté dans cette fonction (23,4 ans), de la rémunération qui y était attachée (21.772,82 euro ) et de la durée pendant laquelle il aurait pu rester en fonction jusqu'à sa prise de pension de retraite (12 ans et 8 mois).

2.3. Il a complété cette demande par voie de conclusions de synthèse dépo¬sées en cours d'instance aux fins d'introduire une demande nouvelle fondée cette fois sur l'article 105, § 3, du décret précité du 1er février 1993.

(...)

2.4. Par son jugement du 17 juin 2008, le tribunal du travail de Liège a consta¬té le caractère irrégulier de la rupture en reconnaissant que (le premier défen¬deur) faisait valoir un motif médicalement justifié de son absence de reprise du travail en janvier 2005.

Ce même jugement a, partant, fait partiellement droit à la demande originaire telle qu'étendue en cours d'instance, en considérant que le préjudice décou¬lant de cette rupture irrégulière devait être réparé par des dommages et inté¬rêts fixés en équité à une somme de 55.000 euro .

En revanche, ce jugement a considéré que la demande nouvelle invitant pour rappel le tribunal à faire application du mécanisme spécifique de protection dont question supra était irrecevable, au motif qu'elle avait été introduite de façon prématurée, du fait qu'aucune décision judiciaire définitive - condition d'application sine qua non de l'article 105, § 3 du décret précité - n'était, par la force des choses, encore intervenue à la date à laquelle le tribunal avait pris la cause en délibéré et prononcé son jugement.

2.5. Saisie de l'appel dirigé contre ce jugement par (la demanderesse), la cour du travail de Liège l'a, par arrêt du 21 janvier 2010, confirmé en toutes ses dispositions, et ce, aux termes de la motivation suivante, après avoir constaté, comme l'avaient fait les premiers juges, que la rupture d'office du contrat de travail, intervenue le 3 février 2005 avec effet au 1er janvier 2005, était irrégu¬lière et fautive :

« La faute de (la demanderesse) a causé un dommage (au premier défen¬deur). Ce dernier invoque à juste titre que ce dommage n'est pas seulement matériel (perte de traitement) mais également moral (perte d'un emploi définitif après plus de 20 ans de carrière, stress...).

Le dommage subi ne peut être évalué qu'ex aequo et bono.

La cour estime qu'elle dispose d'assez d'éléments pour fixer les dommages et intérêts sans attendre d'autres éléments.

Compte tenu de ce que (le premier défendeur) a perdu une charge de cours à temps partiel exercée depuis 23 ans, de ce qu'il était âgé de 53 ans, du préju¬dice moral subi à l'occasion de la rupture mais également du fait qu'il a exercé par la suite d'autres emplois, la cour fixe l'indemnité à allouer à 55.000 euro . Les intérêts sur des dommages et intérêts sont dus à dater de la citation.

L'appel principal et l'appel incident ne sont pas fondés.

Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions. » » (pages 4 et 5 de l'arrêt entrepris)

Après avoir rappelé à la page 22 les principes gouvernant l'autorité de chose jugée et à la page 23 les thèses défendues par les parties, la cour du travail considère :

« 3.4. L'argumentation développée de la sorte par les deux parties intimées se heurte cependant au dispositif même de l'arrêt du 21 janvier 2010, lequel a, d'une part, effectivement limité l'indemnisation du préjudice matériel et moral découlant de la rupture irrégulière du contrat de travail à la somme de 55.000 euro , mais a, d'autre part, confirmé « en toutes ses dispositions » le jugement dont appel, qui avait été prononcé en cette cause le 17 juin 2008 et qui, pour rappel, avait considéré que la demande fondée sur l'article 105, § 3, précité était irrecevable, parce que prématurée, à défaut d'une décision judiciaire dé¬finitive ayant constaté l'irrégularité de la rupture.

3.5. Il ne peut dès lors qu'être constaté que ni le jugement du 17 juin 2008 ni l'arrêt du 21 janvier 2010 l'ayant confirmé en toutes ses dispositions n'ont tranché cette demande qui ne pouvait, en règle, être introduite qu'après le constat de l'irrégularité du retrait de la charge d'enseignement pour laquelle (le premier défendeur) il avait été nommé à titre définitif eut été coulé en force de chose juge.

Cet arrêt n'ayant été signifié que le 31 mars 2010, ladite action fondée sur l'article 105, § 3, du décret du 1er février 1993 ne pouvait donc être introduite que postérieurement au 30 juin 2010, date d'expiration du délai pour se pour¬voir en cassation.

Il n'y a donc pas, contrairement à ce que soutiennent les parties intimées, identité de cause et d'objet entre les deux actions.

La première, qui a été tranchée par l'arrêt précité, a fixé le montant du préju¬dice découlant de la rupture irrégulière du contrat de travail de l'intéressé, sous forme de dommages et intérêts calculés à hauteur de l'équivalent, outre un dommage moral, de l'indemnité compensatoire de préavis qui aurait été accordée, mais sur la base de la loi du 3 juillet 1978, à un travailleur du même âge, percevant la même rémunération pour une fonction analogue et bénéfi¬ciant de la même ancienneté. A été réparée de la sorte le préjudice contrac¬tuel résultant de l'inexécution fautive du contrat à durée indéterminée, auquel il a été mis fin sans juste motif par (la demanderesse).

Ce faisant, l'arrêt du 21 janvier 2010 paraît être parti du présupposé qu'aucune réintégration de l'intéressé n'était envisageable, de sorte que l'emploi était définitivement perdu et qu'il n'était pas nécessaire « d'attendre d'autres éléments » pour fixer la hauteur du dommage.

Or, la seconde action, qui fait l'objet du présent arrêt, laquelle est fondée sur l'article 105, § 3, du décret du 1er février 1993 et dont l'arrêt du 21 janvier 2010 a dit pour droit - confirmant en cela le jugement dont appel -- , qu'elle était ir¬recevable du fait qu'elle avait été introduite prématurément, repose sur une cause distincte, extracontractuelle celle-là, qui a trait, en application de la dis¬position décrétale précitée, à l'octroi de subventions-traitement dont l'intéressé a été illégalement privé et ce, depuis le retrait irrégulier de sa charge de cours jusqu'à ce qu'une des circonstances visées par ledit article 105, § 3, se soit produite.

3.6. Comme le relève à juste titre le conseil (du premier défendeur) dans le présent litige, l'objet de cette action, lequel consiste à pouvoir bénéficier d'une réintégration dans la charge de cours dont il a été irrégulièrement évincé, par le biais de l'effet incitateur voulu par le législateur décrétal, n'a pas été tranché par l'arrêt du 21 janvier 2010 qui l'a au contraire jugée irrecevable parce que prématurée.

3.7. L'objet de ladite action consiste en l'obtention de la réparation en nature - et à défaut par équivalent - du préjudice causé par l'acte illicite, postérieure¬ment à sa constatation définitive, par le biais de la réintégration dans les fonc¬tions dont l'enseignant a été illégalement déchargé, et pour la période révolue pour laquelle cette réintégration n'est plus possible, par l'octroi des subven¬tions-traitement afférentes à cette charge de cours.

La cause de cette action se trouve dans l'application, au retrait irrégulier, de la charge de travail dans laquelle l'intéressé avait été nommé à titre définitif, du mécanisme incitateur et sanctionnateur institué par l'article 105, § 3, et desti¬né, en l'absence de réintégration ou des autres causes de cessation de cette protection, à la réparation, sous la forme de l'octroi des subventions-traitement dont cet enseignant a été irrégulièrement privé, du préjudicie extra contractuel résultant de la faute commise par le pouvoir organisateur de la première partie intimée le 3 février 2005, avec effet au 1er janvier 2005.

3.8. La circonstance que l'arrêt précité du 21 janvier 2010 n'ait pas attendue la mise en œuvre de ce mécanisme pour trancher le préjudice découlant de inexécution fautive du contrat de travail ne pourrait avoir pour effet de faire obstacle à l'action faisant l'objet du présent litige, visant à la réparation du pré¬judice extracontractuel consistant en l'octroi des subventions-traitement au¬quel il eût pu prétendre, n'eût été la faute commise par la première partie.

La présente cour ne pourrait, sans violer l'article 105, § 3, du décret du 1er fé¬vrier 1993, dire pour droit que l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt du 21 janvier 2010, fait obstacle à l'application de ce mécanisme protecteur en faveur de l'enseignant du réseau libre subventionné illégalement démis des fonctions pour lesquelles il bénéficiait d'une nomination définitive, alors même que ledit arrêt a expressément décidé, confirmant en cela le jugement du 24 juin 2008 dont la réformation lui était demandée, que cette demande était irre-cevable parce que prématurée.

Il ne peut qu'être déduit du dispositif de cet arrêt que, pas davantage que ne l'avait fait le jugement dont appel, il n'a tranché la demande fondée sur l'article 105, § 3.

De façon paradoxale, l'exception de chose jugée, invoquée par les deux par¬ties intimées aurait, si elle était retenue par la cour, comme conséquence de refuser en l'espèce toute application à cet article 105, § 3, du décret du 1er fé¬vrier 1993, en admettant qu'introduite avant qu'une décision définitive ait cons¬taté le caractère irrégulier du retrait de la charge de cours, pareille demande ne peut être que prématurée et que reformulée après que cette condition eut été remplie, elle s'opposerait à l'autorité de chose jugée.

Pareille décision priverait de tout effet le dispositif décrétal en question.

3.9. (...)

Le préjudice extracontractuel que cet article 105, § 3, entend réparer en fa¬veur de l'enseignant du réseau libre subventionné illégalement démis de ses fonctions consiste donc en l'atteinte portée à la stabilité particulière d'emploi dont jouit, en vertu du décret du 1er février 1993, celui qui dispose d'une nomi¬nation à titre définitif pour l'exercice d'une charge de cours »

3.10. En conclusion sur ce second moyen d'irrecevable de l'action, l'absence d'identité d'objet et de cause - et, accessoirement d'identité de parties - entre l'action tranchée par l'arrêt précité du 21 janvier 2010 de notre cour et celle faisant l'objet du présent litige a pour conséquence que l'exception de chose jugée opposée par les deux parties intimées doit être écartée ».

Elle décide ensuite, après examen du fondement de l'action prin¬cipale, que la Communauté française est tenue au paiement des subventions-traitement dont le premier défendeur a illégalement été privé par le licencie¬ment irrégulier prenant effet le 1er janvier 2005 et que l'action en garantie de la deuxième défenderesse dirigée contre la demanderesse est en son principe fondée.

Griefs

Première branche

Aux termes de l'article 23 du Code judiciaire, tel que d'application avant sa modification par la loi du 19 octobre 2015, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet de la décision. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Toutefois, de ce qu'il n'y a pas identité entre l'objet et la cause d'une action définitivement jugée et ceux d'une autre action ultérieurement exercée entre les mêmes parties, il ne se déduit pas nécessairement que pa¬reille identité n'existe à l'égard d'aucune prétention ou contestation élevée par une partie dans l'une ou dans l'autre instance ni, partant, que le juge puisse accueillir une prétention dont le fondement est inconciliable avec la chose an¬térieurement jugée.

Aux termes de l'article 25 du Code judiciaire l'autorité de la chose jugée fait obstacle à la réitération de la demande.

Selon l'article 26 du Code judiciaire l'autorité de la chose jugée subsiste tant que la décision n'a pas été infirmée.

L'article 27 du Code judiciaire dispose que l'exception de chose jugée peut être invoquée en tout état de cause devant le juge du fond saisi de la demande.

Enfin, aux termes de l'article 28 du Code judiciaire toute décision passe en force de chose jugée dès qu'elle n'est plus susceptible d'opposition ou d'appel, sauf les exceptions prévues par la loi et sans préjudice des effets des recours extraordinaires.

Par ailleurs, les éventuelles illégalités, dont serait entachée la première décision, dont l'autorité de chose jugée est invoquée, n'autorise au¬cunement le juge, saisi d'une nouvelle demande, à revenir sur ce qui a été dé¬cidé.

En effet, en application de l'article 20 du Code judiciaire les juge¬ments ne peuvent être anéantis que sur les recours prévus par la loi, soit aux termes des articles 21, 608 et 1073 du Code judiciaire le pourvoi en cassation lorsque la décision a été rendue en dernière instance.

En l'occurrence, la cour du travail constate dans l'arrêt entrepris que le dispositif même de l'arrêt du 21 janvier 2010 a limité l'indemnisation du préjudice matériel et moral découlant de la rupture irrégulière du contrat de travail à la somme de 55.000 euros, tout en confirmant « en toutes ses dispo¬sitions » le jugement dont appel, qui avait été prononcé le 17 juin 2008 et qui avait considéré que la demande, fondée sur l'article 105, § 3 du décret du 1er février 1993, était irrecevable, car prématurée, à défaut d'une décision judi¬ciaire définitive ayant constaté l'irrégularité de la rupture.

Il s'ensuit que, si la cour du travail a considéré jadis que l'action fondée sur l'article 105, § 3, du décret du 1er février 1993 était irrecevable, elle n'en a pas moins déjà condamné la demanderesse à payer au premier défen¬deur une indemnité de 55.000 euros du chef du préjudice matériel et moral, découlant de la rupture irrégulière du contrat de travail, et, partant, a fait droit à une demande en indemnisation du dommage, résultant de la rupture irrégu¬lière du contrat.

La demande en la présente cause avait pour objet le paiement des subventions-traitement, auxquelles le premier défendeur aurait eu droit si la charge ou la partie de la charge qui lui avait été retirée ne lui avait pas été retirée irrégulièrement, et, partant, visait à obtenir une indemnisation du dom¬mage, occasionné par la rupture irrégulière du contrat, ce en appliquant les critères de l'article 105, § 3, du décret du 1er février 1993.

Il s'ensuit que, tout comme la demande, à laquelle il fut fait droit par l'arrêt du 21 janvier 2010, la demande soumise dans le présent litige à la cour du travail, avait pour objet le dédommagement du dommage subi en rai¬son de la rupture irrégulière du contrat.

Partant, la cour du travail n'a pas pu décider légalement, sans méconnaître l'autorité de chose jugée, attachée à l'arrêt de la Cour du travail de Liège du 21 janvier 2010, que celui-ci n'avait pas fait droit sur une de¬mande ayant le même objet, à savoir l'obtention d'une indemnité en raison du dommage matériel résultant de la rupture du contrat l'attachant à la demande¬resse, et la même cause, à savoir la rupture irrégulière du contrat (violation des articles 23, tel que d'application avant sa modification par la loi du 19 oc¬tobre 2015, 25, 26, 27 et 28 du Code judiciaire). En outre, en déniant à l'arrêt du 21 janvier 2010 l'autorité de chose jugée au motif qu'une telle interprétation équivaudrait à violer l'article 105, § 3, du décret du 1er février 1993, dont la cour du travail a jadis cru ne pas devoir faire application en fixant l'indemnité réclamée en raison de la rupture irrégulière du contrat, sans que cette décision n'ait donné lieu à une critique devant la Cour de Cassation, remettant ainsi en question la décision rendue le 21 janvier 2010, ayant fait droit sur la demande d'indemnisation du chef du dommage matériel, subi en raison de la rupture irrégulière du contrat, la cour du travail ne motive pas davantage sa décision légalement en droit (violation des articles 23, tel que d'application avant sa modification par la loi du 19 octobre 2015, 20, 21, 25, 26, 27, 28, 608 et 1073 du Code judiciaire).

Deuxième branche

Il ressort des articles 1146, 1147, 1149, 1150, 1151, 1382 et 1383 du Code civil que toute partie a droit à l'indemnisation du dommage qu'il a subi en raison de la faute contractuelle ou extracontractuelle, commise par son co¬contractant ou par un tiers, sans que cette indemnité ne puisse toutefois excé¬der le dommage réellement subi.

Cette indemnité sera, le cas échéant, fixée forfaitairement, eu égard à des critères prescrites à cet effet par le législateur (décrétal).

En l'occurrence, il ressort des constatations de l'arrêt entrepris que par arrêt du 21 janvier 2010 le premier défendeur avait déjà obtenu de la Cour du travail de Liège une indemnité, fixée ex aequo et bono à la somme de 55.000 euros, du chef du dommage matériel et moral, subi en raison de la rup¬ture irrégulière du contrat, le liant à la demanderesse, notamment la perte de traitement.

Par l'arrêt entrepris il est fait droit sur une demande, cette fois fondée sur l'article 105 du décret du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subven-tionné, soit en fait l'article 36, § 3, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, tel que complété par l'article 105 du décret du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subven-tionné.

Il ressort de cette disposition que « Lorsque la décision du pouvoir organisateur d'un établissement d'enseignement libre subventionné, mettant fin totalement ou partiellement à la charge d'un membre du personnel engagé à titre définitif, a été déclarée contraire aux prescriptions du décret fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subven¬tionné, par un jugement ou un arrêt définitif d'une juridiction du travail, la sub¬vention-traitement correspondant à la charge ou à la partie de la charge qui lui a été retirée est versée à ce membre du personnel et aucune subvention-traitement n'est accordée au pouvoir organisateur pour le ou les membres du personnel auxquels la charge a été indûment attribuée. »

Selon le troisième alinéa de l'article 36, § 3, de cette loi la subven¬tion-traitement qui est attribuée au pouvoir organisateur pendant la période qui se situe entre le licenciement illégitime et la notification à l'administration com¬pétente du jugement ou de l'arrêt, est réclamée à ce pouvoir organisateur.

L'article 36, § 3, quatrième alinéa, de ladite loi dispose enfin que « le membre du personnel reçoit la subvention-traitement à laquelle il aurait eu droit s'il était resté en activité de service. A partir de la notification susmen¬tionnée, l'administration paie directement la subvention-traitement au membre du personnel licencié irrégulièrement jusqu'au moment où il a été satisfait à une des quatre conditions susmentionnées. »

Il s'ensuit que le membre du personnel, dont le contrat a été rom¬pu de manière irrégulière par le pouvoir organisateur, a droit à titre de dé¬dommagement à la subvention-traitement correspondant à la charge ou à la partie de la charge qui lui a été retirée. Il reçoit la subvention-traitement, à la¬quelle il aurait eu droit s'il était resté en activité de service, soit le traitement correspondant à la charge de cours non exercé en raison de la rupture du contrat.

Cette indemnité vise dès lors à indemniser la perte de rémunéra¬tion, résultant de la rupture irrégulière du contrat et, partant, un dommage ma¬tériel.

Or, par la décision précitée du 21 janvier 2010 le premier défen¬deur a déjà obtenu, selon les constatations de l'arrêt entrepris, une indemnité de la perte matérielle résultant de la rupture irrégulière du contrat, consistant notamment en la perte d'un traitement, fixée ex aequo et bono.

Partant, en faisant droit à la nouvelle demande d'indemnisation du premier dé¬fendeur et en condamnant solidairement la demanderesse et la seconde dé¬fenderesse au paiement à ce titre de la somme d'un euro provisionnel sur la somme évaluée sous toutes réserves à la somme de 228.661,14 euros, telle qu'arrêtée au 30 juin 2015, outre les intérêts, et jusqu'à ce que la demande¬resse se prononce sur la réintégration du premier défendeur ou que survienne une cause de cessation définitive de ses fonctions pour des raisons indépen¬dantes du litige, la cour du travail accorde au premier défendeur une indemnité en raison de dommage, duquel il a déjà été indemnisé par l'octroi d'une in¬demnité fixée ex aequo et boni par l'arrêt du 21 janvier 2010, ce en mécon¬naissance de la règle que la victime d'une faute contractuelle ou extracontrac¬tuelle ne peut jamais obtenir deux fois, à charge de la même personne, une indemnité compensant le même dommage, sous peine de s'enrichir au détri¬ment de celle-ci et d'obtenir une indemnité excédant le dommage réellement subi (violation des articles 1146, 1147, 1149, 1150, 1151, 1382, 1383 du Code civil, 36, § 3, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, tel que complété par l'article 105 du décret du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subven¬tionné, et 105 du décret du 1er février 1993 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subven¬tionné).

DEVELOPPEMENTS

1. L'autorité de la chose jugée s'attache à ce qui a fait l'objet de la décision. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Toutefois, de ce qu'il n'y a pas identité entre l'objet et la cause d'une action définitivement jugée et ceux d'une autre action ultérieurement exercée entre les mêmes parties, il ne se déduit pas nécessairement que pa¬reille identité n'existe à l'égard d'aucune prétention ou contestation élevée par une partie dans l'une ou dans l'autre instance ni, partant, que le juge puisse accueillir une prétention dont le fondement est inconciliable avec la chose an¬térieurement jugée (Cass. 14 février 2002, Pas. 2002, n° 105 ; Cass. 27 mai 2004, Pas. 2004, n° 290 ; Cass. 20 mars 2006, Pas. 2006, n° 184 ; Cass ; 4 décembre 2008, Pas. 2008, n° 698).

En l'occurrence, il ressort des constatations de l'arrêt entrepris que la cour du travail a déjà fait droit par un arrêt du 21 janvier 2010 à une demande d'indemnisation et a condamné la demanderesse à payer au pre¬mier défendeur une indemnité de 55.000 euros du chef du préjudice matériel et moral découlant de la rupture irrégulière du contrat de travail.

La présente demande a également pour objet la condamnation de la demanderesse au paiement de dommages-intérêts, à savoir, le paiement des subventions-traitement, auxquelles le premier défendeur aurait eu droit si la charge ou la partie de la charge qui lui a été retirée ne lui avait pas été reti¬rée irrégulièrement, déterminé en application de l'article 105, § 3, du décret du 1er février 1993.

Si cette indemnité est calculée selon des critères spécifiques, il n'empêche qu'elle a pour objet l'indemnisation du même dommage, à savoir le dommage matériel subi en raison de la rupture du contrat et, partant, la perte de traitements.

Partant, l'autorité de chose jugée, attachée à l'arrêt du 21 janvier 2010, s'opposait à ce que la cour du travail fasse à nouveau droit sur une de¬mande, tendant à faire condamner la demanderesse au paiement des subven¬tions-traitement qui auraient été dues si le premier défendeur était resté en activité.

2. A tout le moins, l'octroi de la demande revient à accorder au premier défendeur deux fois une indemnité, indemnisant le même dommage, à savoir le dommage matériel, résultant de la rupture irrégulière du contrat, consistant en la perte du traitement.

PAR CES CONSIDERATIONS

Conclut pour la demanderesse l'avocat à la Cour de Cassation soussignée qu'il Vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt entrepris et renvoyer la cause à une autre cour du travail ; dépens comme de droit.

Bruxelles, le 22 avril 2016.

Pièce unique, jointe au présent pourvoi :

Une copie conforme de l'arrêt du 21 janvier 2010 de la Cour du travail de Liège, section de Liège (RG 2008/AL/35834).


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : S.16.0027.F
Date de la décision : 05/03/2018

Analyses

ENSEIGNEMENT


Parties
Demandeurs : Centre de Promotion Sociale pour Educateurs
Défendeurs : M.T. et Communauté française

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-03-05;s.16.0027.f ?

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